Lespremiers travaux consistent Ă  couler une dalle de bĂ©ton en lĂ©gĂšre pente (0,5° Ă  1°) pour l’évacuation de l’eau de pluie. Pour les dalles de bĂ©ton, nous vous conseillons de faire appel Ă  un professionnel. N’hĂ©sitez pas Ă  demander plusieurs devis. Enfin, si vous souhaitez recouvrir une terrasse de carrelage, utilisez un revĂȘtement gĂ©otextile sous le lambourdage pour une ï»żUne terrasse en extĂ©rieur est un vĂ©ritable prolongement de l’habitation et un espace de vie en plein air. Pour la rĂ©aliser, il est souvent nĂ©cessaire de couler une dalle bĂ©ton pour ensuite poser un revĂȘtement. En lisant ce guide vous saurez, Ă©tape par Ă©tape, comment couler une dalle en bĂ©ton pour terrasse. Demandez votre devis de matĂ©riaux ici Pourquoi couler une dalle bĂ©ton pour terrasse ? L’amĂ©nagement des extĂ©rieurs d’une maison implique des travaux consĂ©quents. Il peut s'agir de la rĂ©alisation d’un abri de jardin, la construction d’un garage et bien sĂ»r, la crĂ©ation d’une terrasse. La rĂ©alisation d’une dalle bĂ©ton assure de la soliditĂ© et protĂšge l’ouvrage contre les problĂšmes liĂ©s Ă  l’humiditĂ© et aux intempĂ©ries. La rĂ©alisation d’une dalle en bĂ©ton est incontournable lorsqu’il s’agit de poser un carrelage. Elle est d'ailleurs conseillĂ©e pour supporter d’autres revĂȘtements y compris pour poser des lambourdes sur plots ou au sol. Couler une dalle bĂ©ton est une opĂ©ration relativement simple Ă  faire. Les prĂ©requis nĂ©cessaires Ă©tant d'avoir une bonne condition physique, savoir utiliser une bĂ©tonniĂšre et prendre des mesures. Voici les Ă©tapes Ă  suivre pour la rĂ©alisation des travaux DĂ©caisser le sol et faire le coffrageRĂ©aliser l’assise de la dallePlacer le film polyane et le treillisCouler le bĂ©ton sur l’armature Outils et fournitures nĂ©cessaires Ă  la pose SableBĂ©tonGravier finGravier moyenMĂštre rubanNiveau Ă  bulleRĂšgle de maçonCoupe-boulonPlanches de coffrage et tasseauxDame de maçonCalesHuile de dĂ©coffrageBrouetteBĂ©tonniĂšreFilm polyaneBande compressible de 10 mmTreillisFer Ă  jointMeuleuse avec un disque diamantĂ© si sciage des joints de fractionnementRĂąteau Équipements de protection individuelle Ă  prĂ©voir VĂȘtements de travailGants de protectionLunettes de protectionChaussures de sĂ©curitĂ©Masque de protection des voies respiratoiresCasque antibruit Cette liste est donnĂ©e Ă  titre indicatif, adaptez vos EPI en fonction des spĂ©cificitĂ©s de votre chantier. Étape 1 dĂ©caisser le sol et faire le coffrage Commencez par dĂ©caisser le sol sur 20 cm minimum. Pour les petites surfaces jusqu’à 12 mÂČ il est possible de le faire Ă  l’aide de la pelle, la bĂȘche et la pioche. La brouette est trĂšs utile pour Ă©vacuer la terre et les gravats. Pour des surfaces plus importantes, la location d’une mini pelle est Ă  envisager. Tracez le pĂ©rimĂštre de la future dalle Ă  l’aide de 4 piquets plantĂ©s sur les extrĂ©mitĂ©s et d’une ficelle ensuite les planches en bois pour faire le coffrage. Utilisez des panneaux de coffrage de 27 mm d’ au coffrage la pente de drainage nĂ©cessaire pour l’évacuation des eaux de pluie. La pente doit s’orienter vers l’extĂ©rieur et ĂȘtre d’au moins 1,5%. Cela reprĂ©sente 1,5 cm par mĂštre. Pour la vĂ©rifier munissez-vous d’une rĂšgle de maçon et d’un niveau Ă  la dalle est adossĂ©e Ă  la maison, prĂ©voyez une diffĂ©rence de niveau de 2 Ă  3 cm revĂȘtement de sol compris en moins par rapport au plancher de la maison. Cela facilitera le drainage des eaux de pluie. A noter que si la dalle est destinĂ©e Ă  tout autre ouvrage plancher d’abri de jardin, garage, etc. il n’est pas obligatoire de faire une pente. Étape 2 rĂ©aliser l’assise de la dalle bĂ©ton AprĂšs avoir rĂ©alisĂ© les ajustements nĂ©cessaires, huilĂ© les planches et clouĂ© le coffrage aux tasseaux, procĂ©dez Ă  la rĂ©alisation de l’assise de la dalle. RĂ©alisez un mĂ©lange de gravier et de sable dans les mĂȘmes proportions sur une bĂąche, Ă  l’aide de la pelle de la grave de 0/30 mĂ©lange de gravier moyen et de sable, Ă  l’aide de la brouette, sur toute la surface dĂ©caissĂ©e et formez une couche de 10 cm. Tassez l’ensemble avec la dame de ensuite du gravier fin d'un calibre de 2/4, ou du sable de granulomĂ©trie 0/2 pour combler les irrĂ©gularitĂ©s de la couche de grave et faciliter le drainage des au rĂąteau pour rĂ©aliser une couche de 2 cm avec le gravier fin ou le sable, Ă©galisez la surface et tassez Ă  nouveau avec la dame de maçon. Étape 3 placer le film polyane et le treillis La pose du film polyane a pour but d’éviter l’infiltration de l’eau par capillaritĂ© dans la dalle. En mĂȘme temps, le polyane et la bande compressible permettent d’isoler la dalle de la structure maçonnĂ©e de l’habitation. DĂ©pliez le film polyane sur toute l’assise en chevauchant les lĂ©s sur 15 cm et en les remontant lĂ©gĂšrement 3 Ă  3,5 cm sur le habitation remontez le film polyane et ajoutez une bande compressible de 10 mm entre le polyane et l’armature. Le but Ă©tant de dĂ©solidariser la dalle de la maison pour Ă©viter tout risque de les cales de 5 cm de hauteur sur les jonctions des lĂ©s et disposez-les uniformĂ©ment tous les 40 ensuite le treillis sur les cales. Assurez-vous qu’ils couvrent toute la surface, en retrait de 3 Ă  5 cm du le treillis aux bonnes dimensions Ă  l’aide du coupe-boulon. Les joints de fractionnement d'une dalle extĂ©rieure Si vous rĂ©alisez une dalle de plus de 15 mÂČ, il faudra que vous prĂ©voyiez des joints de fractionnement ou de retrait, ils servent Ă  Ă©viter, lĂ  encore, le risque de fissuration de la dalle bĂ©ton. Pour rĂ©aliser le joint de fractionnement, vous avez le choix entre trois techniques Poser les joints en PVC sur le tiers supĂ©rieur de la dalle bĂ©ton. Ils sont Ă  fixer sur des supports dĂ©diĂ©s avant le coulage de la dalle. Leur bord supĂ©rieur doit coĂŻncider avec le niveau fini du bĂ©ton. Il s'agit de rĂšgles souples, plus larges sur leur base et Ă©troites sur leur partie des dĂ©coupes d’une profondeur de 5 cm Ă  la meuleuse Ă©quipĂ©e d’un disque diamantĂ©. Cette opĂ©ration est Ă  rĂ©aliser aprĂšs sĂ©chage complet de la dalle 72 heures. Pour une dĂ©coupe droite, tracez prĂ©alablement une ligne droite sur le sol. PrĂ©voyez les EPI adaptĂ©s chaussures de sĂ©curitĂ©, casque antibruit, lunettes de protection, gants.Utiliser un fer Ă  joint, cet outil permet de faire le joint lorsque le bĂ©ton est encore frais. Il convient alors de poser une rĂšgle en parallĂšle au joint Ă  rĂ©aliser. En appuyant l'outil contre celle-ci, il faut le glisser le long du joint sans trop l'appuyer ni l'enfoncer. Cette technique, bien connue des maçons, requiert cependant une certaine dextĂ©ritĂ©. Étape 4 couler le bĂ©ton sur l’armature Pour calculer la quantitĂ© de bĂ©ton nĂ©cessaire pour votre dalle bĂ©ton, faites le calcul suivant longueur en mĂštres X largeur en mĂštres X hauteur en mĂštres = volume en m3 Pour 1 m3 de dalle avec armature, prĂ©voyez 350 kg de bĂ©ton. Vous pouvez rĂ©aliser un mĂ©lange ciment / gravier / sable /eau, ou opter pour du bĂ©ton tout prĂȘt auquel vous ajouterez de l’eau. Dans tous les cas, rĂ©alisez votre bĂ©ton Ă  l’aide d’une bĂ©tonniĂšre, vous gagnerez en efficacitĂ© et en rapiditĂ©. Voici les Ă©tapes Ă  suivre. Poser des tasseaux intermĂ©diaires parallĂšles au coffrage pour servir de guide Ă  la rĂšgle de le bĂ©ton Ă  la bĂ©tonniĂšre suivant le dosage prĂ©conisĂ© par le fabricant. A noter que, pour les dalles bĂ©ton de grandes dimensions, il est plus simple de faire intervenir un camion le bĂ©ton, Ă  l’aide de la brouette, en commençant par la partie Ă©levĂ©e de l’ la rĂšgle de maçon tirer le bĂ©ton en s’appuyant sur les planches du coffrage et les tasseaux, en reculant et en les tasseaux et Ă©galiser avec une taloche pour bien lisser le bĂ©ton en surface. Attendez 24 heures avant le dĂ©coffrage. Retirez les dĂ©bords de polyane au cutter. Attendez d'une semaine Ă  un mois avant de rĂ©aliser une chape ou poser votre carrelage d’extĂ©rieur ou tout autre revĂȘtement. VoilĂ  votre dalle bĂ©ton pour terrasse est prĂȘte ! Demandez votre devis de matĂ©riaux ici Vous avez envie d’aller plus loin dans l’amĂ©nagement de vos extĂ©rieurs ? Consultez les guides rĂ©digĂ©s par nos experts, vous y trouverez des conseils utiles pour rĂ©aliser vos projets. Pourconstruire une terrasse en bĂ©ton, vous devez abaisser le sol. VĂ©rifiez ensuite que le sol est droit et rĂ©gulier. A voir aussi : Conseils pour mettre peinture mur. Ensuite, posez le ternaire de 10 cm d’épaisseur (c’est une couche de pierre) sur le sol. Enfin, ajoutez 5 cm de sable au ternaire et tassez bien. Le soleil, l’étĂ© et la canicule sont arrivĂ©s, il est probablement grand temps d’installer sa piscine hors sol. Que ce soit dans la terrasse ou le jardin pour profiter des baignades pendant toute la journĂ©e. Vous venez d’acheter une piscine hors sol, mais vous n’avez pas encore achetĂ© la dalle de protection ? Dans cet article, nous vous aidons Ă  choisir la dalle de protection selon vos besoins et les caractĂ©ristiques de votre piscine. Qu’est-ce qu’une dalle de protection pour piscine ? AprĂšs avoir commandĂ© une piscine hors-sol, vous devez ajouter un support qui servira Ă  accueillir le bassin de la piscine. La dalle de protection a deux fonctions la protection de la piscine d’une part et assurer le confort des enfants d’autre part. D’abord, ce tapis pour piscine est une solution idĂ©ale pour protĂ©ger le bassin d’une piscine des inĂ©galitĂ©s du sol. En rĂ©alitĂ©, quand une personne saute, court ou plonge dans la piscine, son fond est facilement abimĂ©. En plus, la dalle de protection se trouve sous plusieurs formes et s’adapte Ă  plusieurs types de surface comme l’herbe et le bĂ©ton. De plus, le tapis est souvent confortable et Ă©pais puisqu’il est destinĂ© Ă  la protection des piscines. Il est Ă©galement possible d’utiliser cette dalle de protection pour crĂ©er un espace de jeu pour enfant autour de la piscine. Plusieurs propriĂ©taires des piscines hors sol achĂštent des tapis pour crĂ©er un chemin confortable qui mĂšne Ă  la piscine hors sol. Avant d’acheter une dalle de protection, il est primordial de connaitre les critĂšres Ă  prendre en compte pour choisir la bonne dalle la matiĂšre de la dalle ; l’épaisseur de la dalle ; la taille de la dalle ; l’encombrement ; Commençant par la matiĂšre de la dalle, optez pour une qualitĂ© rĂ©sistante et dur comme le polyĂ©thylĂšne. Par la suite, sachez qu’il existe un large choix d’épaisseur. Cependant, plus le tapis est Ă©pais, plus il est rĂ©sistant et cher. Il est recommandĂ© d’opter pour une Ă©paisseur de sept millimĂštres au minimum. En plus, un tapis Ă©pais vous permet de vous sentir confortable sous les pieds en ayant la possibilitĂ© de s’allonger et de s’assoir sur la dalle de protection. Par ailleurs, vous devez bien choisir la taille du tapis, car c’est un critĂšre important. La taille de la dalle de protection dĂ©pend principalement des dimensions du bassin de la piscine hors sol. Sauf que vous devez considĂ©rer Ă©galement la surface de dĂ©tente. Le dernier Ă©lĂ©ment pour choisir une dalle de protection idĂ©ale est l’encombrement du tapis. Puisque vous serez obliger de dĂ©monter la piscine hors sol et la dalle pour la cacher pendant l’hiver. Quand opter pour une dalle en bĂ©ton pour piscine hors-sol ? Il est vrai qu’une dalle en polyĂ©thylĂšne est une bonne solution pour protĂ©ger votre piscine hors sol. Sauf qu’elle n’est pas suffisante dans certains cas. En effet, ce type de tapis ne protĂšge pas bien une piscine hors sol de plus de quatre mĂštres de diamĂštre puisque son poids en eau peut engendrer un tassement du sol. De plus, c’est le mĂȘme cas pour une piscine hors sol en bois. Effectivement, parce que le contact de cette matiĂšre avec l’humiditĂ© risque d’endommager la base du bassin de la piscine. Couler la dalle de bĂ©ton dans votre extĂ©rieur pour vous en servir comme dalle de protection Ă  une grande piscine hors sol n’est pas une mission difficile. Si vous ĂȘtes un petit bricoleur, vous pouvez le faire seul. Cependant, il est possible de faire appel Ă  un professionnel pour construire cette dalle. Cela vous coĂ»tera plus cher, mais vous aurez un rĂ©sultat idĂ©al et une dalle de protection bien finie.
\n\n\ncomment couler une dalle pour une terrasse

ï»ż6 Etalez et lissez la chape en bĂ©ton. C’est la derniĂšre Ă©tape de votre coulage de chape en bĂ©ton. Ici, vous aurez Ă  verser le bĂ©ton malaxĂ© Ă  l’intĂ©rieur d’une brouette et vous ferez, par la suite, couler celui-ci dans le coffrage. Attelez-vous Ă  tapoter les bois afin d’instiguer la laitance du ciment Ă  remonter.

ÉMILE ZOLA THÉRÈSE RAQUIN I Au bout de la rue Guénégaud, lorsqu'on vient des quais, on trouve le passage du Pont-Neuf, une sorte de corridor étroit et sombre qui va de la rue Mazarine à la rue de Seine. Ce passage a trente pas de long et deux de large, au plus; il est pavé de dalles jaunùtres, usées, descellées, suant toujours une humidité acre; le vitrage qui le couvre, coupé à angle droit, est noir de crasse. Par les beaux jours d'été, quand un lourd soleil brûle les rues, une clarté blanchùtre tombe des vitres sales et traÃne misérablement dans le passage. Par les vilains jours d'hiver, par les matinées de brouillard, les vitres ne jettent que de la nuit sur les dailes gluantes, de la nuit salie et ignoble. A gauche, se creusent des boutiques obscures, basses, écrasées, laissant échapper des souffles froids de caveau. Il y a là des bouquinistes, des marchands de jouets d'enfants, des cartonniers, dont les étalages gris de poussiÚre dorment vaguement dans l'ombre; les vitrines, faites de petits carreaux, moirent étrangement les marchandises de reflets verdùtres; au delà , derriÚre les étalages, les boutiques pleines de ténÚbres sont autant de trous lugubres dans lesquels s'agitent des formes bizarres. A droite, sur toute la longueur du passage, s'étend une muraille contre laquelle les boutiquiers d'en face ont plaqué d'étroites armoires; des objets sans nom, des marchandises oubliées là depuis vingt ans s'y étalent le long de minces planches peintes d'une horrible couleur brune. Une marchande de bijoux faux s'est établie dans l'une des armoires; elle y vend des bagues de quinze sous, délicatement posées sur un lit de velours bleu, au fond d'une boÃte en Au-dessus du vitrage, la muraille monte, noire, grossiÚrement crépie, comme couverte d'une lÚpre et toute couturée de cicatrices. Le passage du Pont-Neuf n'est pas un lieu de promenade. On le prend pour éviter un détour, pour gagner quelques minutes. Il est traversé par un public de gens affairés dont l'unique souci est d'aller vite et droit devant eux. On y voit des apprentis en tablier de travail, des ouvriÚres reportant leur ouvrage, des hommes et des femmes tenant des paquets sous leur bras; on y voit encore des vieillards se traÃnant dans le crépuscule morne qui tombe des vitres, et des bandes de petits enfants qui viennent là au sortir de l'école, pour faire du tapage en courant, en tapant à coups de sabots sur les dalles. Toute la journée, c'est un bruit sec et pressé de pas sonnant sur la pierre avec une irrégularité irritante; personne ne parle, personne ne stationne; chacun court à ses occupations, la tÃÂȘte basse, marchant rapidement, sans donner aux boutiques un seul coup d'oeil. Les boutiquiers regardent d'un air inquiet les passants qui, par miracle, s'arrÃÂȘtent devant leurs étalages. Le soir, trois becs de gaz, enfermés dans des lanternes lourdes et carrées, éclairent le passage. Ces becs de gaz, pendus aux vitrages sur lesquels ils jettent des taches de clarté fauve, laissent tomber autour d'eux des ronds d'une lueur pùle qui vacillent et semblent disparaÃtre par instants. Le passage prend l'aspect sinistre d'un véritable coupe-gorge; de grandes ombres s'allongent sur les dalles, des souffles humides viennent de la rue; on dirait une galerie souterraine vaguement éclairée par trois lampes funéraires. Les marchands se contentent, pour tout éclairage, des maigres rayons que les becs de gaz envoient à leurs vitrines; ils allument seulement, dans leur boutique, une lampe munie d'un abat-jour, qu'ils posent sur un coin de leur comptoir, et les passants peuvent alors distinguer ce qu'il y a au fond de ces trous oÃÂč la nuit habite pendant le jour. Sur la ligne noirùtre des devantures, les vitres d'un cartonnier flamboient deux lampes à schiste trouent l'ombre de deux flammes jaunes. Et, de l'autre cÎté, une bougie, plantée au milieu d'un verre à quinquet, met des étoiles de lumiÚre dans la boite de bijoux faux. La marchande sommeille au fond de son armoire, les mains cachées sous son chùle. Il y a quelques années, en face de cette marchande, se trouvait une boutique dont les boiseries d'un vert bouteille suaient l'humidité par toutes leurs fentes. L'enseigne, faite d'une planche étroite et longue, portait, en lettres noires, le mot _Mercerie_, et sur une des vitres de la porte était écrit un nom de femme _ThérÚse Raquin_, en caractÚres rouges. A droite et à gauche s'enfonçaient des vitrines profondes, tapissées de papier bleu. Pendant le jour, le regard ne pouvait distinguer que l'étalage dans un clair-obscur adouci. D'un cÎté, il y avait un peu de lingerie des bonnets de tulle tuyantés à deux et trois francs piÚce, des manches et des cols de mousseline; puis des tricots, des bas, des chaussettes, des bretelles. Chaque objet, jauni et fripé, était lamentablement pendu à un crochet de fil de fer. La vitrine, de haut en bas, se trouvait ainsi emplie de loques blanchùtres qui prenaient un aspect lugubre dans l'obscurité transparente. Les bonnets neufs, d'un blanc plus éclatant, faisaient des taches crues sur le papier bleu dont les planches étaient garnies. Et, accrochées le long d'une tringle, les chaussettes de couleur mettaient des notes sombres dans l'effacement blafard et vague de la De l'autre coté, dans une vitrine plus étroite, s'étageaient de gros pelotons de laine verte, des boutons noirs cousus sur des cartes blanches, des boÃtes de toutes les couleurs et de toutes les dimensions, des résilles à perles d'acier étalées sur des ronds de papier bleuùtre, des faisceaux d'aiguilles à tricoter, des modÚles de tapisserie, des bobines de rubans, un entassement d'objets ternes et fanés qui dormaient sans doute en cet endroit depuis cinq ou six ans. Toutes les teintes avaient tourné au gris sale, dans cette armoire que la poussiÚre et l'humidité pourrissaient. Vers midi, en été, lorsque le soleil brûlait les places et les rues de rayons fauves, on distinguait, derriÚre les bonnets de l'autre vitrine, un profil pùle et grave de jeune femme. Ce profil sortait vaguement des ténÚbres qui régnaient dans la boutique. Au front bas et sec s'attachait un nez long, étroit, effilé; les lÚvres étaient deux minces traits d'un rosé pùle, et le menton, court et nerveux, tenait au cou par une ligne souple et grasse. On ne voyait pas le corps, qui se perdait dans l'ombre le profil seul apparaissait, d'une blancheur mate, troué d'un oeil noir largement ouvert, et comme écrasé sous une épaisse chevelure sombre. Il était là , pendant des heures, immobile et paisible, entre deux bonnets sur lesquels les tringles humides avaient laissé des bandes de rouille. Le soir, lorsque la lampe était allumée, on voyait l'intérieur de la boutique. Elle était plus longue que profonde; à l'autre bout, un escalier en forme de vis menait aux chambres du premier étage. Contre les murs étaient plaquées des vitrines, des armoires, des rangées de cartons verts; quatre chaises et une table complétaient le mobilier. La piÚce paraissait nue, glaciale; les marchandises, empaquetées, serrées dans des coins, ne traÃnaient pas ça et là avec leur joyeux tapage de couleurs. D'ordinaire, il y avait deux femmes assises derriÚre le comptoir une jeune femme au profil grave et une vieille dame qui souriait en sommeillant. Cette derniÚre avait environ soixante ans; son visage gras et placide blanchissait sous les clartés de la lampe. Un gros chat tigré, accroupi sur un angle du comptoir, la regardait dormir. Plus bas, assis sur une chaise, un homme d'une trentaine d'années lisait ou causait à demi-voix avec la jeune femme. Il était petit, chétif, d'allure languissante; les cheveux d'un blond fade, la barbe rare, le visage couvert de taches de rousseur, il ressemblait à un enfant malade et gùté. Un peu avant dix heures, la vieille dame se réveillait. On fermait la boutique, et toute la famille montait se coucher. Le chat tigré suivait ses maÃtres en ronronnant, en se frottant la tÃÂȘte contre chaque barreau de la rampe. En haut, le logement se composait de trois piÚces. L'escalier donnait dans une salle à manger qui servait en mÃÂȘme temps de salon. A gauche était un poÃÂȘle de faïence dans une niche; en face se dressait un buffet, puis des chaises se rangeaient le long des murs, une table ronde, toute ouverte, coupait le milieu de la piÚce. Au fond, derriÚre une cloison vitrée, se trouvait une cuisine noire. De chaque cÎté de la salle à manger, il y avait une chambre à coucher. La vieille dame, aprÚs avoir embrassé son fils et sa belle-fille, se retirait chez elle. Le chat s'endormait sur une chaise de la cuisine. Les époux entraient dans leur chambre. Cette chambre avait une seconde porte donnant sur un escalier qui débouchait dans le passage par une allée obscure et étroite. Le mari, qui tremblait toujours de fiÚvre, se mettait au lit; pendant ce temps, la jeune femme ouvrait la croisée pour fermer les persiennes. Elle restait là quelques minutes, devant la grande muraille noire, crépie grossiÚrement, qui monte et s'étend au-dessus de la galerie. Elle promenait sur cette muraille un regard vague, et, muette, elle venait se coucher à son tour, dans une indifférence dédaigneuse. II Mme Raquin était une ancienne merciÚre de Vernon. Pendant prÚs de vingt-cinq ans, elle avait vécu dans une petite boutique de cette ville. Quelques années aprÚs la mort de son mari, des lassitudes la prirent, elle vendit son fonds. Ses économies jointes au prix de cette vente mirent entre ses mains un capital de quarante mille francs qu'elle plaça et qui lui rapporta deux mille francs de rente. Cette somme devait lui suffire largement. Elle menait une vie de recluse, ignorant les joies et les soucis poignants de ce monde; elle s'était fait une existence de paix et de bonheur tranquille. Elle loua, moyennant quatre cents francs, une petite maison dont le jardin descendait jusqu'au bord de la Seine. C'était une demeure close et discrÚte qui avait de vagues senteurs de cloÃtre; un étroit sentier menait à cette retraite située au milieu de larges prairies les fenÃÂȘtres du logis donnaient sur la riviÚre et sur les coteaux déserts de l'autre rive. La bonne dame, qui avait dépassé la cinquantaine, s'enferma au fond de cette solitude, et y goûta des joies sereines, entre son fils Camille et sa niÚce ThérÚse. Camille avait alors vingt ans. Sa mÚre le gùtait encore comme un petit garçon. Elle l'adorait pour l'avoir disputé à la mort pendant une longue jeunesse de souffrances. L'enfant eut coup sur coup toutes les fiÚvres, toutes les maladies imaginables. Mme Raquin soutint une lutte de quinze années contre ces maux terribles qui venaient à la file pour lui arracher son fils. Elle les vainquit tous par sa patience, par ses soins, par son adoration. Camille, grandi, sauvé de la mort, demeura tout frissonnant des secousses répétées qui avaient endolori sa chair. ArrÃÂȘté dans sa croissance, il resta petit et malingre. Ses membres grÃÂȘles eurent des mouvements lents et fatigués. Sa mÚre l'aimait davantage pour cette faiblesse qui le pliait. Elle regardait sa pauvre petite figure pùlie avec des tendresses triomphantes, et elle songeait qu'elle lui avait donné la vie plus de dix fois. Pendant les rares repos que lui laissa la souffrance, l'enfant suivit les cours d'une école de commerce de Vernon. Il y apprit l'orthographe et l'arithmétique. Sa science se borna aux quatre rÚgles et à une connaissance trÚs superficielle de la grammaire. Plus tard, il prit des leçons d'écriture et de comptabilité. Mme Raquin se mettait à trembler lorsqu'on lui conseillait d'envoyer son fils au collÚge; elle savait qu'il mourrait loin d'elle, elle disait que les livres le tueraient. Camille resta ignorant, et son ignorance mit comme une faiblesse de plus en lui. A dix-huit ans, désoeuvré, s'ennuyant à mourir dans la douceur dont sa mÚre l'entourait, il entra chez un marchand de toile, à titre de commis. Il gagnait soixante francs par mois. Il était d'un esprit inquiet qui lui rendait l'oisiveté insupportable. Il se trouvait plus calme, mieux portant, dans ce labeur de brute, dans ce travail d'employé qui le courbait tout le jour sur des factures, sur d'énormes additions dont il épelait patiemment chaque chiffre. Le soir, brisé, la tÃÂȘte vide, il goûtait des voluptés infinies au fond de l'hébétement qui le prenait. Il dut se quereller avec sa mÚre pour entrer chez le marchand de toile; elle voulait le garder toujours auprÚs d'elle, entre deux couvertures, loin des accidents de la vie. Le jeune homme parla en maÃtre; il réclama le travail comme d'autres enfants réclament des jouets, non par esprit de devoir, mais par instinct, par besoin de nature. Les tendresses, les dévouements de sa mÚre lui avaient donné un égoïsme féroce; il croyait aimer ceux qui le plaignaient et qui le caressaient; mais, en réalité, il vivait à part, au fond de lui, n'aimant que son bien-ÃÂȘtre, cherchant par tous les moyens possibles à augmenter ses jouissances. Lorsque l'affection attendrie de Mme Raquin l'écoeura, il se jeta avec délices dans une occupation bÃÂȘte qui le sauvait des tisanes et des potions. Puis, le soir, au retour du bureau, il courait au bord de la Seine avec sa cousine ThérÚse. ThérÚse allait avoir dix-huit ans. Un jour, seize années auparavant, lorsque Mme Raquin était encore merciÚre, son frÚre, le capitaine Degans, lui apporta une petite fille dans ses bras. Il arrivait d'Algérie. -Voici une enfant dont tu es la tante, lui dit-il avec un sourire. Sa mÚre est morte... Moi, je ne sais qu'en faire. Je te la donne. La merciÚre prit l'enfant, lui sourit, baisa ses joues roses. Degans resta huit jours à Vernon. Sa soeur l'interrogea à peine sur cette fille qu'il lui donnait. Elle sut vaguement que la chÚre petite était née à Oran et qu'elle avait pour mÚre une femme indigÚne d'une grande beauté. Le capitaine, une heure avant son départ, lui remit un acte de naissance dans lequel ThérÚse, reconnue par lui, portait son nom. Il partit et on ne le revit plus; quelques années plus tard, il se fit tuer en Afrique. ThérÚse grandit, couchée dans le mÃÂȘme lit que Camille, sous les tiÚdes tendresses de sa tante. Elle était d'une santé de fer, et elle fut soignée comme une enfant chétive, partageant les médicaments que prenait son cousin, tenue dans l'air chaud de la chambre occupée par le petit malade. Pendant des heures, elle restait accroupie devant le feu, pensive, regardant les flammes en face, sans baisser les paupiÚres. Cette vie forcée de convalescente la replia sur elle-mÃÂȘme; elle prit l'habitude de parler à voix basse, de marcher sans faire de bruit, de rester muette et immobile sur une chaise, les yeux ouverts et vides de regards. Et lorsqu'elle levait un bras, lorsqu'elle avançait un pied, on sentait en elle des souplesses félines, des muscles courts et puissants, toute une énergie, toute une passion qui dormaient dans sa chair assoupie. Un jour, son cousin était tombé, pris de faiblesse; elle l'avait soulevé et transporté, d'un geste brusque, et ce déploiement de force avait mis de larges plaques ardentes sur son visage. La vie cloÃtrée qu'elle menait, le régime débilitant auquel elle était soumise ne purent affaiblir son corps maigre et robuste; sa face prit seulement des teintes pùles, légÚrement jaunùtres, et elle devint presque laide à l'ombre. Parfois, elle allait à la fenÃÂȘtre, elle contemplait les maisons d'en face sur lesquelles le soleil jetait des nappes dorées. Lorsque Mme Raquin vendit son fonds et qu'elle se retira dans la petite maison du bord de l'eau, ThérÚse eut de secrets tressaillements de joie. Sa tante lui avait répété si souvent "Ne fais pas de bruit, reste tranquille", qu'elle tenait soigneusement cachées, au fond d'elle, toutes les fougues de sa nature. Elle possédait un sang-froid suprÃÂȘme, une apparente tranquillité qui cachait des emportements terribles. Elle se croyait toujours dans la chambre de son cousin, auprÚs d'un enfant moribond; elle avait des mouvements adoucis, des silences, des placidités, des paroles bégayées de vieille femme. Quand elle vit le jardin, la riviÚre blanche, les vastes coteaux verts qui montaient à l'horizon, il lui prit une envie sauvage de courir et de crier; elle sentit son coeur qui frappait à grands coups dans sa poitrine; mais pas un muscle de son visage ne bougea, elle se contenta de sourire lorsque sa tante lui demanda si cette nouvelle demeure lui Alors la vie devint meilleure pour elle. Elle garda ses allures souples, sa physionomie calme et indifférente, elle resta l'enfant élevée dans le lit d'un malade; mais elle vécut intérieurement une existence brûlante et emportée. Quand elle était seule, dans l'herbe, au bord de l'eau, elle se couchait à plat ventre comme une bÃÂȘte, les yeux noirs et agrandis, le corps tordu, prÚs de bondir. Et elle restait là , pendant des heures, ne pensant à rien, mordue par le soleil, heureuse d'enfoncer ses doigts dans la terre. Elle faisait des rÃÂȘves fous; elle regardait avec défi la riviÚre qui grondait, elle s'imaginait que l'eau allait se jeter sur elle et l'attaquer; alors elle se roidissait, elle se préparait à la défense, elle se questionnait avec colÚre pour savoir comment elle pourrait vaincre les Le soir, ThérÚse, apaisée et silencieuse, cousait auprÚs de sa tante; son visage semblait sommeiller dans la lueur qui glissait mollement de l'abat-jour de la lampe. Camille, affaissé au fond d'un fauteuil, songeait à ses additions. Une parole, dite à voix basse, troublait seule par moments la paix de cet intérieur endormi. Mme Raquin regardait ses enfants avec une bonté sereine. Elle avait résolu de les marier ensemble. Elle traitait toujours son fils en moribond; elle tremblait lorsqu'elle venait à songer qu'elle mourrait un jour et qu'elle le laisserait seul et souffrant. Alors elle comptait sur ThérÚse, elle se disait que la jeune fille serait une garde vigilante auprÚs de Camille. Sa niÚce, avec ses airs tranquilles, ses dévouements muets, lui inspirait une confiance sans bornes. Elle l'avait vue à l'oeuvre, elle voulait la donner à son fils comme un ange gardien. Ce mariage était un dénoûment prévu, arrÃÂȘté. Les enfants savaient depuis longtemps qu'ils devaient s'épouser un jour. Ils avaient grandi dans cette pensée qui leur était devenue ainsi familiÚre et naturelle. On parlait de cette union, dans la famille, comme d'une chose nécessaire, fatale. Mme Raquin avait dit  Nous attendrons que ThérÚse ait vingt et un ans. » Et ils attendaient patiemment, sans fiÚvre, sans rougeur. Camille, dont la maladie avait appauvri le sang, ignorait les ùpres désirs de l'adolescence. Il était resté petit garçon devant sa cousine, il l'embrassait comme il embrassait sa mÚre, par habitude, sans rien perdre de sa tranquillité égoïste. Il voyait en elle une camarade complaisante qui l'empÃÂȘchait de trop s'ennuyer, et qui, à l'occasion, lui faisait de la tisane. Quand il jouait avec elle, qu'il la tenait dans ses bras, il croyait tenir un garçon; sa chair n'avait pas un frémissement. Et jamais il ne lui était venu la pensée, en ces moments, de baiser les lÚvres chaudes de ThérÚse, qui se débattait en riant d'un rire nerveux. La jeune fille, elle aussi, semblait rester froide et indifférente. Elle arrÃÂȘtait parfois ses grands yeux sur Camille et le regardait pendant plusieurs minutes avec une fixité d'un calme souverain. Ses lÚvres seules avaient alors de petits mouvements imperceptibles. On ne pouvait rien lire sur ce visage fermé qu'une volonté implacable tenait toujours doux et attentif. Quand on parlait de son mariage, ThérÚse devenait grave, se contentait d'approuver de la tÃÂȘte tout ce que disait Mme Raquin. Camille s'endormait. Le soir, en été, les deux jeunes gens se sauvaient au bord de l'eau. Camille s'irritait des soins incessants de sa mÚre, il avait des révoltes, il voulait courir, se rendre malade, échapper aux cùlineries qui lui donnaient des nausées. Alors il entraÃnait ThérÚse, il la provoquait à lutter, à se vautrer sur l'herbe. Un jour, il poussa sa cousine et la fit tomber; la jeune fille se releva d'un bond, avec une sauvagerie de bÃÂȘte, et, la face ardente, les yeux rouges, elle se précipita sur lui, les deux bras levés. Camille se laissa glisser à terre. Il avait peur. Les mois, les années s'écoulÚrent. Le jour fixé pour le mariage arriva. Mme Raquin prit ThérÚse à part, lui parla de son pÚre et de sa mÚre, lui conta l'histoire de sa naissance. La jeune fille écouta sa tante, puis l'embrassa sans répondre un mot. Le soir, ThérÚse, au lieu d'entrer dans sa chambre, qui était à gauche de l'escalier, entra dans celle de son cousin, qui était à droite. Ce fut tout le changement qu'il y eut dans sa vie, ce jour-là . Et, le lendemain, lorsque les jeunes époux descendirent, Camille avait encore sa langueur maladive, sa sainte tranquillité d'égoïste. ThérÚse gardait toujours son indifférence douce, son visage contenu, effrayant de calme. III Huit jours aprÚs son mariage, Camille déclara nettement à sa mÚre qu'il entendait quitter Vernon et aller vivre à Paris. Mme Raquin se récria elle avait arrangé son existence; elle ne voulait point y changer un seul événement. Son fils eut une crise de nerfs, il la menaça de tomber malade, si elle ne cédait pas à son caprice. -Je ne t'ai jamais contrariée dans tes projets, lui dit-il; j'ai épousé ma cousine, j'ai pris toutes les drogues que tu m'as données. C'est bien le moins, aujourd'hui, que j'aie une volonté, et que tu sois de mon avis. Nous partirons à la fin du mois. Mme Raquin ne dormit pas de la nuit. La décision de Camille bouleversait sa vie, et elle cherchait désespérément à se refaire une existence. Peu à peu, le calme se fit en elle. Elle réfléchit que le jeune ménage pouvait avoir des enfants et que sa petite fortune ne suffirait plus alors. Il fallait gagner encore de l'argent, se remettre au commerce, trouver une occupation lucrative pour ThérÚse. Le lendemain, elle s'était habituée à l'idée du départ, elle avait fait le plan d'une vie nouvelle. Au déjeuner, elle était toute gaie. -Voici ce que nous allons faire, dit-elle à ses enfants. J'irai à Paris demain; je chercherai un petit fonds de commerce, et nous nous remettrons, ThérÚse et moi, à vendre du fil et des aiguilles. Cela nous occupera. Toi, Camille, tu feras ce que tu voudras, tu te promÚneras au soleil ou tu trouveras un emploi. -Je trouverai un emploi, répondit le jeune homme. La vérité était qu'une ambition bÃÂȘte avait seule poussé Camille au départ. Il voulait ÃÂȘtre employé dans une grande administration; il rougissait de plaisir, lorsqu'il se voyait en rÃÂȘve au milieu d'un vaste bureau, avec des manches de lustrine, la plume sur l'oreille. ThérÚse ne fut pas consultée; elle avait toujours montré une telle obéissance passive que sa tante et son mari ne prenaient plus la peine de lui demander son opinion. Elle allait oÃÂč ils allaient, elle faisait ce qu'ils faisaient, sans une plainte, sans un reproche, sans mÃÂȘme paraÃtre savoir qu'elle changeait de place. Mme Raquin vint à Paris et alla droit au passage du Pont-Neuf. Une vieille demoiselle de Vernon l'avait adressée à une de ses parentes qui tenait dans ce passage un fonds de mercerie dont elle désirait se débarrasser. L'ancienne merciÚre trouva la boutique un peu petite, un peu noire; mais, en traversant Paris, elle avait été effrayée par le tapage des rues, par le luxe des étalages, et cette galerie étroite, ces vitrines modestes lui rappelÚrent son ancien magasin, si paisible. Elle put se croire encore en province, elle respira, elle pensa que ses chers enfants seraient heureux dans ce coin ignoré. Le prix modeste du fonds la décida; on le lui vendait deux mille francs. Le loyer de la boutique et du premier étage n'était que douze cents francs. Mme Raquin, qui avait prÚs de quatre mille francs d'économies, calcula qu'elle pourrait payer le fonds et la premiÚre année de loyer sans entamer sa fortune. Les appointements de Camille et les bénéfices du commerce de mercerie suffiraient, pensait-elle, aux besoins journaliers; de sorte qu'elle ne toucherait plus ses rentes et qu'elle laisserait grossir le capital pour doter ses petits-enfants. Elle revint rayonnante à Vernon, elle dit qu'elle avait trouvé une perle, un trou délicieux, en plein Paris. Peu à peu, au bout de quelques jours, dans ses causeries du soir, la boutique humble et obscure du passage devint un palais; elle la revoyait, au fond de ses souvenirs, commode, large, tranquille, pourvue de mille avantages inappréciables. -Ah! ma bonne ThérÚse, disait-elle, tu verras comme nous serons heureuses dans ce coin-là ! Il y a trois belles chambres en haut.... Le passage est plein de monde.... Nous ferons des étalages charmants.... Va, nous ne nous ennuierons pas. Et elle ne tarissait point. Tous ses instincts d'ancienne marchande se réveillaient; elle donnait à l'avance des conseils à ThérÚse sur la vente, sur les achats, sur les roueries du petit commerce. Enfin la famille quitta la maison du bord de la Seine; le soir du mÃÂȘme jour, elle s'installait au passage du Pont-Neuf. Quand ThérÚse entra dans la boutique oÃÂč elle allait vivre désormais, il lui semblait qu'elle descendait dans la terre grasse d'une fosse. Une sorte d'écoeurement la prit à la gorge, elle eut des frissons de peur. Elle regarda la galerie sale et humide, elle visita le magasin, monta au premier étage, fit le tour de chaque piÚce; ces piÚces nues, sans meubles, étaient effrayantes de solitude et de délabrement. La jeune femme ne trouva pas un geste, ne prononça pas une parole. Elle était comme glacée. Sa tante et son mari étaient descendus, elle s'assit sur une malle, les mains roides, la gorge pleine de sanglots, ne pouvant pleurer. Mme Raquin, en face de la réalité, resta embarrassée, honteuse de ses rÃÂȘves. Elle chercha à défendre son acquisition. Elle trouvait un remÚde à chaque nouvel inconvénient qui se présentait, expliquait l'obscurité en disant que le temps était couvert, et concluait en affirmant qu'un coup de balai suffirait. -Bah! répondait Camille, tout cela est trÚs convenable.... D'ailleurs, nous ne monterons ici que le soir. Moi, je ne rentrerai pas avant cinq ou six heures.... Vous deux, vous serez ensemble, vous ne vous ennuierez pas. Jamais le jeune homme n'aurait consenti à habiter un pareil taudis, s'il n'avait compté sur les douceurs tiÚdes de son bureau. Il se disait qu'il aurait chaud tout le jour à son administration, et que, le soir, il se coucherait de bonne heure. Pendant une grande semaine, la boutique et le logement restÚrent en désordre. DÚs le premier jour, ThérÚse s'était assise derriÚre le comptoir, et elle ne bougeait plus de cette place, Mme Raquin s'étonna de cette attitude affaissée; elle avait cru que la jeune femme allait chercher à embellir sa demeure, mettre des fleurs sur les fenÃÂȘtres, demander des papiers neufs, des rideaux, des tapis. Lorsqu'elle proposait une réparation, un embellissement quelconque -A quoi bon? répondait tranquillement sa niÚce. Nous sommes trÚs bien, nous n'avons pas besoin de luxe. Ce fut Mme Raquin qui dut arranger les chambres et mettre un peu d'ordre dans la boutique. ThérÚse finit par s'impatienter à la voir sans cesse tourner devant ses yeux; elle prit une femme de ménage, elle força sa tante à venir s'asseoir auprÚs d'elle. Camille resta un mois sans pouvoir trouver un emploi. Il vivait le moins possible dans la boutique, il flùnait toute la journée. L'ennui le prit à un tel point qu'il parla de retourner à Vernon. Enfin, il entra dans l'administration du chemin de fer d'Orléans. Il gagnait cent francs par mois. Son rÃÂȘve était exaucé. Le matin, il partait à huit heures. Il descendait la rue Guénégaud et se trouvait sur les quais. Alors, à petits pas, les mains dans les poches, il suivait la Seine, de l'Institut au Jardin des Plantes. Cette longue course, qu'il faisait deux fois par jour, ne l'ennuyait jamais. Il regardait couler l'eau, il s'arrÃÂȘtait pour voir passer les trains de bois qui descendaient la riviÚre. Il ne pensait à rien. Souvent il se plantait devant Notre-Dame, et contemplait les échafaudages dont l'église, alors en réparation, était entourée ces grosses piÚces de charpente l'amusaient, sans qu'il sût pourquoi. Puis, en passant, il jetait un coup d'oeil dans le Port aux Vins, il comptait les fiacres qui venaient de la gare. Le soir, abruti, la tÃÂȘte pleine de quelque sotte histoire contée à son bureau, il traversait le Jardin des Plantes et allait voir les ours, s'il n'était pas trop pressé. Il restait là une demi-heure, penché au-dessus de la fosse, suivant du regard les ours qui se dandinaient lourdement les allures de ces grosses bÃÂȘtes lui plaisaient; il les examinait, les lÚvres ouvertes, les yeux arrondis, goûtant une joie d'imbécile à les voir se remuer. Il se décidait enfin à rentrer, traÃnant les pieds, s'occupant des passants, des voitures, des magasins. DÚs son arrivée, il mangeait, puis se mettait à lire. Il avait acheté les oeuvres de Buffon, et, chaque soir, il se donnait une tùche de vingt, de trente pages, malgré l'ennui qu'une pareille lecture lui causait. Il lisait encore, en livraisons à dix centimes, l'_Histoire du Consulat et de l'Empire_, de Thiers, et l'_Histoire des Girondins_, de Lamartine, ou bien des ouvrages de vulgarisation scientifique. Il croyait travailler à son éducation. Parfois, il forçait sa femme à écouter la lecture de certaines pages, de certaines anecdotes. Il s'étonnait beaucoup que ThérÚse pût rester pensive et silencieuse pendant toute une soirée, sans ÃÂȘtre tentée de prendre un livre. Au fond, il s'avouait que sa femme était une pauvre intelligence. ThérÚse repoussait les livres avec impatience. Elle préférait demeurer oisive, les yeux fixes, la pensée flottante et perdue. Elle gardait d'ailleurs une humeur égale et facile; toute sa volonté tendait à faire de son ÃÂȘtre un instrument passif, d'une complaisance et d'une abnégation suprÃÂȘmes. Le commerce allait tout doucement. Les bénéfices, chaque mois, étaient réguliÚrement les mÃÂȘmes. La clientÚle se composait des ouvriÚres du quartier. A chaque cinq minutes, une jeune fille entrait, achetait pour quelques sous de marchandise. ThérÚse servait les clientes avec des paroles toujours semblables, avec un sourire qui montait mécaniquement à ses lÚvres. Mme Raquin se montrait plus souple, plus bavarde, et, à vrai dire, c'était elle qui attirait et retenait sa clientÚle. Pendant trois ans, les jours se suivirent et se ressemblÚrent. Camille ne s'absenta pas une seule fois de son bureau; sa mÚre et sa femme sortirent à peine de la boutique. ThérÚse vivant dans une ombre humide, dans un silence morne et écrasant, voyait la vie s'étendre devant elle, toute nue, amenant chaque soir la mÃÂȘme couche froide et chaque matin la mÃÂȘme journée vide. IV Un jour sur sept, le jeudi soir, la famille Raquin recevait. On allumait une grande lampe dans la salle à manger, et l'on mettait une bouilloire d'eau au feu pour faire du thé. C'était toute une grosse histoire. Cette soirée-là tranchait sur les autres; elle avait passé dans les habitudes de la famille comme une orgie bourgeoise d'une gaieté folle. On se couchait à onze heures. Mme Raquin retrouva à Paris un de ses vieux amis, le commissaire de police Michaud, qui avait exercé à Vernon pendant vingt ans, logé dans la mÃÂȘme maison que la merciÚre. Une étroite intimité s'était ainsi établie entre eux; puis, lorsque la veuve avait vendu son fonds pour aller habiter la maison du bord de l'eau, ils s'étaient peu à peu perdus de vue. Michaud quitta la province quelques mois plus tard et vint manger paisiblement à Paris, rue de Seine, les quinze cents francs de sa retraite. Un jour de pluie, il rencontra sa vieille amie dans le passage du Pont-Neuf; le soir mÃÂȘme, il dÃnait chez les Raquin. Ainsi furent fondées les réceptions du jeudi. L'ancien commissaire de police prit l'habitude de venir ponctuellement une fois par semaine. Il finit par amener son fils Olivier, un grand garçon de trente ans, sec et maigre, qui avait épousé une toute petite femme, lente et maladive. Olivier occupait à la préfecture de police un emploi de trois mille francs dont Camille se montrait singuliÚrement jaloux; il était commis principal dans le bureau de la police d'ordre et de sûreté. DÚs le premier jour, ThérÚse détesta ce garçon roide et froid qui croyait honorer la boutique du passage en y promenant la sécheresse de son grand corps et les défaillances de sa pauvre petite Camille introduisit un autre invité, un vieil employé du chemin de fer d'Orléans. Grivet avait vingt ans de service; il était premier commis et gagnait deux mille cent francs. C'était lui qui distribuait la besogne aux employés du bureau de Camille, et celui-ci lui témoignait un certain respect; dans ses rÃÂȘves, il se disait que Grivet mourrait un jour, qu'il le remplacerait peut-ÃÂȘtre, au bout d'une dizaine d'années. Grivet fut enchanté de l'accueil de Mme Raquin, il revint chaque semaine avec une régularité parfaite. Six mois plus tard, sa visite du jeudi était devenue pour lui un devoir il allait au passage du Pont-Neuf, comme il se rendait chaque matin à son bureau, mécaniquement, par un instinct de brute. DÚs lors, les réunions devinrent charmantes. A sept heures, Mme Raquin allumait le feu, mettait la lampe au milieu de la table, posait un jeu de dominos à cÎté, essuyait le service à thé qui se trouvait sur le buffet. A huit heures précises, le vieux Michaud et Grivet se rencontraient devant la boutique venant l'un de la rue de Seine, l'autre de la rue Mazarine. Ils entraient, et toute la famille montait au premier étage. On s'asseyait autour de la table, on attendait Olivier Michaud et sa femme, qui arrivaient toujours en retard. Quand la réunion se trouvait au complet, Mme Raquin versait le thé, Camille vidait la boite de dominos sur la toile cirée, chacun s'enfonçait dans son jeu. On n'entendait plus que le cliquetis des dominos. AprÚs chaque partie, les joueurs se querellaient pendant deux ou trois minutes, puis le silence retombait, morne, coupé de bruits secs. ThérÚse jouait avec une indifférence qui irritait Camille. Elle prenait sur elle François, le gros chat tigré que Mme Raquin avait apporté de Vernon, elle le caressait d'une main, tandis qu'elle posait les dominos de l'autre. Les soirées du jeudi étaient un supplice pour elle; souvent elle se plaignait d'un malaise, d'une forte migraine, afin de ne pas jouer, de rester là oisive, à moitié endormie. Un coude sur la table, la joue appuyée sur la paume de la main, elle regardait les invités de sa tante et de son mari, elle les voyait à travers une sorte de brouillard jaune et fumeux qui sortait de la lampe. Toutes ces tÃÂȘtes-là l'exaspéraient. Elle allait de l'une à l'autre avec des dégoûts profonds, des irritations sourdes. Le vieux Michaud étalait une face blafarde, tachée de plaques rouges, une de ces faces mortes de vieillard tombé en enfance; Grivet avait le masque étroit, les yeux ronds, les lÚvres minces d'un crétin; Olivier, dont les os perçaient les joues, portait gravement sur son corps ridicule une tÃÂȘte roide et insignifiante; quant à Suzanne, la femme d'Olivier, elle était toute pùle, les yeux vagues, les lÚvres blanches, le visage mou. Et ThérÚse ne trouvait pas un homme, pas un ÃÂȘtre vivant parmi ces créatures grotesques et sinistres avec lesquelles elle était enfermée; parfois des hallucinations la prenaient, elle se croyait enfouie au fond d'un caveau, en compagnie de cadavres mécaniques, remuant la tÚte, agitant les jambes et les bras, lorsqu'on tirait des ficelles. L'air épais de la salle à manger l'étouffait; la silence frissonnant, les lueurs jaunùtres de la lampe la pénétraient d'un vague effroi, d'une angoisse On avait posé en bas, à la porte du magasin, une sonnette dont le tintement aigu annonçait l'entrée des clientes. ThérÚse tendait l'oreille; lorsque la sonnette se faisait entendre, elle descendait rapidement, soulagée, heureuse de quitter la salle à manger. Elle servait la pratique avec lenteur. Quand elle se trouvait seule, elle s'asseyait derriÚre le comptoir, elle demeurait là le plus longtemps possible, redoutant de remonter, goûtant une véritable joie à ne plus avoir Grivet et Olivier devant les yeux. L'air humide de la boutique calmait la fiÚvre qui brûlait ses mains. Et elle retombait dans cette rÃÂȘverie grave qui lui était ordinaire. Mais elle ne pouvait rester longtemps ainsi. Camille se fùchait de son absence; il ne comprenait pas qu'on pût préférer la boutique à la salle à manger, le jeudi soir. Alors il se penchait sur la rampe, cherchait sa femme du regard. -Eh bien! criait-il, que fais-tu donc là ? pourquoi ne montes-tu pas?... Grivet a une chance du diable. Il vient encore de gagner. La jeune femme se levait péniblement et venait reprendre sa place en face du vieux Michaud, dont les lÚvres pendantes avaient des sourires écoeurants. Et, jusqu'à onze heures, elle demeurait affaissée sur sa chaise, regardant François qu'elle tenait dans ses bras, pour ne pas voir les poupées de carton qui grimaçaient autour d'elle. V Un jeudi, en revenant de son bureau, Camille amena avec lui un grand gaillard, carré des épaules, qu'il poussa dans la boutique d'un geste -MÚre, demanda-t-il à madame Raquin en le lui montrant, reconnais-tu ce monsieur-là ? La vieille merciÚre regarda le grand gaillard, chercha dans ses souvenirs et ne trouva rien. ThérÚse suivait cette scÚne d'un air -Comment! reprit Camille, tu ne reconnais pas Laurent, le petit Laurent, le fils du pÚre Laurent qui a de si beaux champs de blé du cÎté de Jeufosse?... Tu ne te rappelles pas?... J'allais à l'école avec lui; il venait me chercher le matin, en sortant de chez son oncle qui était notre voisin, et tu lui donnais des tartines de confiture. Mme Raquin se souvint brusquement du petit Laurent, qu'elle trouva singuliÚrement grandi. Il y avait bien vingt ans qu'elle ne l'avait vu. Elle voulut lui faire oublier son accueil étonné par un flot de souvenirs, par des cajoleries toutes maternelles. Laurent s'était assis, il souriait paisiblement, il répondait d'une voix claire, il promenait autour de lui des regards calmes et aisés. -Figurez-vous, dit Camille, que ce farceur-là est employé à la gare du chemin de fer d'Orléans depuis dix-huit mois, et que nous ne nous sommes rencontrés et reconnus que ce soir. C'est si vaste, si important, cette administration! Le jeune homme fit cette remarque, en agrandissant les yeux, en pinçant les lÚvres, tout fier d'ÃÂȘtre l'humble rouage d'une grosse machine. Il continua en secouant la tÃÂȘte -Oh! mais, lui, il se porte bien, il a étudié, il gagne déjà quinze cents francs.... Son pÚre l'a mis au collÚge; il a fait son droit et a appris la peinture. N'est-ce pas, Laurent?... Tu vas dÃner avec nous. -Je veux bien, répondit carrément Laurent. Il se débarrassa de son chapeau et s'installa dans la boutique. Mme Raquin courut à ses casseroles. ThérÚse, qui n'avait pas encore prononcé une parole, regardait le nouveau venu. Elle n'avait jamais vu un homme. Laurent, grand, fort, le visage frais, l'étonnait. Elle contemplait avec une sorte d'admiration son front bas, planté d'une rude chevelure noire, ses joues pleines, ses lÚvres rouges, sa face réguliÚre, d'une beauté sanguine. Elle arrÃÂȘta un instant ses regards sur son cou; ce cou était large et court, gras et puissant, Puis elle s'oublia à considérer les grosses mains qu'il tenait étalées sur ses genoux; les doigts en étaient carrés le poing fermé devait ÃÂȘtre énorme et aurait pu assommer un boeuf. Laurent était un vrai fils de paysan, d'allure un peu lourde, le dos bombé, les mouvements lents et précis, l'air tranquille et entÃÂȘté. On sentait sous ses vÃÂȘtements des muscles ronds et développés, tout un corps d'une chair épaisse et ferme. Et ThérÚse l'examinait avec curiosité, allant de ses poings à sa face, éprouvant de petits frissons lorsque ses yeux rencontraient son cou de taureau. Camille étala ses volumes de Buffon et ses livraisons à dix centimes, pour montrer à son mari qu'il travaillait, lui aussi. Puis, comme répondant à une question qu'il s'adressait depuis quelques instants -Mais, dit-il à Laurent, tu dois connaÃtre ma femme? Tu ne te rappelles pas cette petite cousine qui jouait avec nous, à Vernon? -J'ai parfaitement reconnu madame, répondit Laurent en regardant ThérÚse en face. Sous ce regard droit qui semblait pénétrer en elle, la jeune femme éprouva une sorte de malaise. Elle eut un sourire forcé, et échangea quelques mots avec Laurent et son mari; puis elle se hùta d'aller rejoindre sa tante. Elle souffrait. On se mit à table. DÚs le potage, Camille crut devoir s'occuper de son -Comment va ton pÚre? lui demanda-t-il. -Mais je ne sais pas, répondit Laurent. Nous sommes brouillés; il y a cinq ans que nous ne nous écrivons plus. -Bah! s'écria l'employé, étonné d'une pareille monstruosité. -Oui, le cher homme a des idées à lui.... Comme il est continuellement en procÚs avec ses voisins, il m'a mis au collÚge, rÃÂȘvant de trouver plus tard en moi un avocat qui lui gagnerait toutes ses causes.... Oh! le pÚre Laurent n'a que des ambitions utiles; il veut tirer parti mÃÂȘme de ses folies. -Et tu n'as pas voulu ÃÂȘtre avocat? dit Camille, de plus en plus étonné. -Ma foi non, reprit son ami en riant.... Pendant deux ans, j'ai fait semblant de suivre les cours, afin de toucher la pension de douze cents francs que mon pÚre me servait. Je vivais avec un de mes camarades de collÚge, qui est peintre, et je m'étais mis à faire aussi de la peinture. Cela m'amusait; le métier est drÎle, pas fatigant. Nous fumions, nous blaguions tout le jour... La famille Raquin ouvrait des yeux énormes. -Par malheur, continua Laurent, cela ne pouvait durer. Le pÚre a su que je lui contais des mensonges, il m'a retranché net mes cent francs par mois, en m'invitant à venir piocher la terre avec lui. J'ai essayé alors de peindre des tableaux de sainteté; mauvais commerce.... Comme j'ai vu clairement que j'allais mourir de faim, j'ai envoyé l'art à tous les diables et j'ai cherché un emploi.... Le pÚre mourra bien un de ces jours, j'attends ça pour vivre sans rien faire. Laurent parlait d'une voix tranquille. Il venait, en quelques mots, de conter une histoire caractéristique qui le peignait en entier. Au fond, c'était un paresseux, ayant des appétits sanguins, des désirs trÚs arrÃÂȘtés de jouissances faciles et durables. Ce grand corps puissant ne demandait qu'à ne rien faire, qu'à se vautrer dans une oisiveté et un assouvissement de toutes les heures. Il aurait voulu bien manger, bien dormir, contenter largement ses passions, sans remuer de place, sans courir la mauvaise chance d'une fatigue La profession d'avocat l'avait épouvanté, et il frissonnait à l'idée de piocher la terre. Il s'était jeté dans l'art, espérant y trouver un métier de paresseux; le pinceau lui semblait un instrument léger à manier puis il croyait le succÚs facile. Il rÃÂȘvait une vie de voluptés à bon marché, une belle vie pleine de femmes, de repos sur des divans, de mangeailles et de soûleries. Le rÃÂȘve dura tant que le pÚre Laurent envoya des écus. Mais, lorsque le jeune homme, qui avait déjà trente ans, vit la misÚre à l'horizon, il se mit à réfléchir, il se sentait lùche devant les privations, il n'aurait pas accepté une journée sans pain pour la plus grande gloire de l'art. Comme il le disait, il envoya la peinture au diable, le jour oÃÂč il s'aperçut qu'elle ne contenterait jamais ses larges appétits. Ses premiers essais étaient restés au-dessous de la médiocrité; son oeil de paysan voyait gauchement et salement la nature; ses toiles, boueuses, mal bùties, grimaçantes, défiaient toute critique. D'ailleurs, il ne paraissait point trop vaniteux comme artiste, il ne se désespéra pas outre mesure, lorsqu'il lui fallut jeter les pinceaux. Il ne regretta réellement que l'atelier de son camarade de collÚge, ce vaste atelier dans lequel il s'était si voluptueusement vautré pendant quatre ou cinq ans. Il regretta encore les femmes qui venaient poser, et dont les caprices étaient à la portée de sa bourse. Ce monde de jouissances brutales lui laissa de cuisants besoins de chairs. Il se trouva cependant à l'aise dans son métier d'employé; il vivait trÚs bien en brute, il aimait cette besogne au jour le jour, qui ne le fatiguait pas et qui endormait son esprit. Deux choses l'irritaient seulement il manquait de femmes et la nourriture des restaurants à dix-huit sous n'apaisait pas les appétits gloutons de son estomac. Camille l'écoutait, le regardait avec un étonnement de niais. Ce garçon débile, dont le corps mou et affaissé n'avait jamais eu une secousse de désir, rÃÂȘvait puérilement à cette vie d'atelier dont son ami lui parlait. Il songeait à ces femmes qui étalent leur peau nue. Il questionna Laurent. -Alors, lui dit-il, il y a eu, comme ça, des femmes qui ont retiré leur chemise devant toi? -Mais oui, répondit Laurent en souriant et en regardant ThérÚse qui était devenue trÚs pùle. -Ça doit vous faire un singulier effet, reprit Camille avec un rire d'enfant.... Moi, je serais gÃÂȘné.... La premiÚre fois, tu as dû rester tout bÃÂȘte. Laurent avait élargi une de ses grosses mains dont il regardait attentivement la paume. Ses doigts eurent de légers frémissements, des lueurs rouges montÚrent à ses joues. -La premiÚre fois, reprit-il comme se parlant à lui-mÃÂȘme, je crois que j'ai trouvé ça naturel.... C'est bien amusant, ce diable d'art, seulement ça ne rapporte pas un sou.... J'ai eu pour modÚle une rousse qui était adorable des chairs fermes, éclatantes, une poitrine superbe, des hanches d'une largeur.... Laurent leva la tÃÂȘte et vit ThérÚse devant lui, muette, immobile. La jeune femme le regardait avec une fixité ardente. Ses yeux, d'un noir mat, semblaient deux trous sans fond, et, par ses lÚvres entr'ouvertes, on apercevait des clartés roses dans sa bouche. Elle était comme écrasée, ramassée sur elle-mÃÂȘme; elle écoutait. Les regards de Laurent allÚrent de ThérÚse à Camille. L'ancien peintre retint un sourire. Il acheva sa phrase du geste, un geste large et voluptueux, que la jeune femme suivit du regard. On était au dessert, et madame Raquin venait de descendre pour servir une cliente. Quand la nappe fut retirée, Laurent, songeur depuis quelques minutes, s'adressa brusquement à Camille. -Tu sais, lui dit-il, il faut que je fasse ton portrait. Cette idée enchanta madame Raquin et son fils. ThérÚse resta -Nous sommes en été, reprit Laurent, et comme nous sortons du bureau à quatre heures, je pourrai venir ici et te faire poser pendant deux heures, le soir. Ce sera l'affaire de huit jours. -C'est cela, répondit Camille, rouge de joie, tu dÃneras avec nous.... Je me ferai friser et je mettrai une redingote noire. Huit heures sonnaient. Grivet et Michaud firent leur entrée. Olivier et Suzanne arrivÚrent derriÚre eux. Camille présenta son ami à la société. Grivet pinça les lÚvres. Il détestait Laurent, dont les appointements avaient monté trop vite, selon lui. D'ailleurs c'était toute une affaire que l'introduction d'un nouvel invité les hÎtes des Raquin ne pouvaient recevoir un inconnu sans quelque froideur. Laurent se comporta en bon enfant. Il comprit la situation, il voulut plaire, se faire accepter d'un coup. Il raconta des histoires, égaya la soirée par son gros rire, et gagna l'amitié de Grivet lui-mÃÂȘme. ThérÚse, ce soir-là , ne chercha pas à descendre à la boutique. Elle resta jusqu à onze heures sur sa chaise, jouant et causant, évitant de rencontrer les regards de Laurent, qui d'ailleurs ne s'occupait pas d'elle. La nature sanguine de ce garçon, sa voix pleine, ses rires gras, les senteurs ùcres et puissantes qui s'échappaient de sa personne, troublaient la jeune femme et la jetaient dans une sorte d'angoisse nerveuse. VI Laurent, à partir de ce jour, revint presque chaque soir chez les Raquin. Il habitait, rue Saint-Victor, en face du Port aux Vins, un petit cabinet meublé qu'il payait dix-huit francs par mois; ce cabinet, mansardé, troué en haut d'une fenÃÂȘtre à tabatiÚre, qui s'entrebùillait étroitement sur le ciel, avait à peine six mÚtres carrés. Laurent rentrait le plus tard possible dans ce galetas. Avant de rencontrer Camille, comme il n'avait pas d'argent pour aller se traÃner sur les banquettes des cafés, il s'attardait dans la crémerie oÃÂč il dÃnait le soir, il fumait des pipes en prenant un gloria qui lui coûtait trois sous. Puis il regagnait doucement la rue Saint-Victor, flùnant le long des quais, s'asseyant sur les bancs, quand l'air était tiÚde. La boutique du passage du Pont-Neuf devint pour lui une retraite charmante, chaude, tranquille, pleine de paroles et d'attentions amicales. Il épargna les trois sous de son gloria et but en gourmand l'excellent thé de Mme Raquin. Jusqu'à dix heures, il restait là , assoupi, digérant, se croyant chez lui; il n'en partait qu'aprÚs avoir aidé Camille à fermer la boutique. Un soir, il apporta son chevalet et sa boÃte à couleurs. Il devait commencer le lendemain le portrait de Camille. On acheta une toile, on fit des préparatifs minutieux. Enfin l'artiste se mit à l'oeuvre dans la chambre mÃÂȘme des époux; le jour, disait-il, y était plus clair. Il lui fallut trois soirées pour dessiner la tÃÂȘte. Il traÃnait avec soin le fusain sur la toile; à petits coups, maigrement; son dessin, roide et sec, rappelait d'une façon grotesque celui des maÃtres primitifs. Il copia la face de Camille comme un élÚve copie une académie, d'une main hésitante, avec une exactitude gauche qui donnait à la figure un air renfrogné. Le quatriÚme jour, il mit sur sa palette de tout petits tas de couleur, et il commença à peindre du bout des pinceaux; il pointillait la toile de minces taches sales, il faisait des hachures courtes et serrées, comme s'il se fût servi d'un crayon. A la fin de chaque séance, Mme Raquin et Camille s'extasiaient. Laurent disait qu'il fallait attendre, que la ressemblance allait Depuis que le portrait était commencé, ThérÚse ne quittait plus la chambre changée en atelier. Elle laissait sa tante seule derriÚre le comptoir; pour le moindre prétexte elle montait et s'oubliait à regarder peindre Laurent. Grave toujours, oppressée, plus pùle et plus muette, elle s'asseyait et suivait le travail des pinceaux. Ce spectacle ne paraissait cependant pas l'amuser beaucoup, elle venait à cette place, comme attirée par une force, et elle y restait, comme clouée. Laurent se retournait parfois, lui souriait, lui demandait si le portrait lui plaisait. Elle répondait à peine, frissonnait, puis reprenait son extase recueillie. Laurent, en revenant le soir à la rue Saint-Victor, se faisait de longs raisonnements; il discutait avec lui-mÃÂȘme s'il devait, ou non, devenir l'amant de ThérÚse. -Voilà une petite femme, se disait-il, qui sera ma maÃtresse quand je le voudrai. Elle est toujours là , sur mon dos, à m'examiner, à me mesurer, à me peser.... Elle tremble, elle a une figure toute drÎle, muette et passionnée. A coup sûr, elle a besoin d'un amant; cela se voit dans ses yeux.... Il faut dire que Camille est un pauvre sire. Laurent riait en dedans, au souvenir des maigreurs blafardes de son ami. Puis il continuait -Elle s'ennuie dans cette boutique.... Moi, j'y vais, parce que je ne sais oÃÂč aller. Sans cela, on ne me prendrait pas souvent au passage du Pont-Neuf. C'est humide, triste. Une femme doit mourir là -dedans.... Je lui plais, j'en suis certain; alors pourquoi pas moi plutÎt qu'un autre? Il s'arrÃÂȘtait, il lui venait des fatuités, il regardait couler la Seine d'un air absorbé. -Ma foi, tant pis, s'écriait-il, je l'embrasse à la premiÚre occasion.... Je parie qu'elle tombe tout de suite dans mes bras. Il se remettait à marcher, et des indécisions le prenaient. -C'est qu'elle est laide, aprÚs tout, pensait-il. Elle a le nez long, la bouche grande. Je ne l'aime pas du tout, d'ailleurs. Je vais peut-ÃÂȘtre m'attirer quelque mauvaise histoire. Cela demande réflexion. Laurent, qui était trÚs prudent, roula ces pensées dans sa tÃÂȘte pendant une grande semaine. Il calcula tous les incidents possibles d'une liaison avec ThérÚse; il se décida seulement à tenter l'aventure, lorsqu'il se fut bien prouvé qu'il avait un réel intérÃÂȘt à le faire. Pour lui, ThérÚse, il est vrai, était laide, et il ne l'aimait pas; mais, en somme, elle ne lui coûterait rien, les femmes qu'il achetait à bas prix n'étaient, certes, ni plus belles ni plus aimées. L'économie lui conseillait déjà de prendre la femme de son ami. D'autre part, depuis longtemps il n'avait pas contenté ses appétits; l'argent était rare, il sevrait sa chair, et il ne voulait point laisser échapper l'occasion de la repaÃtre un peu. Enfin, une pareille liaison, en bien réfléchissant, ne pouvait avoir de mauvaises suites ThérÚse aurait intérÃÂȘt à tout cacher, il la planterait là aisément quand il voudrait; en admettant mÃÂȘme que Camille découvrÃt tout et se fùchùt, il l'assommerait d'un coup de poing, s'il faisait le méchant. La question, de tous les cÎtés, se présentait à Laurent facile et DÚs lors, il vécut dans une douce quiétude, attendant l'heure. A la premiÚre occasion, il était décidé à agir carrément. Il voyait, dans l'avenir, des soirées tiÚdes. Tous les Raquin travailleraient à ses jouissances ThérÚse apaiserait les brûlures de son sang; Mme Raquin le cajolerait comme une mÚre; Camille, en causant avec lui, l'empÃÂȘcherait de trop s'ennuyer, le soir, dans la boutique. Le portrait s'achevait, les occasions ne se présentaient pas. ThérÚse restait toujours là , accablée et anxieuse; mais Camille ne quittait point la chambre, et Laurent se désolait de ne pouvoir l'éloigner pour une heure. Il lui fallut pourtant déclarer un jour qu'il terminerait le portrait le lendemain. Mme Raquin annonça qu'on dÃnerait ensemble et qu'on fÃÂȘterait l'oeuvre du peintre. Le lendemain, lorsque Laurent eut donné à la toile le dernier coup de pinceau, toute la famille se réunit pour crier à la ressemblance. Le portrait était ignoble, d'un gris sale, avec de larges plaques violacées. Laurent ne pouvait employer les couleurs les plus éclatantes sans les rendre ternes et boueuses; il avait, malgré lui, exagéré les teintes blafardes de son modÚle, et le visage de Camille ressemblait à la face verdùtre d'un noyé; le dessin grimaçant convulsionnait les traits, rendant ainsi la sinistre ressemblance plus frappante. Mais Camille était enchanté; il disait que sur la toile il avait un air distingué. Quand il eut bien admiré sa figure, il déclara qu'il allait chercher deux bouteilles de vin de Champagne. Mme Raquin redescendit à la boutique. L'artiste resta seul avec ThérÚse. Le jeune femme était demeurée accroupie, regardant vaguement devant elle. Elle semblait attendre en frémissant. Laurent hésita; il examinait sa toile, il jouait avec ses pinceaux. Le temps pressait, Camille pouvait revenir, l'occasion ne se représenterait peut-ÃÂȘtre plus. Brusquement, le peintre se tourna et se trouva face à face avec ThérÚse. Ils se contemplÚrent pendant quelques secondes. Puis, d'un mouvement violent, Laurent se baissa et prit la jeune femme contre sa poitrine. Il lui renversa la tÃÂȘte, lui écrasant les lÚvres sous les siennes. Elle eut un mouvement de révolte, sauvage, emportée, et, tout d'un coup, elle s'abandonna, glissant par terre, sur le carreau. Ils n'échangÚrent pas une seule parole. L'acte fut silencieux et brutal. VII DÚs le commencement, les amants trouvÚrent leur liaison nécessaire, fatale, toute naturelle. A leur premiÚre entrevue, ils se tutoyÚrent, ils s'embrassÚrent sans embarras, sans rougeur, comme si leur intimité eût daté de plusieurs années. Ils vivaient à l'aise dans leur situation nouvelle, avec une tranquillité et une impudence parfaites. Ils fixÚrent leurs rendez-vous. ThérÚse ne pouvant sortir, il fut décidé que Laurent viendrait. La jeune femme lui expliqua, d'une voix nette et assurée, le moyen qu'elle avait trouvé. Les entrevues auraient lieu dans la chambre des époux. L'amant passerait par l'allée qui donnait sur le passage et ThérÚse lui ouvrirait la porte de l'escalier. Pendant ce temps, Camille serait à son bureau, Mme Raquin, en bas, dans la boutique. C'étaient là des coups d'audace qui devaient réussir. Laurent accepta. Il avait, dans sa prudence, une sorte de témérité brutale, la témérité d'un homme qui a de gros poings. L'air grave et calme de sa maÃtresse l'engagea à venir goûter d'une passion si hardiment offerte. Il choisit un prétexte, il obtint de son chef un congé de deux heures, et il accourut au passage du Pont-Neuf. DÚs l'entrée du passage, il éprouva des voluptés cuisantes. La marchande de bijoux faux était assise juste en face de la porte de l'allée. Il lui fallut attendre qu'elle fût occupée, qu'une jeune ouvriÚre vint acheter une bague ou des boucles d'oreilles de cuivre. Alors, rapidement, il entra dans l'allée; il monta l'escalier étroit et obscur, en s'appuyant aux murs gras d'humidité. Ses pieds heurtaient les marches de pierre; au bruit de chaque heurt, il sentait une brûlure qui lui traversait la poitrine. Une porte s'ouvrit. Sur le seuil, au milieu d'une lueur blanche, il vit ThérÚse en camisole, en jupon, tout éclatante, les cheveux fortement noués derriÚre la tÃÂȘte. Elle ferma la porte, elle se pendit à son cou. Il s'échappait d'elle une odeur tiÚde, une odeur de linge blanc et de chair fraÃchement lavée. Laurent, étonné, trouva sa maÃtresse belle. Il n'avait jamais vu cette femme. ThérÚse, souple et forte, le serrait, renversant la tÃÂȘte en arriÚre, et, sur son visage, couraient des lumiÚres ardentes, des sourires passionnés. Cette face d'amante s'était comme transfigurée, elle avait un air fou et caressant; les lÚvres humides, les yeux luisants, elle rayonnait. La jeune femme, tendue et ondoyante, était belle, d'une beauté étrange, toute d'emportement. On eût dit que sa figure venait de s'éclairer en dedans, que des flammes s'échappaient de sa chair. Et, autour d'elle, son sang qui brûlait, ses nerfs qui se tendaient, jetaient ainsi des effluves chauds, un air pénétrant et ùcre. Au premier baiser, elle se révéla courtisane. Son corps inassouvi se jeta éperdument dans la volupté. Elle s'éveillait comme d'un songe, elle naissait à la passion. Elle passait des bras débiles de Camille dans les bras vigoureux de Laurent, et cette approche d'un homme puissant lui donnait une brusque secousse qui la tirait du sommeil de la chair. Tous ses instincts de femme nerveuse éclatÚrent dans une violence inouïe; le sang de sa mÚre, ce sang qui brûlait ses veines, se mit à couler, à battre furieusement dans son corps maigre, presque vierge encore. Elle s'étalait, elle s'offrait avec une impudeur souveraine. Et, de la tÃÂȘte aux pieds, de longs frissons l'agitaient. Jamais Laurent n'avait connu une pareille femme. Il resta surpris, mal à l'aise. D'ordinaire, ses maÃtresses ne le recevaient pas avec une telle fougue; il était accoutumé à des baisers froids et indifférents, à des amours lasses et rassasiées. Les sanglots, les crises de ThérÚse l'épouvantÚrent presque, tout en irritant ses curiosités voluptueuses. Quand il quitta la femme, il chancelait comme un homme ivre. Le lendemain, lorsque son calme sournois et prudent fut revenu, il se demanda s'il retournerait auprÚs de cette amante dont les baisers lui donnaient la fiÚvre. Il décida d'abord nettement qu'il resterait chez lui. Puis il eut des lùchetés. Il voulait oublier, ne plus voir ThérÚse dans sa nudité, dans ses caresses douces et brutales, et toujours elle était là , implacable, tendant les bras. La souffrance physique que lui causait ce spectacle devint intolérable. Il céda, il prit un nouveau rendez-vous, il revint au passage du Pont-Neuf. A partir de ce jour, ThérÚse entra dans sa vie. Il ne l'acceptait pas encore, mais il la subissait. Il avait des heures d'effroi, des moments de prudence, et, en somme, cette liaison le secouait désagréablement; mais ses pleurs, ses malaises tombaient devant ses désirs. Les rendez-vous se suivirent, se multipliÚrent. ThérÚse n'avait pas de ces doutes. Elle se livrait sans ménagement, allant droit oÃÂč la poussait sa passion. Cette femme, que les circonstances avaient pliée et qui se redressait enfin, mettait à nu son ÃÂȘtre entier, expliquant sa vie. Parfois elle passait ses bras au cou de Laurent, elle se traÃnait sur sa poitrine, et, d'une voix encore haletante -Oh! Si tu savais, disait-elle, combien j'ai souffert! J'ai été élevée dans l'humidité tiÚde de la chambre d'un malade. Je couchais avec Camille la nuit, je m'éloignais de lui, écoeurée par l'odeur fade qui sortait de son corps. Il était méchant et entÃÂȘté; il ne voulait pas prendre les médicaments que je refusais de partager avec lui; pour plaire à ma tante, je devais boire de toutes les drogues. Je ne sais comment je ne suis pas morte.... Ils m'ont rendue laide, mon pauvre ami, ils m'ont volé tout ce que j'avais, et tu ne peux m'aimer comme je t'aime. Elle pleurait, elle embrassait Laurent, elle continuait avec une haine sourde -Je ne leur souhaite pas de mal. Ils m'ont élevée, Ils m'ont recueillie et défendue contre la misÚre.... Mais j'aurais préféré l'abandon à leur hospitalité. J'avais des besoins cuisants de grand air; toute petite, je rÃÂȘvais de courir les chemins, les pieds nus dans la poussiÚre, demandant l'aumÎne, vivant en bohémienne. On m'a dit que ma mÚre était fille d'un chef de tribu, en Afrique; j'ai souvent songé à elle, j'ai compris que je lui appartenais par le sang et les instincts, j'aurais voulu ne la quitter jamais et traverser les sables, pendue à son dos.... Ah! quelle jeunesse! J'ai encore des dégoûts et des révoltes, lorsque je me rappelle les longues journées que j'ai passées dans la chambre oÃÂč rùlait Camille. J'étais accroupie devant le feu, regardant stupidement bouillir les tisanes, sentant mes membres se roidir. Et je ne pouvais bouger, ma tante grondait quand je faisais du bruit. Plus tard, j'ai goûté des joies profondes, dans la petite maison du bord de l'eau; mais j'étais déjà abÃÂȘtie, je savais à peine marcher, je tombais lorsque je courais. Puis on m'a enterrée toute vive dans cette ignoble boutique. ThérÚse respirait fortement, elle serrait son amant à pleins bras, elle se vengeait, et ses narines minces et souples avaient de petits battements nerveux. -Tu ne saurais croire, reprenait-elle, combien ils m'ont rendue mauvaise. Ils ont fait de moi une hypocrite et une menteuse... Ils m'ont étouffée dans leur douceur bourgeoise, et je ne m'explique pas comment il y a encore du sang dans mes veines... J'ai baissé les yeux, j'ai eu comme eux un visage morne et imbécile, j'ai mené leur vie morte. Quand tu m'as vue, n'est-ce pas? j'avais l'air d'une bÃÂȘte, j'étais grave, écrasée, abrutie. Je n'espérais plus en rien, je songeais à me jeter un jour dans la Seine... Mais, avant cet affaissement, que de nuits de colÚre! Là -bas, à Vernon, dans ma chambre froide, je mordais mon oreiller pour étouffer mes cris, je me battais, je me traitais de lùche. Mon sang me brûlait et je me serais déchiré le corps. A deux reprises, j'ai voulu fuir, aller devant moi, au soleil; le courage m'a manqué, ils avaient fait de moi une brute docile avec leur bienveillance molle et leur tendresse écoeurante. Alors j'ai menti, j'ai menti toujours. Je suis restée là toute douce, toute silencieuse, rÃÂȘvant de frapper et de mordre. La jeune femme s'arrÃÂȘtait, essuyant ses lÚvres humides sur le cou de Laurent. Elle ajoutait, aprÚs un silence -Je ne sais plus pourquoi j'ai consenti à épouser Camille. Je n'ai pas protesté, par une sorte d'insouciance dédaigneuse. Cet enfant me faisait pitié. Lorsque je jouais avec lui, je sentais mes doigts s'enfoncer dans ses membres comme dans de l'argile. Je l'ai pris parce que ma tante me l'offrait et que je comptais ne jamais me gÃÂȘner pour lui... Et j'ai retrouvé dans mon mari le petit garçon souffrant avec lequel j'avais déjà couché à six ans. Il était aussi frÃÂȘle, aussi plaintif, et il avait toujours cette odeur fade d enfant malade qui me répugnait tant jadis.... Je te dis tout cela pour que tu ne sois pas jaloux.... Une sorte de dégoût me montait à la gorge; je me rappelais les drogues que j'avais bues, et je m'écartais, et je passais des nuits terribles.... Mais toi, toi.... Et ThérÚse se redressait, se pliait en arriÚre, les doigts pris dans les mains épaisses de Laurent, regardant ses larges épaules, son cou énorme.... -Toi, je t'aime, je t'ai aimé le jour oÃÂč Camille t'a poussé dans la boutique.... Tu ne m'estimes peut-ÃÂȘtre pas, parce que je me suis livrée tout entiÚre, en une fois.... Vrai, je ne sais pas comment cela est arrivé. Je suis fiÚre, je suis emportée. J'aurais voulu te battre le premier jour, quand tu m'as embrassée et jetée par terre dans cette chambre.... J'ignore comment je t'aimais; je te haïssais plutÎt. Ta vue m'irritait, me faisait souffrir; lorsque tu étais là , mes nerfs se tendaient à se rompre, ma tÃÂȘte se vidait, je voyais rouge. Oh! que j'ai souffert! Et je cherchais cette souffrance, j'attendais ta venue, je tournais autour de ta chaise, pour marcher dans ton haleine, pour traÃner mes vÃÂȘtements le long des tiens. Il me semblait que ton sang me jetait des bouffées de chaleur au passage, et c'était cette sorte de nuée ardente, dans laquelle tu t'enveloppais, qui m'attirait et me retenait auprÚs de toi, malgré mes sourdes révoltes.... Tu te souviens quand tu peignais ici une force fatale me ramenait à ton cÎté, je respirais ton air avec des délices cruelles. Je comprenais que je paraissais quÃÂȘter des baisers, j'avais honte de mon esclavage, je sentais que j'allais tomber si tu me touchais. Mais je cédais à mes lùchetés, je grelottais de froid en attendant que tu voulusses bien me prendre dans tes bras.... Alors ThérÚse se taisait, frémissante, comme orgueilleuse et vengée. Elle tenait Laurent ivre sur sa poitrine, et, dans la chambre nue et glaciale, se passaient des scÚnes de passion ardente, d'une brutalité sinistre. Chaque nouveau rendez-vous amenait des crises plus La jeune femme semblait se plaire à l'audace et à l'impudence. Elle n'avait pas une hésitation, pas une peur. Elle se jetait dans l'adultÚre avec une sorte de franchise énergique, bravant le péril, mettant une sorte de vanité à le braver. Quand son amant devait venir, pour toute précaution, elle prévenait sa tante qu'elle montait se reposer; et, quand il était là , elle marchait, parlait, agissait carrément, sans songer jamais à éviter le bruit. Parfois, dans les commencements, Laurent s'effrayait. -Mon Dieu! disait-il tout bas à ThérÚse, ne fais donc pas tant de tapage, Mme Raquin va monter. -Bah! répondait-elle en riant, tu trembles toujours... Elle est clouée derriÚre son comptoir; que veux-tu qu'elle vienne faire ici? elle aurait trop peur qu'on ne la volùt... Puis, aprÚs tout, qu'elle monte si elle veut. Tu te cacheras... Je me moque d'elle. Je t'aime. Ces paroles ne rassuraient guÚre Laurent. La passion n'avait pas encore endormi sa prudence sournoise de paysan. BientÎt, cependant, l'habitude lui fit accepter, sans trop de terreur, les hardiesses de ces rendez-vous donnés en plein jour, dans la chambre de Camille, à deux pas de la vieille merciÚre. Sa maÃtresse lui répétait que le danger épargne ceux qui l'affrontent en face, et elle avait raison. Jamais les amants n'auraient pu trouver un lieu plus sûr que cette piÚce oÃÂč personne ne serait venu les chercher. Ils y contentaient leur amour, dans une tranquillité incroyable. Un jour, pourtant, Mme Raquin monta, craignant que sa niÚce ne fût malade. Il y avait prÚs de trois heures que la jeune femme était en haut. Elle poussait l'audace jusqu'à ne pas fermer au verrou la porte de la chambre qui donnait dans la salle à manger. Lorsque Laurent entendit les pas lourds de la vieille merciÚre, montant l'escalier de bois, il se troubla, chercha fiévreusement son gilet, son chapeau. ThérÚse se mit à rire de la singuliÚre mine qu'il faisait. Elle lui prit le bras avec force, le courba au pied du lit, dans un coin, et lui dit d'une voix basse et calme -Tiens-toi là ... ne remue pas. Elle jeta sur lui les vÃÂȘtements d'homme qui traÃnaient, et étendit sur le tout un jupon blanc qu'elle avait retiré. Elle fit ces choses avec des gestes lestes et précis, sans rien perdre de sa tranquillité. Puis elle se coucha, échevelée, demi-nue, encore rouge et frissonnante. Mme Raquin ouvrit doucement la porte et s'approcha du lit en étouffant le bruit de ses pas. La jeune femme feignait de dormir. Laurent suait sous le jupon blanc. -ThérÚse, demanda la merciÚre avec sollicitude, es-tu malade, ma fille? ThérÚse ouvrit les yeux, bùilla, se retourna et répondit d'une voix dolente qu'elle avait une migraine atroce. Elle supplia sa tante de la laisser dormir. La vieille dame s'en alla comme elle était venue, sans faire de bruit. Les deux amants, riant en silence, s'embrassÚrent avec une violence passionnée. -Tu vois bien, dit ThérÚse triomphante, que nous ne craignons rien ici.... Tous ces gens-là sont aveugles ils n'aiment pas. Un autre jour, la jeune femme eut une idée bizarre. Parfois, elle était comme folle, elle délirait. Le chat tigré, François, était assis sur son derriÚre, au beau milieu de la chambre. Grave, immobile, il regardait de ses yeux ronds les deux amants. Il semblait les examiner avec soin, sans cligner les paupiÚres, perdu dans une sorte d'extase diabolique. -Regarde donc François, dit ThérÚse à Laurent. On dirait qu'il comprend et qu'il va ce soir tout conter à Camille.... Dis, ce serait drÎle, s'il se mettait à parler dans la boutique, un de ces jours; il sait de belles histoires sur notre compte.... Cette idée, que François pourrait parler, amusa singuliÚrement la jeune femme. Laurent regarda les grands yeux verts du chat, et sentit un frisson lui courir sur la peau. -Voici comment il ferait, reprit ThérÚse. Il se mettrait debout, et, me montrant d'une patte, te montrant de l'autre, il s'écrierait ÂMonsieur et madame s'embrassent trÚs fort dans la chambre, ils ne se sont pas méfiés de moi, mais comme leurs amours criminelles me dégoûtent, je vous prie de les faire mettre en prison tous les deux; ils ne troubleront plus ma ThérÚse plaisantait comme un enfant, elle mimait le chat, elle allongeait les mains en façon de griffes, elle donnait à ses épaules des ondulations félines. François, gardant une immobilité de pierre, la contemplait toujours; ses yeux seuls paraissaient vivants; et il y avait, dans les coins de sa gueule, deux plis profonds qui faisaient éclater de rire cette tÃÂȘte d'animal empaillé. Laurent se sentait froid aux os. Il trouva ridicule la plaisanterie de ThérÚse. Il se leva et mit le chat à la porte. En réalité, il avait peur. Sa maÃtresse ne le possédait pas encore entiÚrement; il restait au fond de lui un peu de ce malaise qu'il avait éprouvé sous les premiers baisers de la jeune femme. VIII Le soir, dans la boutique, Laurent était parfaitement heureux. D'ordinaire, il revenait du bureau avec Camille. Mme Raquin s'était prise pour lui d'une amitié maternelle; elle le savait gÃÂȘné, mangeant mal, couchant dans un grenier, et elle lui avait dit une fois pour toutes que son couvert serait toujours mis à leur table. Elle aimait ce garçon de cette tendresse bavarde que les vieilles femmes ont pour les gens qui viennent de leur pays, apportant avec eux des souvenirs du passé. Le jeune homme usait largement de l'hospitalité. Avant de rentrer, au sortir du bureau, il faisait avec Camille un bout de promenade sur les quais; tous deux trouvaient leur compte à cette intimité; ils s'ennuyaient moins, ils flùnaient en causant. Puis ils se décidaient à venir manger la soupe de Mme Raquin. Laurent ouvrait en maÃtre la porte de la boutique; il s'asseyait à califourchon sur les chaises, fumant et crachant, comme s'il était chez lui. La présence de ThérÚse ne l'embarrassait nullement. Il traitait la jeune femme avec une rondeur amicale, il plaisantait, lui adressait des galanteries banales, sans qu'un pli de sa face bougeùt. Camille riait, et, comme sa femme ne répondait à son ami que par des monosyllabes, il croyait fermement qu'ils se détestaient tous deux. Un jour mÃÂȘme il fÃt des reproches à ThérÚse sur ce qu'il appelait sa froideur pour Laurent. Laurent avait deviné juste il était devenu l'amant de la femme, l'ami du mari, l'enfant gùté de la mÚre. Jamais il n'avait vécu dans un pareil assouvissement de ses appétits. Il s'endormait au fond des jouissances intimes que lui donnait la famille Raquin. D'ailleurs, sa position dans cette famille lui paraissait toute naturelle. Il tutoyait Camille sans colÚre, sans remords. Il ne surveillait mÃÂȘme pas ses gestes ni ses paroles, tant il était certain de sa prudence, de son calme; l'égoïsme avec lequel il goûtait ses félicités le protégeait contre toute faute. Dans la boutique, sa maÃtresse devenait une femme comme une autre, qu'il ne fallait point embrasser et qui n'existait pas pour lui. S'il ne l'embrassait pas devant tous, c'est qu'il craignait de ne pouvoir revenir. Cette seule conséquence l'arrÃÂȘtait. Autrement, il se serait parfaitement moqué de la douleur de Camille et de sa mÚre. Il n'avait point conscience de ce que la découverte de sa liaison pourrait amener. Il croyait agir simplement, comme tout le monde aurait agi à sa place, en homme pauvre et affamé, De là ses tranquillités béates, ses audaces patientes, ses attitudes désintéressées et goguenardes. ThérÚse, plus nerveuse, plus frémissante que lui, était obligée de jouer un rÎle. Elle le jouait à la perfection, grùce à l'hypocrisie savante que lui avait donnée son éducation. Pendant prÚs de quinze ans, elle avait menti, étouffant ses fiÚvres, mettant une volonté implacable à paraÃtre morne et endormie. Il lui coûtait peu de poser sur sa chair ce masque de morte qui glaçait son visage. Quand Laurent entrait, il la trouvait grave, rechignée, le nez plus long, les lÚvres plus minces. Elle était laide, revÃÂȘche, inabordable. D'ailleurs, elle n'exagérait pas ses effets, elle jouait son ancien personnage, sans éveiller l'attention par une brusquerie plus grande. Pour elle, elle trouvait une volupté amÚre à tromper Camille et Mme Raquin; elle n'était pas comme Laurent; affaissée dans le contentement épais de ses désirs, inconsciente du devoir; elle savait qu'elle faisait le mal, et il lui prenait des envies féroces de se lever de table et d'embrasser Laurent à pleine bouche, pour montrer à son mari et à sa tante qu'elle n'était pas une bÃÂȘte et qu'elle avait un amant. Par moments, des joies chaudes lui montaient à la tÃÂȘte; toute bonne comédienne qu'elle fût, elle ne pouvait alors se retenir de chanter, quand son amant n'était pas là et qu'elle ne craignait point de se trahir. Ces gaietés soudaines charmaient Mme Raquin qui accusait sa niÚce de trop de gravité. La jeune femme acheta des pots de fleurs et en garnit la fenÃÂȘtre de sa chambre; puis elle fit coller du papier neuf dans cette piÚce, elle voulut un tapis, des rideaux, des meubles de palissandre. Tout ce luxe était pour Laurent. La nature et les circonstances semblaient avoir fait cette femme pour cet homme, et les avoir poussés l'un vers l'autre. A eux deux, la femme, nerveuse et hypocrite, l'homme, sanguin et vivant en brute, ils faisaient un couple puissamment lié. Ils se complétaient, se protégeaient mutuellement. Le soir, à table, dans les clartés pùles de la lampe, on sentait la force de leur union, à voir le visage épais et souriant de Laurent, en face du masque muet et impénétrable de ThérÚse. C'étaient de douces et calmes soirées. Dans le silence, dans l'ombre transparente et attiédie, s'élevaient des paroles amicales. On se serrait autour de la table; aprÚs le dessert, on causait des mille riens de la journée, des souvenirs de la veille et des espoirs du lendemain. Camille aimait Laurent, autant qu'il pouvait aimer, en égoïste satisfait, et Laurent semblait lui rendre une égale affection; il y avait entre eux un échange de phrases dévouées, de gestes serviables, de regards prévenants. Mme Raquin, le visage placide, mettait toute sa paix autour de ses enfants, dans l'air tranquille qu'ils respiraient. On eût dit une réunion de vieilles connaissances qui se connaissaient jusqu'au coeur et qui s'endormaient sur la foi de leur amitié. ThérÚse, immobile, paisible comme les autres, regardait ces joies bourgeoises, ces affaissements souriants. Et, au fond d'elle, il y avait des rires sauvages; tout son ÃÂȘtre raillait, tandis que son visage gardait une rigidité froide. Elle se disait, avec des raffinements de volupté, que quelques heures auparavant elle était dans la chambre voisine, demi-nue, échevelée, sur la poitrine de Laurent; elle se rappelait chaque détail de cet aprÚs-midi de passion folle, elle les étalait dans sa mémoire, elle opposait cette scÚne brûlante à la scÚne morte qu'elle avait sous les yeux. Ah! comme elle trompait ces bonnes gens, et comme elle était heureuse de les tromper avec une impudence si triomphante! Et c'était là , à deux pas, derriÚre cette mince cloison, qu'elle recevait un homme; c'était là qu'elle se vautrait dans les ùpretés de l'adultÚre. Et son amant, à cette heure, devenait un inconnu pour elle, un camarade de son mari, une sorte d'imbécile et d'intrus dont elle ne devait pas se soucier. Cette comédie atroce, ces duperies de la vie, cette comparaison entre les baisers ardents du jour et l'indifférence jouée du soir, donnaient des ardeurs nouvelles au sang de la jeune femme. Lorsque Mme Raquin et Camille descendaient, par hasard, ThérÚse se levait d'un bond, collait silencieusement, avec une énergie brutale, ses lÚvres sur les lÚvres de son amant, et restait ainsi, haletant, étouffant, jusqu'à ce qu'elle entendit crier le bois des marches de l'escalier. Alors, d'un mouvement leste, elle reprenait sa place, elle retrouvait sa grimace rechignée. Laurent, d'une voix calme, continuait avec Camille la causerie interrompue. C'était comme un éclair de passion, rapide et aveuglant, dans un ciel mort. Le jeudi, la soirée était un peu plus animée. Laurent, qui, ce jour-là , s'ennuyait à mourir, se faisait pourtant un devoir de ne pas manquer une seule des réunions il voulait, par mesure de prudence, ÃÂȘtre connu et estimé des amis de Camille. Il lui fallait écouter les radotages de Grivet et du vieux Michaud; Michaud racontait toujours les mÃÂȘmes histoires de meurtre et de vol; Grivet parlait en mÃÂȘme temps de ses employés, de ses chefs, de son administration. Le jeune homme se réfugiait auprÚs d'Olivier et de Suzanne, qui lui paraissaient d'une bÃÂȘtise moins assommante. D'ailleurs, il se hùtait de réclamer le jeu de dominos. C'était le jeudi soir que ThérÚse fixait le jour et l'heure de leurs rendez-vous. Dans le trouble du départ, lorsque Mme Raquin et Camille accompagnaient les invités jusqu'à la porte du passage, la jeune femme s'approchait de Laurent, lui parlait bas, lui serrait la main. Parfois mÃÂȘme, quand tout le monde avait le dos tourné, elle l'embrassait, par une sorte de fanfaronnade. Pendant huit mois, dura cette vie de secousses et d'apaisements. Les amants vivaient dans une béatitude complÚte; ThérÚse ne s'ennuyait plus, ne désirait plus rien; Laurent, repu, choyé, engraissé encore, avait la seule crainte de voir cesser cette belle existence. IX Un aprÚs-midi, comme Laurent allait quitter son bureau pour courir auprÚs de ThérÚse qui l'attendait, son chef le fit appeler et lui signifia qu'à l'avenir il lui défendait de s'absenter. Il avait abusé des congés; l'administration était décidée à le renvoyer, s'il Sortait une seule fois. Cloué sur sa chaise, il désespéra jusqu'au soir. Il devait gagner son pain, il ne pouvait se faire mettre à la porte. Le soir, le visage courroucé de ThérÚse fut une torture pour lui. Il ne savait comment expliquer son manque de parole à sa maÃtresse. Pendant que Camille fermait sa boutique, il s'approcha vivement de la jeune femme -Nous ne pouvons plus nous voir, lui dit-il à voix basse. Mon chef me refuse toute nouvelle permission de sortie. Camille rentrait. Laurent dut se retirer sans donner de plus amples explications, laissant ThérÚse sous le coup de cette déclaration brutale. Exaspérée, ne voulant pas admettre qu'on pût troubler ses voluptés, elle passa une nuit d'insomnie à bùtir des plans de rendez-vous extravagants. Le jeudi qui suivit, elle causa une minute au plus avec Laurent. Leur anxiété était d'autant plus vive qu'ils ne savaient oÃÂč se rencontrer pour se consulter et s'entendre. La jeune femme donna un nouveau rendez-vous à son amant, qui lui manqua de parole une seconde fois. DÚs lors, elle n'eut plus qu'une idée fixe, le voir à tout prix. Il y avait quinze jours que Laurent ne pouvait approcher de ThérÚse. Alors il sentit combien cette femme lui était devenue nécessaire; l'habitude de la volupté lui avait créé des appétits nouveaux, d'une exigence aiguÃ. Il n'éprouvait plus aucun malaise dans les embrassements de sa maÃtresse, il quÃÂȘtait ces embrassements avec une obstination d'animal affamé. Une passion de sang avait couvé dans ses muscles; maintenant qu'on lui retirait son amante, cette passion éclatait avec une violence aveugle; il aimait à la rage. Tout semblait inconscient dans cette florissante nature de brute il obéissait à des instincts, il se laissait conduire par les volontés de son organisme. Il aurait ri aux éclats, un an auparavant, si on lui avait dit qu'il serait l'esclave d'une femme, au point de compromettre ses tranquillités. Le sourd travail des désirs s'était opéré en lui, à son insu, et avait fini par le jeter, pieds et poings liés, aux caresses fauves de ThérÚse. A cette heure, il redoutait d'oublier la prudence, il n'osait venir, le soir, au passage du Pont-Neuf, craignant de commettre quelque folie. Il ne s'appartenait plus; sa maÃtresse, avec ses souplesses de chatte, ses flexibilités nerveuses, s'était glissée peu à peu dans chacune des fibres de son corps. Il avait besoin de cette femme pour vivre comme on a besoin de boire et de manger. Il aurait certainement fait une sottise, s'il n'avait reçu une lettre de ThérÚse, qui lui recommandait de rester chez lui le lendemain. Son amante lui promettait de venir le trouver vers les huit heures du Au sortir du bureau, il se débarrassa de Camille, en disant qu'il était fatigué, qu'il allait se coucher tout de suite. ThérÚse, aprÚs le dÃner, joua également son rÎle; elle parla d'une cliente qui avait déménagé sans la payer, elle fit la créanciÚre intraitable, elle déclara qu'elle voulait aller réclamer son argent. La cliente demeurait aux Batignolles. Mme Raquin et Camille trouvÚrent la course longue, la démarche hasardeuse; d'ailleurs, ils ne s'étonnÚrent pas, ils laissÚrent partir ThérÚse en toute tranquillité. La jeune femme courut au Port aux Vins, glissant sur les pavés qui étaient gras, heurtant les passants, ayant hùte d'arriver. Des moiteurs lui montaient au visage; ses mains brûlaient. On aurait dit une femme soûle. Elle gravit rapidement l'escalier de l'hÎtel meublé. Au sixiÚme étage, essoufflée, les yeux vagues, elle aperçut Laurent, penché sur la rampe, qui l'attendait. Elle entra dans le grenier. Ses larges jupes ne pouvaient y tenir, tant l'espace était étroit. Elle arracha d'une main son chapeau, et s'appuya contre le lit, défaillante.... La fenÃÂȘtre à tabatiÚre, ouverte toute grande, versait les fraÃcheurs du soir sur la couche brûlante. Les amants restÚrent longtemps dans le taudis, comme au fond d'un trou. Tout d'un coup, ThérÚse entendit l'horloge de la Pitié sonner dix heures. Elle aurait voulu ÃÂȘtre sourde; elle se leva péniblement et regarda le grenier qu'elle n'avait pas encore vu. Elle chercha son chapeau, noua les rubans, et s'assit en disant d'une voix lente -Il faut que je parte. Laurent était venu s'agenouiller devant elle. Il lui prit les mains. -Au revoir, reprit-elle sans bouger. -Non pas au revoir, s'écria-t-il, cela est trop vague.... Quel jour reviendras-tu? Elle le regarda en face. -Tu veux de la franchise? dit-elle. Eh bien! vrai, je crois que je ne reviendrai plus. Je n'ai pas de prétexte, je ne puis en inventer. -Alors il faut nous dire adieu. -Non, je ne veux pas! Elle prononça ces mots avec une colÚre épouvantée. Elle ajouta plus doucement, sans savoir ce qu'elle disait, sans quitter sa chaise -Je vais m'en aller. Laurent songeait. Il pensait à Camille. -Je ne lui en veux pas, dit-il enfin sans le nommer, mais vraiment il nous gÃÂȘne trop.... Est-ce que tu ne pourrais pas nous en débarrasser, l'envoyer en voyage, quelque part, bien loin? -Ah! oui, l'envoyer en voyage! reprit la jeune femme en hochant la tÃÂȘte. Tu crois qu'un homme comme ça consent à voyager.... Il n'y a qu'un voyage dont on ne revient pas.... Mais il nous enterrera tous; ces gens-là qui n'ont que le souffle ne meurent jamais. Il y eut un silence. Laurent se traÃna sur les genoux, se serrant contre sa maÃtresse, appuyant la tÃÂȘte contre sa poitrine. -J'avais fait un rÃÂȘve, dit-il; je voulais passer une nuit entiÚre avec toi, m'endormir dans tes bras et me réveiller le lendemain sous tes baisers.... Je voudrais ÃÂȘtre ton mari.... Tu comprends? -Oui, oui, répondit ThérÚse, frissonnante. Elle se pencha brusquement sur le visage de Laurent, qu'elle couvrit de baisers. Elle égratignait les brides de son chapeau contre la barbe rude du jeune homme; elle ne songeait plus qu'elle était habillée et qu'elle allait froisser ses vÃÂȘtements. Elle sanglotait, elle prononçait des paroles haletantes au milieu de ses larmes. -Ne dis pas ces choses, répétait-elle, car je n'aurais plus la force de te quitter, je resterais là .... Donne-moi du courage plutÎt; dis-moi que nous nous verrons encore. N'est-ce pas que tu as besoin de moi et que nous trouverons bien un jour le moyen de vivre ensemble? -Alors, reviens, reviens demain, lui répondit Laurent, dont les mains tremblantes montaient le long de sa taille. -Mais je ne puis revenir.... Je te l'ai dit, je n'ai pas de prétexte. Elle se tordait les bras. Elle reprit -Oh! Le scandale ne me fait pas peur.... En rentrant, si tu veux, je vais dire à Camille que tu es mon amant, et je reviens coucher ici.... C'est pour toi que je tremble; je ne veux pas te déranger ta vie, je désire te faire une existence heureuse. Les instincts prudents du jeune homme se réveillÚrent. -Tu as raison, dit-il, il ne faut pas agir comme des enfants. Ah! si ton mari mourait.... -Si mon mari mourait... répéta lentement ThérÚse. -Nous nous marierions ensemble, nous ne craindrions plus rien, nous jouirions largement de nos amours.... Quelle bonne et douce vie! La jeune femme s'était redressée. Les joues pùles, elle regardait son amant avec des yeux sombres; des battements agitaient ses lÚvres. -Les gens meurent quelquefois, murmura-t-elle enfin. Seulement, c'est dangereux pour ceux qui survivent. Laurent ne répondit pas. -Vois-tu, continua-t-elle, tous les moyens connus sont mauvais. -Tu ne m'as pas compris, dit-il paisiblement. Je ne suis pas un sot, je veux t'aimer en paix.... Je pensais qu'il arrive des accidents tous les jours, que le pied peut glisser, qu'une tuile peut tomber.... Tu comprends? Dans ce dernier cas, le vent seul est coupable. Il parlait d'une voix étrange. Il eut un sourire et ajouta d'un ton caressant -Va, sois tranquille, nous nous aimerons bien, nous vivrons heureux.... Puisque tu ne peux venir, j'arrangerai tout cela.... Si nous restons plusieurs mois sans nous voir, ne m'oublie pas, songe que je travaille à nos félicités. Il saisit dans ses bras ThérÚse, qui ouvrait la porte pour partir. -Tu es à moi, n'est-ce pas? continua-t-il. Tu jures de te livrer entiÚre, à toute heure, quand je voudrai? -Oui, cria la jeune femme, je t'appartiens, fais de moi ce qu'il te Ils restÚrent un moment farouches et muets. Puis ThérÚse s'arracha avec brusquerie, et, sans tourner la tÃÂȘte, elle sortit de la mansarde et descendit l'escalier. Laurent écouta le bruit de ses pas qui s'éloignaient. Quand il n'entendit plus rien, il rentra dans son taudis, il se coucha. Les draps étaient tiÚdes. Il étouffait au fond de ce trou étroit que ThérÚse laissait plein des ardeurs de sa passion. Il lui semblait que son souffle respirait encore un peu de la jeune femme; elle avait passé là , répandant des émanations pénétrantes, des odeurs de violette, et maintenant il ne pouvait plus serrer entre ses bras que le fantÎme insaisissable de sa maÃtresse, traÃnant autour de lui; il avait la fiÚvre des amours renaissantes et inassouvies. Il ne ferma pas la fenÃÂȘtre. Couché sur le dos, les bras nus, les mains ouvertes, cherchant la fraÃcheur, il songea, en regardant le carré d'un bleu sombre que le chùssis taillait dans le ciel. Jusqu'au jour, la mÃÂȘme idée tourna dans sa tÃÂȘte. Avant la venue de ThérÚse, il ne songeait pas au meurtre de Camille; il avait parlé de la mort de cet homme, poussé par les faits, irrité par la pensée qu'il ne reverrait plus son amante. Et c'est ainsi qu'un nouveau coin de sa nature inconsciente venait de se révéler; il s'était mis à rÃÂȘver l'assassinat dans les emportements de l'adultÚre. Maintenant, plus calme, seul au milieu de la nuit paisible, il étudiait le meurtre. L'idée de mort, jetée avec désespoir entre deux baisers, revenait implacable et aiguÃ. Laurent, secoué par l'insomnie, énervé par les senteurs acres que ThérÚse avait laissées derriÚre elle, dressait des embûches, calculait les mauvaises chances, étalait les avantages qu'il aurait à ÃÂȘtre assassin. Tous les intérÃÂȘts le poussaient au crime. Il se disait que son pÚre, le paysan de Jeufosse, ne se décidait pas à mourir; il lui faudrait peut-ÃÂȘtre rester encore dix ans employé; mangeant dans les crémeries, vivant sans femme dans un grenier. Cette idée l'exaspérait. Au contraire, Camille mort, il épousait ThérÚse, il héritait de Mme Raquin, il donnait sa démission et flùnait au soleil. Alors, il se plut à rÃÂȘver cette vie de paresseux; il se voyait déjà oisif, mangeant et dormant, attendant avec patience la mort de son pÚre. Et quand la réalité se dressait au milieu de son rÃÂȘve, il se heurtait contre Camille, il serrait les poings comme pour l'assommer. Laurent voulait ThérÚse; il la voulait à lui tout seul, toujours à portée de sa main. S'il ne faisait pas disparaÃtre le mari, la femme lui échappait. Elle l'avait dit elle ne pouvait revenir. Il l'aurait bien enlevée, emportée quelque part, mais alors ils seraient morts de faim tous deux. Il risquait moins en tuant le mari; il ne soulevait aucun scandale, il poussait seulement un homme pour se mettre à sa place. Dans sa logique brutale de paysan, il trouvait ce moyen excellent et naturel. Sa prudence native lui conseillait mÃÂȘme cet expédient rapide. Il se vautrait sur son lit, en sueur, à plat ventre, collant sa face moite dans l'oreiller oÃÂč avait traÃné le chignon de ThérÚse. Il prenait la toile entre ses lÚvres séchées, il buvait les parfums légers de ce linge, et il restait là , sans haleine, étouffant, voyant passer des barres de feu le long de ses paupiÚres closes. Il se demandait comment il pourrait bien tuer Camille. Puis, quand la respiration lui manquait, il se retournait d'un bond, se remettait sur le dos, et, les yeux grands ouverts, recevant en plein visage les souffles froids de la fenÃÂȘtre, il cherchait dans les étoiles, dans la clarté bleuùtre du ciel, un conseil de meurtre, un plan d'assassinat. Il ne trouva rien. Comme il l'avait dit à sa maÃtresse, il n'était pas un enfant, un sot; il ne voulait ni du poignard ni du poison. Il lui fallait un crime sournois, accompli sans danger, une sorte d'étouffement sinistre, sans cris, sans terreur, une simple disparition. La passion avait beau le secouer et le pousser en avant; tout son ÃÂȘtre réclamait impérieusement la prudence. Il était trop lùche, trop voluptueux, pour risquer sa tranquillité. Il tuait afin de vivre calme et heureux. Peu à peu le sommeil le prit. L'air froid avait chassé du grenier le fantÎme tiÚde et odorant de ThérÚse. Laurent, brisé, apaisé, se laissa envahir par une sorte d'engourdissement doux et vague. En s'endormant, il décida qu'il attendrait une occasion favorable, et sa pensée, de plus en plus fuyante, le berçait en murmurant ÂJe le tuerai, je le Cinq minutes plus tard, il reposait, respirant avec une régularité sereine. ThérÚse était rentrée chez elle à onze heures. La tÃÂȘte en feu, la pensée fondue, elle arriva au passage du Pont-Neuf, sans avoir conscience du chemin parcouru. Il lui semblait qu'elle descendait de chez Laurent, tant ses oreilles étaient pleines encore des paroles qu'elle venait d'entendre. Elle trouva Mme Raquin et Camille anxieux et empressés; elle répondit sÚchement à leurs questions, en disant qu'elle avait fait une course inutile et qu'elle était restée une heure sur un trottoir à attendre un omnibus. Lorsqu'elle se mit au lit, elle trouva les draps froids et humides. Ses membres, encore brûlants, eurent des frissons de répugnance. Camille ne tarda pas à s'endormir, et ThérÚse regarda longtemps cette face blafarde qui reposait bÃÂȘtement sur l'oreiller, la bouche ouverte. Elle s'écartait de lui, elle avait des envies d'enfoncer son poing fermé dans cette bouche. X PrÚs de trois semaines se passÚrent. Laurent revenait à la boutique tous les soirs; il paraissait las, comme malade un léger cercle bleuùtre entourait ses yeux, ses lÚvres pùlissaient et se gerçaient. D'ailleurs, il avait toujours sa tranquillité lourde, il regardait Camille en face, il lui témoignait la mÃÂȘme amitié franche. Mme Raquin choyait davantage l'ami de la maison, depuis qu'elle le voyait s'endormir dans, une sorte de fiÚvre sourde. ThérÚse avait repris son visage muet et rechigné. Elle était plus immobile, plus impénétrable, plus paisible que jamais. Il lui semblait que Laurent n'existùt pas pour elle; elle le regardait à peine, lui adressait de rares paroles, le traitait avec une indifférence parfaite. Mme Raquin, dont la bonté souffrait de cette attitude, disait parfois au jeune homme  Ne faites pas attention à la froideur de ma niÚce. Je la connais; son visage paraÃt froid, mais son coeur est chaud de toutes les tendresses et de tous les dévouements. » Les deux amants n'avaient plus de rendez-vous. Depuis la soirée de la rue Saint-Victor, ils ne s'étaient plus rencontrés seul à seule. Le soir, lorsqu'ils se trouvaient face à face, en apparence tranquilles et étrangers l'un à l'autre, des orages de passion, d'épouvante et de désir passaient sous la chair calme de leur visage. Et il y avait dans ThérÚse des emportements, des lùchetés, des railleries cruelles; il y avait dans Laurent des brutalités sombres, des indécisions poignantes. Eux-mÃÂȘmes n'osaient regarder au fond de leur ÃÂȘtre, au fond de cette fiÚvre trouble qui emplissait leur cerveau d'une sorte de vapeur épaisse et ùcre. Quand ils pouvaient, derriÚre une porte, sans parler, ils se serraient les mains à se les briser, dans une étreinte rude et courte. Ils auraient voulu, mutuellement, emporter des lambeaux de leur chair, collés à leurs doigts. Ils n'avaient plus que ce serrement de mains pour apaiser leurs désirs. Ils y mettaient tout leur corps. Ils ne se demandaient rien autre chose, ils attendaient. Un jeudi soir, avant de se mettre au jeu, les invités de la famille Raquin, comme à l'ordinaire, eurent un bout de causerie. Un des grands sujets de conversation était de parler au vieux Michaud de ses anciennes fonctions, de le questionner sur les étranges et sinistres aventures auxquelles il avait dû ÃÂȘtre mÃÂȘlé. Alors Grivet et Camille écoutaient les histoires du commissaire de police avec la face effrayée et béante des petits enfants qui entendent _Barbe-Bleue_ ou le _Petit Poucet_. Cela les terrifiait et les amusait. Ce jour-là , Michaud, qui venait de raconter un horrible assassinat dont les détails avaient fait frissonner son auditoire, ajouta en hochant la tÃÂȘte -Et l'on ne sait pas tout.... Que de crimes restent inconnus! que d'assassins échappent à la justice des hommes! -Comment! dit Grivet étonné, vous croyez qu'il y a, comme ça, dans la rue des canailles qui ont assassiné et qu'on n'arrÃÂȘte pas? Olivier se mit à sourire d'un air de dédain. -Mon cher monsieur, répondit-il de sa voix cassante, si on ne les arrÃÂȘte pas, c'est qu'on ignore qu'ils ont assassiné. Ce raisonnement ne parut pas convaincre Grivet. Camille vint à son -Moi, je suis de l'avis de M. Grivet, dit-il avec une importance bÃÂȘte.... J'ai besoin de croire que la police est bien faite et que je ne coudoierai jamais un meurtrier sur un trottoir. Olivier vit une attaque personnelle dans ces paroles. -Certainement, la police est bien faite, s'écria-t-il d'un ton vexé.... Mais nous ne pouvons pourtant pas faire l'impossible. Il y a des scélérats qui ont appris le crime à l'école du diable; ils échapperaient à Dieu lui-mÃÂȘme.... N'est-ce pas, mon pÚre? -Oui, oui, appuya le vieux Michaud.... Ainsi, lorsque j'étais à Vernon,-vous vous souvenez peut-ÃÂȘtre de cela, madame Raquin,-on assassina un roulier sur la grand'route. Le cadavre fut trouvé coupé en morceaux, au fond d'un fossé. Jamais on n'a pu mettre la main sur le coupable. Il vit peut-ÃÂȘtre encore aujourd'hui, il est peut-ÃÂȘtre notre voisin, et peut-ÃÂȘtre M. Grivet va-t-il le rencontrer en rentrant chez lui. Grivet devint pùle comme un linge. Il n'osait tourner la tÃÂȘte; il croyait que l'assassin du roulier était derriÚre lui. D'ailleurs, il était enchanté d'avoir peur. -Ah bien! non, balbutia-t-il, sans trop savoir ce qu'il disait, ah bien! non, je ne veux pas croire cela.... Moi aussi, je sais une histoire Il y avait une fois une servante qui fut mise en prison, pour avoir volé à ses maÃtres un couvert d'argent. Deux mois aprÚs, comme on abattait un arbre, on trouva le couvert dans un nid de pie. C'était une pie qui était la voleuse. On relùcha la servante.... Vous voyez bien que les coupables sont toujours punis. Grivet était triomphant, Olivier ricanait. -Alors, dit-il, on a mis la pie en prison? -Ce n'est pas cela que M. Grivet a voulu dire, reprit Camille, fùché de voir tourner son chef en ridicule.... MÚre, donne-moi le jeu de Pendant que Mme Raquin allait chercher la boÃte, le jeune homme continua, en s'adressant à Michaud -Alors, la police est impuissante, vous l'avouez? il y a des meurtriers qui se promÚnent au soleil? -Eh! malheureusement oui, répondit le commissaire. -C'est immoral, conclut Grivet. Pendant cette conversation, ThérÚse et Laurent étaient restés silencieux. Ils n'avaient pas mÃÂȘme souri de la sottise de Grivet. Accoudés tous deux sur la table, légÚrement pùles, les yeux vagues, ils écoutaient. Un moment leurs regards s'étaient rencontrés, noirs et ardents. Et de petites gouttes de sueur perlaient à la racine des cheveux de ThérÚse, et des souffles froids donnaient des frissons imperceptibles à la peau de Laurent. XI Parfois, le dimanche, lorsqu'il faisait beau, Camille forçait ThérÚse à sortir avec lui, à faire un bout de promenade aux Champs-Elysées. La jeune femme aurait préféré rester dans l'ombre humide de la boutique, elle se fatiguait, elle s'ennuyait au bras de son mari qui la traÃnait sur les trottoirs, en s'arrÃÂȘtant aux boutiques, avec des étonnements, des réflexions, des silences d'imbécile. Mais Camille tenait bon; il aimait à montrer sa femme; lorsqu'il rencontrait un de ses collÚgues, un de ses chefs surtout, il était tout fier d'échanger un salut avec lui, en compagnie de madame. D'ailleurs, il marchait pour marcher, sans presque parler, roide et contrefait dans ses habits du dimanche, traÃnant les pieds, abruti et vaniteux. ThérÚse souffrait d'avoir un pareil homme au bras. Les jours de promenade, Mme Raquin accompagnait ses enfants jusqu'au bout du passage. Elle les embrassait comme s'ils fussent partis pour un voyage. Et c'étaient des recommandations sans fin, des priÚres -Surtout, leur disait-elle, prenez garde aux accidents.... Il y a tant de voitures dans ce Paris!... Vous me promettez de ne pas aller dans la foule.... Elle les laissait enfin s'éloigner, les suivant longtemps des yeux. Puis elle rentrait à la boutique. Ses jambes devenaient lourdes et lui interdisaient toute longue marche. D'autres fois, plus rarement, les époux sortaient de Paris ils allaient à Saint-Ouen ou à AsniÚres, et mangeaient une friture dans un des restaurants du bord de l'eau. C'étaient des jours de grande débauche, dont on parlait un mois à l'avance. ThérÚse acceptait plus volontiers, presque avec joie, ces courses qui la retenaient en plein air jusqu'à dix et onze heures du soir. Saint-Ouen, avec ses Ãles vertes, lui rappelait Vernon; elle y sentait se réveiller toutes les amitiés sauvages qu'elle avait eues pour la Seine, étant jeune fille. Elle s'asseyait sur les graviers, trempait ses mains dans la riviÚre, se sentait vivre sous les ardeurs du soleil que tempéraient les souffles graves des ombrages. Tandis qu'elle déchirait et souillait sa robe sur les cailloux et la terre grasse, Camille étalait proprement son mouchoir et s'accroupissait à cÎté d'elle avec mille précautions. Dans les derniers temps, le jeune ménage emmenait presque toujours Laurent, qui égayait la promenade par ses rires et sa force de paysan. Un dimanche, Camille, ThérÚse et Laurent partirent pour Saint-Ouen vers onze heures, aprÚs le déjeuner. La partie était projetée depuis longtemps, et devait ÃÂȘtre la derniÚre de la saison. L'automne venait, des souffles froids commençaient, le soir, à faire frissonner l'air. Ce matin-là , le ciel gardait encore toute sa sérénité bleue. Il faisait chaud au soleil, et l'ombre était tiÚde. On décida qu'il fallait profiter des derniers rayons. Les trois promeneurs prirent un fiacre, accompagnés des doléances, des effusions inquiÚtes de la vieille merciÚre. Ils traversÚrent Paris et quittÚrent le fiacre aux fortifications; puis ils gagnÚrent Saint-Ouen en suivant la chaussée. Il était midi. La route, couverte de poussiÚre, largement éclairée par le soleil, avait des blancheurs aveuglantes de neige. L'air brûlait, épaissi et ùcre. ThérÚse, au bras de Camille, marchait à petits pas, se cachant sous son ombrelle, tandis que son mari s'éventait la face avec un immense mouchoir. DerriÚre eux venait Laurent, dont les rayons du soleil mordaient le cou, sans qu'il parût rien sentir; il sifflait, il poussait du pied les cailloux, et, par moments, il regardait avec des yeux fauves les balancements de hanches de sa maÃtresse. Quand ils arrivÚrent à Saint-Ouen, ils se hùtÚrent de chercher un bouquet d'arbres, un tapis d'herbe verte étalé à l'ombre. Ils passÚrent dans une Ãle et s'enfoncÚrent dans un taillis. Les feuilles tombées faisaient à terre une couche rougeùtre qui craquait sous les pieds avec des frémissements secs. Les troncs se dressaient droits, innombrables, comme des faisceaux de colonnettes gothiques; les branches descendaient jusque sur le front des promeneurs, qui avaient ainsi pour tout horizon la voûte cuivrée des feuillages mourants et les fûts blancs et noirs des trembles et des chÃÂȘnes. Ils étaient au désert, dans un trou mélancolique, dans une étroite clairiÚre silencieuse et fraÃche. Tout autour d'eux, ils entendaient la Seine Camille avait choisi une place sÚche et s'était assis en relevant les pans de sa redingote. ThérÚse, avec un grand bruit de jupes froissées, venait de se jeter sur les feuilles; elle disparaissait à moitié au milieu des plis de sa robe qui se relevait autour d'elle, en découvrant une de ses jambes jusqu'au genou. Laurent, couché à plat ventre, le menton dans la terre, regardait cette jambe et écoutait son ami qui se fùchait contre le gouvernement, en déclarant qu'on devrait changer tous les Ãlots de la Seine en jardins anglais, avec des bancs, des allées sablées, des arbres taillés, comme aux Tuileries. Ils restÚrent prÚs de trois heures dans la clairiÚre, attendant que le soleil fût moins chaud, pour courir la campagne, avant le dÃner. Camille parla de son bureau, il conta des histoires niaises; puis, fatigué, il se laissa aller à la renverse et s'endormit; il avait posé son chapeau sur ses yeux. Depuis longtemps, ThérÚse, les paupiÚres closes, feignait de sommeiller. Alors, Laurent se coula doucement vers la jeune femme; il avança les lÚvres et baisa sa bottine et sa cheville. Ce cuir, ce bas blanc qu'il baisait lui brûlaient la bouche. Les senteurs ùpres de la terre, les parfums légers de ThérÚse se mÃÂȘlaient et le pénétraient, en allumant son sang, en irritant ses nerfs. Depuis un mois il vivait dans une chasteté pleine de colÚre. La marche au soleil, sur la chaussée de Saint-Ouen, avait mis des flammes en lui. Maintenant, il était là , au fond d'une retraite ignorée, au milieu de la grande volupté de l'ombre et du silence, et il ne pouvait presser contre sa poitrine cette femme qui lui appartenait. Le mari allait peut-ÃÂȘtre s'éveiller, le voir, déjouer ses calculs de prudence. Toujours, cet homme était un obstacle. Et l'amant, aplati sur le sol, se cachant derriÚre les jupes, frémissant et irrité, collait des baisers silencieux sur la bottine et sur le bas blanc. ThérÚse, comme morte, ne faisait pas un mouvement. Laurent crut qu'elle dormait. Il se leva, le dos brisé, et s'appuya contre un arbre. Alors il vit la jeune femme qui regardait en l'air avec de grands yeux ouverts et luisants. Sa face, posée entre ses bras relevés, avait une pùleur mate, une rigidité froide. ThérÚse songeait. Ses yeux fixes semblaient un abÃme sombre oÃÂč l'on ne voyait que de la nuit. Elle ne bougea pas, elle ne tourna pas ses regards vers Laurent, debout derriÚre elle. Son amant la contempla, presque effrayé de la voir si immobile et si muette sous ses caresses. Cette tÃÂȘte blanche et morte, noyée dans les plis des jupons, lui donna une sorte d'effroi plein de désirs cuisants. Il aurait voulu se pencher et fermer d'un baiser ces grands yeux ouverts. Mais, presque dans les jupons, dormait aussi Camille. Le pauvre ÃÂȘtre, le corps déjeté, montrant sa maigreur, ronflait légÚrement; sous le chapeau, qui lui couvrait à demi la figure, on apercevait sa bouche ouverte, tordue par le sommeil, faisant une grimace bÃÂȘte; de petits poils roussùtres, clairsemés sur son menton grÃÂȘle, salissaient sa chair blafarde, et, comme il avait la tÃÂȘte renversée en arriÚre, on voyait son cou maigre, ridé, au milieu duquel le noeud de la gorge, saillant et d'un rouge brique, remontait à chaque ronflement. Camille, ainsi vautré, était exaspérant et ignoble. Laurent, qui le regardait, leva le talon, d'un mouvement brusque. Il allait, d'un coup, lui écraser la face. ThérÚse retint un cri. Elle pùlit et ferma les yeux. Elle tourna la tÃÂȘte, comme pour éviter les éclaboussures du sang. Et Laurent, pendant quelques secondes, resta, le talon en l'air, au-dessus du visage de Camille endormi. Puis, lentement, il replia la jambe, il s'éloigna de quelques pas. Il s'était dit que ce serait là un assassinat d'imbécile. Cette tÃÂȘte broyée lui aurait mis toute la police sur les bras. Il voulait se débarrasser de Camille uniquement pour épouser ThérÚse; il entendait vivre au soleil, aprÚs le crime, comme le meurtrier du roulier dont le vieux Michaud avait conté l'histoire. Il alla jusqu'au bord de l'eau, regarda couler la riviÚre d'un air stupide. Puis, brusquement, il rentra dans le taillis; il venait enfin d'arrÃÂȘter un plan, d'inventer un meurtre commode et sans danger pour Alors, il éveilla le dormeur en lui chatouillant le nez avec une paille. Camille éternua, se leva, trouva la plaisanterie excellente. Il aimait Laurent pour ses farces qui le faisaient rire. Puis il secoua sa femme, qui tenait les yeux fermés; lorsque ThérÚse se fut dressée et qu'elle eut secoué ses jupes, fripées et couvertes de feuilles sÚches, les trois promeneurs quittÚrent la clairiÚre, en cassant les petites branches devant eux. Ils sortirent de l'Ãle, ils s'en allÚrent par les routes, par les sentiers pleins de groupes endimanchés. Entre les haies, couraient des filles en robes claires; une équipe de canotiers passait en chantant; des filles de couples bourgeois, de vieilles gens, des commis avec leurs épouses, marchaient à petits pas, au bord des fossés. Chaque chemin semblait une rue populeuse et bruyante. Le soleil seul gardait sa tranquillité large; il baissait vers l'horizon et jetait sur les arbres rougis, sur les routes blanches, d'immenses nappes de clarté pùle. Du ciel frissonnant commençait à tomber une fraÃcheur pénétrante. Camille ne donnait plus le bras à ThérÚse; il causait avec Laurent, riait des plaisanteries et des tours de force de son ami, qui sautait les fossés et soulevait de grosses pierres. La jeune femme, de l'autre cÎté de la route, s'avançait, la tÃÂȘte penchée, se courbant parfois pour arracher une herbe. Quand elle était restée en arriÚre, elle s'arrÃÂȘtait et regardait de loin son amant et son mari. -Hé! tu n'as pas faim? finit par lui crier Camille. -Si, répondit-elle. -Alors, en route! ThérÚse n'avait pas faim; seulement elle était lasse et inquiÚte. Elle ignorait les projets de Laurent, ses jambes tremblaient sous elle d'anxiété. Les trois promeneurs revinrent au bord de l'eau et cherchÚrent un restaurant. Ils s'attablÚrent sur une sorte de terrasse en planches, dans une gargote puant la graisse et le vin. La maison était pleine de cris, de chansons, de bruits de vaisselle; dans chaque cabinet, dans chaque salon, il y avait des sociétés qui parlaient haut, et les minces cloisons donnaient une sonorité vibrante à tout ce tapage. Les garçons en montant faisaient trembler l'escalier. En haut, sur la terrasse, les souffles de la riviÚre chassaient les odeurs du graillon. ThérÚse, appuyée contre la balustrade, regardait sur le quai. A droite et à gauche, s'étendaient deux files de guinguettes et de baraques de foire; sous les tonnelles, entre les feuilles rares et jaunes, on apercevait la blancheur des nappes, les taches noires des paletots, les jupes éclatantes des femmes; les gens allaient et venaient, nu-tÃÂȘte, courant et riant; et, au bruit criard de la foule, se mÃÂȘlaient les chansons lamentables des orgues de Barbarie. Une odeur de friture et de poussiÚre traÃnait dans l'air Au-dessous de ThérÚse, des filles du quartier latin, sur un tapis de gazon usé, tournaient, en chantant une ronde enfantine. Le chapeau tombé sur les épaules, les cheveux dénoués, elles se tenaient par la main, jouant comme des petites filles. Elles retrouvaient un filet de voix fraÃche, et leurs visages pùles, que des caresses brutales avaient martelés, se coloraient tendrement de rougeurs de vierges. Dans leurs grands yeux impurs, passaient des humidités attendries. Des étudiants, fumant des pipes de terre blanche, les regardaient tourner en leur jetant des plaisanteries grasses. Et, au delà , sur la Seine, sur les coteaux, descendait la sérénité du soir, un air bleuùtre et vague qui noyait les arbres dans une vapeur -Eh bien! cria Laurent en se penchant sur la rampe de l'escalier, garçon, et ce dÃner? Puis, comme se ravisant -Dis donc, Camille, ajouta-t-il, si nous allions faire une promenade sur l'eau, avant de nous mettre à table?... On aurait le temps de faire rÎtir notre poulet. Nous allons nous ennuyer pendant une heure à -Comme tu voudras, répondit nonchalamment Camille... Mais ThérÚse a -Non, non, je puis attendre, se hùta de dire la jeune femme, que Laurent regardait avec des yeux fixes. Ils redescendirent tous trois. En passant devant le comptoir, ils retinrent une table, ils arrÃÂȘtÚrent un menu, disant qu'ils seraient de retour dans une heure. Comme le cabaretier louait des canots, ils le priÚrent de venir en détacher un. Laurent choisit une mince barque dont la légÚreté effrayait Camille. -Diable! dit-il, il ne va pas falloir remuer là -dedans. On ferait un fameux plongeon. La vérité était que le commis avait une peur horrible de l'eau. A Vernon, son état maladif ne lui permettait pas, lorsqu'il était enfant, d'aller barboter dans la Seine; tandis que ses camarades d'école couraient se jeter en pleine riviÚre, il se couchait entre deux couvertures chaudes. Laurent était devenu un nageur intrépide, un rameur infatigable; Camille avait gardé cette épouvante que les enfants et les femmes ont pour les eaux profondes. Il tùta du pied le bout du canot, comme pour s'assurer de sa solidité. -Allons, entre donc, lui cria Laurent en riant... Tu trembles Camille enjamba le bord et alla, en chancelant, s'asseoir à l'arriÚre. Quand il sentit les planches sous lui, il prit ses aises, il plaisanta, pour faire acte de courage. ThérÚse était demeurée sur la rive, grave et immobile, à cÎté de son amant qui tenait l'amarre. Il se baissa, et, rapidement, à voix basse -Prends garde, murmura-t-il, je vais le jeter à l'eau... Obéis-moi... Je réponds de tout. La jeune femme devint horriblement pùle. Elle resta comme clouée au sol. Elle se raidissait, les yeux agrandis. -Entre donc dans la barque, murmura encore Laurent. Elle ne bougea pas. Une lutte terrible se passait en elle. Elle tendait sa volonté de toutes ses forces, car elle avait peur d'éclater en sanglots et de tomber à terre. -Ah! ah! cria Camille... Laurent, regarde donc ThérÚse... C'est elle qui a peur!... Elle entrera, elle n'entrera pas... Il s'était étalé sur le banc de l'arriÚre, les deux coudes contre les bords du canot, et se dandinait avec fanfaronnade. ThérÚse lui jeta un regard étrange; les ricanements de ce pauvre homme furent comme un coup de fouet qui la cingla et la poussa. Brusquement, elle sauta dans la barque. Elle resta à l'avant. Laurent prit les rames. Le canot quitta la rive, se dirigeant vers les Ãles avec lenteur. Le crépuscule venait. De grandes ombres tombaient des arbres, et les eaux étaient noires sur les bords. Au milieu de la riviÚre il y avait de larges traÃnées d'argent pùle. La barque fut bientÎt en pleine Seine. Là , tous les bruits des quais s'adoucissaient; les chants, les cris, arrivaient vagues et mélancoliques, avec des langueurs tristes. On ne sentait plus l'odeur de friture et de poussiÚre. Des fraÃcheurs traÃnaient. Il faisait froid. Laurent cessa de ramer et laissa descendre le canot au fil du courant. En face, se dressait le grand massif rougeùtre des Ãles. Les deux rives, d'un brun sombre taché de gris, étaient comme deux larges bandes qui allaient se rejoindre à l'horizon. L'eau et le ciel semblaient coupés dans la mÃÂȘme étoffe blanchùtre. Rien n'est plus douloureusement calme qu'un crépuscule d'automne. Les rayons pùlissent dans l'air frissonnant, les arbres vieillis jettent leurs feuilles. La campagne, brûlée par les rayons ardents de l'été, sent la mort venir avec les premiers vents froids. Et il y a, dans les cieux, des souffles plaintifs de désespérance. La nuit descend de haut, apportant des linceuls dans son ombre. Les promeneurs se taisaient. Assis au fond de la barque qui coulait avec l'eau, ils regardaient les derniÚres lueurs quitter les hautes branches. Ils approchaient des Ãles. Les grandes masses rougeùtres devenaient sombres; tout le paysage se simplifiait dans le crépuscule; la Seine, le ciel, les Ãles, les coteaux n'étaient plus que des taches brunes et grises qui s'effaçaient au milieu d'un brouillard laiteux. Camille, qui avait fini par se coucher à plat ventre, la tÃÂȘte au-dessus de l'eau, trempa ses mains dans la riviÚre. -Fichtre! que c'est froid! s'écria-t-il. Il ne ferait pas bon de piquer une tÃÂȘte dans ce bouillon-là . Laurent ne répondÃt pas. Depuis un instant il regardait les deux rives avec inquiétude; il avançait ses grosses mains sur ses genoux, en serrant les lÚvres. ThérÚse, raide, immobile, la tÃÂȘte un peu renversée, attendait. La barque allait s'engager dans un petit bras, sombre et étroit, s'enfonçant entre deux Ãles. On entendait, derriÚre l'une des Ãles, les chants adoucis d'une équipe de canotiers qui devaient remonter la Seine. Au loin, en amont, la riviÚre était libre. Alors Laurent se leva et prit Camille à bras-le-corps. Le commis éclata de rire. -Ah! non, tu me chatouilles, dit-il, pas de ces plaisanteries-là ... Voyons, finis; ta vas me faire tomber. Laurent serra plus fort, donna une secousse, Camille se tourna et vit la ligure effrayante de son ami, toute convulsionnée. Il ne comprit pas; une épouvante vague le saisit. Il voulut crier, et sentit une main rude qui le serrait à la gorge. Avec l'instinct d'une bÃÂȘte qui se défend, il se dressa sur les genoux, se cramponnant au bord de la barque. Il lutta ainsi pendant quelques secondes. -ThérÚse! ThérÚse! appela-t-il d'une voix étouffée et sifflante. La jeune femme regardait, se tenant des deux mains à un banc du canot qui craquait et dansait sur la riviÚre. Elle ne pouvait fermer les yeux; une effrayante contraction les tenait grands ouverts, fixés sur le spectacle horrible de la lutte. Elle était rigide, muette. -ThérÚse! ThérÚse! appela de nouveau le malheureux qui rùlait. A ce dernier appel, ThérÚse éclata en sanglots. Ses nerfs se détendaient. La crise qu'elle redoutait la jeta toute frémissante au fond de la barque. Elle y resta pliée, pùmée, morte. Laurent secouait toujours Camille, en le serrant d'une main à la gorge. Il finit par l'arracher de la barque à l'aide de son autre bras. Il le tenait en l'air, ainsi qu'un enfant, au bout de ses bras vigoureux. Comme il penchait la tÃÂȘte, découvrant le cou, sa victime, folle de rage et d'épouvante, se tordit, avança les dents et les enfonça dans ce cou. Et lorsque le meurtrier, retenant un cri de souffrance, lança brusquement le commis à la riviÚre, les dents de celui-ci lui emportÚrent un morceau de chair. Camille tomba en poussant un hurlement. Il revint deux, ou trois fois sur l'eau, jetant des cris de plus en plus sourds. Laurent ne perdit pas une seconde, il releva le collet de son paletot pour cacher sa blessure. Puis il saisit entre ses bras ThérÚse évanouie, fit chavirer le canot d'un coup de pied, et se laissa tomber dans la Seine en tenant sa maÃtresse. Il la soutint sur l'eau, appelant au secours d'une voix lamentable. Les canotiers, dont il avait entendu les chants derriÚre la pointe de l'Ãle, arrivaient à grands coups de rames. Ils comprirent qu'un malheur venait d'avoir lieu ils opérÚrent le sauvetage de ThérÚse qu'ils couchÚrent sur un banc, et de Laurent qui se mit à se désespérer de la mort de son ami. Il se jeta à l'eau, il chercha Camille dans les endroits oÃÂč il ne pouvait ÃÂȘtre, il revint en pleurant, en se tordant les bras, en s'arrachant les cheveux. Les canotiers tentaient de le calmer, de le consoler. -C'est ma faute, criait-il, je n'aurais pas dû laisser ce pauvre garçon danser et remuer comme il le faisait... A un moment, nous nous sommes trouvés tous les trois du mÃÂȘme cÎté de la barque, et nous avons chaviré... En tombant, il m'a crié de sauver sa femme... Il y eut, parmi les canotiers, comme cela arrive toujours, deux ou trois jeunes gens qui voulurent avoir été témoins de l'accident. -Nous vous avons bien vus, disaient-ils... Aussi, que diable! une barque, ce n'est pas aussi solide qu'un parquet... Ah! la pauvre petite femme, elle va avoir un beau réveil! Ils reprirent leurs rames, ils remorquÚrent le canot et conduisirent ThérÚse et Laurent au restaurant, oÃÂč le dÃner était prÃÂȘt. Tout Saint-Ouen sut l'accident en quelques minutes. Les canotiers le racontaient comme des témoins oculaires. Une foule apitoyée stationnait devant le cabaret. Le gargotier et sa femme étaient de bonnes gens qui mirent leur garde-robe au service des naufragés. Lorsque ThérÚse sortit de son évanouissement, elle eut une crise de nerfs, elle éclata en sanglots déchirants; il fallut la mettre au lit. La nature aidait à la sinistre comédie qui venait de se jouer. Quand la jeune femme fut plus calme, Laurent la confia aux soins des maÃtres du restaurant. Il voulut retourner seul à Paris, pour apprendre l'affreuse nouvelle à Mme Raquin, avec tous les ménagements possibles. La vérité était qu'il craignait l'exaltation nerveuse de ThérÚse. Il préférait lui laisser le temps de réfléchir et d'apprendre son rÎle. Ce furent les canotiers qui mangÚrent le dÃner de Camille. XII Laurent, dans le coin sombre de la voiture publique qui le ramena à Paris, acheva de mûrir son plan. Il était presque certain de l'impunité. Une joie lourde et anxieuse, la joie du crime accompli, l'emplissait. Arrivé à la barriÚre de Clichy, il prit un fiacre, il se fit conduire chez le vieux Michaud, rue de Seine. Il était neuf heures du soir. Il trouva l'ancien commissaire de police à table, en compagnie d'Olivier et de Suzanne. Il venait là pour chercher une protection, dans le cas oÃÂč il serait soupçonné et pour s'éviter d'aller annoncer lui-mÃÂȘme l'affreuse nouvelle à Mme Raquin. Cette démarche lui répugnait étrangement; il s'attendait à un tel désespoir qu'il craignait de ne pas jouer son rÎle avec assez de larmes; puis la douleur de cette mÚre lui était pesante, bien qu'il s'en souciùt médiocrement au fond. Lorsque Michel le vit entrer vÃÂȘtu de vÃÂȘtements grossiers, trop étroits pour lui, il le questionna du regard. Laurent fit le récit de l'accident, d'une voix brisée, comme tout essoufflé de douleur et de -Je suis venu vous chercher, dit-il en terminant, je ne savais que faire des deux pauvres femmes si cruellement frappées... Je n'ai point osé aller seul chez la mÚre. Je vous en prie, venez avec moi. Pendant qu'il parlait, Olivier le regardait fixement, avec des regards droits qui l'épouvantaient. Le meurtrier s'était jeté, tÃÂȘte baissée, dans ces gens de police, par un coup d'audace qui devait le sauver. Mais il ne pouvait s'empÃÂȘcher de frémir, en sentant leurs yeux qui l'examinaient; il voyait de la méfiance oÃÂč il n'y avait que de la stupeur et de la pitié. Suzanne, plus frÃÂȘle et plus pùle, était prÚs de s'évanouir. Olivier, que l'idée de la mort effrayait et dont le coeur restait d'ailleurs parfaitement froid, faisait une grimace de surprise douloureuse, en scrutant par habitude le visage de Laurent, sans soupçonner le moins du monde la sinistre vérité. Quant au vieux Michaud, il poussait des exclamations d'effroi, de commisération, d'étonnement; il se remuait sur sa chaise, joignait les mains, levait les yeux au ciel. -Ah! mon Dieu, disait-il d'une voix entrecoupée, ah! mon Dieu, l'épouvantable chose!... On sort de chez soi, et l'on meurt, comme ça, tout d'un coup... C'est horrible... Et cette pauvre Mme Raquin, cette mÚre, qu'allons-nous lui dire?... Certainement, vous avez bien fait de venir nous chercher... Nous allons avec vous... Il se leva, il tourna, piétina dans la piÚce pour trouver sa canne et son chapeau, et, tout en courant, il fit répéter à Laurent les détails de la catastrophe, s'exclamant de nouveau à chaque phrase. Ils descendirent tous quatre. A l'entrée du passage du Pont-Neuf, Michaud arrÃÂȘta Laurent. -Ne venez pas, lui dit-il; votre présence serait une sorte d'aveu brutal qu'il faut éviter... La malheureuse mÚre soupçonnerait un malheur et nous forcerait à avouer la vérité plus tÎt que nous ne devons la lui dire... Attendez-nous ici. Cet arrangement soulagea le meurtrier, qui frissonnait à la pensée d'entrer dans la boutique du passage. Le calme se fit en lui, il se mit à monter et à descendre le trottoir, allant et venant en toute paix. Par moments, il oubliait les faits qui se passaient, il regardait les boutiques, sifflait entre ses dents, se retournait pour voir les femmes qui le coudoyaient. Il resta ainsi une grande demi-heure dans la rue, retrouvant de plus en plus son sang-froid. Il n'avait pas mangé depuis le matin; la faim le prit, il entra chez un pùtissier et se bourra de gùteaux. Dans la boutique du passage, une scÚne déchirante se passait. Malgré les précautions, les phrases adoucies et amicales du vieux Michaud, il vint un instant oÃÂč Mme Raquin comprit qu'un malheur était arrivé à son fils. DÚs lors, elle exigea la vérité avec un emportement de désespoir, une violence de larmes et de cris qui firent plier son vieil ami. Et, lorsqu'elle connut la vérité, sa douleur fut tragique. Elle eut des sanglots sourds, des secousses qui la jetaient en arriÚre, une crise folle de terreur et d'angoisse; elle resta là étouffant, jetant de temps à autre un cri aigu dans le gonflement profond de sa douleur. Elle se serait traÃnée à terre, si Suzanne ne l'avait prise à la taille, pleurant sur ses genoux, levant vers elle sa face pùle. Olivier et son pÚre se tenaient debout, énervés et muets, détournant la tÃÂȘte, émus désagréablement par ce spectacle dont leur égoïsme souffrait. Et la pauvre mÚre voyait son fils roulé dans les eaux troubles de la Seine, le corps roidi et horriblement gonflé en mÃÂȘme temps, elle le voyait tout petit dans son berceau, lorsqu'elle chassait la mort penchée sur lui. Elle l'avait mis au monde plus de dix fois, elle l'aimait pour tout l'amour qu'elle lui témoignait depuis trente ans. Et voilà qu'il mourait loin d'elle, tout d'un coup, dans l'eau froide et sale, comme un chien. Elle se rappelait alors les chaudes couvertures au milieu desquelles elle l'enveloppait. Que de soins, quelle enfance tiÚde, que de cajoleries et d'effusions tendres, tout cela pour le voir un jour se noyer misérablement! A ces pensées, Mme Raquin sentait sa gorge se serrer; elle espérait qu'elle allait mourir, étranglée par le désespoir. Le vieux Michaud se hùta de sortir. Il laissa Suzanne auprÚs de la merciÚre, et revint avec Olivier chercher Laurent pour se rendre en toute hùte à Saint-Ouen. Pendant la route, ils échangÚrent à peine quelques mots. Ils s'étaient enfoncés chacun dans un coin du fiacre. Et, par instants, le rapide rayon d'un bec de gaz jetait une lueur vive sur leurs visages. Le sinistre événement, qui les réunissait, mettait autour d'eux une sorte d'accablement lugubre. Lorsqu'ils arrivÚrent enfin au restaurant du bord de l'eau, ils trouvÚrent ThérÚse couchée, les mains et la tÃÂȘte brûlantes. Le traiteur leur dit à demi-voix que la jeune femme avait une forte fiÚvre. La vérité était que, ThérÚse, se sentant faible et lùche, craignant d'avouer le meurtre dans une crise, avait pris le parti d'ÃÂȘtre malade. Elle gardait un silence farouche, elle tenait les lÚvres et les paupiÚres serrées, ne voulant voir personne, redoutant de parler. Le drap au menton, la face à moitié dans l'oreiller, elle se faisait toute petite, elle écoutait avec anxiété ce qu'on disait autour d'elle. Et, au milieu de la lueur rougeùtre que laissaient passer ses paupiÚres closes, elle voyait toujours Camille et Laurent luttant sur le bord de la barque, elle apercevait son mari, blafard, horrible, grandi, qui se dressait tout droit au-dessus d'une eau limoneuse. Cette vision implacable activait la fiÚvre de son sang. Le vieux Michaud essaya de lui parler, de la consoler. Elle fit un mouvement d'impatience, elle se retourna et se mit de nouveau à -Laissez-la, monsieur, dit le restaurateur, elle frissonne au moindre bruit... Voyez-vous, elle aurait besoin de repos. En bas, dans la salle commune, il y avait un agent de police qui verbalisait sur l'accident. Michaud et son fils descendirent, suivis de Laurent. Quand Olivier eut fait connaÃtre sa qualité d'employé supérieur de la Préfecture, tout fut terminé en dix minutes. Les canotiers étaient encore là , racontant la noyade dans ses moindres circonstances, décrivant la façon dont les trois promeneurs étaient tombés, se donnant comme des témoins oculaires. Si Olivier et son pÚre avaient eu le moindre soupçon, ce soupçon se serait évanoui, devant de tels témoignages. Mais ils n'avaient pas douté un instant de la véracité de Laurent; ils le présentÚrent au contraire à l'agent de police comme le meilleur ami de la victime, et ils eurent le soin de faire mettre dans le procÚs-verbal que le jeune homme s'était jeté à l'eau pour sauver Camille Raquin. Le lendemain, les journaux racontÚrent l'accident avec un grand luxe de détails; la malheureuse mÚre, la veuve inconsolable, l'ami noble et courageux, rien ne manquait à ce fait-divers, qui fit le tour de la presse parisienne et qui alla ensuite s'enterrer dans les feuilles des départements. Quand le procÚs-verbal fut achevé, Laurent sentit une joie chaude qui pénétra sa chair d'une vie nouvelle. Depuis l'instant oÃÂč sa victime lui avait enfoncé les dents dans le cou, il était comme roidi, il agissait mécaniquement, d'aprÚs un plan arrÃÂȘté longtemps à l'avance. L'instinct de la conservation seul le poussait, lui disait ses paroles, lui conseillait ses gestes. A cette heure, devant la certitude de l'impunité, le sang se remettait à couler dans ses veines avec des lenteurs douces. La police avait passé à cÎté de son crime, et la police n'avait rien vu, elle était dupée, elle venait de l'acquitter. Il était sauvé. Cette pensée lui fÃt éprouver tout le long du corps des moiteurs de jouissance, des chaleurs qui rendirent la souplesse à ses membres et à son intelligence. Il continua son rÎle d'ami éploré avec une science et un aplomb incomparables. Au fond, il avait des satisfactions de brute; il songeait à ThérÚse qui était couchée dans la chambre, en haut. -Nous ne pouvons laisser ici cette malheureuse jeune femme, dit-il à Michaud. Elle est peut-ÃÂȘtre menacée d'une maladie grave, il faut la ramener absolument à Paris... Venez, nous la déciderons à nous suivre. En haut, il parla, il supplia lui-mÃÂȘme ThérÚse de se lever, de se laisser conduire au passage du Pont-Neuf. Quand la jeune femme entendit le son de sa voix, elle tressaillit, elle ouvrit ses yeux tout grands et le regarda. Elle était hébétée, frissonnante. Péniblement, elle se dressa sans répondre. Les hommes sortirent, la laissant avec la femme du restaurateur. Quand elle fut habillée, elle descendit en chancelant et monta dans le fiacre, soutenue par Olivier. Le voyage fut silencieux. Laurent, avec une audace et une impudence parfaites, glissa sa main le long des jupes de la jeune femme et lui prit les doigts. Il était assis en face d'elle, dans une ombre flottante; il ne voyait pas sa figure, qu'elle tenait baissée sur sa poitrine. Quand il eut saisi sa main, il la lui serra avec force et la garda dans la sienne jusqu'à la rue Mazarine. Il sentait cette main trembler; mais elle ne se retirait pas, elle avait au contraire des caresses brusques. Et, l'une dans l'autre, les mains brûlaient; les paumes moites se collaient, et les doigts, étroitement pressés, se meurtrissaient à chaque secousse. Il semblait à Laurent et à ThérÚse que le sang de l'un allait dans la poitrine de l'autre en passant par leurs poings unis; ces poings devenaient un foyer ardent oÃÂč leur vie bouillait. Au milieu de la nuit et du silence navré qui traÃnait, le furieux serrement de mains qu'ils échangeaient était comme un poids écrasant jeté sur la tÃÂȘte de Camille pour le maintenir sous l'eau. Quand le fiacre s'arrÃÂȘta, Michaud et son fils descendirent les premiers. Laurent se pencha vers sa maÃtresse, et, doucement -Sois forte, ThérÚse, murmura-t-il... Nous avons longtemps à attendre... Souviens-toi. La jeune femme n'avait pas encore parlé. Elle ouvrit les lÚvres pour la premiÚre fois depuis la mort de son mari. -Oh! je me souviendrai, dit-elle en frissonnant, d'une voix légÚre comme un souffle. Olivier lui tendait la main, l'invitant à descendre. Laurent alla, cette fois, jusqu'à la boutique. Mme Raquin était couchée, en proie à un violent délire. ThérÚse se traÃna jusqu'à son lit et Suzanne eut à peine le temps de la déshabiller. Rassuré, voyant que tout s'arrangeait à souhait, Laurent se retira, Il gagna lentement son taudis de la rue Saint-Victor. Il était plus de minuit. Un air frais courait dans les rues désertes et silencieuses. Le jeune homme n'entendait que le bruit régulier de ses pas sonnant sur les dalles des trottoirs. La fraÃcheur le pénétrait de bien-ÃÂȘtre; le silence, l'ombre lui donnaient des sensations rapides de volupté. Il flùnait. Enfin, il était débarrassé de son crime. Il avait tué Camille. C'était là une affaire faite dont on ne parlerait plus. Il allait vivre tranquille, en attendant de pouvoir prendre possession de ThérÚse. La pensée du meurtre l'avait parfois étouffé; maintenant que le meurtre était accompli, il se sentait la poitrine libre et respirait à l'aise. Il était guéri des souffrances que l'hésitation et la crainte mettaient en lui. Au fond, il était un peu hébété, la fatigue alourdissait ses membres et ses pensées. Il rentra et s'endormit profondément. Pendant son sommeil, de légÚres crispations nerveuses couraient sur son visage. XIII Le lendemain, Laurent s'éveilla frais et dispos. Il avait bien dormi. L'air froid qui entrait par la fenÃÂȘtre fouettait son sang alourdi. Il se rappelait à peine les scÚnes de la veille; sans la cuisson ardente qui le brûlait au cou, il aurait pu croire qu'il s'était couché à dix heures, aprÚs une soirée calme. La morsure de Camille était comme un fer rouge posé sur sa peau; lorsque sa pensée se fut arrÃÂȘtée sur la douleur que lui causait cette entaille, il en souffrit cruellement. Il lui semblait qu'une douzaine d'aiguilles pénétraient peu à peu dans sa Il rabattit le col de sa chemise et regarda la plaie dans un méchant miroir de quinze sous accroché au mur. Cette plaie faisait un trou rouge, large comme une piÚce de deux sous; la peau avait été arrachée, la chair se montrait, rosùtre, avec des taches noires; des filets de sang avaient coulé jusqu'à l'épaule, en minces traÃnées qui s'écaillaient. Sur le cou blanc, la morsure paraissait d'un brun sourd et puissant; elle se trouvait à droite, au-dessous de l'oreille. Laurent, le dos courbé, le cou tendu, regardait, et le miroir verdùtre donnait à sa face une grimace atroce. Il se lava à grande eau, satisfait de son examen, se disant que la blessure serait cicatrisée au bout de quelques jours. Puis il s'habilla et se rendit à son bureau, tranquillement, comme à l'ordinaire. Il y conta l'accident d'une voix émue. Lorsque ses collÚgues eurent lu le fait-divers qui courait la presse, il devint un véritable héros. Pendant une semaine, les employés du chemin de fer d'Orléans n'eurent pas d'autre sujet de conversation ils étaient tout fiers qu'un des leurs se fût noyé. Grivet ne tarissait pas sur l'imprudence qu'il y a à s'aventurer en pleine Seine, quand il est si facile de regarder couler l'eau en traversant les ponts. Il restait à Laurent une inquiétude sourde. Le décÚs de Camille n'avait pu ÃÂȘtre constaté officiellement. Le mari de ThérÚse était bien mort, mais le meurtrier aurait voulu retrouver son cadavre pour qu'un acte formel fût dressé. Le lendemain de l'accident, on avait inutilement cherché le corps du noyé; on pensait qu'il s'était sans doute enfoui au fond de quelque trou, sous les berges des Ãles. Des ravageurs fouillaient activement la Seine pour toucher la prime. Laurent se donna la tùche de passer chaque matin par la Morgue, en se rendant à son bureau. Il s'était juré de faire lui-mÃÂȘme ses affaires. Malgré les répugnances qui lui soulevaient le coeur, malgré les frissons qui le secouaient parfois, il alla pendant plus de huit jours, réguliÚrement, examiner le visage de tous les noyés étendus sur les dalles. Lorsqu'il entrait, une odeur fade, une odeur de chair lavée l'écoeurait, et des souffles froids couraient sur sa peau; l'humidité des murs semblait alourdir ses vÃÂȘtements, qui devenaient plus pesants à ses épaules. Il allait droit au vitrage qui sépare les spectateurs des cadavres; il collait sa face pùle contre les vitres, il regardait. Devant lui s'alignaient les rangées de dalles grises. Ça et là , sur les dalles, des corps nus faisaient des taches vertes et jaunes, blanches et rouges; certains corps gardaient leurs chairs vierges dans la rigidité de la mort; d'autres semblaient des tas de viandes sanglantes et pourries. Au fond, contre le mur, pendaient des loques lamentables, des jupes, et des pantalons qui grimaçaient sur la nudité du plùtre. Laurent ne voyait d'abord que l'ensemble blafard des pierres et des murailles, tùché de roux et de noir par les vÃÂȘtements et les cadavres. Un bruit d'eau courante chantait. Peu à peu il distinguait les corps. Alors il allait de l'un à l'autre. Les noyés seuls l'intéressaient; quand il y avait plusieurs cadavres gonflés et bleuis par l'eau, il les regardait avidement, cherchant à reconnaÃtre Camille. Souvent, les chairs de leur visage s'en allaient par lambeaux, les os avaient troué la peau amollie, la face était comme bouillie et désossée. Laurent hésitait; il examinait les corps, il tùchait de retrouver les maigreurs de sa victime. Mais tous les noyés sont gras; il voyait des ventres énormes, des cuisses bouffies, des bras ronds et forts. Il ne savait plus, il restait frissonnant en face de ces haillons verdùtres qui semblaient se moquer avec des grimaces horribles. Un matin, il fut pris d'une véritable épouvante. Il regardait depuis quelques minutes un noyé, petit de taille, atrocement défiguré. Les chairs de ce noyé étaient tellement molles et dissoutes, que l'eau courante qui les lavait les emportait brin à brin. Le jet qui tombait sur la face, creusait un trou à gauche du nez. Et, brusquement, le nez s'aplatit, les lÚvres se détachÚrent, montrant des dents blanches. La tÃÂȘte du noyé éclata de rire. Chaque fois qu'il croyait reconnaÃtre Camille, Laurent ressentait une brûlure au coeur. Il désirait ardemment retrouver le corps de sa victime, et des lùchetés le prenaient, lorsqu'il s'imaginait que ce corps était devant lui. Ses visites à la Morgue l'emplissaient de cauchemars, de frissons qui le faisaient haleter. Il secouait ses peurs, il se traitait d'enfant, il voulait ÃÂȘtre fort; mais, malgré lui, sa chair se révoltait, le dégoût et l'effroi s'emparaient de son ÃÂȘtre, dÚs qu'il se trouvait dans l'humidité et l'odeur fade de la Quand il n'y avait pas de noyés sur la derniÚre rangée de dalles, il respirait à l'aise; ses répugnances étaient moindres. Il devenait alors un simple curieux, il prenait un plaisir étrange à regarder la mort violente en face, dans ses attitudes lugubrement bizarres et grotesques. Ce spectacle l'amusait, surtout lorsqu'il y avait des femmes étalant leur gorge nue. Ces nudités brutalement étendues, tachées de sang, trouées par endroits, l'attiraient et le retenaient. Il vit, une fois, une jeune femme de vingt ans, une fille du peuple, large et forte, qui semblait dormir sur la pierre; son corps frais et gras blanchissait avec des douceurs de teinte d'une grande délicatesse; elle souriait à demi, la tÃÂȘte un peu penchée, et tendait la poitrine d'une façon provocante; on aurait dit une courtisane vautrée, si elle n'avait eu au cou une raie noire qui lui mettait comme un collier d'ombre; c'était une fille qui venait de se pendre par désespoir d'amour. Laurent la regarda longtemps, promenant ses regards sur sa chair, absorbé dans une sorte de désir peureux. Chaque matin, pendant qu'il était là , il entendait derriÚre lui le va-et-vient du public qui entrait et qui sortait. La Morgue est un spectacle à la portée de toutes les bourses, que se payent gratuitement les passants pauvres ou riches. La porte est ouverte, entre qui veut. Il y a des amateurs qui font un détour pour ne pas manquer une de ces représentations de la mort. Lorsque les dalles sont nues, les gens sortent désappointés, volés, murmurant entre leurs dents. Lorsque les dalles sont bien garnies, lorsqu'il y a un bel étalage de chair humaine, les visiteurs se pressent, se donnent des émotions à bon marché, s'épouvantent plaisantent, applaudissent ou sifflent comme au théùtre, et se retirent satisfaits, en déclarant que la Morgue est réussie, ce jour-là . Laurent connut vite le public de l'endroit, public mÃÂȘlé et disparate qui s'apitoyait et ricanait en commun. Des ouvriers entraient, en allant à leur ouvrage, avec un pain et des outils sous le bras; ils trouvaient la mort drÎle. Parmi eux se rencontraient des loustics d'atelier qui faisaient sourire la galerie en disant un mot plaisant sur la grimace de chaque cadavre; ils appelaient les incendiés des charbonniers; les pendus les assassinés, les noyés, les cadavres troués ou broyés excitaient leur verve goguenarde, et leur voix, qui tremblait un peu, balbutiait des phrases comiques dans le silence frissonnant de la salle. Puis venaient de petits rentiers, des vieillards maigres et secs, des flùneurs qui entraient par désoeuvrement et qui regardaient les corps avec des yeux bÃÂȘtes et des moues d'hommes paisibles et délicats. Les femmes étaient en grand nombre; il y avait de jeunes ouvriÚres toutes roses, le linge blanc, les jupes propres, qui allaient d'un bout à l'autre du vitrage, lestement, en ouvrant de grands yeux attentifs, comme devant l'étalage d'un magasin de nouveautés; il y avait encore des femmes du peuple, hébétées, prenant des airs lamentables, et des dames bien mises, traÃnant nonchalamment leur robe de soie. Un jour, Laurent vit une de ces derniÚres qui se tenait plantée à quelques pas du vitrage, en appuyant un mouchoir de batiste sur ses narines. Elle portait une délicieuse jupe de soie grise, avec un grand mantelet de dentelle noire, une voilette lui couvrait le visage, et ses mains gantées paraissaient toutes petites et toutes fines. Autour d'elle traÃnait une senteur douce de violette. Elle regardait un cadavre. Sur une pierre, à quelques pas, était allongé le corps d'un grand gaillard, d'un maçon qui venait de se tuer net en tombant d'un échafaudage; il avait une poitrine carrée, des muscles gros et courts, une chair blanche et grasse; la mort en avait fait un marbre. La dame l'examinait, le retournait en quelque sorte du regard, le pesait, s'absorbait dans le spectacle de cet homme. Elle leva un coin de sa voilette, regarda encore, puis s'en alla. Par moments, arrivaient des bandes de gamins, des enfants de douze à quinze ans, qui couraient le long du vitrage, ne s'arrÃÂȘtant que devant les cadavres de femmes. Ils appuyaient leurs mains aux vitres et promenaient des regards effrontés sur les poitrines nues. Ils se poussaient du coude, ils faisaient des remarques brutales, ils apprenaient le vice à l'école de la mort. C'est à la Morgue que les jeunes voyous ont leur premiÚre maÃtresse. Au bout d'une semaine, Laurent était écoeuré. La nuit, il rÃÂȘvait les cadavres qu'il avait vus le matin. Cette souffrance, ce dégoût de chaque jour qu'il s'imposait, finit par le troubler à un tel point qu'il résolut de ne plus faire que deux visites. Le lendemain, comme il entrait à la Morgue, il reçut un coup violent dans la poitrine en face de lui, sur une dalle, Camille le regardait, étendu sur le dos, la tÃÂȘte levée, les yeux entr'ouverts. Le meurtrier s'approcha lentement du vitrage, comme attiré, ne pouvant détacher ses regards de sa victime. Il ne souffrait pas; il éprouvait seulement un grand froid intérieur et de légers mouvements à fleur de peau. Il aurait cru trembler davantage. Il resta immobile, pendant cinq grandes minutes, perdu dans une contemplation inconsciente, gravant malgré lui au fond de sa mémoire toutes les lignes horribles, toutes les couleurs sales du tableau qu'il avait sous les yeux. Camille était ignoble. Il avait séjourné quinze jours dans l'eau. Sa face paraissait encore ferme et rigide; les traits s'étaient conservés, la peau avait seulement pris une teinte jaunùtre et boueuse. La tÃÂȘte, maigre, osseuse, légÚrement tuméfiée, grimaçait; elle se penchait un peu, les cheveux collés aux tempes, les paupiÚres levées, montrant le globe blafard des yeux les lÚvres tordues, tirées vers un des coins de la bouche, avaient un ricanement atroce; un bout de langue noirùtre apparaissait dans la blancheur des dents. Cette tÃÂȘte, comme tannée et étirée, en gardant une apparence humaine, était restée plus effrayante de douleur et d'épouvante. Le corps semblait un tas de chairs dissoutes; il avait souffert horriblement. On sentait que les bras ne tenaient plus; les clavicules perçaient la peau des épaules. Sur la poitrine verdùtre, les cÎtes faisaient des bandes noires; le flanc gauche, crevé, ouvert, se creusait au milieu de lambeaux d'un rouge sombre. Tout le torse pourrissait. Les jambes, plus fermes, s'allongeaient, plaquées de taches immondes. Les pieds Laurent regarda Camille. Il n'avait pas encore vu un noyé si épouvantable. Le cadavre avait, en outre, un air étriqué, une allure maigre et pauvre; il se ramassait dans sa pourriture; il faisait un tout petit tas. On aurait deviné que c'était là un employé à douze cents francs, bÃÂȘte et maladif, que sa mÚre avait nourri de tisanes. Ce pauvre corps, grandi entre des couvertures chaudes, grelottait sur la dalle froide. Quand Laurent put enfin s'arracher à la curiosité poignante qui le tenait immobile et béant, il sortit, il se mit à marcher rapidement sur le quai. Et, tout en marchant, il répétait  Voilà ce que j'en ai fait. Il est ignoble. » Il lui semblait qu'une odeur ùcre le suivait, l'odeur que devait exhaler ce corps en putréfaction. Il alla chercher le vieux Michaud et lui dit qu'il venait de reconnaÃtre Camille sur une dalle de la Morgue. Les formalités furent remplies, on enterra le noyé, on dressa un acte de décÚs. Laurent, tranquille désormais, se jeta avec volupté dans l'oubli de son crime et des scÚnes fùcheuses et pénibles qui avaient suivi le meurtre. XIV La boutique du passage du Pont-Neuf resta fermée pendant trois jours. Lorsqu'elle s'ouvrit de nouveau, elle parut plus sombre et plus humide. L'étalage, jauni par la poussiÚre, semblait porter le deuil de la maison; tout traÃnait à l'abandon dans les vitrines sales. DerriÚre les bonnets de linge pendus aux tringles rouillées, le visage de ThérÚse avait une pùleur plus mate, plus terreuse, une immobilité d'un calme sinistre. Dans le passage, toutes les commÚres s'apitoyaient. La marchande de bijoux faux montrait à chacune de ses clientes le profil amaigri de la jeune veuve comme une curiosité intéressante et lamentable. Pendant trois jours, Mme Raquin et ThérÚse étaient restées dans leur lit sans se parler, sans mÃÂȘme se voir. La vieille merciÚre, assise sur son séant, appuyée contre des oreillers, regardait vaguement devant elle avec des yeux d'idiote. La mort de son fils lui avait donné un grand coup sur la tÃÂȘte, et elle était tombée comme assommée. Elle demeurait des heures entiÚres tranquille et inerte, absorbée au fond du néant de son désespoir; puis des crises la prenaient parfois, elle pleurait, elle criait, elle délirait. ThérÚse, dans la chambre voisine, semblait dormir; elle avait tourné la face contre la muraille et tiré la couverture sur ses yeux; elle s'allongeait ainsi, raide et muette, sans qu'un sanglot de son corps soulevùt le drap qui la couvrait. On eût dit qu'elle cachait dans l'ombre de l'alcÎve les pensées qui la tenaient rigide. Suzanne, qui gardait les deux femmes, allait mollement de l'une à l'autre, traÃnant les pieds avec douceur, penchant son visage de cire sur les deux couches, sans parvenir à faire retourner ThérÚse, qui avait de brusques mouvements d'impatience, ni à consoler Mme Raquin, dont les pleurs coulaient dÚs qu'une voix la tirait de son abattement. Le troisiÚme jour, ThérÚse repoussa la couverture, s'assit sur le lit, rapidement, avec une sorte de décision fiévreuse. Elle écarta ses cheveux, en se prenant les tempes, et resta ainsi un moment, les mains au front, les yeux fixes, semblant réfléchir encore. Puis elle sauta sur le tapis. Ses membres étaient frissonnants et rouges de fiÚvre; de larges plaques livides marbraient sa peau qui se plissait par endroits comme vide de chair. Elle était vieillie. Suzanne, qui entrait, resta toute surprise de la trouver levée; elle lui conseilla, d'un ton placide et traÃnard, de se recoucher, de se reposer encore. ThérÚse ne l'écoutait pas elle cherchait et mettait ses vÃÂȘtements avec des gestes pressés et tremblants. Lorsqu'elle fut habillée, elle alla se regarder dans une glace, frotta ses yeux, passa ses mains sur son visage, comme pour effacer quelque chose. Puis, sans prononcer une parole, elle traversa vivement la salle à manger et entra chez Mme Raquin. L'ancienne merciÚre était dans un moment de calme hébété. Quand ThérÚse rentra, elle tourna la tÃÂȘte et suivit du regard la jeune veuve, qui vint se placer devant elle, muette et oppressée. Les deux femmes se contemplÚrent pendant quelques secondes, la niÚce avec une anxiété qui grandissait, la tante avec des efforts pénibles de mémoire. Se souvenant enfin, Mme Raquin tendit ses bras tremblants, et, prenant ThérÚse par le cou, s'écria -Mon pauvre enfant, mon pauvre Camille! Elle pleurait, et ses larmes séchaient sur la peau brûlante de la veuve, qui cachait ses yeux secs dans les plis du drap. ThérÚse demeura ainsi courbée, laissant la vieille mÚre épuiser ses pleurs. Depuis le meurtre, elle redoutait cette premiÚre entrevue; elle était restée couchée pour en retarder le moment, pour réfléchir à l'aise au rÎle terrible qu'elle avait à jouer. Quand elle vit Mme Raquin plus calme, elle s'agita autour d'elle, elle lui conseilla de se lever, de descendre à la boutique. La vieille merciÚre était presque tombée en enfance. L'apparition brusque de sa niÚce avait amené en elle une crise favorable qui venait de lui rendre la mémoire et la conscience des choses et des ÃÂȘtres qui l'entouraient. Elle remercia Suzanne de ses soins, elle parla, affaiblie, ne délirant plus, pleine d'une tristesse qui l'étouffait par moments. Elle regardait marcher ThérÚse avec des larmes soudaines; alors, elle l'appelait auprÚs d'elle, l'embrassait en sanglotant encore, lui disait en suffoquant qu'elle n'avait plus qu'elle au monde. Le soir, elle consentit à se lever, à essayer de manger. ThérÚse put voir quel terrible coup avait reçu sa tante. Les jambes de la pauvre vieille s'étaient alourdies. Il lui fallut une canne pour se traÃner dans la salle à manger, et là il lui sembla que les murs vacillaient autour d'elle. DÚs le lendemain, elle voulut cependant qu'on ouvrÃt la boutique. Elle craignait de devenir folle en restant seule dans sa chambre. Elle descendit pesamment l'escalier de bois, en posant les deux pieds sur chaque marche, et vint s'asseoir, derriÚre le comptoir. A partir de ce jour, elle y resta clouée dans une douleur sereine. A cÎté d'elle, ThérÚse songeait et attendait. La boutique reprit son calme noir. XV Laurent revint parfois, le soir, tous les deux ou trois jours. Il restait dans la boutique, causant avec Mme Raquin pendant une demi-heure. Puis il s'en allait, sans avoir regardé ThérÚse en face. La vieille merciÚre le considérait comme le sauveur de sa niÚce, comme un noble coeur qui avait tout fait pour lui rendre son fils. Elle l'accueillait avec une bonté attendrie. Un jeudi soir, Laurent se trouvait là lorsque le vieux Michaud et Grivet entrÚrent. Huit heures sonnaient. L'employé et l'ancien commissaire avaient jugé chacun de leur cÎté qu'ils pouvaient reprendre leurs chÚres habitudes, sans se montrer importuns, et ils arrivaient à la mÃÂȘme minute, comme poussés par le mÃÂȘme ressort. DerriÚre eux, Olivier et Suzanne firent leur entrée. On monta dans la salle à manger. Mme Raquin, qui n'attendait personne, se hùta d'allumer la lampe et de faire du thé. Lorsque tout le monde se fut assis autour de la table, chacun devant sa tasse, lorsque la boÃte des dominos eut été vidée, la pauvre mÚre, subitement ramenée dans le passé, regarda ses invités et éclata en sanglots. Il y avait une place vide, la place de son fils. Ce désespoir glaça et ennuya la société. Tous les visages avaient un air de béatitude égoïste. Ces gens se trouvÚrent gÃÂȘnés, n'ayant plus dans le coeur le moindre souvenir vivant de Camille. -Voyons, chÚre dame, s'écria le vieux Michaud avec une légÚre impatience, il ne faut pas vous désespérer comme cela. Vous vous rendrez malade. -Nous sommes tous mortels, affirma Grivet. -Vos pleurs ne vous rendront pas votre fils, dit sentencieusement -Je vous en prie, murmura Suzanne, ne nous faites pas de la peine. Et comme Mme Raquin sanglotait plus fort, ne pouvant arrÃÂȘter ses larmes -Allons, allons, reprit Michaud, un peu de courage. Vous comprenez bien que nous venons ici pour vous distraire. Que diable! ne nous attristons pas, tùchons d'oublier.... Nous jouons à deux sous la partie. Hein! qu'en dites-vous? La merciÚre rentra ses pleurs, dans un effort suprÃÂȘme. Peut-ÃÂȘtre eut-elle conscience de l'égoïsme heureux de ses hÎtes. Elle essuya ses yeux, encore toute secouée. Les dominos tremblaient dans ses pauvres mains, et les larmes restées sous ses paupiÚres l'empÃÂȘchaient de voir. On joua. Laurent et ThérÚse avaient assisté à cette courte scÚne d'un air grave et impassible. Le jeune homme était enchanté de voir revenir les soirées du jeudi. Il les souhaitait ardemment, sachant qu'il aurait besoin de ces réunions pour atteindre son but. Puis, sans se demander pourquoi, il se sentait plus à l'aise au milieu de ces quelques personnes qu'il connaissait, il osait regarder ThérÚse en face. La jeune femme, vÃÂȘtue de noir, pùle et recueillie, lui parut avoir une beauté qu'il ignorait encore. Il fut heureux de rencontrer ses regards et de les voir s'arrÃÂȘter sur les siens avec une fixité courageuse. ThérÚse lui appartenait toujours, chair et coeur. XVI Quinze mois se passÚrent. Les ùpretés des premiÚres heures s'adoucirent; chaque jour amena une tranquillité, un affaissement de plus; la vie reprit son cours avec une langueur lasse, elle eut cette stupeur monotone qui suit les grandes crises. Et, dans les commencements, Laurent et ThérÚse se laissÚrent aller à l'existence nouvelle qui les transformait; il se fit en eux un travail sourd qu'il faudrait analyser avec une délicatesse extrÃÂȘme, si l'on voulait en marquer toutes les phases. Laurent revint bientÎt chaque soir à la boutique, comme par le passé. Mais il n'y mangeait plus, il ne s'y établissait plus pendant des soirées entiÚres. Il arrivait à neuf heures et demie, et s'en allait aprÚs avoir fermé le magasin. On eût dit qu'il accomplissait un devoir en venant se mettre au service des deux femmes. S'il négligeait un jour sa corvée, il s'excusait le lendemain avec des humilités de valet. Le jeudi, il aidait Mme Raquin à allumer le feu, à faire les honneurs de la maison. Il avait des prévenances tranquilles qui charmaient la vieille merciÚre. ThérÚse le regardait paisiblement s'agiter autour d'elle. La pùleur de son visage s'en était allée; elle paraissait mieux portante, plus souriante, plus douce. A peine si parfois sa bouche, en se pinçant dans une contraction nerveuse, creusait deux plis profonds qui donnaient à sa face une expression étrange de douleur et d'effroi. Les deux amants ne cherchÚrent plus à se voir en particulier. Jamais ils ne se demandÚrent un rendez-vous, jamais ils n'échangÚrent furtivement un baiser. Le meurtre avait comme apaisé pour un moment les fiÚvres voluptueuses de leur chair; ils étaient parvenus à contenter, en tuant Camille, ces désirs fougueux et insatiables qu'ils n'avaient pu assouvir en se brisant dans les bras l'un de l'autre. Le crime leur semblait une jouissance aiguà qui les écoeurait et les dégoûtait de leurs Ils auraient eu cependant mille facilités pour mener cette vie libre d'amour dont le rÃÂȘve les avait poussés à l'assassinat. Mme Raquin, impotente, hébétée, n'était pas un obstacle. La maison leur appartenait, ils pouvaient sortir, aller oÃÂč bon leur semblait. Mais l'amour ne les tentait plus, leurs appétits s'en étaient allés; ils restaient là , causant avec calme, se regardant sans rougeurs et sans frissons, paraissant avoir oublié les étreintes folles qui avaient meurtri leur chair et fait craquer leurs os. Ils évitaient mÃÂȘme de se rencontrer seul à seule; dans l'intimité, ils ne trouvaient rien à se dire, ils craignaient tous deux de montrer trop de froideur. Lorsqu'ils échangeaient une poignée de main, ils éprouvaient une sorte de malaise en sentant leur peau se toucher. D'ailleurs, ils croyaient s'expliquer chacun ce qui les tenait ainsi indifférents et effrayés en face l'un de l'autre. Ils mettaient leur attitude froide sur le compte de la prudence. Leur calme, leur abstinence, selon eux, étaient oeuvres de haute sagesse. Ils prétendaient vouloir cette tranquillité de leur chair, ce sommeil de leur coeur. D'autre part, ils regardaient la répugnance, le malaise qu'ils ressentaient comme un reste d'effroi, comme une peur sourde du chùtiment. Parfois, ils se forçaient à l'espérance, ils cherchaient à reprendre les rÃÂȘves brûlants d'autrefois, et ils demeuraient tout étonnés, en voyant que leur imagination était vide. Alors ils se cramponnaient à l'idée de leur prochain mariage; arrivés à leur but, n'ayant plus aucune crainte, livrés l'un à l'autre, ils retrouveraient leur passion, ils goûteraient les délices rÃÂȘvées. Cet espoir les calmait, les empÃÂȘchait de descendre au fond du néant qui s'était creusé en eux. Ils se persuadaient qu'ils s'aimaient comme par le passé, ils attendaient l'heure qui devait les rendre parfaitement heureux en les liant pour toujours. Jamais ThérÚse n'avait eu l'esprit si calme. Elle devenait certainement meilleure. Toutes les volontés implacables de son ÃÂȘtre se détendaient. La nuit, seule dans son lit, elle se trouvait heureuse; elle ne sentait plus à son cÎté la face maigre, le corps chétif de Camille qui exaspérait sa chair et la jetait dans des désirs inassouvis. Elle se croyait petite fille, vierge sous les rideaux blancs, paisible au milieu du silence et de l'ombre. Sa chambre, vaste, un peu froide, lui plaisait, avec son plafond élevé, ses coins obscurs, ses senteurs de cloÃtre. Elle finissait mÃÂȘme par aimer la grande muraille noire qui montait devant sa fenÃÂȘtre; pendant tout un été, chaque soir, elle resta des heures entiÚres à regarder les pierres grises de cette muraille et les nappes étroites de ciel étoilé que découpaient les cheminées et les toits. Elle ne pensait à Laurent que lorsqu'un cauchemar l'éveillait en sursaut; alors, assise sur son séant, tremblante, les yeux agrandis, se serrant dans sa chemise, elle se disait qu'elle n'éprouverait pas ces peurs brusques, si elle avait un homme couché à cÎté d'elle. Elle songeait à son amant comme à un chien qui l'eût gardée et protégée; sa peau fraÃche et calme n'avait pas un frisson de désir. Le jour, dans la boutique, elle s'intéressait aux choses extérieures, elle sortait d'elle-mÃÂȘme, ne vivant plus sourdement révoltée, repliée en pensées de haine et de vengeance. La rÃÂȘverie l'ennuyait; elle avait le besoin d'agir et de voir. Du matin au soir, elle regardait les gens qui traversaient le passage; ce bruit, ce va-et-vient l'amusaient. Elle devenait curieuse et bavarde, femme en un mot, car jusque-là elle n'avait eu que des actes et des idées d'homme. Dans l'espionnage qu'elle établit, elle remarqua un jeune homme, un étudiant, qui habitait un hÎtel garni du voisinage et qui passait plusieurs fois par jour devant la boutique. Ce garçon avait une beauté pùle, avec de grands cheveux de poÚte et une moustache d'officier, ThérÚse le trouva distingué. Elle en fut amoureuse pendant une semaine, amoureuse comme une pensionnaire. Elle lut des romans, elle compara le jeune homme à Laurent, et trouva ce dernier bien épais, bien lourd. La lecture lui ouvrit des horizons romanesques qu'elle ignorait encore; elle n'avait aimé qu'avec son sang et ses nerfs, elle se mit à aimer avec sa tÃÂȘte. Puis, un jour, l'étudiant disparut; il avait sans doute déménagé. ThérÚse l'oublia en quelques heures. Elle s'abonna à un cabinet littéraire et se passionna pour tous les héros des contes qui lui passÚrent sous les yeux. Ce subit amour de la lecture eut une grande influence sur son tempérament. Elle acquit une sensibilité nerveuse qui la faisait rire ou pleurer sans motif. L'équilibre, qui tendait à s'établir en elle, fut rompu. Elle tomba dans une sorte de rÃÂȘverie vague. Par moments, la pensée de Camille la secouait, et elle songeait à Laurent avec de nouveaux désirs, pleins d'effroi et de défiance. Elle fut ainsi rendue à ses angoisses; tantÎt elle cherchait un moyen pour épouser son amant à l'instant mÃÂȘme, tantÎt elle songeait à se sauver, à ne jamais le revoir. Les romans, en lui parlant de chasteté et d'honneur, mirent comme un obstacle entre ses instincts et sa volonté. Elle resta la bÃÂȘte indomptable qui voulait lutter avec la Seine et qui s'était jetée violemment dans l'adultÚre; mais elle eut conscience de la bonté et de la douceur, elle comprit le visage mou et l'attitude morte de la femme d'Olivier, elle sut qu'on pouvait ne pas tuer son mari et ÃÂȘtre heureuse. Alors elle ne se vit plus bien elle-mÃÂȘme, elle vécut dans une indécision De son cÎté, Laurent passa par différentes phases de calme et de fiÚvre. Il goûta d'abord une tranquillité profonde; il était comme soulagé d'un poids énorme. Par moments, il s'interrogeait avec étonnement, il croyait avoir fait un mauvais rÃÂȘve, il se demandait s'il était bien vrai qu'il eût jeté Camille à l'eau et qu'il eût revu son cadavre sur une dalle de la Morgue. Le souvenir de son crime le surprenait étrangement; jamais il ne se serait cru capable d'un assassinat; toute sa prudence, toute sa lùcheté frissonnait, il lui montait au front des sueurs glacées, lorsqu'il songeait qu'on aurait pu découvrir son crime et le guillotiner. Alors il sentait à son cou le froid du couteau. Tant qu'il avait agi, il était allé droit devant lui, avec un entÃÂȘtement et un aveuglement de brute. Maintenant il se retournait, et, à voir l'abÃme qu'il venait de franchir, des défaillances d'épouvante le prenaient. -Sûrement, j'étais ivre, pensait-il, cette femme m'avait soûlé de caresses. Bon Dieu! ai-je été bÃÂȘte et fou! Je risquais la guillotine, avec une pareille histoire... Enfin, tout s'est bien passé. Si c'était à refaire, je ne recommencerais pas. Laurent s'affaissa, devint mou, plus lùche et plus prudent que jamais. Il engraissa et s'avachit. Quelqu'un qui aurait étudié ce grand corps, tassé sur lui-mÃÂȘme, et qui ne paraissait avoir ni os ni nerfs, n'aurait jamais songé à l'accuser de violence et de cruauté. Il reprit ses anciennes habitudes. Il fut pendant plusieurs mois un employé modÚle, faisant sa besogne avec un abrutissement exemplaire. Le soir, il mangeait dans une crémerie de la rue Saint-Victor, coupant son pain par petites tranches, mùchant avec lenteur, faisant traÃner son repas le plus possible; puis il se renversait, il s'adossait au mur, et fumait sa pipe. On aurait dit un bon gros pÚre. Le jour, il ne pensait à rien; la nuit, il dormait d'un sommeil lourd et sans rÃÂȘves. Le visage rose et gras, le ventre plein, le cerveau vide, il était Sa chair semblait morte, il ne songeait guÚre à ThérÚse. Il pensait parfois à elle, comme on pense à une femme qu'on doit épouser plus tard, dans un avenir indéterminé. Il attendait l'heure de son mariage avec patience, oubliant la femme, rÃÂȘvant à la nouvelle position qu'il aurait alors. Il quitterait son bureau, il peindrait en amateur, il flùnerait. Ces espoirs le ramenaient, chaque soir, à la boutique du passage, malgré le vague malaise qu'il éprouvait en y entrant. Un dimanche, s'ennuyant, ne sachant que faire, il alla chez son ancien ami de collÚge, chez le jeune peintre avec lequel il avait logé pendant longtemps. L'artiste travaillait à un tableau qu'il comptait envoyer au Salon et qui représentait une Bacchante nue, vautrée sur un lambeau d'étoffe. Dans le fond de l'atelier, un modÚle, une femme était couchée, la tÃÂȘte ployée en arriÚre, le torse tordu, la hanche haute. Cette femme riait par moments et tendait la poitrine, allongeant les bras, s'étirant pour se délasser. Laurent, qui s'était assis en face d'elle, la regardait, en fumant et en causant avec son ami. Son sang battit, ses nerfs s'irritÚrent dans cette contemplation. Il resta jusqu'au soir, il emmena la femme chez lui. Pendant prÚs d'un an, il la garda pour maÃtresse. La pauvre fille s'était mise à l'aimer, le trouvant bel homme. Le matin, elle partait, allait poser tout le jour, et revenait réguliÚrement chaque soir à la mÃÂȘme heure; elle se nourrissait, s'habillait, s'entretenait avec l'argent qu'elle gagnait, ne coûtant ainsi pas un sou à Laurent, qui ne s'inquiétait nullement d'oÃÂč elle venait ni de ce qu'elle avait pu faire. Cette femme mit un équilibre de plus dans sa vie; il l'accepta comme un objet utile et nécessaire qui maintenait son corps en paix et en santé; il ne sut jamais s'il l'aimait, et jamais il ne lui vint à la pensée qu'il était infidÚle à ThérÚse. Il se sentait plus gras et plus heureux. Voilà tout. Cependant le deuil de ThérÚse était fini. La jeune femme s'habillait de robes claires, et il arriva qu'un soir Laurent la trouva rajeunie et embellie. Mais il éprouvait toujours un certain malaise devant elle; depuis quelque temps, elle lui paraissait fiévreuse, pleine de caprices étranges, riant et s'attristant sans raison. L'indécision oÃÂč il la voyait l'effrayait, car il devinait en partie ses luttes et ses troubles. Il se mit à hésiter, ayant une peur atroce de compromettre sa tranquillité; lui, il vivait paisible, dans un contentement sage de ses appétits, il craignait de risquer l'équilibre de sa vie en se liant à une femme nerveuse dont la passion l'avait déjà rendu fou. D'ailleurs, il ne raisonnait pas ces choses, il sentait d'instinct les angoisses que la possession de ThérÚse devait mettre en lui. Le premier choc qu'il reçut et qui le secoua dans son affaissement fut la pensée qu'il fallait enfin songer à son mariage. Il y avait prÚs de quinze mois que Camille était mort. Un instant, Laurent pensa à ne pas se marier du tout, à planter là ThérÚse, et à garder le modÚle dont l'amour complaisant et à bon marché lui suffisait. Puis, il se dit qu'il ne pouvait avoir tué un homme pour rien; en se rappelant le crime, les efforts terribles qu'il avait faits pour posséder à lui seul cette femme qui le troublait maintenant, il sentit que le meurtre deviendrait inutile et atroce, s'il ne se mariait pas avec elle. Jeter un homme à l'eau afin de lui voler sa veuve, attendre quinze mois, et se décider ensuite à vivre avec une petite fille qui traÃnait son corps dans tous les ateliers, lui parut ridicule et le fit sourire. D'ailleurs, n'était-il pas lié à ThérÚse par un lien de sang et d'horreur? Il la sentait vaguement crier et se tordre en lui, il lui appartenait. Il avait peur de sa complice; peut-ÃÂȘtre, s'il ne l'épousait pas, irait-elle tout dire à la justice, par vengeance et jalousie. Ces idées battaient dans sa tÃÂȘte. La fiÚvre le reprit. Sur ces entrefaites, le modÚle le quitta brusquement. Un dimanche, cette fille ne rentra pas; elle avait sans doute trouvé un gÃte plus chaud et plus confortable. Laurent fut médiocrement affligé; seulement, il s'était habitué à avoir, la nuit, une femme à son cÎté, et il éprouva un vide subit dans son existence. Huit jours aprÚs ses nerfs se révoltÚrent. Il revint s'établir, pendant des soirées entiÚres, dans la boutique du passage, regardant de nouveau ThérÚse avec des yeux oÃÂč luisaient des lueurs rapides. La jeune femme, qui sortait toute frissonnante des longues lectures qu'elle faisait, s'alanguissait et s'abandonnait sous ses regards. Ils en étaient ainsi revenus tous deux à l'angoisse et au désir, aprÚs une longue année d'attente écoeurée et indifférente. Un soir, Laurent, en fermant la boutique, retint un instant ThérÚse dans le passage. -Veux-tu que je vienne ce soir dans ta chambre? lui demanda-t-il d'une voix ardente. La jeune femme fit un geste d'effroi. -Non, non, attendons... dit-elle; soyons prudents. -J'attends depuis assez longtemps, je crois, reprit Laurent; je suis las; je te veux. ThérÚse le regarda follement; des chaleurs lui brûlaient les mains et le visage. Elle sembla hésiter; puis d'un ton brusque -Marions-nous, je serai à toi. XVII Laurent quitta le passage, l'esprit tendu, la chair inquiÚte. L'haleine chaude, le consentement de ThérÚse venaient de remettre en lui les ùpretés d'autrefois. Il prit les quais et marcha, son chapeau à la main, pour recevoir au visage tout l'air du ciel. Lorsqu'il fut arrivé rue Saint-Victor, à la porte de son hÎtel, il eut peur de monter, d'ÃÂȘtre seul. Un effroi d'enfant, inexplicable, imprévu, lui fit craindre de trouver un homme caché dans sa mansarde. Jamais il n'avait été sujet à de pareilles poltronneries. Il n'essaya mÃÂȘme pas de raisonner le frisson étrange qui le prenait; il entra chez un marchand de vin et y resta pendant une heure, jusqu'à minuit, immobile et muet à une table, buvant machinalement de grands verres de vin. Il songeait à ThérÚse, il s'irritait contre la jeune femme qui n'avait pas voulu le recevoir le soir mÃÂȘme dans sa chambre, et il pensait qu'il n'aurait pas eu peur avec elle. On ferma la boutique, on le mit à la porte, il rentra pour demander des allumettes. Le bureau de l'hÎtel se trouvait au premier étage. Laurent avait une longue allée à suivre et quelques marches à monter, avant de pouvoir prendre sa bougie. Cette allée, ce bout d'escalier, d'un noir terrible, l'épouvantaient. D'ordinaire, il traversait gaillardement ces ténÚbres. Ce soir-là , il n'osait sonner, il se disait qu'il y avait peut-ÃÂȘtre, dans un certain renfoncement formé par l'entrée de la cave, des assassins qui lui sauteraient brusquement à la gorge quand il passerait. Enfin, il sonna, il alluma une allumette et se décida à s'engager dans l'allée. L'allumette s'éteignit. Il resta immobile, haletant, n'osant s'enfuir, frottant les allumettes sur le mur humide avec une anxiété qui faisait trembler sa main. Il lui semblait entendre des voix, des bruits de pas devant lui. Les allumettes se brisaient entre ses doigts. Il réussit à en allumer une. Le soufre se mit à bouillir, à enflammer le bois avec une lenteur qui redoubla les angoisses de Laurent; dans la clarté pùle et bleuùtre du soufre, dans les lueurs vacillantes qui couraient, il crut distinguer des formes monstrueuses. Puis l'allumette pétilla, la lumiÚre devint blanche et claire. Laurent, soulagé, s'avança avec précaution, en ayant soin de ne pas manquer de lumiÚre. Lorsqu'il lui fallut passer devant la cave, il se serra contre le mur opposé il y avait là une masse d'ombre qui l'effrayait. Il gravit ensuite vivement les quelques marches qui le séparaient du bureau de l'hÎtel, et se crut sauvé lorsqu'il tint sa bougie. Il monta les autres étages plus doucement, en élevant la bougie, en éclairant tous les coins devant lesquels il devait passer. Les grandes ombres bizarres qui vont et viennent, lorsqu'on se trouve dans un escalier avec une lumiÚre, le remplissaient d'un vague malaise, en se dressant et en s'effaçant brusquement devant lui. Quand il fut en haut, il ouvrit sa porte et s'enferma, rapidement. Son premier soin fut de regarder sous son lit, de faire une visite minutieuse dans la chambre, pour voir si personne ne s'y trouvait caché. Il ferma la fenÃÂȘtre du toit, en pensant que quelqu'un pourrait bien descendre par là . Quand il eut pris ces dispositions, il se déshabilla, en s'étonnant de sa poltronnerie, 11 finit par sourire, par se traiter d'enfant. Il n'avait jamais été peureux et ne pouvait s'expliquer cette crise subite de terreur. Il se coucha. Lorsqu'il fut dans la tiédeur des draps, il songea de nouveau à ThérÚse, que ses frayeurs lui avaient fait oublier. Les yeux fermés obstinément, cherchant le sommeil, il sentait malgré lui ses pensées travailler, s'imposer, se lier les unes aux autres, lui présenter toujours les avantages qu'il aurait à se marier au plus vite. Par moments, il se retournait, il se disait  Ne pensons plus, dormons; il faut que je me lÚve à huit heures demain pour aller à mon bureau. » Et il faisait effort pour se laisser glisser au sommeil. Mais les idées revenaient une à une; le travail sourd de ses raisonnements recommençait; il se retrouvait dans une sorte de rÃÂȘverie aiguÃ, qui étalait au fond de son cerveau les nécessités de son mariage, les arguments que ses désirs et sa prudence donnaient tour à tour pour et contre la possession de ThérÚse. Alors, voyant qu'il ne pouvait dormir, que l'insomnie tenait sa chair irritée, il se mit sur le dos, il ouvrit les yeux tout grands, il laissa son cerveau s'emplir du souvenir de la jeune femme. L'équilibre était rompu, la fiÚvre chaude de jadis le secouait de nouveau. Il eut l'idée de se lever, de retourner au passage du Pont-Neuf. Il se ferait ouvrir la grille, il irait frapper à la petite porte de l'escalier et ThérÚse le recevrait. A cette pensée, le sang montait à son cou. Sa rÃÂȘverie avait une lucidité étonnante. Il se voyait dans les rues, marchant vite le long des maisons, et il se disait  Je prends ce boulevard, je traverse ce carrefour, pour ÃÂȘtre plus tÎt arrivé. » Puis la grille du passage grinçait, il suivait l'étroite galerie, sombre et déserte, en se félicitant de pouvoir monter chez ThérÚse sans ÃÂȘtre vu de la marchande de bijoux faux; puis il s'imaginait ÃÂȘtre dans l'allée, dans le petit escalier par oÃÂč il avait passé si souvent. Là , il éprouvait les joies cuisantes de jadis, il se rappelait les terreurs délicieuses, les voluptés poignantes de l'adultÚre. Ses souvenirs devenaient des réalités qui impressionnaient tous ses sens il sentait l'odeur fade du couloir, il touchait les murs gluants, il voyait l'ombre sale qui traÃnait. Et il montait chaque marche, haletant, prÃÂȘtant l'oreille, contentant déjà ses désirs dans cette approche craintive de la femme désirée. Enfin il grattait à la porte, la porte s'ouvrait, ThérÚse était là qui l'attendait, en jupon, toute blanche. Ses pensées se déroulaient devant lui en spectacles réels. Les yeux fixés sur l'ombre, il voyait. Lorsqu'au bout de sa course dans les rues, aprÚs ÃÂȘtre entré dans le passage et avoir gravi le petit escalier, il crut apercevoir ThérÚse, ardente et pùle, il sauta vivement de son lit, en murmurant  Il faut que j'y aille, elle m'attend. » Le brusque mouvement qu'il venait de faire chassa l'hallucination il sentit le froid du carreau, il eut peur. Il resta un moment immobile, les pieds nus, écoutant. Il lui semblait entendre du bruit sur le carré. S'il allait chez ThérÚse, il lui faudrait passer de nouveau devant la porte de la cave, en bas; cette pensée lui fit courir un grand frisson froid dans le dos. L'épouvante le reprit, une épouvante bÃÂȘte et écrasante. Il regarda avec défiance dans sa chambre, il y vit traÃner des lambeaux blanchùtres de clarté; alors, doucement, avec des précautions pleines d'une hùte anxieuse, il remonta sur son lit, et, là , se pelotonna, se cacha, comme pour se dérober à une arme, à un couteau qui l'aurait menacé. Le sang s'était porté violemment à son cou, et son cou le brûlait. Il y porta la main, il sentit sous ses doigts la cicatrice de la morsure, de Camille. Il avait presque oublié cette morsure. Il fut terrifié en la retrouvant sur sa peau, il crut qu'elle lui mangeait la chair. Il avait vivement retiré la main pour ne plus la sentir, et il la sentait toujours, dévorante, trouant son cou. Alors, il voulut la gratter délicatement, du bout de l'ongle; la terrible cuisson redoubla. Pour ne pas s'arracher la peau, il serra les deux mains entre ses genoux repliés. Roidi, irrité, il resta là , le cou rongé, les dents claquant de peur. Maintenant ses idées s'attachaient à Camille, avec une fixité effrayante. Jusque-là , le noyé n'avait pas troublé les nuits de Laurent. Et voilà que la pensée de ThérÚse amenait le spectre de son mari. Le meurtrier n'osait plus ouvrir les yeux; il craignait d'apercevoir sa victime dans un coin de la chambre. A un moment, il lui sembla que sa couche était étrangement secouée; il s'imagina que Camille se trouvait caché sous le lit, et que c'était lui qui le remuait ainsi, pour le faire tomber et le mordre. Hagard, les cheveux dressés sur la tÃÂȘte, il se cramponna à son matelas, croyant que les secousses devenaient de plus en plus violentes. Puis, il s'aperçut que le lit ne remuait pas. Il y eut une réaction en lui. Il se mit sur son séant, alluma sa bougie, en se traitant d'imbécile. Pour apaiser sa fiÚvre, il avala un grand verre d'eau. -J'ai eu tort de boire chez ce marchand de vin, pensa-t-il.... Je ne sais ce que j'ai, cette nuit. C'est bÃÂȘte. Je serai éreinté aujourd'hui à mon bureau. J'aurais dû dormir tout de suite, en me mettant au lit, et ne pas penser à un tas de choses c'est cela qui m'a donné l'insomnie.... Dormons. Il souffla de nouveau la lumiÚre, il enfonça la tÃÂȘte dans l'oreiller, un peu rafraÃchi, bien décidé à ne plus penser, à ne plus avoir peur. La fatigue commençait à détendre ses nerfs. Il ne s'endormit pas de son sommeil ordinaire, lourd et accablé; il glissa lentement à une somnolence vague. Il était comme simplement engourdi, comme plongé dans un abrutissement doux et voluptueux. Il sentait son corps en sommeillant, son intelligence restait éveillée dans sa chair morte. Il avait chassé les pensées qui venaient, il s'était défendu contre la veille. Puis, quand il fut assoupi, quand les forces lui manquÚrent et que la volonté lui échappa, les pensées revinrent doucement, une à une, reprenant possession de son ÃÂȘtre défaillant. Ses rÃÂȘveries recommencÚrent. Il refit le chemin qui le séparait de ThérÚse il descendit, passa devant la cave en courant et se trouva dehors; il suivit toutes les rues qu'il avait déjà suivies auparavant, lorsqu'il rÃÂȘvait les yeux ouverts; il entra dans le passage du Pont-Neuf, monta le petit escalier et gratta à la porte. Mais au lieu de ThérÚse, au lieu de la jeune femme en jupon, la gorge nue, ce fut Camille qui lui ouvrit, Camille tel qu'il l'avait vu à la Morgue, verdùtre, atrocement défiguré. Le cadavre lui tendait les bras, avec un rire ignoble, en montrant un bout de langue noirùtre dans la blancheur des dents. Laurent poussa un cri et se réveilla en sursaut. Il était trempé d'une sueur glacée. Il ramena la couverture sur ses yeux, en s'injuriant, en se mettant en colÚre contre lui-mÃÂȘme. Il voulut se rendormir. Il se rendormit comme précédemment, avec lenteur; le mÃÂȘme accablement le prit, et dÚs que la volonté lui eut de nouveau échappé dans la langueur du demi-sommeil, il se remit en marche, il retourna oÃÂč le conduisait son idée fixe, il courut pour voir ThérÚse, et ce fut encore le noyé qui lui ouvrit la porte. Terrifié, le misérable se mit sur son séant. Il aurait voulu pour tout au monde chasser ce rÃÂȘve implacable. Il souhaitait un sommeil de plomb qui écrasùt ses pensées. Tant qu'il se tenait éveillé, il avait assez d'énergie pour chasser le fantÎme de sa victime; mais dÚs qu'il n'était plus maÃtre de son esprit, son esprit le conduisait à l'épouvante en le conduisant à la volupté. Il tenta encore le sommeil. Alors ce fut une succession d'assoupissements voluptueux et de réveils brusques et déchirants. Dans son entÃÂȘtement furieux, toujours il allait vers ThérÚse, toujours il se heurtait contre le corps de Camille. A plus de dix reprises, il refit le chemin, il partit la chair brûlante, suivit le mÃÂȘme itinéraire, eut les mÃÂȘmes sensations, accomplit les mÃÂȘmes actes, avec une exactitude minutieuse, et, à plus de dix reprises, il vit le noyé s'offrir à son embrassement, lorsqu'il étendait les bras pour saisir et étreindre sa maÃtresse. Ce mÃÂȘme dénouement sinistre qui le réveillait chaque fois, haletant et éperdu, ne décourageait pas son désir; quelques minutes aprÚs, dÚs qu'il se rendormait, son désir oubliait le cadavre ignoble qui l'attendait, et courait chercher de nouveau le corps chaud et souple d'une femme. Pendant une heure, Laurent vécut dans cette suite de cauchemars, dans ce mauvais rÃÂȘve sans cesse répété et sans cesse imprévu, qui, à chaque sursaut, le brisait d'une épouvante plus aiguÃ. Une des secousses, la derniÚre, fut si violente, si douloureuse, qu'il se décida à se lever, à ne pas lutter davantage. Le jour venait; une lueur grise et morne entrait par la fenÃÂȘtre du toit qui coupait dans le ciel un carré blanchùtre couleur de cendre. Laurent s'habilla lentement, avec une irritation sourde. Il était exaspéré de n'avoir pas dormi, exaspéré de s'ÃÂȘtre laissé prendre par une peur qu'il traitait maintenant d'enfantillage. Tout en mettant son pantalon, il s'étirait, il se frottait les membres, il se passait les mains sur son visage battu et brouillé par une nuit de fiÚvre. Et il répétait -Je n'aurais pas dû penser à tout ça, j'aurais dormi, je serais frais et dispos, à cette heure.... Ah! si ThérÚse avait bien voulu, hier soir, si ThérÚse avait couché avec moi.... Cette idée, que ThérÚse l'aurait empÃÂȘché d'avoir peur, le tranquillisa un peu. Au fond, il redoutait de passer d'autres nuits semblables à celle qu'il venait d'endurer. Il se jeta de l'eau à la face, puis se donna un coup de peigne. Ce bout de toilette rafraÃchit sa tÃÂȘte et dissipa ses derniÚres terreurs. Il raisonnait librement, il ne sentait plus qu'une grande fatigue dans tous ses membres. -Je ne suis pourtant pas poltron, se disait-il en achevant de se vÃÂȘtir, je ne me moque pas mal de Camille.... C'est absurde de croire que ce pauvre diable est sous mon lit. Maintenant, je vais peut-ÃÂȘtre croire cela toutes les nuits.... Décidément il faut que je me marie au plus tÎt. Quand ThérÚse me tiendra dans ses bras, je ne penserai guÚre à Camille. Elle m'embrassera sur le cou, et je ne sentirai plus l'atroce cuisson que j'ai éprouvée.... Voyons donc cette morsure. Il s'approcha de son miroir, tendit le cou et regarda. La cicatrice était d'un rosé pùle. Laurent, en distinguant la marque des dents de sa victime, éprouva une certaine émotion, le sang lui monta à la tÃÂȘte, et il s'aperçut alors d'un étrange phénomÚne. La cicatrice fut empourprée par le flot qui montait, elle devint vive et sanglante, elle se détacha, toute rouge, sur le cou gras et blanc. En mÃÂȘme temps, Laurent ressentit des picotements aigus, comme si l'on eût enfoncé des aiguilles dans la plaie. Il se hùta de relever le col de sa chemise. -Bah! reprit-il, ThérÚse guérira cela.... Quelques baisers suffiront.... Que je suis bÃÂȘte de songer à ces choses! Il mit son chapeau et descendit. Il avait besoin de prendre l'air, besoin de marcher. En passant devant la porte de la cave, il sourit; il s'assura cependant de la solidité du crochet qui fermait cette porte. Dehors, il marcha à pas lents, dans l'air frais du matin, sur les trottoirs déserts. Il était environ cinq heures. Laurent passa une journée atroce. Il dut lutter contre le sommeil accablant qui le saisit dans l'aprÚs-midi à son bureau. Sa tÃÂȘte, lourde et endolorie, se penchait malgré lui, et il la relevait brusquement, dÚs qu'il entendait le pas d'un de ses chefs. Cette lutte, ces secousses achevÚrent de briser ses membres, en lui causant des anxiétés intolérables. Le soir, malgré sa lassitude, il voulut aller voir ThérÚse. Il la trouva fiévreuse, accablée, lasse comme lui. -Notre pauvre ThérÚse a passé une mauvaise nuit, lui dit Mme Raquin, lorsqu'il se fut assis. Il paraÃt qu'elle a eu des cauchemars, une insomnie terrible.... A plusieurs reprises, je l'ai entendue crier. Ce matin, elle était toute malade. Pendant que sa tante parlait, ThérÚse regardait fixement Laurent. Sans doute, ils devinÚrent leurs communes terreurs, car un mÃÂȘme frisson nerveux courut sur leurs visages. Ils restÚrent en face l'un de l'autre jusqu'à dix heures, parlant de banalités, se comprenant, se conjurant tous deux du regard de hùter le moment oÃÂč ils pourraient s'unir contre le noyé. XVIII ThérÚse, elle aussi, avait été visitée par le spectre de Camille, pendant cette nuit de fiÚvre. La proposition brûlante de Laurent, demandant un rendez-vous, aprÚs plus d'une année d'indifférence, l'avait brusquement fouettée. La chair s'était mise à lui cuire, lorsque, seule et couchée, elle avait songé que le mariage devait avoir bientÎt lieu. Alors, au milieu des secousses de l'insomnie, elle avait vu se dresser le noyé; elle s'était, comme Laurent, tordue dans le désir et dans l'épouvante, et, comme lui, elle s'était dit qu'elle n'aurait plus peur, qu'elle n'éprouverait plus de telles souffrances, lorsqu'elle tiendrait son amant entre ses bras. Il y avait eu, à la mÃÂȘme heure, chez cette femme et chez cet homme, une sorte de détraquement nerveux qui les rendait, pantelants et terrifiés, à leurs terribles amours. Une parenté de sang et de volupté s'était établie entre eux. Ils frissonnaient des mÃÂȘmes frissons; leurs coeurs, dans une espÚce de fraternité poignante, se serraient aux mÃÂȘmes angoisses. Ils eurent dÚs lors un seul corps et une seule ùme pour jouir et pour souffrir. Cette communauté, cette pénétration mutuelle est un fait de psychologie et de physiologie qui a souvent lieu chez les ÃÂȘtres que de grandes secousses nerveuses heurtent violemment l'un à l'autre. Pendant plus d'une année, ThérÚse et Laurent portÚrent légÚrement la chaÃne rivée à leurs membres, qui les unissait; dans l'affaissement succédant à la crise aiguà du meurtre, dans les dégoûts et les besoins de calme et d'oubli qui avaient suivi, ces deux forçats purent croire qu'ils étaient libres, qu'un lien de fer ne les liait plus; la chaÃne détendue traÃnait à terre; eux, ils se reposaient, ils se trouvaient frappés d'une sorte de stupeur heureuse, ils cherchaient à aimer ailleurs, à vivre avec un sage équilibre. Mais le jour oÃÂč, poussés par les faits, ils en étaient venus à échanger de nouveau des paroles ardentes, la chaÃne se tendit violemment, ils reçurent une secousse telle, qu'ils se sentirent à jamais attachés l'un à l'autre. DÚs le lendemain, ThérÚse se mit à l'oeuvre, travailla sourdement à amener son mariage avec Laurent. C'était là une tùche difficile, pleine de périls. Les amants tremblaient de commettre une imprudence, d'éveiller les soupçons, de montrer trop brusquement l'intérÃÂȘt qu'ils avaient eu à la mort de Camille. Comprenant qu'ils ne pouvaient parler de mariage, ils arrÃÂȘtÚrent un plan fort sage qui consistait à se faire offrir ce qu'ils n'osaient demander, par Mme Raquin elle-mÃÂȘme et par les invités du jeudi. Il ne s'agissait plus que de donner l'idée de remarier ThérÚse à ces braves gens, surtout de leur faire accroire que cette idée venait d'eux et leur appartenait en propre. La comédie fut longue et délicate à jouer. ThérÚse et Laurent avaient pris chacun le rÎle qui leur convenait; ils avançaient avec une prudence extrÃÂȘme, calculant le moindre geste, la moindre parole. Au fond, ils étaient dévorés par une impatience qui roidissait et tendait leurs nerfs. Ils vivaient au milieu d'une irritation continuelle, il leur fallait toute leur lùcheté pour s'imposer des airs souriants et S'ils avaient hùte d'en unir, c'est qu'ils ne pouvaient plus rester séparés et solitaires. Chaque nuit le noyé les visitait, l'insomnie les couchait sur un lit de charbons ardents et les retournait avec des pinces de feu. L'état d'énervement dans lequel ils vivaient, activait encore chaque soir la fiÚvre de leur sang, en dressant devant eux des hallucinations atroces. ThérÚse, lorsque le crépuscule était venu, n'osait plus monter dans sa chambre, elle éprouvait des angoisses vives, quand il lui fallait s'enfermer jusqu'au matin dans cette grande piÚce, qui s'éclairait de lueurs étranges et se peuplait de fantÎmes, dÚs que la lumiÚre était éteinte. Elle finit par laisser sa bougie allumée, par ne plus vouloir dormir afin de tenir toujours ses yeux grands ouverts. Et quand la fatigue baissait ses paupiÚres, elle voyait Camille dans le noir, elle rouvrait les yeux en sursaut. Le matin, elle se traÃnait, brisée, n'ayant sommeillé que quelques heures, au jour. Quant à Laurent, il était devenu décidément poltron depuis le soir oÃÂč il avait eu peur en passant devant la porte de la cave; auparavant, il vivait avec des confiances de brute; maintenant, au moindre bruit, il tremblait, il pùlissait, comme un petit garçon. Un frisson d'effroi avait brusquement secoué ses membres, et ne l'avait plus quitté. La nuit, il souffrait plus encore que ThérÚse; la peur, dans ce grand corps mou et lùche, amenait des déchirements profonds. Il voyait tomber le jour avec des appréhensions cruelles. Il lui arriva, à plusieurs reprises, de ne pas vouloir rentrer, de passer des nuits entiÚres à marcher au milieu des rues désertes. Une fois, il resta jusqu'au matin sous un pont, par une pluie battante; là , accroupi, glacé, n'osant se lever pour remonter sur le quai, il regarda, pendant prÚs de six heures, couler l'eau sale dans l'ombre blanchùtre; par moments, des terreurs l'aplatissaient contre la terre humide il lui semblait voir, sous l'arche du pont, passer de longues traÃnées de noyés qui descendaient au fil du courant. Lorsque la lassitude le poussait chez lui, il s'y enfermait à double tour, il s'y débattait jusqu'à l'aube, au milieu d'accÚs effrayants de fiÚvre. Le mÃÂȘme cauchemar revenait avec persistance il croyait tomber des bras ardents et passionnés de ThérÚse entre les bras froids et gluants de Camille; il rÃÂȘvait que sa maÃtresse l'étouffait dans une étreinte chaude, et il rÃÂȘvait ensuite que le noyé le serrait contre sa poitrine pourrie, dans un embrassement glacial; ces sensations brusques et alternées de volupté et de dégoût, ces contacts successifs de chair brûlante d'amour et de chair froide, amollie par la vase, le faisaient haleter et frissonner, rùler d'angoisse. Et, chaque jour, l'épouvante des amants grandissait, chaque jour leurs cauchemars les écrasaient, les affolaient davantage. Ils ne comptaient plus que sur leurs baisers pour tuer l'insomnie. Par prudence, ils n'osaient se donner des rendez-vous, ils attendaient le jour du mariage comme un jour de salut qui serait suivi d'une nuit heureuse. C'est ainsi qu'ils voulaient leur union de tout le désir qu'ils éprouvaient de dormir un sommeil calme. Pendant les heures d'indifférence, ils avaient hésité, oubliant chacun les raisons égoïstes et passionnées qui s'étaient comme évanouies, aprÚs les avoir tous deux poussés au meurtre. La fiÚvre les brûlant de nouveau, ils retrouvaient, au fond de leur passion et de leur égoïsme, ces raisons premiÚres qui les avaient décidés à tuer Camille, pour goûter ensuite les joies que, selon eux, leur assurerait un mariage légitime. D'ailleurs, c'était avec un vague désespoir qu'ils prenaient la résolution suprÃÂȘme de s'unir ouvertement. Tout au fond d'eux, il y avait de la crainte. Leurs désirs frissonnaient. Ils étaient penchés, en quelque sorte, l'un sut l'autre, comme sur un abÃme dont l'horreur les attirait; ils se courbaient mutuellement au-dessus de leur ÃÂȘtre, cramponnés, muets, tandis que des vertiges, d'une volupté cuisante, alanguissaient leurs membres, leur donnaient la folie de la chute. Mais en face du moment présent, de leur attente anxieuse et de leurs désirs peureux, ils sentaient l'impérieuse nécessité de s'aveugler, de rÃÂȘver un avenir de félicités amoureuses et de jouissances paisibles. Plus ils tremblaient l'un devant l'autre, plus ils devinaient l'horreur du gouffre au fond duquel ils allaient se jeter, et plus ils cherchaient à se faire à eux-mÃÂȘmes des promesses de bonheur, à étaler devant eux les faits invincibles qui les amenaient fatalement au ThérÚse désirait uniquement se marier par ce qu'elle avait peur et que son organisme réclamait les caresses violentes de Laurent. Elle était en proie à une crise nerveuse qui la rendait comme folle. A vrai dire, elle ne raisonnait guÚre, elle se jetait dans la passion, l'esprit détraqué par les romans qu'elle venait de lire, la chair irritée par les insomnies cruelles qui la tenaient éveillée depuis plusieurs Laurent, d'un tempérament plus épais, tout en cédant à ses terreurs et à ses désirs, entendait raisonner sa décision. Pour se bien prouver que sort mariage était nécessaire et qu'il allait enfin ÃÂȘtre parfaitement heureux, pour dissiper les craintes vagues qui le prenaient, il refaisait tous ses calculs d'autrefois. Son pÚre, le paysan de Jeufosse, s'entÃÂȘtant à ne pas mourir, il se disait que l'héritage pouvait se faire longtemps attendre; il craignait mÃÂȘme que cet héritage ne lui échappùt et n'allùt dans les poches d'un de ses cousins, grand gaillard qui piochait la terre à la vive satisfaction du vieux Laurent. Et lui, il serait toujours pauvre, il vivrait sans femme, dans un grenier, dormant mal, mangeant plus mal encore. D'ailleurs, il comptait ne pas travailler toute sa vie; il commençait à s'ennuyer singuliÚrement à son bureau, la légÚre besogne qui lui était confiée devenait accablante pour sa paresse. Le résultat de ses réflexions était toujours que le suprÃÂȘme bonheur consiste à ne rien faire. Alors il se rappelait qu'il avait noyé Camille pour épouser ThérÚse et ne plus rien faire ensuite. Certes, le désir de posséder à lui seul sa maÃtresse était entré pour beaucoup dans la pensée de son crime, mais il avait été conduit au meurtre peut-ÃÂȘtre plus encore par l'espérance de se mettre à la place de Camille, de se faire soigner comme lui, de goûter une béatitude de toutes les heures; si la passion seule l'eût poussé, il n'aurait pas montré tant de lùcheté, tant de prudence; la vérité était qu'il avait cherché à assurer, par un assassinat, le calme et l'oisiveté de sa vie, le contentement durable de ses appétits. Toutes ces pensées, avouées ou inconscientes, lui revenaient. Il se répétait, pour s'encourager, qu'il était temps de tirer le profit attendu de la mort de Camille. Et il étalait devant lui les avantages, les bonheurs de son existence future il quitterait son bureau, il vivrait dans une paresse délicieuse; il mangerait, il boirait, il dormirait son soûl; il aurait sans cesse sous la main une femme ardente qui rétablirait l'équilibre de son sang et de ses nerfs; bientÎt il hériterait des quarante et quelques mille francs de Mme Raquin, car la pauvre vieille se mourait un peu chaque jour; enfin, il se créerait une vie de brute heureuse, il oublierait tout. A chaque heure, depuis que leur mariage était décidé entre ThérÚse et lui, Laurent se disait ces choses, il cherchait encore d'autres avantages, et il était tout joyeux, lorsqu'il croyait avoir trouvé un nouvel argument puisé dans son égoïsme, qui l'obligeait à épouser la veuve du noyé. Mais il avait beau se forcer à l'espérance, il avait beau rÃÂȘver un avenir gras de paresse et de volupté, il sentait toujours de brusques frissons lui glacer la peau, il éprouvait toujours, par moments, une anxiété qui étouffait la joie dans sa XIX Cependant, le travail sourd de ThérÚse et de Laurent amenait des résultats. ThérÚse avait pris une attitude morne et désespérée, qui, au bout de quelques jours, inquiéta Mme Raquin. La vieille merciÚre voulut savoir ce qui attristait ainsi sa niÚce. Alors, la jeune femme joua son rÎle de veuve inconsolée avec une habileté exquise; elle parla d'ennui, d'affaissement, de douleurs nerveuses, vaguement, sans rien préciser. Lorsque sa tante la pressait de questions, elle répondait qu'elle se portait bien, qu'elle ignorait ce qui l'accablait ainsi, qu'elle pleurait sans savoir pourquoi. Et c'étaient des étouffements continus, des sourires pùles et navrants, des silences écrasants de vide et de désespérance. Devant cette jeune femme, pliée sur elle-mÃÂȘme, qui semblait mourir lentement d'un mal inconnu, Mme Raquin finit par s'alarmer sérieusement; elle n'avait plus au monde que sa niÚce, elle priait Dieu chaque soir de lui conserver cette enfant pour lui fermer les yeux. Un peu d'égoïsme se mÃÂȘlait à ce dernier amour de sa vieillesse. Elle se sentit frappée dans les faibles consolations qui l'aidaient encore à vivre, lorsqu'il lui vint à la pensée qu'elle pouvait perdre ThérÚse et mourir seule au fond de la boutique humide du passage. DÚs lors, elle ne quitta plus sa niÚce du regard, elle étudia avec épouvante les tristesses de la jeune femme, elle se demanda ce qu'elle pourrait bien faire pour la guérir de ses désespoirs muets. En de si graves circonstances, elle crut devoir prendre l'avis de son vieil ami Michaud. Un jeudi soir elle le retint dans sa boutique et lui dit ses craintes. -Pardieu, lui répondit le vieillard avec la brutalité franche de ses anciennes fonctions, je m'aperçois depuis longtemps que ThérÚse boude, et je sais bien pourquoi elle a ainsi la figure toute jaune et toute -Vous savez pourquoi? dit la merciÚre. Parlez vite. Si nous pouvions la guérir! -Oh! le traitement est facile, reprit Michaud en riant. Votre niÚce s'ennuie, parce qu'elle est seule, le soir, dans sa chambre, depuis bientÎt deux ans. Elle a besoin d'un mari; cela se voit dans ses yeux. La franchise brutale de l'ancien commissaire frappa douloureusement Mme Raquin. Elle pensait que la blessure qui saignait toujours en elle, depuis l'affreux accident de Saint-Ouen, était tout aussi vive, tout aussi cruelle au fond du coeur de la jeune veuve. Son fils mort, il lui semblait qu'il ne pouvait plus exister de mari pour sa niÚce. Et voilà que Michaud affirmait, avec un gros rire, que ThérÚse était malade par besoin de mari. -Mariez-la au plus tÎt, dit-il en s'en allant, si vous ne voulez pas la voir se dessécher entiÚrement. Tel est mon avis, chÚre dame, et il est bon, croyez-moi. Mme Raquin ne put s'habituer tout de suite à la pensée que son fils était déjà oublié. Le vieux Michaud n'avait pas mÃÂȘme prononcé le nom de Camille, et il s'était mis à plaisanter en parlant de la prétendue maladie de ThérÚse. La pauvre mÚre comprit qu'elle gardait seule, au fond de son ÃÂȘtre, le souvenir vivant de son cher enfant. Elle pleura, il lui sembla que Camille venait de mourir une seconde fois. Puis, quand elle eut bien pleuré, qu'elle fut lasse de regrets, elle songea malgré elle aux paroles de Michaud; elle s'accoutuma à l'idée d'acheter un peu de bonheur au prix d'un mariage qui, dans les délicatesses de sa mémoire, tuait de nouveau son fils. Des lùchetés lui venaient, lorsqu'elle se trouvait seule en face de ThérÚse, morne et accablée, au milieu du silence glacial de la boutique. Elle n'était pas un de ces esprits, roides et secs, qui prennent une joie ùpre à vivre d'un désespoir éternel il y avait en elle des souplesses, des dévouements, des effusions, tout un tempérament de bonne dame, grasse et affable, qui la poussait à vivre dans une tendresse active. Depuis que sa niÚce ne parlait plus et restait là , pùle et affaiblie, l'existence devenait intolérable pour elle, la boutique lui paraissait un tombeau; elle aurait voulu une affection chaude autour d'elle, de la vie, des caresses, quelque chose de doux et de gai qui l'aidùt à attendre paisiblement la mort. Ces désirs inconscients lui firent accepter le projet de remarier ThérÚse; elle oublia mÃÂȘme un peu son fils; il y eut, dans l'existence morte qu'elle menait, comme un réveil, comme des volontés et des occupations nouvelles d'esprit. Elle cherchait un mari pour sa niÚce, et cela emplissait sa tÃÂȘte. Ce choix d'un mari était une grande affaire; la pauvre vieille songeait encore plus à elle qu'à ThérÚse; elle voulait la marier de façon à ÃÂȘtre heureuse elle-mÃÂȘme, car elle craignait vivement que le nouvel époux de la jeune femme ne vÃnt troubler les derniÚres heures de sa vieillesse. La pensée qu'elle allait introduire un étranger dans son existence de chaque jour l'épouvantait; cette pensée seule l'arrÃÂȘtait, l'empÃÂȘchait de causer mariage avec sa niÚce, ouvertement. Pendant que ThérÚse jouait, avec cette hypocrisie parfaite que son éducation lui avait donnée, la comédie de l'ennui et de l'accablement, Laurent avait pris le rÎle d'homme sensible et serviable. Il était aux petits soins pour les deux femmes, surtout pour Mme Raquin, qu'il comblait d'attentions délicates. Peu à peu, il se rendit indispensable dans la boutique; lui seul mettait un peu de gaieté au fond de ce trou noir. Quand il n'était pas là , le soir, la vieille merciÚre cherchait auteur d'elle, mal à l'aise, comme s'il lui manquait quelque chose, ayant presque peur de se trouver en tÃÂȘte à tÃÂȘte avec les désespoirs de ThérÚse. D'ailleurs, Laurent ne s'absentait une soirée que pour mieux asseoir sa puissance; il venait tous les jours à la boutique en sortant de son bureau, il y restait jusqu'à la fermeture du passage. Il faisait les commissions, il donnait à Mme Raquin, qui ne marchait qu'avec peine, les menus objets dont elle avait besoin. Puis il s'asseyait, il causait. Il avait trouvé une voix d'acteur, douce et pénétrante, qu'il employait pour flatter les oreilles et le coeur de la bonne vieille. Surtout, il semblait s'inquiéter beaucoup de la santé de ThérÚse, en ami, en homme tendre dont l'ùme souffre de la souffrance d'autrui. A plusieurs reprises, il prit Mme Raquin à part, il la terrifia en paraissant trÚs effrayé lui-mÃÂȘme des changements, des ravages qu'il disait voir sur le visage de la jeune femme. -Nous la perdrons bientÎt, murmurait-il avec des larmes dans la voix. Nous ne pouvons nous dissimuler qu'elle est bien malade. Ah! notre pauvre bonheur, nos bonnes et tranquilles soirées! Mme Raquin l'écoutait avec angoisse. Laurent poussait mÃÂȘme l'audace jusqu'à parler de Camille. -Voyez-vous, disait-il encore à la merciÚre, la mort de mon pauvre ami a été trop terrible pour elle. Elle se meurt depuis deux ans, depuis le jour funeste oÃÂč elle a perdu Camille. Rien ne la consolera, rien ne la guérira. Il faut nous résigner. Ces mensonges impudents faisaient pleurer la vieille dame à chaudes larmes. Le souvenir de son fils la troublait et l'aveuglait. Chaque fois qu'on prononçait le nom de Camille, elle éclatait en sanglots, elle s'abandonnait, elle aurait embrassé la personne qui nommait son pauvre enfant. Laurent avait remarqué l'effet de trouble et d'attendrissement que ce nom produisait sur elle. Il pouvait la faire pleurer à volonté, la briser d'une émotion qui lui Îtait la vue nette des choses, et il abusait de son pouvoir pour la tenir toujours souple et endolorie dans sa main. Chaque soir, malgré les révoltes sourdes de ses entrailles qui tressaillaient, il mettait la conversation sur les rares qualités, sur le coeur tendre et l'esprit de Camille; il vantait sa victime avec une impudence parfaite. Par moments, lorsqu'il rencontrait les regards de ThérÚse fixés étrangement sur les siens, il frissonnait, il finissait par croire lui-mÃÂȘme tout le bien qu'il disait du noyé; alors il se taisait, pris brusquement d'une atroce jalousie, craignant que la veuve n'aimùt l'homme qu'il avait jeté à l'eau et qu'il vantait maintenant avec une conviction d'halluciné. Pendant toute la conversation, Mme Raquin était dans les larmes, ne voyant rien autour d'elle. Tout en pleurant, elle songeait que Laurent était un coeur aimant et généreux, lui seul se souvenait de son fils, lui seul en parlait encore d'une voix tremblante et émue. Elle essuyait ses larmes, elle regardait le jeune homme avec une tendresse infinie, elle l'aimait comme son propre enfant. Un jeudi soir, Michaud et Grivet se trouvaient déjà dans la salle à manger, lorsque Laurent entra et s'approcha de ThérÚse, lui demandant avec une inquiétude. douce des nouvelles de sa santé. Il s'assit un instant à cÎté d'elle, jouant, pour les personnes qui étaient là , son rÎle d'ami affectueux et effrayé. Comme les jeunes gens étaient prÚs l'un de l'autre, échangeant quelques mots, Michaud, qui les regardait, se pencha et dit tout bas à la vieille merciÚre, en lui montrant Laurent -Tenez, voilà le mari qu'il faut à votre niÚce. Arrangez vite ce mariage. Nous vous aiderons, s'il est nécessaire. Michaud souriait d'un air de gaillardise, dans sa pensée, ThérÚse devait avoir besoin d'un mari vigoureux. Mme Raquin fut comme frappée d'un trait de lumiÚre; elle vit d'un coup tous les avantages qu'elle retirerait personnellement du mariage de ThérÚse et de Laurent. Ce mariage ne ferait que resserrer les liens qui les unissaient déjà , elle et sa niÚce, à l'ami de son fils, à l'excellent coeur qui venait les distraire, le soir. De cette façon, elle n'introduirait pas un étranger chez elle, elle ne courrait pas le risque d'ÃÂȘtre malheureuse; au contraire, tout en donnant un soutien à ThérÚse, elle mettrait une joie de plus autour de sa vieillesse, elle trouverait un second fils dans ce garçon qui depuis trois ans lui témoignait une affection filiale. Puis il lui semblait que ThérÚse serait moins infidÚle au souvenir de Camille en épousant Laurent. Les religions du coeur ont des délicatesses étranges. Mme Raquin, qui aurait pleuré en voyant un étranger embrasser la jeune veuve, ne sentait en elle aucune révolte à la pensée de la livrer aux embrassements de l'ancien camarade de son fils. Elle pensait, comme on dit, que cela ne sortait pas de la Pendant toute la soirée, tandis que ses invités jouaient aux dominos, la vieille merciÚre regarda le couple avec des attendrissements qui firent deviner au jeune homme et à la jeune femme que leur comédie avait réussi et que le dénoûment était proche. Michaud, avant de se retirer, eut une courte conversation à voix basse avec Mme Raquin, puis il prit avec affectation le bras de Laurent et déclara qu'il allait l'accompagner un bout de chemin. Laurent, en s'éloignant, échangea un rapide regard avec ThérÚse, un regard plein de recommandations pressantes. Michaud s'était chargé de tùter le terrain, il trouva le jeune homme trÚs dévoué pour ces dames, mais trÚs surpris d'un projet de mariage entre ThérÚse et lui. Laurent ajouta, d'une voix émue, qu'il aimait comme une soeur la veuve de son pauvre ami, et qu'il croirait commettre un véritable sacrilÚge en l'épousant. L'ancien commissaire de police insista; il donna cent bonnes raisons pour obtenir un consentement, il parla mÃÂȘme de dévouement, il alla jusqu'à dire au jeune homme que son devoir lui dictait de rendre un fils à Mme Raquin et un époux à ThérÚse. Peu à peu, Laurent se laissa vaincre; il feignit de céder à l'émotion, d'accepter la pensée de mariage comme une pensée tombée du ciel, dictée par le dévouement et le devoir, ainsi que le disait le vieux Michaud. Quand celui-ci eut obtenu un oui formel, il quitta son compagnon, en se frottant les mains; il venait, croyait-il, de remporter une grande victoire, il s'applaudissait d'avoir eu le premier l'idée de ce mariage qui rendrait aux soirées du jeudi toute leur ancienne joie. Pendant que Michaud causait ainsi avec Laurent, en suivant lentement les quais, Mme Raquin avait une conversation toute semblable avec ThérÚse. Au moment oÃÂč sa niÚce, pùle et chancelante comme toujours, allait se retirer, la vieille merciÚre la retint un instant. Elle la questionna d'une voix tendre, elle la supplia d'ÃÂȘtre franche, de lui avouer les causes de cet ennui qui la pliait. Puis, comme elle n'obtenait que des réponses vagues, elle parla des vides du veuvage. Elle en vint peu à peu à préciser l'offre d'un nouveau mariage, elle finit par demander nettement à ThérÚse si elle n'avait pas le secret désir de se remarier. ThérÚse se récria, dit qu'elle ne songeait pas à cela, et qu'elle resterait fidÚle à Camille. Mme Raquin se mit à pleurer. Elle plaida contre son coeur, elle fit entendre que le désespoir ne peut ÃÂȘtre éternel; enfin, en réponse à un cri de la jeune femme disant que jamais elle ne remplacerait Camille, elle nomma brusquement Laurent. Alors, elle s'étendit avec un flot de paroles sur la convenance, sur les avantages d'une pareille union elle vida son ùme, répéta tout haut ce qu'elle avait pensé durant la soirée; elle peignit, avec un naïf égoïsme, le tableau de ses derniers bonheurs, entre ses deux chers enfants. ThérÚse l'écoutait, la tÃÂȘte basse, résignée et docile, prÃÂȘte à contenter ses moindres souhaits. -J'aime Laurent comme un frÚre, dit-elle douloureusement, lorsque sa tante se tut. Puisque vous le désirez, je tùcherai de l'aimer comme un époux. Je veux vous rendre heureuse.... J'espérais que vous me laisseriez pleurer en paix, mais j'essuierai mes larmes, puisqu'il s'agit de votre bonheur. Elle embrassa la vieille dame, qui demeura surprise et effrayée d'avoir été la premiÚre à oublier son fils. En se mettant au lit, Mme Raquin sanglota amÚrement es s'accusant d'ÃÂȘtre moins forte que ThérÚse, de vouloir par égoïsme un mariage que la jeune veuve acceptait par simple abnégation. Le lendemain matin, Michaud et sa vieille amie eurent une courte conversation dans le passage, devant la porte de la boutique. Ils se communiquÚrent le résultat de leurs démarches, et convinrent de mener les choses rondement, en forçant les jeunes gens à se fiancer le soir mÃÂȘme. Le soir à cinq heures, Michaud était déjà dans le magasin, lorsque Laurent entra. DÚs que le jeune homme fut assis, l'ancien commissaire de police lui dit à l'oreille -Elle accepte. Ce mot brutal fut entendu de ThérÚse, qui resta pùle, les yeux impudemment fixés sur Laurent. Les deux amants se regardÚrent pendant quelques secondes, comme pour se consulter. Ils comprirent tous deux qu'il fallait accepter la position sans hésiter et en finir d'un coup. Laurent, se levant, alla prendre la main de Mme Raquin, qui faisait tous ses efforts pour retenir ses larmes. -ChÚre mÚre, lui dit-il en souriant, j'ai causé de votre bonheur avec M. Michaud, hier soir. Vos enfants veulent vous rendre heureuse. La pauvre vieille, en s'entendant appeler  chÚre mÚre », laissa couler ses larmes. Elle saisit vivement la main de ThérÚse et la mit dans celle de Laurent, sans pouvoir parler. Les deux amants eurent un frisson en sentant leur peau se toucher. Ils restÚrent les doigts serrés et brûlants, dans une étreinte nerveuse. Le jeune homme reprit d'une voix hésitante -ThérÚse, voulez-vous que nous fassions à votre tante une existence gaie et paisible? -Oui, répondit la jeune femme faiblement, nous avons une tùche à Alors Laurent se tourna vers Mme Raquin et ajouta, trÚs pùle -Lorsque Camille est tombé Ã¥ l'eau, il m'a crié  Sauve ma femme, je te la confie. » Je crois accomplir ses derniers voeux en épousant ThérÚse. ThérÚse lùcha la main de Laurent, en entendant ces mots. Elle avait reçu comme un coup dans la poitrine. L'impudence de son amant l'écrasa. Elle le regarda avec des yeux hébétés, tandis que Mme Raquin, que les sanglots étouffaient, balbutiait -Oui, oui, mon ami, épousez-la, rendez-la heureuse, mon fils vous remerciera du fond de sa tombe. Laurent sentit qu'il fléchissait, il s'appuya sur le dossier d'une chaise. Michaud, qui, lui aussi, était ému aux larmes, le poussa vers ThérÚse, en disant -Embrassez-vous, ce seront vos fiançailles. Le jeune homme fut pris d'un étrange malaise en posant ses lÚvres sur les joues de la veuve, et celle-ci se recula brusquement, comme brûlée par les deux baisers de son amant. C'étaient les premiÚres caresses que cet homme lui faisait devant témoins tout son sang lui monta à la face, elle se sentit rouge et ardente, elle qui ignorait la pudeur et qui n'avait jamais rougi dans les hontes de ses amours. AprÚs cette crise, les deux meurtriers respirÚrent. Leur mariage était décidé, ils touchaient enfin au but qu'ils poursuivaient depuis si longtemps. Tout fut réglé le soir mÃÂȘme. Le jeudi suivant, le mariage fut annoncé à Grivet, à Olivier et à sa femme. Michaud, en donnant cette nouvelle, était ravi; il se frottait les mains et répétait -C'est moi qui ai pensé a cela, c'est moi qui les ai mariés.... Vous verrez le joli couple! Suzanne vint embrasser silencieusement ThérÚse. Cette pauvre créature, toute morte et toute blanche, s'était prise d'amitié pour la jeune veuve, sombre et roide. Elle l'aimait en enfant, avec une sorte de terreur respectueuse. Olivier complimenta la tante et la niÚce, Grivet hasarda quelques plaisanteries épicées qui eurent un succÚs médiocre. En somme, la compagnie se montra enchantée, ravie, et déclara que tout était pour le mieux; à vrai dire, la compagnie se voyait déjà à la L'attitude de ThérÚse et de Laurent resta digne et savante. Ils se témoignaient une amitié tendre et prévenante, simplement. Ils avaient l'air d'accomplir un acte de dévouement suprÃÂȘme. Rien dans leur physionomie ne pouvait faire soupçonner les terreurs, les désirs qui les secouaient. Mme Raquin les regardait avec de pùles sourires, avec des bienveillances molles et reconnaissantes. Il y avait quelques formalités à remplir. Laurent dut écrire à son pÚre pour lui demander son consentement. Le vieux paysan de Jeufosse, qui avait presque oublié qu'il eût un fils à Paris, lui répondit, en quatre lignes, qu'il pouvait se marier et se faire pendre, s'il voulait; il lui fit comprendre que, résolu à ne jamais lui donner un sou, il le laissait maÃtre de son corps et l'autorisait à commettre toutes les folies du monde. Une autorisation ainsi accordée inquiéta singuliÚrement Laurent. Mme Raquin, aprÚs avoir lu la lettre de ce pÚre dénaturé, eut un élan de bonté qui la poussa à faire une sottise. Elle mit sur la tÃÂȘte de sa niÚce les quarante et quelques mille francs qu'elle possédait, elle se dépouilla entiÚrement pour les nouveaux époux, se confiant à leur bon coeur, voulant tenir d'eux toute sa félicité. Laurent n'apportait rien à la communauté; il fit mÃÂȘme entendre qu'il ne garderait pas toujours son emploi et qu'il se remettrait peut-ÃÂȘtre à la peinture. D'ailleurs, l'avenir de la petite famille était assuré; les rentes des quarante et quelques mille francs, jointes aux bénéfices du commerce de mercerie, devaient faire vivre aisément trois personnes. Ils auraient tout juste assez pour ÃÂȘtre heureux. Les préparatifs de mariage furent pressés. On abrégea les formalités autant qu'il fut possible. On eût dit que chacun avait hùte de pousser Laurent dans la chambre de ThérÚse. Le jour désiré vint enfin. XX Le matin, Laurent et ThérÚse, chacun dans sa chambre, s'éveillÚrent avec la mÃÂȘme pensée de joie profonde tous deux se dirent que leur derniÚre nuit de terreur était finie. Ils ne coucheraient plus seuls, ils se défendraient mutuellement contre le noyé. ThérÚse regarda autour d'elle et eut un étrange sourire en mesurant des yeux son grand lit. Elle se leva, puis s'habilla lentement, en attendant Suzanne qui devait venir l'aider à faire sa toilette de mariée. Laurent se mit sur son séant. Il resta ainsi quelques minutes, faisant ses adieux à son grenier qu'il trouvait ignoble. Enfin, il allait quitter ce chenil et avoir une femme à lui. On était en décembre. Il frissonnait. Il sauta sur le carreau en se disant qu'il aurait chaud le soir. Mme Raquin, sachant combien il était gÃÂȘné, lui avait glissé dans la main, huit jours auparavant, une bourse contenant cinq cents francs, toutes ses économies. Le jeune homme avait accepté carrément et s'était fait habiller de neuf. L'argent de la vieille merciÚre lui avait en outre permis de donner à ThérÚse les cadeaux d'usage. Le pantalon noir, l'habit, ainsi que le gilet blanc, la chemise et la cravate de fine toile, étaient étalés sur deux chaises. Laurent se savonna, se parfuma le corps avec un flacon d'eau de Cologne, puis il procéda minutieusement à sa toilette. Il voulait ÃÂȘtre beau. Comme il attachait son faux-col, un faux-col haut et raide, il éprouva une souffrance vive au cou; le bouton du faux-col lui échappait des doigts, il s'impatientait, et il lui semblait que l'étoffe amidonnée lui coupait la chair. Il voulut voir, il leva le menton alors il aperçut la morsure de Camille toute rouge; le faux-col avait légÚrement écorché la cicatrice. Laurent serra les lÚvres et devint pùle; la vue de cette tache, qui lui marbrait le cou, l'effraya et l'irrita, à cette heure. Il froissa le faux-col, en choisit un autre qu'il mit avec mille précautions. Puis il acheva de s'habiller. Quand il descendit, ses vÃÂȘtements neufs le tenaient tout raide; il n'osait tourner la tÃÂȘte, le cou emprisonné dans des toiles gommées. A chaque mouvement qu'il faisait, un pli de ces toiles pinçait la plaie que les dents du noyé avaient creusée dans sa chair. Ce fut en souffrant de ces sortes de piqûres aiguÃs qu'il monta en voiture et alla chercher ThérÚse pour la conduire à la mairie et à l'église. Il prit en passant un employé du chemin de fer d'Orléans et le vieux Michaud, qui devaient lui servir de témoins. Lorsqu'ils arrivÚrent à la boutique, tout le monde était prÃÂȘt il y avait là Grivet et Olivier, témoins de ThérÚse, et Suzanne qui regardait la mariée comme les petites filles regardent les poupées qu'elles viennent d'habiller. Mme Raquin, bien que ne pouvant plus marcher, voulut accompagner partout ses enfants. On la hissa dans une voiture et l'on partit. Tout se passa convenablement à la mairie et à l'église. L'attitude calme et modeste des époux fut remarquée et approuvée. Ils prononcÚrent le oui sacramentel avec une émotion qui attendrit Grivet lui-mÃÂȘme. Ils étaient comme dans an rÃÂȘve. Tandis qu'ils restaient assis ou agenouillés cÎte à cÎte, tranquillement, des pensées furieuses les traversaient malgré eux et les déchiraient. Ils évitÚrent de se regarder en face. Quand ils remontÚrent en voiture, il leur sembla qu'ils étaient plus étrangers l'un à l'autre qu'auparavant. Il avait été décidé que le repas se ferait en famille, dans un petit restaurant, sur les hauteurs de Belleville. Les Michaud et Grivet étaient seuls invités. En attendant six heures, la noce se promena en voiture tout le long des boulevards; puis elle se rendit à la gargote oÃÂč une table de sept couverts était dressée dans un cabinet peint en jaune, qui puait la poussiÚre et le vin. Le repas fut d'une gaieté médiocre. Les époux étaient graves, pensifs. Ils éprouvaient depuis le matin des sensations étranges, dont ils ne cherchaient pas eux-mÃÂȘmes à se rendre compte. Ils s'étaient trouvés étourdis, dÚs les premiÚres heures, par la rapidité des formalités et de la cérémonie qui venaient de les lier à jamais. Puis la longue promenade sur les boulevards les avait comme bercés et endormis; il leur semblait que cette promenade avait duré des mois entiers; d'ailleurs, ils s'étaient laissé aller sans impatience dans la monotonie des rues, regardant les boutiques et les passants avec des yeux morts, pris d'un engourdissement qui les hébétait et qu'ils tùchaient de secouer en essayant des éclats de rire. Quand ils étaient entrés dans le restaurant, une fatigue accablante pesait à leurs épaules, une stupeur croissante les envahissait. Placés à table en face l'un de l'autre, ils souriaient d'un air contraint et retombaient toujours dans une rÃÂȘverie lourde; ils mangeaient, ils répondaient, ils remuaient les membres comme des machines. Au milieu de la lassitude paresseuse de leur esprit, une mÃÂȘme série de pensées fuyantes revenaient sans cesse. Ils étaient mariés et ils n'avaient pas conscience d'un nouvel état; cela les étonnait profondément. Ils s'imaginaient qu'un abÃme les séparait encore; par moments, ils se demandaient comment ils pourraient franchir cet abÃme. Ils croyaient ÃÂȘtre avant le meurtre, lorsqu'un obstacle matériel se dressait devant eux. Puis, brusquement, ils se rappelaient qu'ils coucheraient ensemble, le soir, dans quelques heures; alors ils se regardaient, étonnés, ne comprenant plus pourquoi cela leur serait permis. Ils ne sentaient pas leur union, ils rÃÂȘvaient au contraire qu'on venait de les écarter violemment et de les jeter loin de l'autre. Les invités, qui ricanaient bÃÂȘtement autour d'eux, ayant voulu les entendre se tutoyer, pour dissiper toute gÃÂȘne, ils balbutiÚrent, ils rougirent, ils ne purent jamais se résoudre à se traiter en amants, devant le monde. Dans l'attente leurs désirs s'étaient usés, tout le passé avait disparu. Ils perdaient leurs violents appétits de volupté, ils oubliaient mÃÂȘme leur joie du matin, cette joie profonde qui les avait pris à la pensée qu'ils n'auraient plus peur désormais. Ils étaient simplement las et ahuris de tout ce qui se passait; les faits de la journée tournaient dans leur tÃÂȘte, incompréhensibles et monstrueux. Ils restaient là , muets, souriants, n'attendant rien, n'espérant rien. Au fond de leur accablement, s'agitait une anxiété vaguement Et Laurent, à chaque mouvement de son cou, éprouvait une cuisson ardente qui lui mordait la chair; son faux-col coupait et pinçait la morsure de Camille. Pendant que le maire lui lisait le code, pendant que le prÃÂȘtre lui parlait de Dieu, à toutes les minutes de cette longue journée, il avait senti les dents du noyé qui lui entraient dans la peau. Il s'imaginait par moments qu'un filet de sang lui coulait sur la poitrine et allait tacher de rouge la blancheur de son Mme Raquin fut intérieurement reconnaissante aux époux de leur gravite; une joie bruyante aurait blessé la pauvre mÚre; pour elle, son fils était là , invisible, remettant ThérÚse entre les mains de Laurent. Grivet n'avait pas les mÃÂȘmes idées, il trouvait la noce triste, il cherchait vainement à l'égayer, malgré les regards de Michaud et d'Olivier qui le clouaient sur sa chaise toutes les fois qu'il voulait se dresser pour dire quelque sottise. Il réussit cependant à se lever une fois. Il porta un toast. -Je bois aux enfants de monsieur et de madame, dit-il d'un ton égrillard. Il fallut trinquer. ThérÚse et Laurent étaient devenus extrÃÂȘmement pùles, en entendant la phrase de Grivet. Ils n'avaient jamais songé qu'ils auraient peut-ÃÂȘtre des enfants. Cette pensée les traversa comme un frisson glacial. Ils choquÚrent leur verre d'un mouvement nerveux, ils s'examinÚrent, surpris, effrayés d'ÃÂȘtre là , face à face. On se leva de table de bonne heure. Les invités voulurent accompagner les époux jusqu'à la chambre nuptiale. Il n'était guÚre plus de neuf heures et demie lorsque la noce rentra dans la boutique du passage. La marchande de bijoux faux se trouvait encore au fond de son armoire, devant la boÃte garnie de velours bleu. Elle leva curieusement la tÃÂȘte, regardant les nouveaux époux avec un sourire. Ceux-ci surprirent son regard, et en furent terrifiés. Peut-ÃÂȘtre cette vieille femme avait-elle eu connaissance de leurs rendez-vous, autrefois, en voyant Laurent se glisser dans la petite allée. ThérÚse se retira presque sur-le-champ, avec Mme Raquin et Suzanne. Les hommes restÚrent dans la salle à manger, tandis que la mariée faisait sa toilette de nuit. Laurent, mou et affaissé, n'éprouvait pas la moindre impatience; il écoutait complaisamment les grosses plaisanteries du vieux Michaud et de Grivet, qui s'en donnaient à cour joie, maintenant que les dames n'étaient plus là . Lorsque Suzanne et Mme Raquin sortirent de la chambre nuptiale et que la vieille merciÚre dit d'une voix émue au jeune homme que sa femme l'attendait, il tressaillit, il resta un instant effaré; puis il serra fiévreusement les mains qu'on lui tendait, et il entra chez ThérÚse en se tenant à la porte, comme un homme ivre. XXI Laurent ferma soigneusement la porte derriÚre lui et demeura un instant appuyé contre cette porte, regardant dans la chambre d'un air inquiet et embarrassé. Un feu clair flambait dans la cheminée, jetant de larges clartés jaunes qui dansaient au plafond et sur les murs. La piÚce était ainsi éclairée d'une lueur vive et vacillante; la lampe, posée sur une table, pùlissait au milieu de cette lueur. Mme Raquin avait voulu arranger coquettement la chambre qui se trouvait toute blanche et toute parfumée, comme pour servir de nid à de jeunes et fraÃches amours; elle s'était plu à ajouter au lit quelques bouts de dentelle et à garnir de gros bouquets de roses les vases de la cheminée. Une chaleur douce, des senteurs tiÚdes traÃnaient. L'air était recueilli et apaisé, pris d'une sorte d'engourdissement voluptueux. Au milieu du silence frissonnant, les pétillements du foyer jetaient de petits bruits secs. On eût dit un désert heureux, un coin ignoré, chaud et sentant bon, fermé à tous les bruits du dehors, un de ces coins faits et apprÃÂȘtés pour les sensualités et les besoins de mystÚre de la ThérÚse était assise sur une chaise basse, à droite de la cheminée. Le menton dans la main, elle regardait les flammes vives, fixement. Elle ne tourna pas la tÃÂȘte quand Laurent entra. VÃÂȘtue d'un jupon et d'une camisole brodée de dentelle, elle était d'une blancheur crue sous l'ardente clarté du foyer. Sa camisole glissait, et un bout d'épaule passait, rose, à demi caché par une mÚche noire de cheveux. Laurent fit quelques pas sans parler. Il Îta son habit et son gilet. Quand il fut en manches de chemise, il regarda de nouveau ThérÚse qui n'avait pas bougé. Il semblait hésiter. Puis il aperçut le bout d'épaule, et il se baissa en frémissant pour coller ses lÚvres à ce morceau de peau nue. La jeune femme retira son épaule en se retournant brusquement. Elle fixa sur Laurent un regard si étrange de répugnance et d'effroi, qu'il recula, mal à l'aise, comme pris lui-mÃÂȘme de terreur et de dégoût. Laurent s'assit en face de ThérÚse, de l'autre cÎté de la cheminée. Ils restÚrent ainsi, muets, immobiles, pendant cinq grandes minutes. Par instants, des jets de flammes rougeùtres s'échappaient du bois, et alors des reflets sanglants couraient sur le visage des meurtriers. Il y avait prÚs de deux ans que les amants ne s'étaient trouvés enfermés dans la mÃÂȘme chambre, sans témoins, pouvant se livrer l'un à l'autre. Ils n'avaient plus eu de rendez-vous d'amour depuis le jour oÃÂč ThérÚse était venue rue Saint-Victor, apportant à Laurent l'idée du meurtre avec elle. Une pensée de prudence avait sevré leur chair. A peine s'étaient-ils permis de loin en loin un serrement de main, un baiser furtif. AprÚs le meurtre de Camille, lorsque de nouveaux désirs les avaient brûlés, ils s'étaient contenus, attendant le soir des noces, se promettant des voluptés folles, lorsque l'impunité leur serait assurée. Et le soir des noces venait enfin d'arriver, et ils restaient face à face, anxieux, pris d'un malaise subit. Ils n'avaient qu'à allonger les bras pour se presser dans une étreinte passionnée, et leurs bras semblaient mous, comme déjà las et rassasiés d'amour. L'accablement de la journée les écrasait de plus en plus. Ils se regardaient sans désir, avec un embarras peureux, souffrant de rester ainsi silencieux et froids. Leurs rÃÂȘves brûlants aboutissaient à une étrange réalité; il suffisait qu'ils eussent réussi à tuer Camille et à se marier ensemble, il suffisait que la bouche de Laurent eût effleuré l'épaule de ThérÚse, pour que leur luxure fût contentée jusqu'à l'écoeurement et l'épouvante. Ils se mirent à chercher désespérément en eux un peu de cette passion qui les brûlait jadis. Il leur semblait que leur peau était vide de muscles, vide de nerfs. Leur embarras, leur inquiétude croissaient; ils avaient une mauvaise honte de rester ainsi muets et mornes en face l'un de l'autre. Ils auraient voulu avoir la force de s'étreindre et de se briser, afin de ne point passer à leurs propres yeux pour des imbéciles. Eh quoi! ils s'appartenaient, ils avaient tué un homme et joué une atroce comédie pour pouvoir se vautrer avec impudence dans un assouvissement de toutes les heures, et ils se tenaient là , aux deux coins d'une cheminée, roides, épuisés, l'esprit troublé, la chair morte. Un tel dénoûment finit par leur paraÃtre d'un ridicule horrible et cruel. Alors, Laurent essaya de parler d'amour, d'évoquer les souvenirs d'autrefois, faisant appel à son imagination pour ressusciter ses tendresses. -ThérÚse, dit-il en se penchant vers la jeune femme, te souviens-tu de nos aprÚs-midi dans cette chambre?... Je venais par cette porte.... Aujourd'hui, je suis entré par celle-ci.... Nous sommes libres, nous allons pouvoir nous aimer en paix. Il parlait d'une voix hésitante, mollement. La jeune femme, accroupie sur la chaise basse, regardait toujours la flamme, songeuse, n'écoutant pas. Laurent continua -Te rappelles-tu? J'avais fait un rÃÂȘve, je voulais passer une nuit entiÚre avec toi, m'endormir dans tes bras et me réveiller le lendemain sous tes baisers. Je vais contenter ce rÃÂȘve. ThérÚse fit un mouvement, comme surprise d'entendre une voix qui balbutiait à ses oreilles; elle se tourna vers Laurent sur le visage duquel le foyer envoyait en ce moment un large reflet rougeùtre, elle regarda ce visage sanglant, et frissonna. Le jeune homme reprit, plus troublé, plus inquiet -Nous ayons réussi, ThérÚse, nous avons brisé tous les obstacles, et nous nous appartenons.... L'avenir est à nous, n'est-ce pas? un avenir de bonheur tranquille, d'amour satisfait.... Camille n'est plus là .... Laurent s'arrÃÂȘta, la gorge sÚche, étranglant, ne pouvant continuer. Au nom de Camille, ThérÚse avait reçu un choc aux entrailles. Les deux meurtriers se contemplÚrent, hébétés, pùles et tremblants. Les clartés jaunes du foyer dansaient toujours au plafond et sur les murs, l'odeur tiÚde des roses tramait, les pétillements du bois jetaient de petits bruits secs dans le silence. Les souvenirs étaient lùchés. Le spectre de Camille évoqué venait de s'asseoir entre les nouveaux époux en face du feu qui flambait. ThérÚse et Laurent retrouvaient la senteur froide et humide du noyé dans l'air chaud qu'ils respiraient; ils se disaient qu'un cadavre était là , prÚs d'eux, et ils s'examinaient l'un l'autre, sans oser bouger. Alors toute la terrible histoire de leur crime se déroula au fond de leur mémoire. Le nom de leur victime suffÃt pour les emplir du passé, pour les obliger à vivre de nouveau les angoisses de l'assassinat. Ils n'ouvrirent pas les lÚvres, ils se regardÚrent, et tous deux eurent à la fois le mÃÂȘme cauchemar, tous deux entamÚrent mutuellement des yeux la mÃÂȘme histoire cruelle. Cet échange de regards terrifiée, ce récit muet qu'ils allaient se faire du meurtre, leur causa une appréhension aiguÃ, intolérable. Leurs nerfs qui se tendaient les menaçaient d'une crise; ils pouvaient crier, se battre peut-ÃÂȘtre. Laurent, pour chasser les souvenirs, s'arracha violemment à l'extase épouvantée qui le tenait sous le regard de ThérÚse; il fit quelques pas dans la chambre; il retira ses bottes et mit des pantoufles, puis il revint s'asseoir au coin de la cheminée, il essaya de parler de choses indifférentes. ThérÚse comprit son désir. Elle s'efforça de répondre à ses questions. Ils causÚrent de la pluie et du beau temps. Ils voulurent se forcer à une causerie banale. Laurent déclara qu'il faisait chaud dans la chambre, ThérÚse dit que cependant des courants d'air passaient sous la petite porte de l'escalier. Et ils se retournÚrent vers la petite porte avec un frémissement subit. Le jeune homme se hùta de parler des roses, du feu, de tout ce qu'il voyait; la jeune femme faisait effort, trouvait des monosyllabes, pour ne pas laisser tomber la conversation. Ils s'étaient reculés l'un de l'autre; ils prenaient des airs dégagés; ils tùchaient d'oublier qui ils étaient et de se traiter comme des étrangers qu'un hasard quelconque aurait mis face à lace. Et malgré eux, par un étrange phénomÚne, tandis qu'ils prononçaient des mots vides, ils devinaient mutuellement les pensées qu'ils cachaient sous la banalité de leurs paroles. Ils songeaient invinciblement à Camille. Leurs yeux se continuaient le récit du passé, ils tenaient toujours du regard une conversation suivie et muette, sous leur conversation à haute voix qui se traÃnait au hasard. Les mots qu'ils jetaient ça et là ne signifiaient rien, ne se liaient pas entre eux, se démentaient; tout leur ÃÂȘtre s'employait à l'échange silencieux de leurs souvenirs épouvantés. Lorsque Laurent parlait des roses ou du feu, d'une chose ou d'une autre, ThérÚse entendait parfaitement qu'il lui rappelait la lutte dans la barque, la chute sourde de Camille; et, lorsque ThérÚse répondait un oui ou un non à une question insignifiante, Laurent comprenait qu'elle disait se souvenir ou ne pas se souvenir d'un détail du crime. Ils causaient ainsi, à coeur ouvert, sans avoir besoin de mots, parlant d'autre chose. N'ayant d'ailleurs pas conscience des paroles qu'ils prononçaient, ils suivaient leurs pensées secrÚtes, phrase à phrase; ils auraient pu brusquement continuer leurs confidences à voix haute, sans cesser de se comprendre. Cette sorte de divination, cet entÃÂȘtement de leur mémoire à leur présenter sans cesse l'image de Camille, les affolaient peu à peu; ils voyaient bien qu'ils se devinaient, et que, s'ils ne se taisaient pas, les mots allaient monter d'eux-mÃÂȘmes à leur bouche, nommer le noyé, décrire l'assassinat. Alors ils serrÚrent fortement les lÚvres, ils cessÚrent leur causerie. Et dans le silence accablant qui se fit, les deux meurtriers s'entretinrent encore de leur victime. Il leur sembla que leurs regards pénétraient mutuellement leur chair et enfonçaient en eux des phrases nettes et aiguÃs. Par moments, ils croyaient s'entendre parler à voix haute; leurs sens se faussaient, la vue devenait une sorte d'ouïe, étrange et délicate; ils lisaient si nettement leurs pensées sur leurs visages, que ces pensées prenaient un son étrange, éclatant, qui secouait tout leur organisme. Ils ne se seraient pas mieux entendus s'ils s'étaient crié d'une voix déchirante  Nous avons tué Camille, et son cadavre est là , étendu entre nous, glaçant nos membres. » Et les terribles confidences allaient toujours, plus visibles, plus retentissantes, dans l'air calme et moite de la Laurent et ThérÚse avaient commencé le récit muet au jour de leur premiÚre entrevue dans la boutique. Puis les souvenirs étaient venus un à un, en ordre; ils s'étaient conté les heures de volupté, les moments d'hésitation et de colÚre, le terrible instant du meurtre. C'est alors qu'ils avaient serré les lÚvres, cessant de causer de ceci, de cela, par crainte de nommer tout à coup Camille sans le vouloir. Et leurs pensées, ne s'arrÃÂȘtant pas, les avaient promenés ensuite dans les angoisses, dans l'attente peureuse qui avait suivi l'assassinat. Ils arrivÚrent ainsi à songer au cadavre du noyé étalé sur une dalle de la Morgue. Laurent, dans un regard, dit toute son épouvante à ThérÚse, et ThérÚse poussée à bout, obligée par une main de fer de desserrer les lÚvres, continua brusquement la conversation à voix haute -Tu l'as vu à la Morgue? demanda-t-elle à Laurent, sans nommer Laurent paraissait s'attendre à cette question. Il la lisait depuis un moment sur le visage blanc de la jeune femme. -Oui, répondit-il d'une voix étranglée. Les meurtriers eurent un frisson. Ils se rapprochÚrent du feu; ils étendirent leurs mains devant la flamme, comme si un souffle glacé eût subitement passé dans la chambre chaude. Ils gardÚrent un instant le silence, pelotonnés, accroupis. Puis ThérÚse reprit sourdement -Paraissait-il avoir beaucoup souffert? Laurent ne put répondre. Il fit un geste d'effroi, comme pour écarter une vision ignoble. Il se leva, alla vers le lit, et revint avec violence, les bras ouverts, s'avançant vers ThérÚse. -Embrasse-moi, lui dit-il en tendant le cou. ThérÚse s'était levée, toute pùle dans sa toilette de nuit; elle se renversait à demi, le coude posé sur le marbre de la cheminée. Elle regarda le cou de Laurent. Sur la blancheur de la peau, elle venait d'apercevoir une tache rose. Le flot de sang qui montait agrandit cette tache, qui devint d'un rouge ardent. -Embrasse-moi, embrasse-moi, répétait Laurent, le visage et le cou en La jeune femme renversa la tÃÂȘte davantage pour éviter un baiser, et, appuyant le bout de son doigt sur la morsure de Camille, elle demanda à son mari -Qu'as-tu là ? je ne te connaissais pas cette blessure. Il sembla à Laurent que le doigt de ThérÚse lui trouait la gorge. Au contact de ce doigt, il eut un brusque mouvement de recul, en poussant un léger cri de douleur. -Ça, dit-il en balbutiant, ça? Il hésita, mais il ne put mentir, il dit la vérité malgré lui. -C'est Camille qui m'a mordu, tu sais, dans la barque. Ce n'est rien, c'est guéri.... Embrasse-moi, embrasse-moi. Et le misérable tendait son cou qui le brûlait, il désirait que ThérÚse le baisùt sur la cicatrice, il comptait que le baiser de cette femme apaiserait les mille piqûres qui lui déchiraient la chair. Le menton levé, le cou en avant, il s'offrait. ThérÚse, presque couchée sur le marbre de la cheminée, fit un geste de suprÃÂȘme dégoût et s'écria d'une voix suppliante -Oh! non, pas là . Il y a du sang. Elle retomba sur la chaise basse, frémissante, le front entre les mains. Laurent resta stupide. Il abaissa le menton, il regarda vaguement ThérÚse. Puis, tout d'un coup, avec une étreinte de bÃÂȘte fauve, il lui prit la tÃÂȘte dans ses larges mains, et, de force, lui appliqua les lÚvres sur son cou, sur la morsure de Camille. Il garda, il écrasa un instant cette tÃÂȘte de femme contre sa peau. ThérÚse s'était abandonnée, elle poussait des plaintes sourdes, elle étouffait sur le cou de Laurent. Quand elle se fut dégagée de ses doigts, elle s'essuya violemment la bouche, elle cracha dans le foyer. Elle n'avait pas prononcé une parole. Laurent, honteux de sa brutalité, se mit à marcher lentement, allant du lit à la fenÃÂȘtre. La souffrance seule, l'horrible cuisson lui avait fait exiger un baiser de ThérÚse, et, quand les lÚvres de ThérÚse s'étaient trouvées froides sur la cicatrice brûlante, il avait souffert davantage. Ce baiser obtenu par la violence venait de le briser. Pour rien au monde, il n'aurait voulu en recevoir un second, tant le choc avait été douloureux. Et il regardait la femme avec laquelle il devait vivre et qui frissonnait, pliée devant le feu, lui tournant le dos; il se répétait qu'il n'aimait plus cette femme et que cette femme ne l'aimait plus. Pendant prÚs d'une heure, ThérÚse resta affaissée. Laurent se promena de long en large, silencieusement. Tous deux s'avouaient avec terreur que leur passion était morte, qu'ils avaient tué leurs désirs en tuant Camille. Le feu se mourait doucement; un grand brasier rose luisait sur les cendres. Peu à peu, la chaleur était devenue étouffante dans la chambre, les fleurs se fanaient, alanguissant l'air épais de leurs senteurs lourdes. Tout à coup Laurent crut avoir une hallucination. Comme il se tournait revenant de la fenÃÂȘtre au lit, il vit Camille dans un coin plein d'ombre, entre la cheminée et l'armoire à glace. La face de sa victime était verdùtre et convulsionnée, telle qu'il l'avait aperçue sur une dalle de la Morgue. Il demeura cloué sur le tapis, défaillant, s'appuyant contre un meuble. Au rùle sourd qu'il poussa, ThérÚse leva la tÃÂȘte. -Là , là , disait Laurent d'une voix terrifiée, Le bras tendu, il montrait le coin d'ombre dans lequel il apercevait le visage sinistre de Camille. ThérÚse, gagnée par l'épouvante, vint se serrer contre -C'est son portrait, murmura-t-elle à voix basse, comme si la figure peinte de son ancien mari eût pu l'entendre. -Son portrait? répéta Laurent dont les cheveux se dressaient. -Oui, tu sais, la peinture que tu as faite. Ma tante devait le prendre chez elle à partir d'aujourd'hui. Elle aura oublié de le décrocher. -Bien sûr, c'est son portrait.... Le meurtrier hésitait à reconnaÃtre la toile. Dans son trouble, il oubliait qu'il avait lui-mÃÂȘme dessiné ces traits heurtés, étalé ces teintes sales qui l'épouvantaient. L'effroi lui faisait voir le tableau tel qu'il était, ignoble, mal bùti, boueux, montrant sur un fond noir une face grimaçante de cadavre. Son oeuvre l'étonnait et l'écrasait par sa laideur atroce, il y avait surtout les deux yeux blancs flottant dans les orbites molles et jaunùtres, qui lui rappelaient exactement les yeux pourris du noyé de la Morgue. Il resta un moment haletant, croyant que ThérÚse mentait pour le rassurer. Puis il distingua le cadre, il se calma peu à peu. -Va le décrocher, dit-il tout bas à la jeune femme. -Oh! non, j'ai peur, répondit celle-ci avec un frisson. Laurent se remit à trembler. Par instants, le cadre disparaissait, il ne voyait plus que les deux yeux blancs qui se fixaient sur lui, -Je t'en prie, reprit-il en, suppliant sa compagne, va le décrocher. -Non, non. -Nous le tournerons contre le mur, nous n'aurons plus peur. -Non, je ne puis pas. Le meurtrier, lùche et humble, poussait la jeune femme vers la toile, se cachant derriÚre elle, pour se dérober aux regards du noyé. Elle s'échappa, et il voulut se payer d'audace; il s'approcha du tableau, levant la main, cherchant le clou. Mais le portrait eut un regard si écrasant, si ignoble, si long, que Laurent, aprÚs avoir voulu lutter de fixité avec lui, fut vaincu et recula, accablé, en murmurant -Non, tu as raison, ThérÚse, nous ne pouvons pas.... Ta tante le décrochera demain. Il reprit sa marche de long en large, baissant la tÃÂȘte, sentant que le portrait le regardait, le suivait des yeux. Il ne pouvait s'empÃÂȘcher, par instants, de jeter un coup d'oeil du cÎté de la toile; alors, au fond de l'ombre, il apercevait toujours les regards ternes et morts du noyé. La pensée que Camille était là , dans un coin, le guettant, assistant à sa nuit de noces, les examinant, ThérÚse et lui, acheva de rendre Laurent fou de terreur et de désespoir. Un fait, dont tout autre aurait souri, lui fit perdre entiÚrement la tÃÂȘte. Comme il se trouvait devant la cheminée, il entendit une sorte de grattement. Il pùlit, il s'imagina que ce grattement venait du portrait, que le bruit avait lieu à la petite porte donnant sur l'escalier. Il regarda ThérÚse que la peur reprenait. -Il y a quelqu'un dans l'escalier, murmura-t-il. Qui peut venir par là ? La jeune femme ne répondit pas. Tous deux songeaient au noyé, une sueur glacée mouillait leurs tempes. Ils se réfugiÚrent au fond de la chambre, s'attendant à voir la porte s'ouvrir brusquement en laissant tomber sur le carreau le cadavre de Camille. Le bruit continuant plus sec, plus irrégulier, ils pensÚrent que leur victime écorchait le bois avec ses ongles pour entrer. Pendant prÚs de cinq minutes, ils n'osÚrent bouger. Enfin un miaulement se fit entendre. Laurent, en s'approchant, reconnut le chat tigré de Mme Raquin, qui avait été enfermé par mégarde dans la chambre, et qui tentait d'en sortir en secouant la petite porte avec ses griffes. François eut peur de Laurent; d'un bond, il sauta sur une chaise; le poil hérissé, les pattes roidies, il regardait son nouveau maÃtre en face, d'un air dur et cruel. Le jeune homme n'aimait pas les chats, François l'effrayait presque. Dans cette heure de fiÚvre et de crainte, il crut que le chat allait lui sauter au visage pour venger Camille. Cette bÃÂȘte devait tout savoir il y avait des pensées dans ses yeux ronds, étrangement dilatés. Laurent baissa les paupiÚres, devant la fixité de ces regards de brute. Comme il allait donner un coup de pied à François -Ne lui fais pas de mal, s'écria ThérÚse. Ce cri lui causa une étrange impression. Une idée absurde lui emplit la tÃÂȘte. -Camille est entré dans ce chat, pensa-t-il. Il faudra que je tue cette bÃÂȘte.... Elle a l'air d'une personne. Il ne donna pas le coup de pied, craignant d'entendre François lui parler avec le son de voix de Camille. Puis il se rappela les plaisanteries de ThérÚse aux temps de leurs voluptés, lorsque le chat était témoin des baisers qu'ils échangeaient. Il se dit alors que cette bÃÂȘte en savait de trop et qu'il fallait la jeter par la fenÃÂȘtre. Mais il n'eut pas le courage d'accomplir son dessein. François gardait une attitude de guerre; les griffes allongées, le dos soulevé par une irritation sourde, il suivait les moindres mouvements de son ennemi avec une tranquillité superbe. Laurent fut gÃÂȘné par l'éclat métallique de ses yeux; il se hùta de lui ouvrir la porte de la salle à manger, et le chat s'enfuit en poussant un miaulement aigu. ThérÚse s'était assise de nouveau devant le foyer éteint. Laurent reprit sa marche du lit à la fenÃÂȘtre. C'est ainsi qu'ils attendirent le jour. Ils ne songÚrent pas à se coucher; leur chair et leur coeur étaient bien morts. Un seul désir les tenait, le désir de sortir de cette chambre oÃÂč ils étouffaient. Ils éprouvaient un véritable malaise à ÃÂȘtre enfermés ensemble, à respirer le mÃÂȘme air; ils auraient voulu qu'il y eût là quelqu'un pour rompre leur tÃÂȘte-à -tÃÂȘte, pour les tirer de l'embarras cruel oÃÂč ils étaient, en restant l'un devant l'autre sans parler, sans pouvoir ressusciter leur passion. Leurs longs silences les torturaient; ces silences étaient lourds de plaintes amÚres et désespérées, de reproches muets, qu'ils entendaient distinctement dans l'air Le jour vint enfin, sale et blanchùtre, amenant avec lui un froid pénétrant. Lorsqu'une clarté pùle eut empli la chambre, Laurent qui grelottait se sentit plus calme. Il regarda en face le portrait de Camille, et le vit tel qu'il était, banal et puéril; il le décrocha en haussant les épaules, en se traitant de bÃÂȘte. ThérÚse s'était levée et défaisait le lit pour tromper sa tante, pour faire croire à une nuit heureuse. -Ah ça, lui dit brutalement Laurent, j'espÚre que nous dormirons ce soir?... Ces enfantillages-là ne peuvent durer. ThérÚse lui jeta un coup d'oeil grave et profond. -Tu comprends, continua-t-il, je ne me suis pas marié pour passer des nuits blanches. Nous sommes des enfants.... C'est toi qui m'as troublé, avec tes airs de l'autre monde. Ce soir, tu tùcheras d'ÃÂȘtre gaie et de me pas m'effrayer. Il se força à rire, sans savoir pourquoi il riait. -Je tùcherai, reprit sourdement la jeune femme. Telle fut la nuit de noces de ThérÚse et de Laurent. XXII Les nuits suivantes furent encore plus cruelles. Les meurtriers avaient voulu ÃÂȘtre deux, la nuit, pour se défendre contre le noyé, et, par un étrange effet, depuis qu'ils se trouvaient ensemble, ils frissonnaient davantage. Ils s'exaspéraient, ils irritaient leurs nerfs, ils subissaient des crises atroces de souffrance et de terreur, en échangeant une simple parole, un simple regard. A la moindre conversation qui s'établissait entre eux, au moindre tÃÂȘte-à -tÃÂȘte qu'ils avaient, ils voyaient rouge, ils déliraient. La nature sÚche et nerveuse de ThérÚse avait agi d'une façon bizarre sur la nature épaisse et sanguine de Laurent. Jadis, aux jours de passion, leur différence de tempérament avait fait de cet homme et de cette femme un couple puissamment lié, en établissant entre eux une sorte d'équilibre, en complétant pour ainsi dire leur organisme. L'amant donnait de son sang, l'amante de ses nerfs, et ils vivaient l'un dans l'autre, ayant besoin de leurs baisers pour régulariser le mécanisme de leur ÃÂȘtre. Mais un détraquement venait de se produire; les nerfs surexcités de ThérÚse avaient dominé. Laurent s'était trouvé tout d'un coup jeté en plein éréthisme nerveux; sous l'influence ardente de la jeune femme, son tempérament était devenu peu à peu celui d'une fille secouée par une névrose aiguÃ. Il serait curieux d'étudier les changements qui se produisent parfois dans certains organismes, à la suite de circonstances déterminées. Ces changements, qui partent de la chair, ne tardent pas à se communiquer au cerveau, à tout l'individu. Avant de connaÃtre ThérÚse, Laurent avait la lourdeur, le calme prudent, la vie sanguine d'un fils de paysan. Il dormait, mangeait, buvait en brute. A toute heure, dans tous les faits de l'existence journaliÚre, il respirait d'un souffle large et épais, content de lui, un peu abÃÂȘti par sa graisse. A peine, au fond de sa chair alourdie, sentait-il parfois des chatouillements. C'étaient ces chatouillements que ThérÚse avait développés en horribles secousses. Elle avait fait pousser dans ce grand corps, gras et mou, un systÚme nerveux d'une sensibilité étonnante. Laurent qui, auparavant, jouissait de la vie plus par le sang que par les nerfs, eut des sens moins grossiers. Une existence nerveuse, poignante et nouvelle pour lui, lui fut brusquement révélée, aux premiers baisers de sa maÃtresse. Cette existence décupla ses voluptés, donna un caractÚre si aigu à ses joies, qu'il en fut d'abord comme affolé; il s'abandonna éperdument à ces crises d'ivresse que jamais son sang ne lui avait procurées. Alors eut lieu en lui un étrange travail; les nerfs se développÚrent, l'emportÚrent sur l'élément sanguin, et ce fait seul modifia sa nature. Il perdit son calme, sa lourdeur, il ne vécut plus une vie endormie. Un moment arriva oÃÂč les nerfs et le sang se tinrent en équilibre; ce fut là un moment de jouissance profonde d'existence parfaite. Puis les nerfs dominÚrent, et il tomba dans les angoisses qui secouent les corps et les esprits détraqués. C'est ainsi que Laurent s'était mis à trembler devant un coin d'ombre, comme un enfant poltron. L'ÃÂȘtre frissonnant et hagard, le nouvel individu qui venait de se dégager en lui du paysan épais et abruti éprouvait les peurs, les anxiétés des tempéraments nerveux. Toutes les circonstances, les caresses fauves de ThérÚse, la fiÚvre du meurtre, l'attente épouvantée de la volupté, l'avaient rendu comme fou, en exaltant ses sens, en frappant à coups brusques et répétés sur ses nerfs. Enfin l'insomnie était venue fatalement, apportant avec elle l'hallucination. DÚs lors, Laurent avait roulé dans la vie intolérable, dans l'effroi éternel oÃÂč il se débattait. Ses remords étaient purement physiques. Son corps, ses nerfs irrités et sa chair tremblante avaient seuls peur du noyé. Sa conscience n'entrait pour rien dans ses terreurs, il n'avait pas le moindre regret d'avoir tué Camille; lorsqu'il était calme, lorsque le spectre ne se trouvait pas là , il aurait commis de nouveau le meurtre, s'il avait pensé que son intérÃÂȘt l'exigeùt. Pendant le jour, il se raillait de ses effrois, il se promettait d'ÃÂȘtre fort, il gourmandait ThérÚse, qu'il accusait de le troubler; selon lui, c'était ThérÚse qui frissonnait, c'était ThérÚse seule qui amenait des scÚnes épouvantables, le soir, dans la chambre. Et dÚs que la nuit tombait, dÚs qu'il était enfermé avec sa femme, des sueurs glacées montaient à sa peau, des effrois d'enfant le secouaient. Il subissait ainsi des crises périodiques, des crises de nerfs qui revenaient tous les soirs, qui détraquaient ses sens, en lui montrant la face verte et ignoble de sa victime. On eût dit les accÚs d'une effrayante maladie, d'une sorte d'hystérie du meurtre. Le nom de maladie, d'affection nerveuse était réellement le seul qui convÃnt aux épouvantes de Laurent. Sa face se convulsionnait, ses membres se raidissaient; on voyait que les nerfs se nouaient en lui. Le corps souffrait horriblement, l'ùme restait absente. Le misérable n'éprouvait pas un repentir; la passion de ThérÚse lui avait communiqué un mal effroyable, et c'était tout. ThérÚse se trouvait, elle aussi, en proie à des secousses profondes. Mais, chez elle, la nature premiÚre n'avait fait que s'exalter outre mesure. Depuis l'ùge de dix ans, cette femme était troublée par des désordres nerveux, dus en partie à la façon dont elle grandissait dans l'air tiÚde et nauséabond de la chambre oÃÂč rùlait le petit Camille. Il s'amassait en elle des orages, des fluides puissants qui devaient éclater plus tard en véritables tempÃÂȘtes. Laurent avait été pour elle ce qu'elle avait été pour Laurent, une sorte de choc brutal. DÚs la premiÚre étreinte d'amour, son tempérament sec et voluptueux s'était développé avec une énergie sauvage; elle n'avait plus vécu que pour la passion. S'abandonnant de plus en plus aux fiÚvres qui la brûlaient, elle en était arrivée à une sorte de stupeur maladive. Les faits l'écrasaient, tout la poussait à la folie. Dans ses effrois, elle se montrait plus femme que son nouveau mari; elle avait de vagues remords, des regrets inavoués; il lui prenait des envies de se jeter à genoux et d'implorer le spectre de Camille, de lui demander grùce en lui jurant de l'apaiser par son repentir. Peut-ÃÂȘtre Laurent s'apercevait-il de ces lùchetés de ThérÚse. Lorsqu'une épouvante commune les agitait, il s'en prenait à elle, il la traitait avec brutalité. Les premiÚres nuits, ils ne purent se coucher. Ils attendirent le jour, assis devant le feu, se promenant de long en large, comme le jour des noces. La pensée de s'étendre cÎte à cÎte sur le lit leur causait une sorte de répugnance effrayée. D'un accord tacite, ils évitÚrent de s'embrasser, ils ne regardÚrent mÃÂȘme pas la couche que ThérÚse défaisait le matin. Quand la fatigue les accablait, ils s'endormaient pendant une ou deux heures dans des fauteuils, pour s'éveiller en sursaut, sous le coup du dénoûment sinistre de quelque cauchemar. Au réveil, les membres raidis et brisés, le visage marbré de taches livides, tout grelottants de malaise et de froid, ils se contemplaient avec stupeur, étonnés de se voir là , ayant vis-à -vis l'un de l'autre des pudeurs étranges, des hontes de montrer leur écoeurement et leur terreur. Ils luttaient d'ailleurs contre le sommeil autant qu'ils pouvaient. Ils s'asseyaient aux deux coins de la cheminée et causaient de mille riens, ayant grand soin de ne pas laisser tomber la conversation. Il y avait un large espace entre eux, en face du foyer. Quand ils tournaient la tÃÂȘte, ils s'imaginaient que Camille avait approché un siÚge et qu'il occupait cet espace, se chauffant les pieds d'une façon lugubrement goguenarde. Cette vision qu'ils avaient eue le soir des noces revenait chaque nuit. Ce cadavre qui assistait, muet et railleur, à leurs entretiens, ce corps horriblement défiguré qui se tenait toujours là , les accablait d'une continuelle anxiété. Ils n'osaient bouger, ils s'aveuglaient à regarder les flammes ardentes, et, lorsque invinciblement ils jetaient un coup d'oeil craintif à cÎté d'eux, leurs yeux, irrités par les charbons ardents, créaient la vision et lui donnaient des reflets rougeùtres. Laurent finit par ne plus vouloir s'asseoir, sans avouer à ThérÚse la cause de ce caprice. ThérÚse comprit que Laurent devait voir Camille, comme elle le voyait; elle déclara à son tour que la chaleur lui faisait mal, qu'elle serait mieux à quelques pas de la cheminée. Elle poussa son fauteuil au pied du lit et y resta affaissée, tandis que son mari reprenait ses promenades dans la chambre. Par moments, il ouvrait la fenÃÂȘtre, il laissait les nuits froides de janvier emplir la piÚce de leur souffle glacial. Cela calmait sa fiÚvre. Pendant une semaine, les nouveaux époux passÚrent ainsi les nuits entiÚres. Ils s'assoupissaient, ils se reposaient un peu dans la journée, ThérÚse derriÚre le comptoir de la boutique, Laurent à son bureau. La nuit, ils appartenaient à la douleur et à la crainte. Et le fait le plus étrange était encore l'attitude qu'ils gardaient vis-à -vis l'un de l'autre. Ils ne prononçaient pas un mot d'amour, ils feignaient d'avoir oublié le passé; ils semblaient s'accepter, se tolérer, comme des malades éprouvant une pitié secrÚte pour leurs souffrances communes. Tous les deux avaient l'espérance de cacher leurs dégoûts et leurs peurs, et aucun des deux ne paraissait songer à l'étrangeté des nuits qu'ils passaient, et qui devaient les éclairer mutuellement sur l'état véritable de leur ÃÂȘtre. Lorsqu'ils restaient debout jusqu'au matin, se parlant à peine, pùlissant au moindre bruit, ils avaient l'air de croire que tous les nouveaux époux se conduisaient ainsi, les premiers jours de leur mariage. C'était l'hypocrisie maladroite de deux fous. La lassitude les écrasa bientÎt à tel point qu'ils se décidÚrent, un soir, à se coucher sur le lit. Ils ne se déshabillÚrent pas, ils se jetÚrent tout vÃÂȘtus sur le couvre-pied, craignant que leur peau ne vÃnt à se toucher. Il leur semblait qu'ils recevraient une secousse douloureuse au moindre contact. Puis, lorsqu'ils eurent sommeillé ainsi, pendant deux nuits, d'un sommeil inquiet, ils se hasardÚrent à quitter leurs vÃÂȘtements et à se couler entre les draps. Mais ils restÚrent écartés l'un de l'autre, ils prirent des précautions pour ne point se heurter. ThérÚse montait la premiÚre et allait se mettre au fond, contre le mur. Laurent attendait qu'elle se fût bien étendue; alors il se risquait à s'étendre lui-mÃÂȘme sur le devant du lit, tout au bord, il y avait entre eux une large place. Là couchait le cadavre de Camille. Lorsque les deux meurtriers étaient allongés sous le mÃÂȘme drap, et qu'ils fermaient les yeux, ils croyaient sentir le corps humide de leur victime, couché au milieu du lit, qui leur glaçait la chair. C'était comme un obstacle ignoble qui les séparait. La fiÚvre, le délire les prenait, et cet obstacle devenait matériel pour eux; ils touchaient le corps, ils le voyaient étalé, pareil à un lambeau verdùtre et dissous. Ils respiraient l'odeur infecte de ce tas de pourriture humaine; tous leurs sens s'hallucinaient, donnant une acuité intolérable à leurs sensations. La présence de cet immonde compagnon de lit les tenait immobiles, silencieux, éperdus d'angoisse. Laurent songeait parfois à prendre violemment ThérÚse dans ses bras; mais il n'osait bouger, il se disait qu'il ne pouvait allonger la main sans saisir une poignée de la chair molle de Camille. Il pensait alors que le noyé venait se coucher entre eux, pour les empÃÂȘcher de s'étreindre. Il finit par comprendre que le noyé était jaloux. Parfois, cependant, ils cherchaient à échanger un baiser timide pour voir ce qui arriverait. Le jeune homme raillait sa femme en lui ordonnant de l'embrasser. Mais leurs lÚvres étaient si froides, que la mort semblait s'ÃÂȘtre placée entre leurs bouches. Des nausées lui venaient, ThérÚse avait un frisson d'horreur, et Laurent, qui entendait ses dents claquer, s'emportait contre elle. -Pourquoi trembles-tu? lui criait-il. Aurais-tu peur de Camille?... Va, le pauvre homme ne sent plus ses os, à cette heure. Ils évitaient tous deux de se confier la cause de leurs frissons. Quand une hallucination dressait devant l'un d'eux le masque blafard du noyé, il fermait les yeux, il se renfermait dans sa terreur, n'osant parler à l'autre de sa vision, par crainte de déterminer une crise encore plus terrible. Lorsque Laurent, poussé à bout, dans une rage de désespoir, accusait ThérÚse d'avoir peur de Camille, ce nom, prononcé tout haut, amenait un redoublement d'angoisse. Le meurtrier délirait. -Oui, oui, balbutiait-il en s'adressant à la jeune femme, tu as peur de Camille.... Je le vois bien, parbleu!... Tu es une sotte, tu n'as pas deux sous de courage. Eh! dors tranquillement. Crois-tu que ton premier mari va venir te tirer par les pieds, parce que je suis couché avec toi.... Cette pensée, cette supposition que le noyé pouvait venir leur tirer les pieds, faisait dresser les cheveux de Laurent. Il continuait, avec plus de violence, en se déchirant lui-mÃÂȘme -Il faudra que je te mÚne une nuit au cimetiÚre.... Nous ouvrirons la biÚre de Camille et tu verras quel tas de pourriture! Alors tu n'auras plus peur, peut-ÃÂȘtre.... Va, il ne sait pas que nous l'avons jeté à l'eau. ThérÚse, la tÃÂȘte dans les draps, poussait des plaintes étouffées. -Nous l'avons jeté à l'eau parce qu'il nous gÃÂȘnait, reprenait son mari.... Nous l'y jetterions encore, n'est-ce pas?... Ne fais donc pas l'enfant comme ça. Sois forte. C'est bÃÂȘte de troubler notre bonheur.... Vois-tu, ma bonne, quand nous serons morts, nous ne nous trouverons ni plus ni moins heureux dans la terre, parce que nous avons lancé un imbécile à la Seine, et nous aurons joui librement de notre amour, ce qui est un avantage.... Voyons, embrasse-moi. La jeune femme l'embrassait, glacée, folle, et il était tout aussi frémissant qu'elle. Laurent, pendant plus de quinze jours, se demanda comment il pourrait bien faire pour tuer de nouveau Camille. Il l'avait jeté à l'eau, et voilà qu'il n'était pas assez mort, qu'il revenait toutes les nuits se coucher dans le lit de ThérÚse. Lorsque les meurtriers croyaient avoir achevé l'assassinat et pouvoir se livrer en paix aux douceurs de leurs tendresses, leur victime ressuscitait pour glacer leur couche. ThérÚse n'était pas veuve, Laurent se trouvait ÃÂȘtre l'époux d'une femme qui avait déjà pour mari un noyé. XXIII Peu à peu, Laurent en vint à la folie furieuse. Il résolut de chasser Camille de son lit. Il s'était d'abord couché tout habillé, puis il avait évité de toucher la peau de ThérÚse. Par rage, par désespoir, il voulut enfin prendre sa femme sur sa poitrine, et l'écraser plutÎt que de la laisser au spectre de sa victime. Ce fut une révolte superbe de brutalité. En somme, l'espérance que les baisers de ThérÚse le guériraient de ses insomnies l'avait seule amené dans la chambre de la jeune femme. Lorsqu'il s'était trouvé dans cette chambre, en maÃtre, sa chair, déchirée par des crises plus atroces, n'avait mÃÂȘme plus songé à tenter la guérison. Et il était resté comme écrasé pendant trois semaines, ne se rappelant pas qu'il avait tout fait pour posséder ThérÚse, et ne pouvant la toucher sans accroÃtre ses souffrances, maintenant qu'il la possédait. L'excÚs de ses angoisses le fit sortir de cet abrutissement. Dans le premier moment de stupeur, dans l'étrange accablement de la nuit de noces, il avait pu oublier les raisons qui venaient de le pousser au mariage. Mais sous les coups répétés de ses mauvais rÃÂȘves, une irritation sourde l'envahit qui triompha de ses lùchetés et lui rendit la mémoire. Il se souvint qu'il s'était marié pour chasser ses cauchemars, en serrant sa femme étroitement. Alors il prit brusquement ThérÚse entre ses bras, une nuit, au risque de passer sur le corps du noyé, et la tira à lui avec violence. La jeune femme était poussée à bout, elle aussi; elle se serait jetée dans les flammes, si elle eût pensé que la flamme purifiùt sa chair et la délivrùt de ses maux. Elle rendit à Laurent son étreinte, décidée à ÃÂȘtre brûlée par les caresses de cet homme ou à trouver en elles un Et ils se serrÚrent dans un embrassement horrible. La douleur et l'épouvante leur tinrent lieu de désirs. Quand leurs membres se touchÚrent, ils crurent qu'ils étaient tombés sur un brasier. Ils poussÚrent un cri et se pressÚrent davantage, afin de ne pas laisser entre leur chair de place pour le noyé. Et ils sentaient toujours des lambeaux de Camille, qui s'écrasaient ignoblement entre eux, glaçant leur peau par endroits, tandis que le reste de leur corps brûlait. Leurs baisers furent affreusement cruels. ThérÚse chercha des lÚvres la morsure de Camille sur le cou gonflé et raidi de Laurent, et elle y colla sa bouche avec emportement. Là était la plaie vive; cette blessure guérie, les meurtriers dormiraient en paix. La jeune femme comprenait cela, elle tentait de cautériser le mal sous le feu de ses caresses. Mais elle se brûla les lÚvres, et Laurent la repoussa violemment, en jetant une plainte sourde; il lui semblait qu'on lui appliquait un fer rouge sur le cou. ThérÚse, affolée, revint, voulut baiser encore la cicatrice; elle éprouvait une volupté ùcre à poser sa bouche sur cette peau oÃÂč s'étaient enfoncées les dents de Camille. Un instant elle eut la pensée de mordre son mari à cet endroit, d'arracher un large morceau de chair, de faire une nouvelle blessure, plus profonde, qui emporterait, les marques de l'ancienne. Et elle se disait qu'elle ne pùlirait plus alors en voyant l'empreinte de ses propres dents. Mais Laurent défendait son cou contre ses baisers; il éprouvait des cuissons trop dévorantes, il la repoussait chaque fois qu'elle allongeait les lÚvres. Ils luttÚrent ainsi, rùlant, se débattant dans l'horreur de leurs caresses. Ils sentaient bien qu'ils ne faisaient qu'augmenter leurs souffrances. Ils avaient beau se briser dans des étreintes terribles, ils criaient de douleur, ils se brûlaient et se meurtrissaient, mais ils ne pouvaient apaiser leurs nerfs épouvantés. Chaque embrassement ne donnait que plus d'acuité à leurs dégoûts. Tandis qu'ils échangeaient ces baisers affreux, ils étaient en proie à d'effrayantes hallucinations; ils s'imaginaient que le noyé les tirait par les pieds et imprimait au lit de violentes secousses. Ils se lùchÚrent un moment. Ils avaient des répugnances, des révoltes nerveuses invincibles. Puis ils ne voulurent pas ÃÂȘtre vaincus; ils se reprirent dans une nouvelle étreinte et furent encore obligés de se lùcher, comme si des pointes rougies étaient entrées dans leurs membres. A plusieurs fois, ils tentÚrent ainsi de triompher de leurs dégoûts, de tout oublier en lassant, en brisant leurs nerfs. Et chaque fois, leurs nerfs s'irritÚrent et se tendirent en leur causant des exaspérations telles qu'ils seraient peut-ÃÂȘtre morts d'énervement s'ils étaient restés dans les bras l'un de l'autre. Ce combat contre leur propre corps les avait exaltés jusqu'à la rage; ils s'entÃÂȘtaient, ils voulaient l'emporter. Enfin une crise plus aiguà les brisa; ils reçurent un choc d'une violence inouïe et crurent qu'ils allaient Rejetés aux deux bords de la couche, brûlés et meurtris, ils se mirent à sangloter. Et, dans leurs sanglots, il leur sembla entendre les rires de triomphe du noyé, qui se glissait de nouveau sous le drap avec des ricanements. Ils n'avaient pu le chasser du lit; ils étaient vaincus. Camille s'étendit doucement entre eux, tandis que Laurent pleurait son impuissance et que ThérÚse tremblait qu'il ne prÃt au cadavre la fantaisie de profiter de sa victoire pour la serrer à son tour entre ses bras pourris, en maÃtre légitime. Ils avaient tenté un moyen suprÃÂȘme; devant leur défaite, ils comprenaient que, désormais, ils n'oseraient plus échanger le moindre baiser. La crise de l'amour fou qu'ils avaient essayé de déterminer pour tuer leurs terreurs, venait de les plonger plus profondément dans l'épouvante. En sentant le froid du cadavre, qui, maintenant, devait les séparer à jamais, ils versaient des larmes de sang, ils se demandaient avec angoisse ce qu'ils allaient devenir. XXIV Ainsi que l'espérait le vieux Michaud en travaillant au mariage de ThérÚse et de Laurent, les soirées du jeudi reprirent leur ancienne gaieté, dÚs le lendemain de la noce. Ces soirées avaient couru un grand péril, lors de la mort de Camille. Les invités ne s'étaient plus présentés que craintivement dans cette maison en deuil; chaque semaine, ils tremblaient de recevoir un congé définitif. La pensée que la porte de la boutique finirait sans doute par se fermer devant eux épouvantait Michaud et Grivet, qui tenaient à leurs habitudes avec l'instinct des brutes. Ils se disaient que la vieille mÚre et la jeune veuve s'en iraient un beau matin pleurer leur défunt à Vernon ou ailleurs, et qu'ils se trouveraient ainsi sur le pavé, le jeudi soir, ne sachant que faire; ils se voyaient dans le passage, errant d'une façon lamentable, rÃÂȘvant à des parties de dominos gigantesques. En attendant ces mauvais jours, ils jouissaient timidement de leurs derniers bonheurs, ils venaient d'un air inquiet et doucereux à la boutique en se répétant chaque fois qu'ils n'y reviendraient peut-ÃÂȘtre plus. Pendant plus d'un an, ils eurent ces craintes, ils n'osÚrent s'étaler et rire en face des larmes de Mme Raquin et des silences de ThérÚse. Ils ne se sentaient plus chez eux comme au temps de Camille, ils semblaient, pour ainsi dire, voler chaque soirée qu'ils passaient autour de la table de la salle à manger. C'est dans ces circonstances désespérées que l'égoïsme du vieux Michaud le poussa à faire un coup de maÃtre en mariant la veuve du noyé. Le jeudi qui suivit le mariage, Grivet et Michaud firent une entrée triomphale. Ils avaient vaincu. La salle à manger leur appartenait de nouveau, ils ne craignaient plus qu'on les en congédiùt. Ils entrÚrent en gens heureux, ils s'étalÚrent, ils dirent à la file leurs anciennes plaisanteries. A leur attitude béate et confiante, on voyait que, pour eux, une révolution venait de s'accomplir. Le souvenir de Camille n'était plus la; le mari mort, ce spectre qui les glaçait, avait été chassé par le mari vivant. Le passé ressuscitait avec ses joies. Laurent remplaçait Camille; toute raison de s'attrister disparaissait, les invités pouvaient rire sans chagriner personne, et mÃÂȘme ils devaient rire pour égayer l'excellente famille qui voulait bien les recevoir. DÚs lors, Grivet et Michaud, qui depuis prÚs de dix-huit mois venaient sous prétexte de consoler Mme Raquin, purent mettre leur petite hypocrisie de cÎté et venir franchement pour s'endormir, l'un en face de l'autre, au bruit sec des dominos. Et chaque semaine ramena un jeudi soir, chaque semaine réunit une fois autour de la table ces tÃÂȘtes mortes et grotesques qui exaspéraient ThérÚse jadis. La jeune femme parla de mettre ces gens à la porte, ils l'irritaient avec leurs éclats de rire bÃÂȘtes, avec leurs réflexions sottes. Mais Laurent lui fit comprendre qu'un pareil congé serait une faute; il fallait autant que possible que le présent ressemblùt au passé; il fallait surtout conserver l'amitié de la police, de ces imbéciles qui les protégeaient contre tout soupçon. ThérÚse plia; les invités, bien reçus, virent avec béatitude s'étendre une longue suite de soirées tiÚdes devant eux. Ce fut vers cette époque que la vie des époux se dédoubla en quelque Le matin, lorsque le jour chassait les effrois de la nuit, Laurent s'habillait en toute hùte. Il n'était à son aise, il ne reprenait son calme égoïste que dans la salle à manger, attablé devant un énorme bol de café au lait, que lui préparait ThérÚse. Mme Raquin, impotente, pouvant à peine descendre à la boutique, le regardait manger avec des sourires maternels. Il avalait du pain grillé, il s'emplissait l'estomac, il se rassurait peu à peu. AprÚs le café, il buvait un petit verre de cognac. Cela le remettait complÚtement. Il disait  A ce soir », à Mme Raquin et à ThérÚse, sans jamais les embrasser, puis il se rendait à son bureau en flùnant. Le printemps venait; les arbres des quais sa couvraient de feuilles, d'une légÚre dentelle d'un vert pùle. En bas, la riviÚre coulait avec des bruits caressants; en haut, les rayons des premiers soleils avaient des tiédeurs douces. Laurent se sentait renaÃtre dans l'air frais il respirait largement ces souffles de vie jeune qui descendent des cieux d'avril et de mai; il cherchait le soleil, s'arrÃÂȘtait pour regarder les reflets d'argent qui moiraient la Seine, écoutait les bruits des quais, se laissait pénétrer par les senteurs acres du matin, jouissait par tous ses sens de la matinée claire et heureuse. Certes, il ne songeait guÚre à Camille; quelquefois il lui arrivait de contempler machinalement la Morgue, de l'autre cÎté de l'eau; il pensait alors au noyé en homme courageux qui penserait à une peur bÃÂȘte qu'il aurait eue. L'estomac plein, le visage rafraÃchi, il retrouvait sa tranquillité épaisse, il arrivait à son bureau et y passait la journée entiÚre à bùiller, à attendre l'heure de la sortie. Il n'était plus qu'un employé comme les autres, abruti et ennuyé, ayant la tÃÂȘte vide. La seule idée qu'il eût alors était l'idée de donner sa démission et de louer un atelier; il rÃÂȘvait vaguement une nouvelle existence de paresse, et cela suffisait pour l'occuper jusqu'au soir. Jamais le souvenir de la boutique du passage ne venait le troubler. Le soir, aprÚs avoir désiré l'heure de la sortie depuis le matin, il sortait avec regret, il reprenait les quais, sourdement troublé et inquiet. Il avait beau marcher lentement, il lui fallait enfin rentrer à la boutique. Là l'épouvante l'attendait. ThérÚse éprouvait les mÃÂȘmes sensations. Tant que Laurent n'était pas auprÚs d'elle, elle se trouvait à l'aise. Elle avait congédié la femme de ménage, disant que tout traÃnait, que tout était sale dans la boutique et dans l'appartement. Des idées d'ordre lui venaient. La vérité était qu'elle avait besoin de marcher, d'agir, de briser ses membres roidis. Elle tournait toute la matinée, balayant, époussetant, nettoyant les chambres, lavant la vaisselle, faisant des besognes, qui l'auraient écoeurée autrefois. Jusqu'à midi, ces soins de ménage la tenaient sur les jambes, active et muette, sans lui laisser le temps de songer à autre chose qu'aux toiles d'araignée qui pendaient du plafond et qu'à la graisse qui salissait les assiettes. Alors elle se mettait en cuisine, elle préparait le déjeuner. A table, Mme Raquin se désolait de la voir toujours se lever pour aller prendre les plats; elle était émue et fùchée de l'activité que déployait sa niÚce; elle la grondait, et ThérÚse répondait qu'il fallait faire des économies. AprÚs le repas, la jeune femme s'habillait et se décidait enfin à rejoindre sa tante derriÚre le comptoir. Là , des somnolences la prenaient brisée par les veilles, elle sommeillait, elle cédait à l'engourdissement voluptueux qui s'emparait d'elle, dÚs qu'elle était assise. Ce n'étaient que de légers assoupissements, pleins d'un charme vague, qui calmaient ses nerfs. La pensée de Camille s'en allait elle goûtait ce repos profond des malades que leurs douleurs quittent tout d'un coup. Elle se sentait la chair assouplie, l'esprit libre, elle s'enfonçait dans une sorte de néant tiÚde et réparateur. Sans ces quelques moments de calme, son organisme aurait éclaté sous la tension de son systÚme nerveux; elle y puisait les forces nécessaires pour souffrir encore et s'épouvanter la nuit suivante. D'ailleurs, elle ne s'endormait point, elle baissait à peine les paupiÚres, perdue au fond d'un rÃÂȘve de paix; lorsqu'une cliente entrait, elle ouvrait les yeux, elle servait les quelques sous de marchandise demandés, puis retombait dans sa rÃÂȘverie flottante. Elle passait ainsi trois ou quatre heures, parfaitement heureuse, répondant par monosyllabes à sa tante, se laissant aller avec une véritable jouissance aux évanouissements qui lui Îtaient la pensée et qui l'affaissaient sur elle-mÃÂȘme. Elle jetait à peine, de loin en loin, un coup d'oeil dans le passage, se trouvant surtout à l'aise par les temps gris, lorsqu'il faisait noir et qu'elle cachait sa lassitude au fond de l'ombre. Le passage humide, ignoble, traversé par un peuple de pauvres diables mouillés, dont les parapluies s'égouttaient sur les dalles, lui semblait l'allée d'un mauvais lieu, une sorte de corridor sale et sinistre oÃÂč personne ne viendrait la chercher et la troubler. Par moments, en voyant les lueurs terreuses qui traÃnaient autour d'elle, en sentant l'odeur ùcre de l'humidité, elle s'imaginait qu'elle venait d'ÃÂȘtre enterrée vive; elle croyait se trouver dans la terre, au fond d'une fosse commune oÃÂč grouillaient des morts. Et cette pensée la consolait, l'apaisait elle se disait qu'elle était en sûreté maintenant, qu'elle allait mourir, qu'elle ne souffrirait plus. D'autres fois, il lui fallait tenir les yeux ouverts; Suzanne lui rendait visite et restait à broder auprÚs du comptoir toute l'aprÚs-midi. La femme d'Olivier, avec son visage mou, avec ses gestes lents, plaisait maintenant à ThérÚse, qui éprouvait un étrange soulagement à regarder cette pauvre créature toute dissoute; elle en avait fait son amie, elle aimait à la voir à son cÎté, souriant d'un sourire pùle, vivant à demi, mettant dans la boutique une fade senteur de cimetiÚre. Quand les yeux bleus de Suzanne, d'une transparence vitreuse, se fixaient sur les siens, elle éprouvait au fond de ses os un froid bienfaisant. ThérÚse attendait ainsi quatre heures. A ce moment, elle se remettait en cuisine, elle cherchait de nouveau la fatigue, elle préparait le dÃner de Laurent avec une hùte fébrile. Et quand son mari paraissait sur le seuil de la porte, sa gorge se serrait, l'angoisse tordait de nouveau tout son ÃÂȘtre. Chaque jour, les sensations des époux étaient à peu prÚs les mÃÂȘmes. Pendant la journée, lorsqu'ils ne se trouvaient pas face à face, ils goûtaient des heures délicieuses de repos; le soir, dÚs qu'ils étaient réunis, un malaise poignant les envahissait. C'étaient d'ailleurs de calmes soirées. ThérÚse et Laurent, qui frissonnaient à la pensée de rentrer dans leur chambre, faisaient durer la veillée le plus longtemps possible. Mme Raquin, à demi-couchée au fond d'un large fauteuil, était placée entre eux et causait de sa voix placide. Elle parlait de Vernon, pensant toujours à son fils, mais évitant de le nommer, par une sorte de pudeur; elle souriait à ses chers enfants, elle faisait pour eux des projets d'avenir. La lampe jetait sur sa face blanche des lueurs pùles; ses paroles prenaient une douceur extraordinaire dans l'air mort et silencieux. Et, à ses cÎtés, les deux meurtriers, muets, immobiles, semblaient l'écouter avec recueillement; à la vérité, ils ne cherchaient pas à suivre le sens des bavardages de la bonne vieille, ils étaient simplement heureux de ce bruit de paroles douces qui les empÃÂȘchait d'entendre l'éclat de leurs pensées. Ils n'osaient se regarder, ils regardaient Mme Raquin pour avoir une contenance. Jamais ils ne parlaient de se coucher; ils seraient restés là jusqu'au matin, dans le radotage caressant de l'ancienne merciÚre, dans l'apaisement qu'elle mettait autour d'elle, si elle n'avait pas témoigné elle-mÃÂȘme le désir de gagner son lit. Alors seulement ils quittaient la salle à manger et rentraient chez eux avec désespoir, comme on se jette au fond d'un gouffre. A ces soirées intimes, ils préférÚrent bientÎt de beaucoup les soirées du jeudi. Quand ils étaient seuls avec Mme Raquin, ils ne pouvaient s'étourdir le mince filet de voix de leur tante, sa gaieté attendrie n'étouffaient pas les cris qui les déchiraient. Ils sentaient venir l'heure du coucher, ils frémissaient lorsque, par hasard, ils rencontraient du regard la porte de leur chambre; l'attente de l'instant oÃÂč ils seraient seuls devenait de plus en plus cruelle, à mesure que la soirée avançait. Le jeudi, au contraire, ils se grisaient de sottise, ils oubliaient mutuellement leur présence, ils souffraient moins. ThérÚse elle-mÃÂȘme finit par souhaiter ardemment les jours de réception. Si Michaud et Grivet n'étaient pas venus, elle serait allée les chercher. Lorsqu'il y avait des étrangers dans la salle à manger, entre elle et Laurent, elle se sentait plus calme; elle aurait voulu qu'il y eût toujours là des invités, du bruit, quelque chose qui l'étourdit et l'isolùt. Devant le monde, elle montrait une sorte de gaieté nerveuse. Laurent retrouvait, lui aussi, ses grosses plaisanteries de paysan, ses rires gras, ses farces d'ancien rapin. Jamais les réceptions n'avaient été si gaies, ni si C'est ainsi qu'une fois par semaine, Laurent et ThérÚse pouvaient rester face à face sans frissonner. BientÎt une crainte les prit. La paralysie gagnait peu à peu Mme Raquin, et ils prévirent le jour oÃÂč elle serait clouée dans son fauteuil, impotente et hébétée. La pauvre vieille commençait à balbutier des lambeaux de phrases qui se cousaient mal les uns aux autres; sa voix faiblissait, ses membres se mouraient un à un. Elle devenait une chose. ThérÚse et Laurent voyaient avec effroi s'en aller cet ÃÂȘtre qui les séparait encore et dont la voix les tirait de leurs mauvais rÃÂȘves. Quand l'intelligence aurait abandonné l'ancienne merciÚre et qu'elle resterait muette et roidie au fond de son fauteuil, ils se trouveraient seuls; le soir, ils ne pourraient plus échapper à un tÃÂȘte-à -tÃÂȘte redoutable. Alors leur épouvante commencerait à six heures, au lieu de commencer à minuit; ils en deviendraient fous. Tous leurs efforts tendirent à conserver à Mme Raquin une santé qui leur était si précieuse. Ils firent venir des médecins, ils furent aux petits soins auprÚs d'elle, ils trouvÚrent mÃÂȘme dans ce métier de garde-malade un oubli, un apaisement qui les engagea à redoubler de zÚle. Ils ne voulaient pas perdre un tiers qui leur rendait les soirées supportables; ils ne voulaient pas que la salle à manger, que la maison tout entiÚre devÃnt un lieu cruel et sinistre comme leur chambre. Mme Raquin fut singuliÚrement touchée des soins empressés qu'ils lui prodiguaient; elle s'applaudissait, avec des larmes, de les avoir unis et de leur avoir abandonné ses quarante et quelques mille francs. Jamais, aprÚs la mort de son fils, elle n'avait compté sur une pareille affection à ses derniÚres heures; sa vieillesse était tout attiédie par la tendresse de ses chers enfants. Elle ne sentait pas la paralysie implacable qui, malgré tout, la roidissait davantage chaque Cependant ThérÚse et Laurent menaient leur double existence. Il y avait en chacun d'eux comme deux ÃÂȘtres bien distincts un ÃÂȘtre nerveux et épouvanté qui frissonnait dÚs que tombait le crépuscule, et un ÃÂȘtre engourdi et oublieux, qui respirait à l'aise dÚs que se levait le soleil. Ils vivaient deux vies, ils criaient d'angoisse, seul à seule, et ils souriaient paisiblement lorsqu'il y avait du monde. Jamais leur visage, en public, ne laissait deviner les souffrances qui venaient de les déchirer dans l'intimité; ils paraissaient calmes et heureux, ils cachaient instinctivement leurs maux. Personne n'aurait soupçonné, à les voir si tranquilles pendant le jour, que les hallucinations les torturaient chaque nuit. On les eût pris pour un ménage béni du ciel, vivant en pleine félicité. Grivet les appelait galamment Âles tourtereaux ». Lorsque leurs yeux étaient cernés par des veillées prolongées, il les plaisantait, il demandait à quand le baptÃÂȘme. Et toute la société riait. Laurent et ThérÚse pùlissaient à peine, parvenaient à sourire; ils s'habituaient aux plaisanteries risquées du vieil employé. Tant qu'ils se trouvaient dans la salle à manger, ils étaient maÃtres de leurs terreurs. L'esprit ne pouvait deviner l'effroyable changement qui se produisait en eux, lorsqu'ils s'enfermaient dans la chambre à coucher. Le jeudi soir surtout, ce changement était d'une brutalité si violente qu'il semblait s'accomplir dans un monde surnaturel. Le drame de leurs nuits, par son étrangeté, par ses emportements sauvages, dépassait toute croyance et restait profondément caché au fond de leur ÃÂȘtre endolori. Ils auraient parlé qu'on les eût crus fous. -Sont-ils heureux, ces amoureux-là ! disait souvent le vieux Michaud. Ils ne causent guÚre, mais ils n'en pensent pas moins. Je parie qu'ils se dévorent de caresses, quand nous ne sommes plus là . Telle était l'opinion de toute la société. Il arriva que ThérÚse et Laurent furent donnés comme un ménage modÚle. Le passage du Pont-Neuf entier célébrait l'affection, le bonheur tranquille, la lune de miel éternelle des deux époux. Eux seuls savaient que le cadavre de Camille couchait entre eux; eux seuls sentaient, sous la chair calme de leur visage, les contractions nerveuses qui, la nuit, tiraient horriblement leurs traits et changeaient l'expression placide de leur physionomie en un masque ignoble et douloureux. XXV Au bout de quatre mois, Laurent songea à retirer les bénéfices qu'il s'était promis de son mariage. Il aurait abandonné sa femme et se serait enfui devant le spectre de Camille, trois jours aprÚs la noce, si son intérÃÂȘt ne l'eût pas cloué dans la boutique du passage. Il acceptait ses nuits de terreur, il restait au milieu des angoisses qui l'étouffaient, pour ne pas perdre les profits de son crime. En quittant ThérÚse, il retombait dans la misÚre, il était forcé de conserver son emploi; en demeurant auprÚs d'elle, il pouvait au contraire contenter ses appétits de paresse, vivre grassement, sans rien faire, sur les rentes que Mme Raquin avait mises au nom de sa femme. Il est à croire qu'il se serait sauvé avec les quarante mille francs, s'il avait pu les réaliser; mais la vieille merciÚre, conseillée par Michaud, avait eu la prudence de sauvegarder dans le contrat les intérÃÂȘts de sa niÚce. Laurent se trouvait ainsi attaché à ThérÚse par un lien puissant. En dédommagement de ses nuits atroces, il voulut au moins se faire entretenir dans une oisiveté heureuse, bien nourri, chaudement vÃÂȘtu, ayant en poche l'argent nécessaire pour contenter ses caprices. A ce prix seul, il consentait à coucher avec le cadavre du noyé. Un soir, il annonça à Mme Raquin et à sa femme qu'il avait donné sa démission et qu'il quittait son bureau à la fin de la quinzaine. ThérÚse eut un geste d'inquiétude. Il se hùta d'ajouter qu'il allait louer un petit atelier oÃÂč il se remettrait à faire de la peinture. Il s'étendit longuement sur les ennuis de son emploi, sur les larges horizons que l'art lui ouvrait; maintenant qu'il avait quelques sous et qu'il pouvait tenter le succÚs, il voulait voir s'il n'était pas capable de grandes choses. La tirade qu'il déclama à ce propos cachait simplement une féroce envie de reprendre son ancienne vie d'atelier. ThérÚse, les lÚvres pincées, ne répondit pas; elle n'entendait point que Laurent lui dépensùt la petite fortune qui assurait sa liberté. Lorsque son mari la pressa de questions, pour obtenir son consentement, elle fit quelques réponses sÚches; elle lui donna à comprendre que, s'il quittait son bureau, il ne gagnerait plus rien et serait complÚtement à sa charge. Tandis qu'elle parlait, Laurent la regardait d'une façon aiguà qui la troubla et arrÃÂȘta dans sa gorge le refus qu'elle allait formuler; elle crut lire dans les yeux de son complice cette pensée menaçante  Je dis tout, si tu ne consens pas. » Elle se mit à balbutier. Mme Raquin s'écria alors que le désir de son cher fils était trop juste, et qu'il fallait lui donner les moyens de devenir un homme de talent. La bonne dame gùtait Laurent comme elle avait gùté Camille; elle était tout amollie par les caresses que lui prodiguait le jeune homme, elle lui appartenait et se rangeait toujours à son avis. Il fut donc décidé que l'artiste louerait un atelier et qu'il toucherait cent francs par mois pour les divers frais qu'il aurait à faire. Le budget de la famille fut ainsi réglé les bénéfices réalisés dans le commerce de mercerie payeraient le loyer de la boutique et de l'appartement, et suffiraient presque aux dépenses journaliÚres du ménage; Laurent prendrait le loyer de son atelier et ses cent francs par mois sur les deux mille et quelques cents francs de rente; le reste de ces rentes serait appliqué aux besoins communs. De cette façon, on n'entamerait pas le capital. ThérÚse se tranquillisa un peu. Elle fit jurer à son mari de ne jamais dépasser la somme qui lui était allouée. D'ailleurs, elle se disait que Laurent ne pouvait s'emparer des quarante mille francs sans avoir sa signature, et elle se promettait bien de ne signer aucun papier. DÚs le lendemain, Laurent loua, vers le bas de la rue Mazarine, un petit atelier qu'il convoitait depuis un mois. Il ne voulait pas quitter son emploi sans avoir un refuge pour passer tranquillement ses journées, loin de ThérÚse. Au bout de la quinzaine, il fit ses adieux a ses collÚgues. Grivet fut stupéfait de son départ. Un jeune homme, disait-il, qui avait devant lui un si bel avenir, un jeune homme qui en était arrivé, en quatre années, au chiffre d'appointements que lui, Grivet, avait mis vingt ans à atteindre! Laurent le stupéfia encore davantage en lui disant qu'il allait se remettre tout entier à la Enfin l'artiste s'installa dans son atelier. Cet atelier était une sorte de grenier carré, long et large d'environ cinq ou six mÚtres; le plafond s'inclinait brusquement, en pente raide, percé d'une large fenÃÂȘtre qui laissait tomber une lumiÚre blanche et crue sur le plancher et sur les murs notaires. Les bruits de la rue ne montaient pas jusqu'à ces hauteurs. La piÚce, silencieuse, blafarde, s'ouvrant en haut sur le ciel, ressemblait à un trou, à un caveau creusé dans une argile grise. Laurent meubla ce caveau tant bien que mal; il y apporta deux chaises dépaillées, une table qu'il appuya contre un mur pour qu'elle ne se laissùt pas glisser à terre, un vieux buffet de cuisine, sa boÃte à couleurs et son ancien chevalet; tout le luxe du lieu consista en un vaste divan qu'il acheta trente francs chez un Il resta quinze jours sans songer seulement à toucher à ses pinceaux. Il arrivait entre huit et neuf heures, fumait, se couchait sur le divan, attendait midi, heureux d'ÃÂȘtre au matin et d'avoir encore devant lui de longues heures de jour. A midi, il allait déjeuner, puis il se hùtait de revenir, pour ÃÂȘtre seul, pour ne plus voir le visage pùle de ThérÚse. Alors il digérait, il dormait, il se vautrait jusqu'au soir. Son atelier était un lieu de paix oÃÂč il ne tremblait pas. Un jour sa femme lui demanda à visiter son cher refuge. Il refusa, et comme, malgré son refus, elle vint frapper à sa porte, il n'ouvrit pas; il lui dit le soir qu'il avait passé la journée au musée du Louvre. Il craignait que ThérÚse n'introduisÃt avec elle le spectre de L'oisiveté finit par lui peser. Il acheta une toile et des couleurs, il se mit à l'oeuvre. N'ayant pas assez d'argent pour payer des modÚles, il résolut de peindre au gré de sa fantaisie, sans se soucier de la nature. Il entreprit une tÃÂȘte d'homme. D'ailleurs, il ne se cloÃtra plus autant; il travailla pendant deux ou trois heures chaque matin et employa ses aprÚs-midi à flùner ici et là , dans Paris et dans la banlieue. Ce fut en rentrant d'une de ces longues promenades qu'il rencontra, devant l'Institut, son ancien ami de collÚge, qui avait obtenu un joli succÚs de camaraderie au dernier -Comment, c'est toi! s'écria le peintre. Ah! mon pauvre Laurent, je ne t'aurais jamais reconnu. Tu as maigri. -Je me suis marié, répondit Laurent d'un ton embarrassé. -Marié, toi! Ça ne m'étonne plus de te voir tout drÎle.... Et que fais-tu maintenant? -J'ai loué un petit atelier; je peins un peu, le matin. Laurent conta son mariage en quelques mots; puis il exposa ses projets d'avenir d'une voix fiévreuse. Son ami le regardait d'un air étonné qui le troublait et l'inquiétait. La vérité était que le peintre ne retrouvait pas dans le mari de ThérÚse le garçon épais et commun qu'il avait connu autrefois. Il lui semblait que Laurent prenait des allures distinguées; le visage s'était aminci et avait des pùleurs de bon goût, le corps entier se tenait plus digne et plus souple. -Mais tu deviens joli garçon, ne put s'empÃÂȘcher de s'écrier l'artiste, tu as une tenue d'ambassadeur. C'est du dernier chic. A quelle école es-tu donc? L'examen qu'il subissait pesait beaucoup à Laurent. Il n'osait s'éloigner d'une façon brusque. -Veux-tu monter un instant à mon atelier? demanda-t-il enfin à son ami, qui ne le quittait pas. -Volontiers, répondit celui-ci. Le peintre, ne se rendant pas compte des changements qu'il observait, était désireux de visiter l'atelier de son ancien camarade. Certes, il ne montait pas cinq étages pour voir les nouvelles oeuvres de Laurent, qui allaient sûrement lui donner des nausées; il avait la seule envie de contenter sa curiosité. Quand il fut monté et qu'il eut jeté un coup d'oeil sur les toiles accrochées aux murs, son étonnement redoubla. Il y avait là cinq études, deux tÃÂȘtes de femme et trois tÃÂȘtes d'homme, peintes avec une véritable énergie; l'allure en était grasse et solide, chaque morceau s'enlevait par taches magnifiques sur les fonds d'un gris clair. L'artiste s'approcha vivement, et, stupéfait, ne cherchant mÃÂȘme pas à cacher sa surprise -C'est toi qui as fait cela? demanda-t-il à Laurent. -Oui, répondit celui-ci. Ce sont des esquisses qui me serviront pour un grand tableau que je prépare. -Voyons, pas de blague, tu es vraiment l'auteur de ces machines-là ? -Eh! oui. Pourquoi n'en serais-je pas l'auteur? Le peintre n'osa répondre  Parce que ces toiles sont d'un artiste, et que tu n'as jamais été qu'un ignoble maçon. » Il resta longtemps en silence devant les études. Certes, ces études étaient gauches, mais elles avaient une étrangeté, un caractÚre si puissant qu'elles annonçaient un sens artistique des plus développés. On eût dit de la peinture vécue. Jamais l'ami de Laurent n'avait vu des ébauches si pleines de hautes promesses. Quand il eut bien examiné les toiles, il se tourna vers l'auteur -Là , franchement, lui dit-il, je ne t'aurais pas cru capable de peindre ainsi. OÃÂč diable as-tu appris à avoir du talent? Ça ne s'apprend pas d'ordinaire. Et il considérait Laurent, dont la voix lui semblait plus douce, dont chaque geste avait une sorte d'élégance. Il ne pouvait deviner l'effroyable secousse qui avait changé cet homme, en développant en lui des nerfs de femme, des sensations aiguÃs et délicates. Sans doute un phénomÚne étrange s'était accompli dans l'organisme du meurtrier de Camille. Il est difficile à l'analyse de pénétrer à de telles profondeurs. Laurent était peut-ÃÂȘtre devenu artiste comme il était devenu peureux, à la suite du grand détraquement qui avait bouleversé sa chair et son esprit. Auparavant, il étouffait sous le poids lourd de son sang, il restait aveuglé par l'épaisse vapeur de santé qui l'entourait; maintenant, maigri, frissonnant, il avait la verve inquiÚte, les sensations vives et poignantes des tempéraments nerveux. Dans la vie de terreur qu'il menait, sa pensée délirait et montait jusqu'à l'extase du génie; la maladie en quelque sorte "morale", la névrose dont tout son ÃÂȘtre était secoué, développait en lui un sens artistique d'une lucidité étrange; depuis qu'il avait tué, sa chair s'était comme allégée, son cerveau éperdu lui semblait immense, et, dans ce brusque agrandissement de sa pensée, il voyait passer des créations exquises, des rÃÂȘveries de poÚte. Et c'est ainsi que ses gestes avaient pris une distinction subite, c'est ainsi que ses oeuvres étaient belles, rendues tout d'un coup personnelles et vivantes. Son ami n'essaya pas davantage de s'expliquer la naissance de cet artiste. Il s'en alla avec son étonnement. Avant de partir, il regarda encore les toiles et dit à Laurent -Je n'ai qu'un reproche à te faire, c'est que toutes tes études ont un air de famille. Ces cinq tÃÂȘtes se ressemblent. Les femmes elles-mÃÂȘmes prennent je ne sais quelle allure violente qui leur donne l'air d'hommes déguisés.... Tu comprends, si tu veux faire un tableau avec ces ébauches-là , il faudra changer quelques-unes des physionomies; tes personnages ne peuvent pas ÃÂȘtre tous frÚres, cela ferait rire. Il sortit de l'atelier, et ajouta sur le carré, en riant -Vrai, mon vieux, ça me fait plaisir de t'avoir vu. Maintenant je vais croire aux miracles.... Bon Dieu! es-tu comme il faut! Il descendit. Laurent rentra dans l'atelier, vivement troublé. Lorsque son ami lui avait fait l'observation que toutes ses tÃÂȘtes d'étude avaient un air de famille, il s'était brusquement tourné pour cacher sa pùleur. C'est que déjà cette ressemblance fatale l'avait frappé. Il revint lentement se placer devant les toiles; à mesure qu'il les contemplait, qu'il passait de l'une à l'autre, une sueur glacée lui mouillait le dos. -Il a raison, murmura-t-il, ils se ressemblent tous.... Ils ressemblent à Camille.... Il se recula, il s'assit sur le divan, sans pouvoir détacher ses yeux des tÃÂȘtes d'étude. La premiÚre était une face de vieillard, avec une longue barbe blanche; sous cette barbe blanche, l'artiste devinait le menton maigre de Camille. La seconde représentait une jeune fille blonde, et cette jeune fille le regardait avec les yeux bleus de sa victime. Les trois autres figures avaient chacune quelque trait du noyé. On eût dit Camille grimé en vieillard, en jeune fille, prenant le déguisement qu'il plaisait au peintre de lui donner, mais gardant toujours le caractÚre général de sa physionomie. Il existait une autre ressemblance terrible entre ces tÃÂȘtes elles apparaissaient souffrantes et terrifiées, elles étaient comme écrasées sous le mÃÂȘme sentiment d'horreur. Chacune avait un léger pli à gauche de la bouche, qui tirait les lÚvres et les faisait grimacer. Ce pli, que Laurent se rappela avoir vu sur la face convulsionnée du noyé, les frappait d'un signe d'ignoble parenté. Laurent comprit qu'il avait trop regardé Camille à la Morgue. L'image du cadavre s'était gravée profondément en lui. Maintenant, sa main, sans qu'il en eût conscience, traçait toujours les lignes de ce visage atroce dont le souvenir le suivait partout. Peu à peu, le peintre, qui se renversait sur le divan, crut voir les figures s'animer. Et il eut cinq Camille devant lui, cinq Camille que ses propres doigts avaient puissamment créés, et qui, par une étrangeté effrayante, prenaient tous les ùges et tous les sexes. Il se leva, il lacéra les toiles et les jeta dehors. Il se disait qu'il mourrait d'effroi dans son atelier, s'il le peuplait lui-mÃÂȘme des portraits de sa victime. Une crainte venait de le prendre il redoutait de ne pouvoir plus dessiner une tÃÂȘte, sans dessiner celle du noyé. Il voulut savoir tout de suite s'il était maÃtre de sa main. Il posa une toile blanche sur son chevalet puis, avec un bout de fusain, il marqua une figure en quelques traits. La figure ressemblait à Camille. Laurent effaça brusquement cette esquisse et en tenta une autre. Pendant une heure, il se débattit contre la fatalité qui poussait ses doigts. A chaque nouvel essai, il revenait à la tÃÂȘte du noyé. Il avait beau tendre sa volonté, éviter les lignes qu'il connaissait si bien; malgré lui, il traçait ces lignes, il obéissait à ses muscles, à ses nerfs révoltés. Il avait d'abord jeté les croquis rapidement; il s'appliqua ensuite à conduire le fusain avec lenteur. Le résultat fut le mÃÂȘme Camille, grimaçant et douloureux, apparaissait sans cesse sur la toile. L'artiste esquissa successivement les tÃÂȘtes les plus diverses, des tÃÂȘtes d'anges, de vierges avec des auréoles, de guerriers romains coiffés de leur casque, d'enfants blonds et roses, de vieux bandits couturés de cicatrices; toujours, toujours le noyé renaissait, il était tour à tour ange, vierge, guerrier, enfant et bandit. Alors Laurent se jeta dans la caricature, il exagéra les traits, il fit des profils monstrueux, il inventa des tÃÂȘtes grotesques, et il ne réussit qu'à rendre plus horribles ces portraits frappants de sa victime. Il finit par dessiner des animaux, des chiens et des chats; les chiens et les chats ressemblaient vaguement à Camille. Une rage sourde s'était emparée de Laurent. Il creva la toile d'un coup de poing, en songeant avec désespoir à son grand tableau. Maintenant il n'y fallait plus penser; il sentait bien que, désormais, il ne dessinerait plus que la tÃÂȘte de Camille, et, comme le lui avait dit son ami, des figures qui se ressembleraient toutes, feraient rire. Il s'imaginait ce qu'aurait été son oeuvre; il voyait sur les épaules de ses personnages, des hommes et des femmes, la face blafarde et épouvantée du noyé; l'étrange spectacle qu'il évoquait ainsi lui parut d'un ridicule atroce et l'exaspéra. Ainsi il n'oserait plus travailler, il redouterait toujours de ressusciter sa victime au moindre coup de pinceau. S'il voulait vivre paisible dans son atelier, il devrait ne jamais y peindre. Cette pensée que ses doigts avaient la faculté fatale et inconsciente de reproduire sans cesse le portrait de Camille lui fit regarder sa main avec terreur. Il lui semblait que cette main ne lui appartenait plus. XXVI La crise dont Mme Raquin était menacée se déclara. Brusquement, la paralysie, qui depuis plusieurs mois rampait le long de ses membres, toujours prÚs de l'étreindre, la prit à la gorge et lui lia le corps. Un soir, comme elle s'entretenait paisiblement avec ThérÚse et Laurent, elle resta, au milieu d'une phrase, la bouche béante il lui semblait qu'on l'étranglait. Quand elle voulut crier, appeler au secours, elle ne put balbutier que des sons rauques. Sa langue était devenue de pierre. Ses mains et ses pieds s'étaient roidis. Elle se trouvait frappée de mutisme et d'immobilité. ThérÚse et Laurent se levÚrent, effrayés devant ce coup de foudre, qui tordit la vieille merciÚre en moins de cinq secondes. Quand elle fut roide et qu'elle fixa sur eux des regards suppliants, ils la pressÚrent de questions pour connaÃtre la cause de sa souffrance. Elle ne put répondre, elle continua à les regarder avec une angoisse profonde. Ils comprirent alors qu'ils n'avaient plus qu'un cadavre devant eux, un cadavre vivant à moitié qui les voyait et les entendait, mais qui ne pouvait leur parler. Cette crise les désespéra; au fond, ils se souciaient peu des douleurs de la paralytique, ils pleuraient sur eux, qui vivraient désormais dans un éternel tÃÂȘte-à -tÃÂȘte. DÚs ce jour, la vie des époux devint intolérable, Ils passÚrent des soirées cruelles, en face de la vieille impotente qui n'endormait plus leur effroi de ses doux radotages. Elle gisait dans un fauteuil, comme un paquet, comme une chose, et ils restaient seuls, aux deux bouts de la table, embarrassés et inquiets. Ce cadavre ne les séparait plus; par moments, ils l'oubliaient, ils le confondaient avec les meubles. Alors leurs épouvantes de la nuit les prenaient, la salle à manger devenait, comme la chambre, un lieu terrible oÃÂč se dressait le spectre de Camille. Ils souffrirent ainsi quatre ou cinq heures de plus par jour. DÚs le crépuscule, ils frissonnaient, baissant l'abat-jour de la lampe pour ne pas se voir, tùchant de croire que Mme Raquin allait parler et leur rappeler ainsi sa présence. S'ils la gardaient, s'ils ne se débarrassaient pas d'elle, c'est que ses yeux vivaient encore, et qu'ils éprouvaient parfois quelque soulagement à les regarder se mouvoir et briller. Ils plaçaient toujours la vieille impotente sous la clarté crue de la lampe, afin de bien éclairer son visage et de l'avoir sans cesse devant eux. Ce visage, mou et blafard, eût été un spectacle insoutenable pour d'autres, mais ils éprouvaient un tel besoin de compagnie, qu'ils y reposaient leurs regards avec une véritable joie. On eût dit le masque dissous d'une morte, au milieu duquel on aurait mis deux yeux vivants; ces yeux seuls bougeaient, roulant rapidement dans leur orbite; les joues, la bouche étaient comme pétrifiées, elles gardaient une immobilité qui épouvantait. Lorsque Mme Raquin se laissait aller au sommeil et baissait les paupiÚres, sa face, alors toute blanche et toute muette, était vraiment celle d'un cadavre; ThérÚse et Laurent, qui ne sentaient plus personne avec eux, faisaient du bruit jusqu'à ce que la paralytique eût relevé les paupiÚres et les eût regardés. Ils l'obligeaient ainsi à rester éveillée. Ils la considéraient comme une distraction qui les tirait de leurs mauvais rÃÂȘves. Depuis qu'elle était infirme, il fallait la soigner ainsi qu'un enfant. Les soins qu'ils lui prodiguaient les forçaient à secouer leurs pensées. Le matin, Laurent la levait, la portait dans son fauteuil, et, le soir, il la remettait sur son lit; elle était lourde encore, il devait user de toute sa force pour la prendre délicatement entre ses bras et la transporter. C'était également lui qui roulait son fauteuil. Les autres soins regardaient ThérÚse elle habillait l'impotente, elle la faisait manger, elle cherchait à comprendre ses moindres désirs. Mme Raquin conserva pendant quelques jours l'usage de ses mains, elle put écrire sur une ardoise et demander ainsi ce dont elle avait besoin; puis ses mains moururent, il lui devint impossible de les soulever et de tenir un crayon; dÚs lors, elle n'eut plus que le langage du regard, il fallut que sa niÚce devinùt ce qu'elle désirait. La jeune femme se voua au rude métier de garde-malade; cela lui créa une occupation de corps et d'esprit qui lui fit grand bien. Les époux, pour ne point rester face à face, roulaient dÚs le matin, dans la salle à manger, le fauteuil de la pauvre vieille. Ils l'apportaient entre eux, comme si elle eût été nécessaire à leur existence; ils la faisaient assister à leurs repas, à toutes leurs entrevues. Ils feignaient de ne pas comprendre, lorsqu'elle témoignait le désir de passer dans sa chambre. Elle n'était bonne qu'à rompre leur tÃÂȘte-à -tÃÂȘte, elle n'avait pas le droit de vivre à part. A huit heures, Laurent allait à son atelier, ThérÚse descendait à la boutique, la paralytique demeurait seule dans la salle à manger jusqu'à midi; puis, aprÚs le déjeuner, elle se trouvait seule de nouveau jusqu'à six heures. Souvent, pendant la journée, sa niÚce montait et tournait autour d'elle, s'assurant si elle ne manquait de rien. Les amis de la famille ne savaient quels éloges inventer pour exalter les vertus de ThérÚse et de Laurent. Les réceptions du jeudi continuÚrent, et l'impotente y assista, comme par le passé. On approchait son fauteuil de la table; de huit heures à onze heures elle tenait les yeux ouverts, regardant tour à tour les invités avec des lueurs pénétrantes. Les premiers jours le vieux Michaud et Grivet demeurÚrent un peu embarrassés en face du cadavre de leur vieille amie; ils ne savaient quelle contenance tenir, ils n'éprouvaient qu'un chagrin médiocre, et ils se demandaient dans quelle juste mesure il était convenable de s'attrister. Fallait-il parler à cette face morte, fallait-il ne pas s'en occuper du tout? Peu à peu, ils prirent le parti de traiter Mme Raquin comme si rien ne lui était arrivé. Ils finirent par feindre d'ignorer complÚtement son état. Ils causaient avec elle, faisant les demandes et les réponses, riant pour elle et pour eux, ne se laissant jamais démonter par l'expression rigide de son visage. Ce fut un étrange spectacle; ces hommes avaient l'air de parler raisonnablement à une statue, comme les petites filles parlent à leur poupée. La paralytique se tenait raide et muette devant eux, et ils bavardaient, et ils multipliaient les gestes, ayant avec elle des conversations trÚs animées. Michaud et Grivet s'applaudirent de leur excellente tenue. En agissant ainsi, ils croyaient faire preuve de politesse, ils s'évitaient, en outre, l'ennui des condoléances d'usage. Mme Raquin devait ÃÂȘtre flattée de se voir traitée en personne bien portante, et, dÚs lors, il leur était permis de s'égayer en sa présence sans le moindre scrupule. Grivet eut une manie. Il affirma qu'il s'entendait parfaitement avec Mme Raquin, qu'elle ne pouvait le regarder sans qu'il comprÃt sur-le-champ ce qu'elle désirait. C'était encore là une attention délicate. Seulement, à chaque fois, Grivet se trompait. Souvent, il interrompait la partie de dominos, il examinait la paralytique dont les yeux suivaient paisiblement le jeu, et il déclarait qu'elle demandait telle ou telle chose. Vérification faite, Mme Raquin ne demandait rien du tout ou demandait une chose toute différente. Cela ne décourageait pas Grivet, qui lançait un victorieux ÂQuand je vous le disais!» et qui recommençait quelques minutes plus tard. C'était une bien autre affaire lorsque l'impotente témoignait ouvertement un désir; ThérÚse, Laurent, les invités nommaient l'un aprÚs l'autre les objets qu'elle pouvait souhaiter. Grivet se faisait alors remarquer par la maladresse de ses offres. Il nommait tout ce qui lui passait par la tÃÂȘte, au hasard, offrant toujours le contraire de ce que Mme Raquin désirait. Ce qui ne lui empÃÂȘchait pas de répéter -Moi, je lis dans ses yeux comme dans un livre. Tenez, elle me dit que j'ai raison.... N'est-ce pas, chÚre dame.... Oui, oui. D'ailleurs, ce n'était pas une chose facile que de saisir les souhaits de la pauvre vieille. ThérÚse seule avait cette science. Elle communiquait assez aisément avec cette intelligence murée, vivante encore et enterrée au fond d'une chair morte. Que se passait-il dans cette misérable créature qui vivait juste assez pour assister à la vie sans y prendre part? Elle voyait, elle entendait, elle raisonnait sans doute d'une façon nette et claire et elle n'avait plus le geste, elle n'avait plus la voix pour exprimer au dehors les pensées qui naissaient en elle. Ses idées l'étouffaient peut-ÃÂȘtre. Elle n'aurait pu lever la main, ouvrir la bouche, quand mÃÂȘme un de ses mouvements, une de ses paroles eût décidé des destinées du monde. Son esprit était comme un de ces vivants qu'on ensevelit par mégarde et qui se réveillent dans la nuit de la terre, à deux ou trois mÚtres au-dessous du sol; ils crient, ils se débattent, et l'on passe sur eux sans entendre leurs atroces lamentations. Souvent, Laurent regardait Mme Raquin, les lÚvres serrées, les mains allongées sur les genoux, mettant toute sa vie dans ses yeux vifs et rapides, et il se disait -Qui sait à quoi elle peut penser toute seule... Il doit se passer quelque drame cruel au fond de cette morte. Laurent se trompait, Mme Raquin était heureuse, heureuse des soins et de l'affection de ses chers enfants. Elle avait toujours rÃÂȘvé de finir comme cela, lentement, au milieu des dévouements et des caresses. Certes, elle aurait voulu conserver la parole pour remercier ses amis qui l'aidaient à mourir en paix. Mais elle acceptait son état sans révolte; la vie paisible et retirée qu'elle avait toujours menée, les douceurs de son tempérament lui empÃÂȘchaient de sentir trop rudement les souffrances du mutisme et de l'immobilité. Elle était redevenue enfant, elle passait des journées sans ennui, à regarder devant elle, à songer au passé. Elle finit mÃÂȘme par goûter des charmes à rester bien sage dans son fauteuil, comme une petite fille. Ses yeux prenaient chaque jour une douceur, une clarté plus pénétrantes. Elle en était arrivée à se servir de ses yeux comme d'une main, comme d'une bouche, pour demander et remercier. Elle suppléait, ainsi, d'une façon étrange et charmante, aux organes qui lui faisaient défaut. Ses regards étaient beaux, d'une beauté céleste, au milieu de sa face dont les chairs pendaient molles et grimaçantes. Depuis que ses lÚvres tordues et inertes ne pouvaient plus sourire, elle souriait du regard, avec des tendresses adorables; des lueurs humides passaient, et des rayons d'aurore sortaient des orbites. Rien n'était plus singulier que ces yeux qui riaient comme des lÚvres dans ce visage mort; le bas du visage restait morne et blafard, le haut s'éclairait divinement. C'était surtout pour ses chers enfants qu'elle mettait ainsi toutes ses reconnaissances, toutes les affections de son ùme dans un simple coup d'oeil. Lorsque, le soir et le matin, Laurent la prenait entre ses bras pour la transporter, elle le remerciait avec amour par des regards pleins d'une tendre effusion. Elle vécut ainsi pendant plusieurs semaines, attendant la mort, se croyant à l'abri de tout nouveau malheur. Elle pensait avoir payé sa part de souffrance. Elle se trompait. Un soir, un effroyable coup l'écrasa. ThérÚse et Laurent avaient beau la mettre entre eux, en pleine lumiÚre, elle ne vivait plus assez pour les séparer et les défendre contre leurs angoisses. Quand ils oubliaient qu'elle était là , qu'elle les voyait et les entendait, la folie les prenait, ils apercevaient Camille et cherchaient à le chasser. Alors, ils balbutiaient, ils laissaient échapper malgré eux des aveux, des phrases qui finirent par tout révéler à Mme Raquin. Laurent eut une sorte de crise pendant laquelle il parla comme un halluciné. Brusquement, la paralytique Une effrayante contraction passa sur son visage, et elle éprouva une telle secousse, que ThérÚse crut qu'elle allait bondir et crier. Puis, elle retomba dans une rigidité de fer. Cette espÚce de choc fut d'autant plus épouvantable qu'il sembla galvaniser un cadavre. La sensibilité, un instant rappelée, disparut; l'impotente demeura plus écrasée, plus blafarde. Ses yeux, si doux d'ordinaire, étaient devenus noirs et durs, pareils à des morceaux de métal. Jamais désespoir n'était tombé plus rudement dans un ÃÂȘtre. La sinistre vérité, comme un éclair, brûla les yeux de la paralytique et entra eu elle avec le heurt suprÃÂȘme d'un coup de foudre. Si elle avait pu se lever, jeter le cri d'horreur qui montait à sa gorge, maudire les assassins de son fils, elle eût moins souffert. Mais aprÚs avoir tout entendu, tout compris, il lui fallut rester immobile et muette, gardant en elle l'éclat de sa douleur. Il lui sembla que ThérÚse et Laurent l'avaient liée, clouée sur son fauteuil pour l'empÃÂȘcher de s'élancer, et qu'ils prenaient un atroce plaisir à lui répéter  Nous avons tué Camille », aprÚs avoir posé sur ses lÚvres un bùillon qui étouffait ses sanglots. L'épouvante, l'angoisse couraient furieusement dans son corps, sans trouver une issue. Elle faisait des efforts surhumains pour soulever le poids qui l'écrasait, pour dégager sa gorge et trouver ainsi passage au flot de son désespoir. Et vainement elle tendait ses derniÚres énergies; elle sentait sa langue froide contre son palais, elle ne pouvait s'arracher de la mort. Une impuissance de cadavre la tenait rigide. Ses sensations ressemblaient à celles d'un homme tombé en léthargie qu'on enterrerait et qui, bùillonné par les liens de sa chair, entendrait sur sa tÃÂȘte le bruit sourd des pelletées de sable. Le ravage qui se fit dans son coeur fut plus terrible encore. Elle sentit en elle un écroulement qui la brisa. Sa vie entiÚre était désolée, toutes ses tendresses, toutes ses bontés, tous ses dévouements venaient d'ÃÂȘtre brutalement renversés et foulés aux pieds. Elle avait mené une vie d'affection et de douceur et, à ses heures derniÚres, lorsqu'elle allait emporter dans la tombe la croyance aux bonheurs calmes de l'existence, une voix lui criait que tout est mensonge et que tout est crime. Le voile qui se déchirait lui montrait, au-delà des amours et des amitiés qu'elle avait cru voir, un spectacle effroyable de sang et de honte. Elle eût injurié Dieu, si elle avait pu crier un blasphÚme. Dieu l'avait trompée pendant plus de soixante ans, en la traitant en petite fille douce et bonne, en amusant ses yeux par des tableaux mensongers de joie tranquille. Et elle était demeurée enfant, croyant sottement à mille choses niaises, ne voyant pas la vie réelle se traÃner dans la boue sanglante des passions. Dieu était mauvais; il aurait dû lui dire la vérité plus tÎt, ou la laisser s'en aller avec ses innocences et son aveuglement. Maintenant, il ne lui restait qu'à mourir en niant l'amour, en niant l'amitié, en niant le dévouement. Rien n'existait que le meurtre et la Hé quoi! Camille était mort sous les coups de ThérÚse et de Laurent, et ceux-ci avaient conçu le crime au milieu des hontes de l'adultÚre? Il y avait pour Mme Raquin un tel abÃme dans cette pensée, qu'elle ne pouvait la raisonner ni la saisir d'une façon nette et détaillée. Elle n'éprouvait qu'une sensation, celle d'une chute horrible; il lui semblait qu'elle tombait dans un trou noir et froid. Et elle se disait  Je vais aller me briser au fond. » AprÚs la premiÚre secousse, la monstruosité du crime lui parut invraisemblable. Puis elle eut peur de devenir folle, lorsque la conviction de l'adultÚre et du meurtre s'établit en elle, au souvenir de petites circonstances qu'elle ne s'était pas expliquées jadis. ThérÚse et Laurent étaient bien les meurtriers de Camille, ThérÚse qu'elle avait élevée, Laurent qu'elle avait aimé en mÚre dévouée et tendre. Cela tournait dans sa tÃÂȘte comme une roue immense, avec un bruit assourdissant. Elle devinait des détails si ignobles, elle descendait dans une hypocrisie si grande, elle assistait en pensée à un double spectacle d'une ironie si atroce, qu'elle eut voulu mourir pour ne plus penser. Une seule idée, machinale et implacable, broyait son cerveau avec une pesanteur et un entÃÂȘtement de meule. Elle se répétait  Ce sont mes enfants qui ont tué mon enfant », et elle ne trouvait rien autre chose pour exprimer son désespoir. Dans le brusque changement de son coeur, elle se cherchait avec égarement et ne se reconnaissait plus; elle restait écrasée sous l'envahissement brutal des pensées de vengeance qui chassaient toute la bonté de sa vie. Quand elle eut été transformée, il fit noir en elle; elle sentit naÃtre dans sa chair mourante un nouvel ÃÂȘtre, impitoyable et cruel, qui aurait voulu mordre les assassins de son Lorsqu'elle eut succombé sous l'étreinte accablante de la paralysie, lorsqu'elle eut compris qu'elle ne pouvait sauter à la gorge de ThérÚse et de Laurent, qu'elle rÃÂȘvait d'étrangler, elle se résigna au silence et à l'immobilité, et de grosses larmes tombÚrent lentement de ses yeux. Rien ne fut plus navrant que ce désespoir muet et immobile. Ces larmes qui coulaient une à une sur ce visage mort dont pas une ride ne bougeait, cette face inerte et blafarde qui ne pouvait pleurer par tous ses traits et oÃÂč les yeux seuls sanglotaient, offraient un spectacle poignant. ThérÚse fut prise d'une pitié épouvantée. -Il faut la coucher, dit-elle à Laurent, en lui montrant sa tante. Laurent se hùta de rouler la paralytique dans sa chambre. Puis il se baissa pour la prendre entre ses bras. A ce moment, Mme Raquin espéra qu'un ressort puissant allait la mettre sur ses pieds elle tenta un effort suprÃÂȘme. Dieu ne pouvait permettre que Laurent la serrùt contre sa poitrine; elle comptait que la foudre allait l'écraser s'il avait cette impudence monstrueuse. Mais aucun ressort ne la poussa, et le ciel réserva son tonnerre. Elle resta affaissée, passive, comme un paquet de linge. Elle lut saisie, soulevée, transportée par l'assassin, elle éprouva l'angoisse de se sentir, molle et abandonnée, entre les bras du meurtrier de Camille. Sa tÃÂȘte roula sur l'épaule de Laurent, qu'elle regarda avec des yeux agrandis par l'horreur. -Va, va, regarde-moi bien, murmura-t-il, tes yeux ne me mangeront pas.... Et il la jeta brutalement sur le lit. L'impotente y tomba évanouie. Sa derniÚre pensée avait été une pensée de terreur et de dégoût. Désormais, il lui faudrait, matin et soir, subir l'étreinte immonde des bras de Laurent. XXVII Une crise d'épouvante avait seule pu amener les époux à parler, à faire des aveux en présence de Mme Raquin. Ils n'étaient cruels ni l'un ni l'autre ils auraient évité une semblable révélation par humanité si leur sûreté ne leur eût pas déjà fait une loi de garder le Le jeudi suivant, ils furent singuliÚrement inquiets. Le matin, ThérÚse demanda à Laurent s'il croyait prudent de laisser la paralytique dans la salle à manger pendant la soirée. Elle savait tout, elle pourrait donner l'éveil. -Bah! répondit Laurent, il lui est impossible de remuer le petit doigt. Comment veux-tu qu'elle bavarde? -Elle trouvera peut-ÃÂȘtre un moyen, répondit ThérÚse. Depuis l'autre soir, je lis dans ses yeux une pensée implacable. -Non, vois-tu, le médecin m'a dit que tout était bien fini pour elle. Si elle parle encore une fois elle parlera dans le dernier hoquet de l'agonie.... Elle n'en a pas pour longtemps, va. Ce serait bÃÂȘte de charger encore notre conscience en l'empÃÂȘchant d'assister à cette soirée.... ThérÚse frissonna. -Tu ne m'as pas comprise, cria-t-elle. Oh! tu as raison, il y a assez de sang.... Je voulais te dire que nous pourrions enfermer ma tante dans sa chambre et prétendre qu'elle est plus souffrante, et qu'elle -C'est cela, reprit Laurent, et cet imbécile de Michaud entrerait carrément dans la chambre pour voir quand mÃÂȘme sa vieille amie.... Ce serait une excellente façon pour nous perdre. Il hésitait, il voulait paraÃtre tranquille, et l'anxiété le faisait -Il vaut mieux laisser aller les événements, continua-t-il. Ces gens-là sont bÃÂȘtes comme des oies; ils n'entendront certainement rien aux désespoirs muets de la vieille. Jamais ils ne se douteront de la chose, car ils sont trop loin de la vérité. Une fois l'épreuve faite, nous serons tranquilles sur les suites de notre imprudence.... Tu verras, tout ira bien. Le soir, quand les invités arrivÚrent, Mme Raquin occupait sa place ordinaire, entre le poÃÂȘle et la table. Laurent et ThérÚse jouaient la belle humeur, cachant leurs frissons, attendant avec angoisse l'incident qui ne pouvait manquer de se produire. Ils avaient baissé trÚs bas l'abat-jour de la lampe; la toile cirée seule était éclairée. Les invités eurent ce bout de causerie banale et bruyante qui précédait toujours la premiÚre partie de dominos. Grivet et Michaud ne manquÚrent pas d'adresser à la paralytique les questions d'usage sur sa santé, questions auxquelles ils firent eux-mÃÂȘmes des réponses excellentes, comme ils en avaient l'habitude. AprÚs quoi, sans plus s'occuper de la pauvre vieille, la compagnie se plongea dans le jeu avec délices. Mme Raquin, depuis qu'elle connaissait l'horrible secret, attendait fiévreusement cette soirée. Elle avait réuni ses derniÚres forces pour dénoncer les coupables. Jusqu'au dernier moment, elle craignit de ne pas assister à la soirée. Elle pensait que Laurent la ferait disparaÃtre, la tuerait peut-ÃÂȘtre, ou tout au moins l'enfermerait dans sa chambre. Quand elle vit qu'on la laissait là , quand elle fut en présence des invités, elle goûta une joie chaude en songeant qu'elle allait tenter de venger son fils. Comprenant que sa langue était bien morte, elle essaya d'un nouveau langage. Par une puissance de volonté étonnante, elle parvint à galvaniser en quelque sorte sa main droite, à la soulever légÚrement de son genou oÃÂč elle était toujours étendue, inerte; elle la fit ensuite ramper peu à peu le long d'un des pieds de la table, qui se trouvait devant elle, et parvint à la poser sur la toile cirée. Là elle agita faiblement les doigts comme pour attirer l'attention. Quand les joueurs aperçurent au milieu d'eux cette main de morte, blanche et molle, ils furent trÚs surpris. Grivet s'arrÃÂȘta, les bras en l'air, au moment oÃÂč il allait poser victorieusement le double-six. Depuis son attaque, l'impotente n'avait plus remué les mains. -Hé! voyez donc, ThérÚse, cria Michaud, voilà Mme Raquin qui agite les doigts.... Elle désire sans doute quelque chose. ThérÚse ne put répondre; elle avait suivi, ainsi que Laurent, le labeur de la paralytique, elle regardait la main de sa tante, blafarde sous la lumiÚre crue de la lampe, comme une main vengeresse qui allait parler. Les deux meurtriers attendaient, haletants. -Pardieu! oui, dit Grivet, elle désire quelque chose.... Oh! nous nous comprenons bien tous les deux.... Elle veut jouer aux dominos.... Hein! n'est-ce pas, chÚre dame? Mme Raquin fit un signe violent, de dénégation. Elle allongea un doigt, replia les autres, avec des peines infinies, et se mit à tracer péniblement des lettres sur la table. Elle n'avait pas indiqué quelques traits, que Grivet s'écria de nouveau avec triomphe -Je comprends elle dit que je fais bien de poser le double-six. L'impotente jeta sur le vieil employé un regard terrible et reprit le mot qu'elle voulait écrire. Mais, à chaque instant, Grivet l'interrompait en déclarant que c'était inutile, qu'il avait compris, et il avançait une sottise. Michaud finit par le faire taire. -Que diable! laissez parler Mme Raquin dit-il. Parlez, ma vieille Et il regarda sur la toile cirée, comme il aurait prÃÂȘté l'oreille. Mais les doigts de la paralytique se lassaient, ils avaient recommencé un mot à plus de dix reprises, et ils ne traçaient plus ce mot qu'en s'égarant à droite et à gauche. Michaud et Olivier se penchaient, ne pouvant lire, forçant l'impotente à toujours reprendre les premiÚres -Ah! bien, s'écria tout à coup Olivier, j'ai lu, cette fois.... Elle vient d'écrire votre nom, ThérÚse.... Voyons  _ThérÚse et_... » Achevez, chÚre dame. ThérÚse faillit crier d'angoisse. Elle regardait les doigts de sa tante glisser sur la toile cirée, et il lui semblait que ces doigts traçaient son nom et l'aveu de son crime en caractÚres de feu. Laurent s'était levé violemment, se demandant s'il n'allait pas se précipiter sur la paralytique et lui briser le bras. Il crut que tout était perdu, il sentit sur son ÃÂȘtre la pesanteur et le froid du chùtiment, en voyant cette main revivre pour révéler l'assassinat de Camille. Mme Raquin écrivait toujours, d'une façon de plus en plus hésitante. -C'est parfait, je lis trÚs bien, reprit Olivier au bout d'un instant, en regardant les époux. Votre tante écrit vos deux noms  _ThérÚse et Laurent_... » La vieille dame fit coup sur coup des signes d'affirmation, en jetant sur les meurtriers des regards qui les écrasÚrent. Puis elle voulut achever. Mais ses doigts s'étaient raidis, la volonté suprÃÂȘme qui les galvanisait lui échappait; elle sentait la paralysie remonter lentement le long de son bras, et de nouveau s'emparer de son poignet. Elle se hùta, elle traça encore un mot. Le vieux Michaud lut à haute voix - _ThérÚse et Laurent ont_... » Et Olivier demanda -Qu'est-ce qu'ils ont, vos chers enfants? Les meurtriers, pris d'une terreur folle, furent sur le point d'achever la phrase tout haut. Ils contemplaient la main vengeresse avec des yeux fixes et troubles, lorsque, tout d'un coup, cette main fut prise d'une convulsion et s'aplatit sur la table; elle glissa et retomba le long du genou de l'impotente comme une masse de chair inanimée. La paralysie était revenue et avait arrÃÂȘté le chùtiment. Michaud et Olivier se rassirent, désappointés, tandis que ThérÚse et Laurent goûtaient une joie si ùcre, qu'ils se sentaient défaillir sous le flux brusque du sang qui battait dans leur poitrine. Grivet était vexé de ne pas avoir été cru sur parole. Il pensa que le moment était venu de reconquérir son infaillibilité en complétant la phrase inachevée de Mme Raquin. Comme on cherchait le sens de cette phrase -C'est trÚs clair, dit-il, je devine la phrase entiÚre dans les yeux de madame. Je n'ai pas besoin qu'elle écrive sur une table, moi; un de ses regards me suffit.... Elle a voulu dire  ThérÚse et Laurent ont bien soin de moi. » Grivet dut s'applaudir de son imagination, car toute la société fut de son avis. Les invités se mirent à faire l'éloge des époux, qui se montraient si bons pour la pauvre dame. -Il est certain, dit gravement le vieux Michaud, que Mme Raquin a voulu rendre hommage aux tendres attentions que lui prodiguent ses enfants. Cela honore toute la famille. Et il ajouta en reprenant ses dominos -Allons, continuons. OÃÂč en étions-nous?... Grivet allait poser le double-six, je crois. Grivet posa le double-six. La partie continua, stupide et monotone. La paralytique regardait sa main, abÃmée dans un affreux désespoir. Sa main venait de la trahir. Elle la sentait lourde comme du plomb, maintenant; jamais plus elle ne pourrait la soulever. Le ciel ne voulait pas que Camille fût vengé, il retirait à sa mÚre le seul moyen de faire connaÃtre aux hommes le meurtre dont il avait été la victime. Et la malheureuse se disait qu'elle n'était plus bonne qu'à aller rejoindre son enfant dans la terre. Elle baissa les paupiÚres, se sentant inutile désormais, voulant se croire déjà dans la nuit du XXVIII Depuis deux mois, ThérÚse et Laurent se débattaient dans les angoisses de leur union. Ils souffraient l'un par l'autre. Alors la haine monta lentement en eux, ils finirent par se jeter des regards de colÚre pleins de menaces sourdes. La haine devait forcément venir. Ils s'étaient aimés comme des brutes, avec une passion chaude, toute de sang; puis, au milieu des événements du crime, leur amour était devenu de la peur, et ils avaient éprouvé une sorte d'effroi physique de leurs baisers; aujourd'hui, sous la souffrance que le mariage, que la vie en commun leur imposait, ils se révoltaient et s'emportaient. Ce fut une haine atroce, aux éclats terribles. Ils sentaient bien qu'ils se gÃÂȘnaient l'un l'autre; ils se disaient qu'ils mÚneraient une existence tranquille, s'ils n'étaient pas toujours là face à face. Quand ils étaient en présence, il leur semblait qu'un poids énorme les étouffait, et ils auraient voulu écarter ce poids, leurs lÚvres se pinçaient, des pensées de violence passaient dans leurs yeux clairs, il leur prenait des envies de s'entre-dévorer. Au fond, une pensée unique les rongeait ils s'irritaient contre leur crime, ils se désespéraient d'avoir à jamais troublé leur vie. De là venaient toute leur colÚre et toute leur haine. Ils sentaient que le mal était incurable, qu'ils souffriraient jusqu'à leur mort du meurtre de Camille, et cette idée de perpétuité dans la souffrance les exaspérait. Ne sachant sur qui frapper, ils s'en prenaient à eux-mÃÂȘmes, ils s'exécraient. Ils ne voulaient pas reconnaÃtre tout haut que leur mariage était le chùtiment fatal du meurtre; ils se refusaient à entendre la voix intérieure qui leur criait la vérité, en étalant devant eux l'histoire de leur vie. Et pourtant, dans les crises d'emportement qui les secouaient, ils lisaient chacun nettement au fond de leur colÚre, ils devinaient les fureurs de leur ÃÂȘtre égoïste qui les avaient poussés à l'assassinat pour contenter ses appétits, et qui ne trouvait dans l'assassinat qu'une existence désolée et intolérable. Ils se souvenaient du passé, ils savaient que leur espérance trompée de luxure et de bonheur paisible les amenait seule aux remords; s'ils avaient pu s'embrasser en paix et vivre en joie, ils n'auraient point pleuré Camille, ils se seraient engraissés de leur crime. Mais leur corps s'était révolté, refusant le mariage, et ils se demandaient avec terreur oÃÂč allaient les conduire l'épouvante et le dégoût. Ils n'apercevaient qu'un avenir effroyable de douleur, qu'un dénouement sinistre et violent. Alors, comme deux ennemis qu'on aurait attachés ensemble et qui feraient de vains efforts pour se soustraire à cet embrassement forcé, ils tendaient leurs muscles et leurs nerfs, ils se roidissaient sans parvenir à se délivrer. Puis, comprenant que jamais ils n'échapperaient à leur étreinte, irrités par les cordes qui leur coupaient la chair, écoeurés de leur contact, sentant à chaque heure croÃtre leur malaise, oubliant qu'ils s'étaient eux-mÃÂȘmes liés l'un à l'autre, et ne pouvant supporter leurs liens un instant de plus, ils s'adressaient des reproches sanglants, ils essayaient de souffrir moins, de panser les blessures qu'ils se faisaient en s'injuriant, en s'étourdissant de leurs cris et de leurs accusations. Chaque soir une querelle éclatait. On eût dit que les meurtriers cherchaient des occasions pour s'exaspérer, pour détendre leurs nerfs roidis. Ils s'épiaient, se tùtaient du regard, fouillant leurs blessures, trouvant le vif de chaque plaie, et prenant une acre volupté à se faire crier de douleur. Ils vivaient ainsi au milieu d'une irritation continuelle, las d'eux-mÃÂȘmes, ne pouvant plus supporter un mot, un geste, un regard, sans souffrir et sans délirer. Leur ÃÂȘtre entier se trouvait préparé pour la violence; la plus légÚre impatience, la contrariété la plus ordinaire grandissaient d'une façon étrange dans leur organisme détraqué, et devenaient tout d'un coup grosses de brutalité. Un rien soulevait un orage qui durait jusqu'au lendemain. Un plat trop chaud, une fenÃÂȘtre ouverte, un démenti, une simple observation suffisaient pour les pousser à de véritables crises de folie. Et toujours, à un moment de la dispute, ils se jetaient le noyé à la face. De parole en parole, ils en arrivaient à se reprocher la noyade de Saint-Ouen; alors ils voyaient rouge, ils s'exaltaient jusqu'à la rage. C'étaient des scÚnes atroces, des étouffements, des coups, des cris ignobles, des brutalités honteuses. D'ordinaire, ThérÚse et Laurent s'exaspéraient ainsi aprÚs le repas; ils s'enfermaient dans la salle à manger pour que le bruit de leur désespoir ne fût pas entendu. Là , ils pouvaient se dévorer à l'aise, au fond de cette piÚce humide, de cette sorte de caveau que la lampe éclairait de lueurs jaunùtres. Leurs voix, au milieu du silence et de la tranquillité de l'air, prenaient des sécheresses déchirantes. Et ils ne cessaient que lorsqu'ils étaient brisés de fatigue; alors seulement ils pouvaient aller goûter quelques heures de repos. Leurs querelles devinrent comme un besoin pour eux, comme un moyen de gagner le sommeil en hébétant leurs nerfs. Mme Raquin les écoutait. Elle était là sans cesse, dans son fauteuil, les mains pendantes sur les genoux, la tÃÂȘte droite, la face muette. Elle entendait tout, et sa chair morte n'avait pas un frisson. Ses yeux s'attachaient sur les meurtriers avec une fixité aiguÃ. Son martyre devait ÃÂȘtre atroce. Elle sut ainsi, détail par détail, les faits qui avaient précédé et suivi le meurtre de Camille, elle descendit peu à peu dans les saletés et les crimes de ceux qu'elle avait appelés ses chers enfants. Les querelles des époux la mirent au courant des moindres circonstances, étalÚrent devant son esprit terrifié, un à un, les épisodes de l'horrible aventure. Et à mesure qu'elle pénétrait plus avant dans cette boue sanglante, elle criait grùce, elle croyait toucher le fond de l'infamie, et il lui fallait descendre encore. Chaque soir, elle apprenait quelque nouveau détail. Toujours l'affreuse histoire s'allongeait devant elle; il lui semblait qu'elle était perdue dans un rÃÂȘve d'horreur qui n'aurait pas de fin. Le premier aveu avait été brutal et écrasant, mais elle souffrait davantage de ces coups répétés, de ces petits faits que les époux laissaient échapper au milieu de leur emportement et qui éclairaient le crime de lueurs sinistres. Une fois par jour, cette mÚre entendait le récit de l'assassinat de son fils, et, chaque jour, ce récit devenait plus épouvantable, plus circonstancié, et était crié à ses oreilles avec plus de cruauté et d'éclat. Parfois, ThérÚse était prise de remords, en face de ce masque blafard sur lequel coulaient silencieusement de grosses larmes. Elle montrait sa tante à Laurent, le conjurant du regard de se taire. -Eh! laisse donc! criait celui-ci avec brutalité, tu sais bien qu'elle ne peut pas nous livrer.... Est-ce que je suis plus heureux qu'elle, moi?... Nous avons son argent, je n'ai pas besoin de me gÃÂȘner. Et la querelle continuait, ùpre, éclatante, tuant de nouveau Camille. Ni ThérÚse ni Laurent n'osaient céder à la pensée de pitié qui leur venait parfois, d'enfermer la paralytique dans sa chambre, lorsqu'ils se disputaient, et de lui éviter ainsi le récit du crime. Ils redoutaient de s'assommer l'un l'autre, s'ils n'avaient plus entre eux ce cadavre à demi vivant. Leur pitié cédait devant leur lùcheté, ils imposaient à Mme Raquin des souffrances indicibles, parce qu'ils avaient besoin de sa présence pour se protéger contre leurs Toutes leurs disputes se ressemblaient et les amenaient aux mÃÂȘmes accusations. DÚs que le nom de Camille était prononcé, dÚs que l'un d'eux accusait l'autre d'avoir tué cet homme, il y avait un choc Un soir, à dÃner, Laurent, qui cherchait un prétexte pour s'irriter, trouva que l'eau de la carafe était tiÚde; il déclara que l'eau tiÚde lui donnait des nausées, et qu'il en voulait de la fraÃche. -Je n'ai pu me procurer de la glace, répondit sÚchement ThérÚse. -C'est bien, je ne boirai pas, reprÃt Laurent. -Cette eau est excellente. -Elle est chaude et a un goût de bourbe. On dirait de l'eau de riviÚre. ThérÚse répéta -De l'eau de riviÚre.... Et elle éclata en sanglots. Un rapprochement d'idées venait d'avoir lieu dans son esprit. -Pourquoi pleures-tu? demanda Laurent, qui prévoyait la réponse et qui pùlissait. -Je pleure, sanglota la jeune femme, je pleure parce que... tu le sais bien.... Oh! mon Dieu! mon Dieu! c'est toi qui l'as tué. -Tu mens! cria l'assassin avec véhémence, avoue que tu mens.... Si je l'ai jeté à la Seine, c'est que tu m'as poussé à ce meurtre. -Moi! moi! -Oui, toi!... Ne fais pas l'ignorante, ne m'oblige pas à te faire avouer de force la vérité. J'ai besoin que tu confesses ton crime, que tu acceptes ta part dans l'assassinat. Cela me tranquillise et me -Mais ce n'est pas moi qui ai noyé Camille. -Si, mille fois si, c'est toi!... Oh! tu feins l'étonnement et l'oubli. Attends, je vais rappeler tes souvenirs. Il se leva de table, se pencha vers la jeune femme, et, le visage en feu, lui cria dans la face -Tu étais au bord de l'eau, tu te souviens, et je t'ai dit tout bas  Je vais le jeter à la riviÚre. » Alors tu as accepté, tu es entrée dans la barque.... Tu vois bien que tu l'as assassiné avec moi. -Ce n'est pas vrai.... J'étais folle, je ne sais plus ce que j'ai fait, mais je n'ai jamais voulu le tuer. Toi seul as commis le crime. Ces dénégations torturaient Laurent. Comme il le disait, l'idée d'avoir une complice le soulageait; il aurait tenté, s'il l'avait osé, de se prouver à lui-mÃÂȘme que toute l'horreur du meurtre retombait sur ThérÚse. Il lui venait des envies de battre la jeune femme pour lui faire confesser qu'elle était la plus coupable. Il se mit à marcher de long en large, criant, délirant, suivi par les regards fixes de Mme Raquin. -Ah! la misérable! la misérable! balbutiait-il d'une voix étranglée, elle veut me rendre fou.... Eh! n'es-tu pas montée un soir dans ma chambre comme une prostituée, ne m'as-tu pas saoulé de tes caresses pour me décider à te débarrasser de ton mari? Il te déplaisait, il sentait l'enfant malade, me disais-tu lorsque je venais te voir ici.... Il y a trois ans, est-ce que je pensais à tout cela, moi? est-ce que j'étais un coquin? Je vivais tranquille, en honnÃÂȘte homme, ne faisant de mal à personne. Je n'aurais pas écrasé une mouche. -C'est toi qui as tué Camille, répéta ThérÚse avec une obstination désespérée qui faisait perdre la tÃÂȘte à Laurent. -Non, c'est toi, je te dis que c'est toi, reprit-il avec un éclat terrible.... Vois-tu, ne m'exaspÚre pas, cela pourrait mal finir.... Comment, malheureuse, tu ne te rappelles rien! Tu t'es livrée à moi comme une fille, là , dans la chambre de ton mari; tu m'y as fait connaÃtre tes voluptés qui m'ont affolé. Avoue que tu avais calculé tout cela, que tu haïssais Camille, et que depuis longtemps tu voulais le tuer. Tu m'as sans doute pris pour amant afin de me heurter contre lui et de le briser. -Ce n'est pas vrai.... C'est monstrueux ce que tu dis là .... Tu n'as pas le droit de me reprocher ma faiblesse. Je puis dire, comme toi, qu'avant de te connaÃtre, j'étais une honnÃÂȘte femme qui n'avait jamais fait de mal à personne. Si je t'ai rendu fou, tu m'as rendue plus folle encore. Ne nous disputons pas, entends-tu, Laurent.... J'aurais trop de choses à te reprocher. -Qu'aurais-tu donc à me reprocher? -Non, rien... Tu ne m'as pas sauvée de moi-mÃÂȘme, tu as profité de mes abandons, tu t'es plu à désoler ma vie.... Je te pardonne tout cela.... Mais, par grùce, ne m'accuse pas d'avoir tué Camille. Garde ton crime pour toi, ne cherche pas à m'épouvanter davantage. Laurent leva la main pour frapper ThérÚse au visage. -Bats-moi, j'aime mieux ça, ajouta-t-elle, je souffrirai moins. Et elle tendit la face. Il se retint, il prit une chaise et s'assit à cÎté delà jeune femme. -Écoute, lui dit-il d'une voix qu'il s'efforçait de rendre calme, il y a de la lùcheté à refuser ta part du crime. Tu sais parfaitement que nous l'avons commis ensemble, tu sais que tu es aussi coupable que moi. Pourquoi veux-tu rendre ma charge plus lourde en te disant innocente? Si tu étais innocente, tu n'aurais pas consenti à m'épouser. Souviens-toi des deux années qui ont suivi le meurtre. Désires-tu tenter une épreuve? Je vais aller tout dire au procureur impérial, et tu verras si nous ne serons pas condamnés l'un et l'autre. Ils frissonnÚrent, et ThérÚse reprit -Les hommes me condamneraient peut-ÃÂȘtre, mais Camille sait bien que tu as tout fait.... Il ne me tourmente pas la nuit comme il te -Camille me laisse en repos, dit Laurent pùle et tremblant, c'est toi qui le vois passer dans tes cauchemars, je t'ai entendue crier. -Ne dis pas cela, s'écria la jeune femme avec colÚre, je n'ai pas crié, je ne veux pas que le spectre vienne. Oh! je comprends, tu cherches à le détourner de toi.... Je suis innocente! Ils se regardÚrent terrifiés, brisés de fatigue, craignant d'avoir évoqué le cadavre du noyé. Leurs querelles finissaient toujours ainsi; ils protestaient de leur innocence, ils cherchaient à se tromper eux-mÃÂȘmes pour mettre en fuite les mauvais rÃÂȘves. Leurs continuels efforts tendaient à rejeter à tour de rÎle la responsabilité du crime, à se défendre comme devant un tribunal, en faisant mutuellement peser sur eux les charges les plus graves. Le plus étrange était qu'ils ne parvenaient pas à ÃÂȘtre dupes de leurs serments, qu'ils se rappelaient parfaitement tous deux les circonstances de l'assassinat. Ils lisaient des aveux dans leurs yeux, lorsque leurs lÚvres se donnaient des démentis. C'étaient des mensonges puérils, des affirmations ridicules, la dispute toute de mots de deux misérables qui mentaient pour mentir, sans pouvoir se cacher qu'ils mentaient. Successivement, ils prenaient le rÎle d'accusateur, et, bien que jamais le procÚs qu'ils se faisaient n'eût amené un résultat, ils le recommençaient chaque soir avec un acharnement cruel. Ils savaient qu'ils ne prouveraient rien, qu'ils ne parviendraient pas à effacer le passé, et ils tentaient toujours cette besogne, ils revenaient toujours à la charge, aiguillonnés par la douleur et l'effroi, vaincus à l'avance par l'accablante réalité. Le bénéfice le plus net qu'ils tiraient de leurs disputes était de produire une tempÃÂȘte de mots et de cris dont le tapage les étourdissait un moment. Et tant que duraient leurs emportements, tant qu'ils s'accusaient, la paralytique ne les quittait pas du regard. Une joie ardente luisait dans ses yeux, lorsque Laurent levait sa large main sur la tÃÂȘte de ThérÚse. XXIX Une nouvelle phase se déclara. ThérÚse, poussée à bout par la peur, ne sachant oÃÂč trouver une pensée consolante, se mit à pleurer le noyé tout haut devant Laurent. Il y eut un brusque affaissement en elle. Ses nerfs trop tendus se brisÚrent, sa nature sÚche et violente s'amollit. Déjà elle avait eu des attendrissements pendant les premiers jours du mariage. Ces attendrissements revinrent, comme une réaction nécessaire et fatale. Lorsque la jeune femme eut lutté de toute son énergie nerveuse contre le spectre de Camille, lorsqu'elle eut vécu pendant plusieurs mois sourdement irritée, révoltée contre ses souffrances, cherchant à les guérir par les seules volontés de son ÃÂȘtre, elle éprouva tout d'un coup une telle lassitude qu'elle plia et fut vaincue. Alors, redevenue femme, petite fille mÃÂȘme, ne se sentant plus la force de se roidir, de se tenir fiévreusement debout en face de ses épouvantes, elle se jeta dans la pitié, dans les larmes et les regrets, espérant y trouver quelque soulagement. Elle essaya de tirer parti des faiblesses de chair et d'esprit qui la prenaient; peut-ÃÂȘtre le noyé, qui n'avait pas cédé devant ses irritations, céderait-il devant ses pleurs. Elle eut ainsi des remords par calcul, se disant que c'était sans doute le meilleur moyen d'apaiser et de contenter Camille. Comme certaines dévotes, qui pensent tromper Dieu et en arracher un pardon en priant des lÚvres et en prenant l'attitude humble de la pénitence, ThérÚse s'humilia, frappa sa poitrine, trouva des mots de repentir, sans avoir au fond du coeur autre chose que de la crainte et de la lùcheté. D'ailleurs, elle éprouvait une sorte de plaisir physique à s'abandonner, à se sentir molle et brisée, à s'offrir à la douleur sans résistance. Elle accabla Mme Raquin de son désespoir larmoyant. La paralytique lui devint d'un usage journalier; elle lui servait en quelque sorte de prie-Dieu, de meuble devant lequel elle pouvait sans crainte avouer ses fautes et en demander le pardon. DÚs qu'elle éprouvait le besoin de pleurer, de se distraire en sanglotant, elle s'agenouillait devant l'impotente, et là , criait, étouffait, jouait à elle seule une scÚne de remords qui la soulageait en l'affaiblissant. -Je suis une misérable, balbutiait-elle, je ne mérite pas de grùce. Je vous ai trompée, j'ai poussé votre fils à la mort. Jamais vous ne me pardonnerez!... Et pourtant si vous lisiez en moi les remords qui me déchirent, si vous saviez combien je souffre, peut-ÃÂȘtre auriez-vous pitié.... Non, pas de pitié pour moi. Je voudrais mourir ainsi à vos pieds, écrasée par la honte et la douleur. Elle parlait de la sorte pendant des heures entiÚres, passant du désespoir à l'espérance, se condamnant, puis se pardonnant; elle prenait une voix de petite fille malade, tantÎt brÚve, tantÎt plaintive; elle s'aplatissait sur le carreau et se redressait ensuite, obéissant à toutes les idées d'humilité et de fierté, de repentir et de révolte qui lui passaient par la tÃÂȘte. Parfois mÃÂȘme elle oubliait qu'elle était agenouillée devant Mme Raquin, elle continuait son monologue dans le rÃÂȘve. Quand elle s'était bien étourdie de ses propres paroles, elle se relevait chancelante, hébétée, et elle descendait à la boutique, calmée, ne craignant plus d'éclater en sanglots nerveux devant ses clientes. Lorsqu'un nouveau besoin de remords la prenait elle se hùtait de remonter et de s'agenouiller encore aux pieds de l'impotente. Et la scÚne recommençait dix fois par ThérÚse ne songeait jamais que ses larmes et l'étage de son repentir devaient imposer à sa tante des angoisses indicibles. La vérité était que, si l'on avait cherché à inventer un supplice pour torturer Mme Raquin, on n'en aurait pas à coup sûr trouvé de plus effroyable que la comédie du remords jouée par sa niÚce. La paralytique devinait l'égoïsme caché sous ces effusions de douleur. Elle souffrait horriblement de ces longs monologues qu'elle était forcée de subir à chaque instant, et qui toujours remettaient devant elle l'assassinat de Camille. Elle ne pouvait pardonner, elle s'enfermait dans une pensée implacable de vengeance, que son impuissance rendait plus aiguÃ, et, toute la journée, il lui fallait entendre des demandes de pardon, des priÚres humbles et lùches. Elle aurait voulu répondre; certaines phrases de sa niÚce faisaient monter à sa gorge des refus écrasants, mais elle devait rester muette, laissant ThérÚse plaider sa cause, sans jamais l'interrompre. L'impossibilité oÃÂč elle était de crier et de se boucher les oreilles l'emplissait d'un tourment inexprimable. Et, une à une, les paroles de la jeune femme entraient dans son esprit, lentes et plaintives, comme un chant irritant. Elle crut un instant que les meurtriers lui infligeaient ce genre de supplice par une pensée diabolique de cruauté. Son unique moyen de défense était de fermer les yeux, dÚs que sa niÚce s'agenouillait devant elle; si elle l'entendait, elle ne la voyait pas. ThérÚse finit par s'enhardir jusqu'à embrasser sa tante. Un jour, pendant un accÚs de repentir, elle feignit devoir surpris dans les yeux de la paralytique une pensée de miséricorde; elle se traÃna sur les genoux, elle se souleva, en criant d'une voix éperdue  Vous me pardonnez! vous me pardonnez! » puis elle baisa le front et les joues de la pauvre vieille, qui ne put rejeter la tÃÂȘte en arriÚre. La chair froide sur laquelle ThérÚse posa lÚs lÚvres, lui causa un violent dégoût. Elle pensa que ce dégoût serait, comme les larmes et les remords, un excellent moyen d'apaiser ses nerfs; elle continua à embrasser chaque jour l'impotente, par pénitence et pour se soulager. -Oh! que vous ÃÂȘtes bonne! s'écriait-elle parfois. Je vois bien que mes larmes vous ont touchée.... Vos regards sont pleins de pitié.... Je suis sauvée.... Et elle l'accablait de caresses, elle posait sa tÃÂȘte sur ses genoux, lui baisait les mains, lui souriait d'une façon heureuse, la soignait avec les marques d'une affection passionnée. Au bout de quelque temps, elle crut à la réalité de cette comédie, elle s'imagina qu'elle avait obtenu le pardon de Mme Raquin, et ne l'entretint plus que du bonheur qu'elle éprouvait d'avoir sa grùce. C'en était trop pour la paralytique. Elle faillit en mourir. Sous les baisers de sa niÚce, elle ressentait cette sensation ùcre de répugnance et de rage qui l'emplissait matin et soir, lorsque Laurent la prenait dans ses bras pour la lever ou la coucher. Elle était obligée de subir les caresses immondes de la misérable qui avait trahi et tué son fils, elle ne pouvait mÃÂȘme essuyer de la main les baisers que cette femme laissait sur ses joues. Pendant de longues heures, elle sentait ces baisers qui la brûlaient. C'est ainsi qu'elle était devenue la poupée des meurtriers de Camille, poupée qu'ils habillaient, qu'ils tournaient à droite et à gauche, dont ils se servaient selon leurs besoins et leurs caprices. Elle restait inerte entre leurs mains, comme si elle n'avait eu que du son dans les entrailles, et cependant ses entrailles vivaient, révoltées et déchirées, au moindre contact de ThérÚse ou de Laurent. Ce qui l'exaspéra surtout, ce fut l'atroce moquerie de la jeune femme qui prétendait lire des pensées de miséricorde dans ses regards, lorsque ses regards auraient voulu foudroyer la criminelle. Elle fit souvent des efforts suprÃÂȘmes pour jeter un cri de protestation, elle mit toute sa haine dans ses yeux. Mais ThérÚse, qui trouvait son compte à se répéter vingt fois par jour qu'elle était pardonnée, redoubla de caresses, ne voulant rien deviner. Il fallut que la paralytique acceptùt des remerciements et des effusions que son coeur repoussait. Elle vécut, dÚs lors, pleine d'une irritation amÚre et impuissante, en face de sa niÚce assouplie qui cherchait des tendresses adorables pour la récompenser de ce qu'elle nommait sa bonté céleste. Lorsque Laurent était là et que sa femme s'agenouillait devant Mme Raquin, il la relevait avec brutalité -Pas de comédie, lui disait-il. Est-ce que je pleure, est-ce que je me prosterne, moi?... Tu fais tout cela pour me troubler. Les remords de ThérÚse l'agitaient étrangement. Il souffrait davantage depuis que sa complice se traÃnait autour de lui, les yeux rougis par les larmes, les lÚvres suppliantes. La vue de ce regret vivant redoublait ses effrois, augmentait son malaise. C'était comme un reproche éternel qui marchait dans la maison. Puis, il craignait que le repentir ne poussùt un jour sa femme à tout révéler. Il aurait préféré qu'elle restùt roidie et menaçante, se défendant avec ùpreté contre ses accusations. Mais elle avait changé de tactique, elle reconnaissait volontiers maintenant la part qu'elle avait prise au crime, elle s'accusait elle-mÃÂȘme, elle se faisait molle et craintive, et partait de là pour implorer la rédemption avec des humilités ardentes. Cette attitude irritait Laurent. Leurs querelles étaient, chaque soir, plus accablantes et plus sinistres. -Écoute, disait ThérÚse à son mari, nous sommes de grands coupables, il faut nous repentir, si nous voulons goûter quelque tranquillité.... Vois, depuis que je pleure, je suis plus paisible. Imite-moi. Disons ensemble que nous sommes justement punis d'avoir commis un crime -Bah! répondait brusquement Laurent, dis ce que tu voudras. Je te sais diablement habile et hypocrite. Pleure, si cela peut te distraire. Mais, je t'en prie, ne me casse pas la tÃÂȘte avec tes -Ah! tu es mauvais, tu refuses le remords. Tu es lùche, cependant, tu as pris Camille en traÃtre. -Veux-tu dire que je suis seul coupable? -Non, je ne dis pas cela. Je suis coupable, plus coupable que toi. J'aurais dû sauver mon mari de tes mains. Oh! je connais toute l'horreur de ma faute, mais je tùche de me la faire pardonner, et j'y réussirai, Laurent, tandis que toi, tu continueras à mener une vie désolée.... Tu n'as pas mÃÂȘme le coeur d'éviter à ma pauvre tante la vue de tes ignobles colÚres, tu ne lui as jamais adressé un mot de Et elle embrassait Mme Raquin, qui fermait les yeux. Elle tournait autour d'elle, remontant l'oreiller qui lui soutenait la tÃÂȘte, lui prodiguant mille amitiés. Laurent était exaspéré. -Eh! laisse-la, criait-il, tu ne vois pas que ta vue et tes soins lui sont odieux. Si elle pouvait lever la main, elle te souffletterait. Les paroles lentes et plaintives de sa femme, ses attitudes résignées le faisaient peu à peu entrer dans des colÚres aveugles. Il voyait bien quelle était sa tactique elle voulait ne plus faire cause commune avec lui, se mettre à part, au fond de ses regrets, afin de se soustraire aux étreintes du noyé. Par moments, il se disait qu'elle avait peut-ÃÂȘtre pris le bon chemin, que les larmes la guériraient de ses épouvantes, et il frissonnait à la pensée d'ÃÂȘtre seul à souffrir, à avoir peur. Il aurait voulu se repentir, lui aussi, jouer tout au moins la comédie du remords, pour essayer; mais il ne pouvait trouver les sanglots et les mots nécessaires, il se rejetait dans la violence, il secouait ThérÚse pour l'irriter et la ramener avec lui dans la folie furieuse. La jeune femme s'étudiait à rester inerte, à répondre par des soumissions larmoyantes aux cris de sa colÚre, à se faire d'autant plus humble et plus repentante qu'il se montrait plus rude. Laurent montait ainsi jusqu'à la rage. Pour mettre le comble à son irritation, ThérÚse finissait toujours par faire le panégyrique de Camille, par étaler les vertus de sa victime. -Il était bon, disait-elle, et il a fallu que nous fussions bien cruels pour nous attaquer à cet excellent coeur qui n'avait jamais eu une mauvaise pensée. -Il était bon, oui, je sais, ricanait Laurent, tu veux dire qu'il était bÃÂȘte, n'est-ce pas.... Tu as donc oublié? Tu prétendais que la moindre de ses paroles t'irritait, qu'il ne pouvait ouvrir la bouche sans laisser échapper une sottise. -Ne raille pas.... Il ne te manque plus que d'insulter l'homme que tu as assassiné.... Tu ne connais rien au coeur des femmes, Laurent; Camille m'aimait et je l'aimais. -Tu l'aimais, ah! vraiment, voilà qui est bien trouvé.... C'est sans doute parce que tu aimais ton mari que tu m'as pris pour amant.... Je me souviens d'un jour oÃÂč tu te traÃnais sur ma poitrine en me disant que Camille t'écoeurait lorsque tes doigts s'enfonçaient dans sa chair comme dans l'argile.... Oh! je sais pourquoi tu m'as aimé, moi. Il te fallait des bras autrement vigoureux que ceux de ce pauvre diable. -Je l'aimais comme une soeur. Il était le fils de ma bienfaitrice, il avait toutes les délicatesses des natures faibles, il se montrait noble et généreux, serviable et aimant.... Et nous l'avons tué, mon Dieu! mon Dieu? Elle pleurait, elle se pùmait. Mme Raquin lui jetait des regards aigus, indignée d'entendre l'éloge de Camille dans une pareille bouche. Laurent, ne pouvant rien contre ce débordement de larmes se promenait à pas fiévreux, cherchant quelque moyen suprÃÂȘme pour étouffer les remords de ThérÚse. Tout le bien qu'il entendait dire de sa victime finissait par lui causer une anxiété poignante; il se laissait prendre parfois aux accents déchirants de sa femme, il croyait réellement aux vertus de Camille, et ses effrois redoublaient. Mais ce qui le jetait hors de lui, ce qui l'amenait à des actes de violence, c'était le parallÚle que la veuve du noyé ne manquait jamais d'établir entre son premier et son second mari, tout à l'avantage du -Eh bien! oui, criait-elle, il était meilleur que toi, je préférerais qu'il vécût encore et que tu fusses à sa place couché dans la terre. Laurent haussait d'abord les épaules. -Tu as beau dire, continuait-elle en s'animant, je ne l'ai peut-ÃÂȘtre pas aimé de son vivant, mais maintenant je me souviens et je l'aime.... Je l'aime et je te hais, vois-tu. Toi, tu es un assassin.... -Te tairas-tu! hurlait Laurent. -Et lui, il est une victime, un honnÃÂȘte homme qu'un coquin a tué. Oh! tu ne me fais pas peur.... Tu sais bien que tu es un misérable, un homme brutal, sans coeur, sans ùme. Comment veux-tu que je t'aime, maintenant que te voilà couvert du sang de Camille?... Camille avait toutes les tendresses pour moi et je te tuerais, entends-tu? si cela pouvait ressusciter Camille et me rendre son amour. -Te tairas-tu, misérable? -Pourquoi me tairais-je? je dis la vérité. J'achÚterais le pardon au prix de ton sang. Ah! que je pleure et que je souffre! C'est ma faute si ce scélérat a assassiné mon mari.... Il faudra que j'aille une nuit baiser la terre oÃÂč il repose. Ce sont là mes derniÚres voluptés. Laurent, ivre, rendu furieux par les tableaux atroces que ThérÚse étalait devant ses yeux, se précipitait sur elle, la renversait par terre et la serrait sous son genou, le poing haut. -C'est cela, criait-elle, frappe-moi, tue-moi.... Jamais Camille n'a levé la main sur ma tÃÂȘte, mais toi, tu es un monstre! Et Laurent, fouetté par ces paroles, la secouait avec rage, la battait, meurtrissait son corps de son poing fermé. A deux reprises, il faillit l'étrangler. ThérÚse mollissait sous les coups; elle goûtait une volupté ùpre à ÃÂȘtre frappée; elle s'abandonnait, elle s'offrait, elle provoquait son mari pour qu'il l'assommùt davantage. C'était encore là un remÚde contre les souffrances de sa vie; elle dormait mieux la nuit, quand elle avait été bien battue le soir. Mme Raquin goûtait des délices cuisantes, lorsque Laurent traÃnait ainsi sa niÚce sur le carreau, lui labourant le corps de coups de pied. L'existence de l'assassin était effroyable, depuis le jour oÃÂč ThérÚse avait eu l'infernale invention d'avoir des remords et de pleurer tout haut Camille. A partir de ce moment, le misérable vécut éternellement avec sa victime; à chaque heure, il dut entendre sa femme louant et regrettant son premier mari. La moindre circonstance devenait un prétexte Camille faisait ceci, Camille faisait cela, Camille avait telle qualité, Camille aimait de telle maniÚre. Toujours Camille, toujours des phrases attristées qui pleuraient sur la mort de Camille. ThérÚse employait toute sa méchanceté à rendre plus cruelle cette torture qu'elle infligeait à Laurent pour se sauvegarder elle-mÃÂȘme. Elle descendit dans les détails les plus intimes, elle conta les mille riens de sa jeunesse avec des soupirs de regret, et mÃÂȘla ainsi le souvenir du noyé à chacun des actes de la vie journaliÚre. Le cadavre, qui hantait déjà la maison, y fut introduit ouvertement. Il s'assit sur les siÚges, se mit devant la table, s'étendit dans le lit, se servit des meubles, des objets qui traÃnaient. Lauréat ne pouvait toucher une fourchette, une brosse, n'importe quoi, sans que ThérÚse lui fÃt sentir que Camille avait touché cela avant lui. Sans cesse heurté contre l'homme qu'il avait tué, le meurtrier finit par éprouver une sensation bizarre qui faillit le rendre fou; il s'imagina, à force d'ÃÂȘtre comparé à Camille, de se servir des objets dont Camille s'était servi, qu'il était Camille, qu'il s'identifiait avec sa victime. Son cerveau éclatait, et alors il se ruait sur sa femme pour la faire taire, pour ne plus entendre les paroles qui le poussaient au délire. Toutes leurs querelles se termineraient par des coups. XXX Il vint une heure oÃÂč Mme Raquin, pour échapper aux souffrances qu'elle endurait, eut la pensée de se laisser mourir de faim. Son courage était à bout, elle ne pouvait supporter plus longtemps le martyre que lui imposait la continuelle présence des meurtriers, elle rÃÂȘvait de chercher dans la mort un soulagement suprÃÂȘme. Chaque jour ses angoisses devenaient plus vives, lorsque ThérÚse l'embrassait, lorsque Laurent la prenait dans ses bras et la portait comme un enfant. Elle décida qu'elle échapperait à ces caresses et à ces étreintes qui lui causaient d'horribles dégoûts. Puisqu'elle ne vivait déjà plus assez pour venger son fils, elle préférait ÃÂȘtre tout à fait morte et ne laisser entre les mains des assassins qu'un cadavre qui ne sentirait rien et dont ils feraient ce qu'ils voudraient. Pendant deux jours elle refusa toute nourriture, mettant ses derniÚres forces à serrer les dents, rejetant ce qu'on réussissait à lui introduire dans la bouche. ThérÚse était désespérée elle se demandait au pied de quelle borne elle irait pleurer et se repentir, quand sa tante ne serait plus là . Elle lui tint d'interminables discours pour lui prouver qu'elle devait vivre; elle pleura, elle se fùcha mÃÂȘme, retrouvant ses anciennes colÚres, ouvrant les mùchoires de la paralytique comme on ouvre celles d'un animal qui résiste. Mme Raquin tenait bon. C'était une lutte odieuse. Laurent restait parfaitement neutre et indifférent. Il s'étonnait de la rage que ThérÚse mettait à empÃÂȘcher le suicide de l'impotente. Maintenant que la présence de la vieille femme leur était inutile, il souhaitait sa mort. Il ne l'aurait pas tuée, mais puisqu'elle désirait mourir, il ne voyait pas la nécessité de lui en refuser les moyens. -Eh! laisse-la donc, criait-il à sa femme. Ce sera un bon débarras.... Nous serons peut-ÃÂȘtre plus heureux, quand elle ne sera plus là . Cette parole, répétée à plusieurs reprises devant elle, causa à Mme Raquin une étrange émotion. Elle eut peur que l'espérance de Laurent ne se réalisùt, qu'aprÚs sa mort le ménage ne goûtùt des heures calmes et heureuses. Elle se dit qu'elle était lùche de mourir, qu'elle n'avait pas le droit de s'en aller avant d'avoir assisté au dénoûment de la sinistre aventure. Alors seulement elle pourrait descendre dans la nuit, pour dire à Camille;  Tu es vengé. » La pensée du suicide lui devint lourde, lorsqu'elle songea tout d'un coup à l'ignorance qu'elle emporterait dans la tombe; là , au milieu du froid et du silence de la terre, elle dormirait, éternellement tourmentée par l'incertitude oÃÂč elle serait du chùtiment de ses bourreaux. Pour bien dormir du sommeil de la mort, il lui fallait s'assoupir dans la joie cuisante de la vengeance, il lui fallait emporter un rÃÂȘve de haine satisfaite, un rÃÂȘve qu'elle ferait pendant l'éternité. Elle prit les aliments que sa niÚce lui présentait, elle consentira vivre encore. D'ailleurs, elle voyait bien que le dénoûment ne pouvait ÃÂȘtre loin. Chaque jour, la situation entre les époux devenait plus tendue, plus insoutenable. Un éclat, qui devait tout briser, était imminent. ThérÚse et Laurent se dressaient plus menaçants l'un devant l'autre, à toute heure. Ce n'était plus seulement la nuit qu'ils souffraient de leur intimité; leurs journées entiÚres se passaient au milieu d'anxiétés, de crises déchirantes. Tout leur devenait effroi et souffrance. Ils vivaient dans un enfer, se meurtrissant, rendant amer et cruel ce qu'ils faisaient et ce qu'ils disaient, voulant se pousser l'un l'autre au fond du gouffre qu'ils sentaient sous leurs pieds, et tombant à la fois. La pensée de la séparation leur était bien venue à tous deux. Ils avaient rÃÂȘvé, chacun de son cÎté, de fuir, d'aller goûter quelque repos, loin de ce passage du Pont-Neuf dont l'humidité et la crasse semblaient faites pour leur vie désolée. Mais ils n'osaient, ils ne pouvaient se sauver. Ne point se déchirer mutuellement, ne point rester là pour souffrir et se faire souffrir, leur paraissait impossible. Ils avaient l'entÃÂȘtement de la haine et de la cruauté. Une sorte de répulsion et d'attraction les écartait et les retenait à la fois; ils éprouvaient cette sensation étrange de deux personnes qui, aprÚs s'ÃÂȘtre querellées, veulent se séparer, et qui cependant reviennent toujours pour se crier de nouvelles injures. Puis des obstacles matériels s'opposaient à leur fuite, ils ne savaient que faire de l'impotente, ni que dire aux invités du jeudi. S'ils fuyaient, peut-ÃÂȘtre se douterait-on de quelque chose; alors ils s'imaginaient qu'on les poursuivait, qu'on les guillotinait. Et ils restaient par lùcheté, ils restaient et se traÃnaient misérablement dans l'horreur de leur existence. Quand Laurent n'était pas là , pendant la matinée et l'aprÚs-midi, ThérÚse allait de la salle à manger à la boutique, inquiÚte et troublée, ne sachant comment remplir le vide qui chaque jour se creusait davantage en elle. Elle était désoeuvrée, lorsqu'elle ne pleurait pas aux pieds de Mme Raquin ou qu'elle n'était pas battue et injuriée par son mari. DÚs qu'elle se trouvait seule dans la boutique, un accablement la prenait, elle regardait d'un air hébété les gens qui traversaient la galerie sale et noire, elle devenait triste à mourir au fond de ce caveau sombre, puant le cimetiÚre. Elle finit par prier Suzanne de venir passer les journées entiÚres avec elle, espérant que la présence de cette pauvre créature, douce et pùle, la calmerait. Suzanne accepta son offre avec joie; elle l'aimait toujours d'une sorte d'amitié respectueuse; depuis longtemps elle avait le désir de venir travailler avec elle, pendant qu'Olivier était à son bureau. Elle apporta sa broderie et prit, derriÚre le comptoir, la place vide de Mme Raquin. ThérÚse, à partir de ce jour, délaissa un peu sa tante. Elle monta moins souvent pleurer sur ses genoux et baiser sa face morte. Elle avait une autre occupation. Elle écoutait avec des efforts d'intérÃÂȘt les bavardages lents de Suzanne qui parlait de son ménage, des banalités de sa vie monotone. Cela la tirait d'elle-mÃÂȘme. Elle se surprenait parfois Ã¥ s'intéresser à des sottises, ce qui la faisait ensuite sourire amÚrement. Peu à peu, elle perdit toute la clientÚle qui fréquentait la boutique. Depuis que sa tante était étendue en haut dans son fauteuil, elle laissait le magasin se pourrir, elle abandonnait les marchandises à la poussiÚre et à l'humidité. Des odeurs de moisi traÃnaient, des araignées descendaient du plafond, le parquet n'était presque jamais balayé. D'ailleurs, ce qui mit en fuite les clientes fut l'étrange façon dont ThérÚse les recevait parfois. Lorsqu'elle était en haut, battue par Laurent ou secouée par une crise d'effroi, et que la sonnette de la porte du magasin tintait impérieusement, il lui fallait descendre, sans presque prendre le temps de renouer ses cheveux ni d'essuyer ses larmes; elle servait alors avec brusquerie la cliente qui l'attendait, elle s'épargnait mÃÂȘme souvent la peine de la servir, en répondant, du haut de l'escalier de bois, qu'elle ne tenait plus de ce dont on demandait. Ces façons peu engageantes n'étaient pas faites pour retenir les gens. Les petites ouvriÚres du quartier, habituées aux amabilités doucereuses de Mme Raquin, se retirÚrent devant les rudesses et les regards fous de ThérÚse. Quand cette derniÚre eut pris Suzanne avec elle, la défection fut complÚte les deux jeunes femmes, pour ne plus ÃÂȘtre dérangées au milieu de leurs bavardages, s'arrangÚrent de maniÚre à congédier les derniÚres acheteuses qui se présentaient encore. DÚs lors, le commerce de mercerie cessa de fournir un sou aux besoins du ménage; il fallut attaquer le capital des quarante et quelques mille francs. Parfois, ThérÚse sortait pendant des aprÚs-midi entiÚres. Personne ne savait oÃÂč elle allait. Elle avait sans doute pris Suzanne avec elle, non seulement pour lui tenir compagnie, mais aussi pour garder la boutique, pendant ses absences. Le soir, quand elle rentrait, éreintée, les paupiÚres noires d'épuisement, elle retrouvait la petite femme d'Olivier, derriÚre le comptoir, affaissée, souriant d'un sourire vague, dans la mÃÂȘme attitude oÃÂč elle l'avait laissée cinq heures auparavant. Cinq mois environ aprÚs son mariage, ThérÚse eut une épouvante. Elle acquit la certitude qu'elle était enceinte. La pensée d'avoir un enfant de Laurent lui paraissait monstrueuse, sans qu'elle s'expliquùt pourquoi. Elle avait vaguement peur d'accoucher d'un noyé. Il lui semblait sentir dans ses entrailles le froid d'un cadavre dissous et amolli. A tout prix, elle voulut débarrasser son sein de cet enfant qui la glaçait et qu'elle ne pouvait porter davantage. Elle ne dit rien à son mari, et, un jour, aprÚs l'avoir cruellement provoqué, comme il levait le pied contre elle, elle présenta le ventre. Elle se laissa frapper ainsi à en mourir. Le lendemain, elle faisait une fausse couche. De son cÎté, Laurent menait une existence affreuse. Les journées lui semblaient d'une longueur insupportable; chacune d'elles ramenait les mÃÂȘmes angoisses, les mÃÂȘmes ennuis lourds, qui l'accablaient à heures fixes avec une monotonie et une régularité écrasantes. Il se traÃnait dans sa vie, épouvanté chaque soir par le souvenir de la journée et par l'attente du lendemain. Il savait que, désormais, tous ses jours se ressembleraient, que tous lui apporteraient d'égales souffrances. Et il voyait les semaines, les mois, les années qui l'attendaient, sombres et implacables, venant à la file, tombant sur lui et l'étouffant peu à peu. Lorsque l'avenir est sans espoir, le présent prend une amertume ignoble. Laurent n'avait plus de révolte, il s'avachissait, il s'abandonnait au néant qui s'emparait déjà de son ÃÂȘtre. L'oisiveté le tuait. DÚs le matin, il sortait, ne sachant oÃÂč aller, écoeuré à la pensée de faire ce qu'il avait fait la veille, et forcé malgré lui de le faire de nouveau. Il se rendait à son atelier, par habitude, par manie. Cette piÚce, aux murs gris, d'oÃÂč l'on ne voyait qu'un carré désert de ciel, l'emplissait d'une tristesse morne. Il se vautrait sur son divan, les bras pendants, la pensée alourdie. D'ailleurs, il n'osait plus toucher à un pinceau. Il avait fait de nouvelles tentatives, et toujours la face de Camille s'était mise à ricaner sur la toile. Pour ne pas glisser à la folie, il finit par jeter sa botte à couleurs dans un coin, par s'imposer la paresse la plus absolue. Cette paresse forcée lui était d'une lourdeur L'aprÚs-midi, il se questionnait avec angoisse pour savoir ce qu'il ferait. Il restait pendant une demi-heure sur le trottoir de la rue Mazarine, à se consulter, à hésiter sur les distractions qu'il pourrait prendre. Il repoussait l'idée de remonter à son atelier, il se décidait toujours à descendre la rue Guénégaud, puis à marcher le long des quais. Et, jusqu'au soir, il allait devant lui, hébété, pris de frissons brusques, lorsqu'il regardait la Seine. Qu'il fût dans son atelier ou dans les rues, son accablement était le mÃÂȘme. Le lendemain, il recommençait, il passait la matinée sur son divan, il se traÃnait l'aprÚs-midi le long des quais. Cela durait depuis des mois, et cela pouvait durer pendant des années. Parfois Laurent songeait qu'il avait tué Camille pour ne rien faire ensuite, et il était tout étonné, maintenant qu'il ne faisait rien, d'endurer de telles souffrances. Il aurait voulu se forcer au bonheur. Il se prouvait qu'il avait tort de souffrir, qu'il venait d'atteindre la suprÃÂȘme félicité, qui consiste à se croiser les bras, et qu'il était un imbécile de ne pas goûter en paix cette félicite. Mais ses raisonnements tombaient devant les faits. Il était obligé de s'avouer au fond de lui que son oisiveté rendait ses angoisses plus cruelles en lui laissant toutes les heures de sa vie pour songer à ses désespoirs et en approfondir l'ùpreté incurable. La paresse, cette existence de brute qu'il avait rÃÂȘvée, était son chùtiment. Par moments, il souhaitait avec ardeur une occupation qui le tirùt de ses pensées. Puis il se laissait aller, il retombait sous le poids de la fatalité sourde qui lui liait les membres pour l'écraser plus sûrement. A la vérité, il ne goûtait quelque soulagement que lorsqu'il battait ThérÚse, le soir. Cela le faisait sortir de sa douleur engourdie. Sa souffrance la plus aiguÃ, souffrance physique et morale, lui venait de la morsure que Camille lui avait faite au cou. A certains moments, il s'imaginait que cette cicatrice lui couvrait tout le corps. S'il venait à oublier le passé, une piqûre ardente, qu'il croyait ressentir, rappelait le meurtre à sa chair et à son esprit. Il ne pouvait se mettre devant un miroir sans voir s'accomplir le phénomÚne qu'il avait si souvent remarqué et qui l'épouvantait toujours; sous l'émotion qu'il éprouvait, le sang montait à son cou, empourprait la plaie, qui se mettait à lui ronger la peau. Cette sorte de blessure vivant sur lui, se réveillant, rougissant et le mordant au moindre trouble, l'effrayait et le torturait. Il finissait par croire que les dents du noyé avaient enfoncé là une bÃÂȘte qui le dévorait. Le morceau de son cou oÃÂč se trouvait la cicatrice ne lui semblait plus appartenir à son corps; c'était comme de la chair étrangÚre qu'on aurait collée en cet endroit, comme une chair empoisonnée qui pourrissait ses propres muscles. Il portait ainsi partout avec lui le souvenir vivant et dévorant de son crime. ThérÚse, quand il la battait, cherchait à l'égratigner à cette place; elle y entrait parfois ses ongles et le faisait hurler de douleur. D'ordinaire, elle feignait de sangloter, dÚs qu'elle voyait la morsure, afin de la rendre plus insupportable à Laurent. Toute la vengeance qu'elle tirait de ses brutalités était de le martyriser à l'aide de cette morsure. Il avait bien des fois été tenté, lorsqu'il se rasait, de s'entamer le cou, pour faire disparaÃtre les marques des dents du noyé. Devant le miroir, quand il levait le menton et qu'il apercevait la tache rouge, sous la mousse blanche du savon, il lui prenait des rages soudaines, il approchait vivement le rasoir, prÚs de couper en pleine chair. Mais le froid du rasoir sur sa peau le rappelait toujours à lui; il avait une défaillance, il était obligé de s'asseoir et d'attendre que sa lùcheté rassurée lui permÃt d'achever de se faire la barbe. Il ne sortait, le soir, de son engourdissement, que pour entrer dans des colÚres aveugles et puériles. Lorsqu'il était las de se quereller avec ThérÚse et de la battre, il donnait, comme les enfants, des coups de pied dans les murs, il cherchait quelque chose à briser. Cela le soulageait. Il avait une haine particuliÚre pour le chat tigré François qui, dÚs qu'il arrivait, allait se réfugier sur les genoux de l'impotente. Si Laurent ne l'avait pas encore tué, c'est qu'à la vérité il n'osait le saisir. Le chat le regardait avec de gros yeux ronds d'une fixité diabolique. C'étaient ces yeux, toujours ouverts sur lui, qui exaspéraient le jeune homme; il se demandait ce que lui voulaient ces yeux qui ne le quittaient pas; il finissait pas avoir de véritables épouvantes, s'imaginant des choses absurdes. Lorsqu'à table, à n'importe quel moment, au milieu d'une querelle ou d'un long silence, il venait tout à coup, en tournant la tÃÂȘte, à apercevoir les regards de François qui l'examinait d'un air lourd et implacable, il pùlissait, il perdait la tÃÂȘte, il était sur le point de crier au chat  Hé! parle donc, dis-moi au moins ce que tu me veux. » Quand il pouvait lui écraser une patte ou la queue, il le faisait avec une joie effrayée, et alors le miaulement de la pauvre bÃÂȘte le remplissait d'une vague terreur, comme s'il eût entendu le cri de douleur d'une personne. Laurent, à la lettre, avait peur de François. Depuis surtout que ce dernier vivait sur les genoux de l'impotente, comme au sein d'une forteresse inexpugnable, d'oÃÂč il pouvait impunément braquer ses yeux verts sur son ennemi, le meurtrier de Camille établissait une vague ressemblance entre cette bÃÂȘte irritée et la paralytique. Il se disait que le chat, ainsi que Mme Raquin, connaissait le crime et le dénoncerait, si jamais il parlait un jour. Un soir enfin, François regarda si fixement Laurent, que celui-ci, au comble de l'irritation, décida qu'il fallait en finir. Il ouvrit toute grande la fenÃÂȘtre de la salle à manger, et vint prendre le chat par la peau du cou. Mme Raquin comprit; deux grosses larmes coulÚrent sur ses joues. Le chat se mit à gronder, à se roidir, en tùchant de se retourner pour mordre la main de Laurent. Mais celui-ci tint bon; il lui fÃt faire deux ou trois tours, puis l'envoya de toute la force de son bras contre la muraille noire d'en face. François s'y aplatit, s'y cassa les reins, et retomba sur le vitrage du passage. Pendant toute la nuit, la misérable bÃÂȘte se traÃna le long de la gouttiÚre, l'échine brisée, en poussant des miaulements rauques. Cette nuit-là , Mme Raquin pleura François presque autant qu'elle avait pleuré Camille; ThérÚse eut une atroce crise de nerfs. Les plaintes du chat étaient sinistres, dans l'ombre, sous les fenÃÂȘtres. BientÎt Laurent eut de nouvelles inquiétudes, Il s'effraya de certains changements qu'il remarqua dans l'attitude de sa femme. ThérÚse devint sombre, taciturne. Elle ne prodigua plus à Mme Raquin des effusions de repentir, des baisers reconnaissants. Elle reprenait devant la paralytique des airs de cruauté froide, d'indifférence égoïste. On eût dit qu'elle avait essayé du remords, et que, le remords n'ayant pas réussi à la soulager, elle s'était tournée vers un autre remÚde. Sa tristesse venait sans doute de son impuissance à calmer sa vie. Elle regarda l'impotente avec une sorte de dédain, comme une chose inutile qui ne pouvait mÃÂȘme plus servir à sa consolation. Elle ne lui accorda que les soins nécessaires pour ne pas la laisser mourir de faim. A partir de ce moment, muette, accablée, elle se traÃna dans la maison. Elle multiplia ses sorties, s'absenta jusqu'à quatre et cinq fois par semaine. Ces changements surprirent et alarmÚrent Laurent. Il crut que le remords, prenant une nouvelle forme chez ThérÚse, se manifestait maintenant par cet ennui morne qu'il remarquait en elle. Cet ennui lui parut bien plus inquiétant que le désespoir bavard dont elle l'accablait auparavant. Elle ne disait plus rien, elle ne le querellait plus, elle semblait tout garder au fond de son ÃÂȘtre. Il aurait mieux aimé l'entendre épuiser sa souffrance que de la voir ainsi repliée sur elle-mÃÂȘme. Il craignit qu'un jour l'angoisse ne l'étouffùt et que, pour se soulager, elle n'allùt tout conter à un prÃÂȘtre ou à un juge d'instruction. Les nombreuses sorties de ThérÚse prirent alors une effrayante signification à ses yeux. Il pensa qu'elle cherchait un confident au dehors, qu'elle préparait sa trahison. A deux reprises il voulut la suivre, et la perdit dans les rues. Il se mit à la guetter de nouveau. Une pensée fixe s'était emparée de lui ThérÚse allait faire des révélations, poussée à bout par la souffrance, et il lui fallait la bùillonner, arrÃÂȘter les aveux dans sa gorge. XXXI Un matin, Laurent, au lieu de monter à son atelier, s'établit chez un marchand de vin qui occupait un des coins de la rue Guénégaud, en face du passage. De là , il se mit à examiner les personnes qui débouchaient sur le trottoir de la rue Mazarine. Il guettait ThérÚse. La veille, la jeune femme avait dit qu'elle sortirait de bonne heure et qu'elle ne rentrerait sans doute que le soir. Laurent attendit une grande demi-heure, il savait que sa femme s'en allait toujours par la rue Mazarine; un moment, pourtant, il craignit qu'elle ne lui eût échappé en prenant la rue de Seine. Il eut l'idée de rentrer dans la galerie, de se cacher dans l'allée mÃÂȘme de la maison. Comme il s'impatientait, il vit ThérÚse sortir vivement du passage. Elle était vÃÂȘtue d'étoffes claires, et pour la premiÚre fois, il remarqua qu'elle s'habillait comme une fille, avec une robe à longue traÃne; elle se dandinait sur le trottoir d'une façon provocante, regardant les hommes, relevant si haut le devant de sa jupe, en la prenant, à poignée, qu'elle montrait tout le devant de ses jambes, ses bottines lacées et ses bas blancs. Elle remonta la rue Mazarine. Laurent la suivit. Le temps était doux, la jeune femme marchait lentement, la tÃÂȘte un peu renversée, les cheveux dans le dos. Les hommes qui l'avaient regardée de face se retournaient pour la voir par derriÚre. Elle prit la rue de l'École-de-Médecine. Laurent fut terrifié; il savait qu'il y avait quelque part prÚs de là un commissariat de police; il se dit qu'il ne pouvait plus douter, que sa femme allait sûrement le livrer. Alors il se promit de s'élancer sur elle, si elle franchissait la porte du commissariat, de la supplier, de la battre, de la forcer à se taire. Au coin d'une rue, elle regarda un sergent de ville qui passait, et il trembla de lui voir aborder ce sergent de ville; il se cacha dans le creux d'une porte, saisi de la crainte soudaine d'ÃÂȘtre arrÃÂȘté sur-le-champ s'il se montrait. Cette course fut pour lui une véritable agonie; tandis que sa femme s'étalait au soleil sur le trottoir, traÃnant ses jupes, nonchalante et impudique, il venait derriÚre elle, pùle et frémissant, se répétant que tout était fini, qu'il ne pourrait se sauver et qu'on le guillotinerait. Chaque pas qu'il lui voyait faire lui semblait un pas de plus vers le chùtiment. La peur lui donnait une sorte de conviction aveugle, les moindres mouvements de la jeune femme ajoutaient à sa certitude. Il la suivait, il allait oÃÂč elle allait comme on va au supplice. Brusquement, en débouchant sur l'ancienne place Saint-Michel, ThérÚse se dirigea vers un café qui faisait alors le coin de la rue Monsieur-le-Prince. Elle s'assit au milieu d'un groupe de femmes et d'étudiants, à une des tables posées sur le trottoir. Elle donna familiÚrement des poignées de main à tout ce monde. Puis elle se fit servir une absinthe. Elle semblait à l'aise, elle causait avec un jeune homme blond, qui l'attendait sans doute là depuis quelque temps. Deux filles vinrent se pencher sur la table qu'elle occupait, et se mirent à la tutoyer de leur voix enrouée. Autour d'elle, les femmes fumaient des cigarettes, les hommes embrassaient les femmes en pleine rue, devant les passants, qui ne tournaient seulement pas la tÃÂȘte. Les gros mots, les rires gras arrivaient jusqu'à Laurent, demeuré immobile de l'autre cÎté de la place, sous une porte cochÚre. Lorsque ThérÚse eut achevé son absinthe, elle se leva, prit le bras du jeune homme blond et descendit la rue de la Harpe. Laurent les suivit jusqu'à la rue Saint-André-des-Arts. Là , il les vit entrer dans une maison meublée. Il resta au milieu de la chaussée, les yeux levés, regardant la façade de la maison. Sa femme se montra un instant à une fenÃÂȘtre ouverte du second étage. Puis il crut distinguer les mains du jeune homme blond qui se glissaient autour de la taille de ThérÚse. La fenÃÂȘtre se ferma avec un bruit sec. Laurent comprit. Sans attendre davantage, il s'en alla tranquillement, rassuré, heureux. -Bah! se disait-il en descendant vers les quais, cela vaut mieux. Comme ça, elle a une occupation, elle ne songe pas à mal.... Elle est diablement plus fine que moi. Ce qui l'étonnait, c'était de ne pas avoir eu le premier l'idée de se jeter dans le vice. Il pouvait y trouver un remÚde contre la terreur. Il n'y avait pas pensé, parce que sa chair était morte, et qu'il ne se sentait plus le moindre appétit de débauche. L'infidélité de sa femme le laissait parfaitement froid; il n'éprouvait aucune révolte de sang et de nerfs à la pensée qu'elle se trouvait entre les bras d'un autre homme. Au contraire, cela lui paraissait plaisant il lui semblait qu'il avait suivi la femme d'un camarade et il riait du bon tour que cette femme jouait à son mari. ThérÚse lui était devenue étrangÚre à ce point, qu'il ne l'entendait plus vivre dans sa poitrine; il l'aurait vendue et livrée cent fais pour acheter une heure de calme. Il se mit à flùner, jouissant de la réaction brusque et heureuse qui venait de le faire passer de l'épouvante à la paix. Il remerciait presque sa femme d'ÃÂȘtre allée chez un amant lorsqu'il croyait qu'elle se rendait chez un commissaire de police. Cette aventure avait un dénouement tout imprévu qui le surprenait d'une façon agréable. Ce qu'il vit de plus clair dans tout cela, c'est qu'il avait eu tort de trembler, et qu'il devait à son tour goûter du vice pour voir si le vice ne le soulagerait pas en étourdissant ses pensées. Le soir, Laurent, en revenant à la boutique, décida qu'il demanderait quelques milliers de francs à sa femme et qu'il emploierait les grands moyens pour les obtenir. Il pensait que le vice coûte cher à un homme, il enviait vaguement le sort des filles qui peuvent se vendre. Il attendit patiemment ThérÚse, qui n'était pas encore rentrée. Quand elle arriva, il joua la douceur, il ne lui parla pas de son espionnage du matin. Elle était un peu grise il s'échappait de ses vÃÂȘtements mal rattachés cette senteur ùcre de tabac et de liqueur qui traÃne dans les estaminets. Éreintée, la face marbrée de plaques livides, elle chancelait, tout alourdie par la fatigue honteuse de la journée. Le dÃner fut silencieux. ThérÚse ne mangea pas. Au dessert, Laurent posa les coudes sur la table et lui demanda carrément cinq mille -Non, répondit-elle avec sécheresse. Si je te laissais libre, tu nous mettrais sur la paille.... Ignores-tu notre position? Nous allons tout droit à la misÚre. -C'est possible, reprit-il tranquillement, cela m'est égal, je veux de l'argent. -Non, mille fois non!... Tu as quitté ta place, le commerce de mercerie ne marche plus du tout, et ce n'est pas avec les rentes de ma dot que nous pouvons vivre. Chaque jour j'entame le capital pour te nourrir et te donner les cent francs par mois que tu m'as arrachés. Tu n'auras pas davantage, entends-tu? C'est inutile! -Réfléchis, ne refuse pas comme ça. Je te dis que je veux cinq mille francs, et je les aurai, tu me les donneras quand mÃÂȘme. Cet entÃÂȘtement tranquille irrita ThérÚse et acheva de la soûler. -Ah! je sais, cria-t-elle, tu veux finir comme tu as commencé.... Il y a quatre ans que nous t'entretenons. Tu n'es venu chez nous que pour manger et pour boire, et, depuis ce temps, tu es à notre charge. Monsieur ne fait rien, Monsieur s'est arrangé de façon à vivre à mes dépens, les bras croisés.... Non tu n'auras rien, pas un sou.... Veux-tu que je te le dise, eh bien! tu es un.... Et elle dit le mot. Laurent se mit à rire en haussant les épaules. Il se contenta de répondre -Tu apprends de jolis mots dans le monde oÃÂč tu vis maintenant. Ce fut la seule allusion qu'il se permit de faire aux amours de ThérÚse. Celle-ci redressa vivement la tÃÂȘte et dit d'un ton aigre -En tout cas, je ne vis pas avec des assassins. Laurent devint trÚs pùle. Il garda un instant le silence, les yeux fixés sur sa femme; puis, d'une voix tremblante -Écoute, ma fille, reprit-il, ne nous fùchons pas; cela ne vaudrait rien, ni pour toi, ni pour moi. Je suis à bout de courage. Il serait prudent de nous entendre, si nous ne voulons pas qu'il nous arrive malheur.... Je t'ai demandé cinq mille francs, parce que j'en ai besoin; je puis mÃÂȘme te dire que je compte les employer à assurer notre tranquillité. Il eut un étrange sourire et continua -Voyons, réfléchis, donne-moi ton dernier mot. -C'est tout réfléchi, répondit la jeune femme, je te l'ai dit, tu n'auras pas un sou. Son mari se leva avec violence. Elle eut peur d'ÃÂȘtre battue; elle se fit toute petite, décidée à ne pas céder sous les coups. Mais Laurent ne s'approcha mÃÂȘme pas, il se contenta de lui déclarer froidement qu'il était las de la vie et qu'il allait conter l'histoire du meurtre au commissaire de police du quartier. -Tu me pousses à bout, dit-il, tu me rends l'existence insupportable. Je préfÚre en finir.... Nous serons jugés et condamnés tous deux. Voilà tout. -Crois-tu me faire peur? lui cria sa femme. Je suis tout aussi lasse que toi. C'est moi qui vais aller chez le commissaire de police, si tu n'y vas pas. Ah! bien, je suis prÃÂȘte à te suivre sur l'échafaud, je n'ai pas ta lùcheté.... Allons, viens avec moi chez le commissaire. Elle s'était levée, elle se dirigeait déjà vers l'escalier. -C'est cela, balbutia Laurent, allons-y ensemble. Quand ils furent descendus dans la boutique, ils se regardÚrent, inquiets, effrayés. Il leur sembla qu'on venait de les clouer au sol. Les quelques secondes qu'ils avaient mises à franchir l'escalier de bois leur avaient suffi pour leur montrer, dans un éclair, les conséquences d'un aveu. Ils virent en mÃÂȘme temps les gendarmes, la prison, la cour d'assises, la guillotine, tout cela brusquement et nettement. Et, au fond de leur ÃÂȘtre, ils éprouvaient des défaillances, ils étaient tentés de se jeter aux genoux l'un de l'autre, pour se supplier de rester, de ne rien révéler. La peur, l'embarras les tinrent immobiles et muets pendant deux ou trois minutes. Ce fut ThérÚse qui se décida la premiÚre à parler et à céder. -AprÚs tout, dit-elle, je suis bien bÃÂȘte de te disputer cet argent. Tu arriveras toujours à me le manger un jour ou l'autre. Autant vaut-il que je te le donne tout de suite. Elle n'essaya pas de déguiser davantage sa défaite. Elle s'assit au comptoir et signa un bon de cinq mille francs que Laurent devait toucher chez un banquier. Il ne fut plus question du commissaire, ce soir-là . DÚs que Laurent eut de l'or dans ses poches, il se grisa, fréquenta les filles, se traÃna au milieu d'une vie bruyante et affolée. Il découchait, dormait le jour, courait la nuit, recherchait les émotions fortes, tùchait d'échapper au réel. Mais il ne réussit qu'à s'affaisser davantage. Lorsqu'on criait autour de lui, il entendait le grand silence terrible qui était en lui; lorsqu'une maÃtresse l'embrassait, lorsqu'il vidait son verre, il ne trouvait au fond de l'assouvissement qu'une tristesse lourde. Il n'était plus fait pour la luxure et la gloutonnerie; son ÃÂȘtre refroidi, comme rigide à l'intérieur, s'énervait sous les baisers et dans les repas. Écoeurer a l'avance, il ne parvenait point à se monter l'imagination, à exciter ses sens et son estomac. Il souffrait un peu plus en se forçant à la débauche, et c'était tout. Puis, quand il rentrait, quand il revoyait Mme Raquin et ThérÚse, sa lassitude le livrait à des crises affreuses de terreur; il jurait alors de ne plus sortir, de rester dans sa souffrance pour s'y habituer et la vaincre. De son cÎté, ThérÚse sortit de moins en moins. Pendant un mois, elle vécut comme Laurent, sur les trottoirs, dans les cafés. Elle rentrait un instant, le soir, faisait manger Mme Raquin, la couchait, et s'absentait de nouveau jusqu'au lendemain. Elle et son mari restÚrent, une fois, quatre jours sans se voir. Puis elle eut des dégoûts profonds, elle sentit que le vice ne lui réussissait pas plus que la comédie du remords. Elle s'était en vain traÃnée dans tous les hÎtels garnis du quartier latin, elle avait en vain mené une vie sale et tapageuse. Ses nerfs étaient brisés, la débauche, les plaisirs physiques ne lui donnaient plus de secousses assez violentes pour lui procurer l'oubli. Elle était comme un de ces ivrognes dont le palais brûlé reste insensible, sous le feu des liqueurs les plus fortes. Elle restait inerte dans la luxure, elle n'allait plus chercher auprÚs de ses amants qu'ennui et lassitude. Alors elle les quitta, se disant qu'ils lui étaient inutiles. Elle fut prise d'une paresse désespérée qui la retint au logis, en jupon malpropre, dépeignée, la figure et les mains sales. Elle s'oublia dans la crasse. Lorsque les deux meurtriers se retrouvÚrent ainsi face à face, lassés, ayant épuisé tous les moyens de se sauver l'un de l'autre, ils comprirent qu'ils n'auraient plus la force de lutter. La débauche n'avait pas voulu d'eux et venait de les rejeter à leurs angoisses. Ils étaient de nouveau dans le logement froid et humide du passage, ils y étaient comme emprisonnés désormais, car souvent ils avaient tenté le salut, et jamais ils n'avaient pu briser le lien sanglant qui les liait. Ils ne songÚrent mÃÂȘme plus à essayer une besogne impossible. Ils se sentirent tellement poussés, écrasés, attachés ensemble par les faits, qu'ils eurent conscience que toute révolte serait ridicule. Ils reprirent leur vie commune, mais leur haine devint de la rage furieuse. Les querelles du soir recommencÚrent. D'ailleurs les coups, les cris duraient tout le jour. A la haine vint se joindre la méfiance, et la méfiance acheva de les rendre fous. Ils eurent peur l'un de l'autre. La scÚne qui avait suivi la demande des cinq mille francs, se reproduisit bientÎt matin et soir. Leur idée fixe était qu'ils voulaient se livrer mutuellement. Ils ne sortaient pas de là . Quand l'un d'eux disait une parole, faisait un geste, l'autre s'imaginait qu'il avait le projet d'aller chez le commissaire de police. Alors, ils se battaient ou ils s'imploraient. Dans leur colÚre, ils criaient qu'ils couraient tout révéler, ils s'épouvantaient à en mourir; puis ils frissonnaient, ils s'humiliaient, ils se promettaient avec des larmes amÚres de garder le silence. Ils souffraient horriblement, mais ils ne se sentaient pas le courage de se guérir en posant un fer rouge sur la plaie. S'ils se menaçaient de confesser le crime, c'était uniquement pour se terrifier et s'en Îter la pensée, car jamais ils n'auraient eu la force de parler et de chercher la paix dans le chùtiment. A plus de vingt reprises, ils allÚrent jusqu'à la porte du commissariat de police, l'un suivant l'autre. TantÎt c'était Laurent qui voulait avouer le meurtre, tantÎt c'était ThérÚse qui courait se livrer. Et ils se rejoignaient toujours dans la rue, et ils se décidaient toujours à attendre encore, aprÚs avoir échangé des insultes et des priÚres ardentes. Chaque nouvelle crise les laissait plus soupçonneux et plus farouches. Du matin au soir, ils s'espionnaient. Laurent ne quittait plus le logement du passage, et ThérÚse ne le laissait plus sortir seul. Leurs soupçons, leur épouvante des aveux, les rapprochÚrent, les unirent dans une intimité atroce. Jamais, depuis leur mariage, ils n'avaient vécu si étroitement liés l'un à l'autre, et jamais ils n'avaient tant souffert. Mais, malgré les angoisses qu'ils s'imposaient, ils ne se quittaient pas des yeux, ils aimaient mieux endurer les douleurs les plus cuisantes, que de se séparer pendant une heure. Si ThérÚse descendait à la boutique, Laurent la suivait, par crainte qu'elle ne causùt avec une cliente; si Laurent se tenait sur la porte, regardant les gens qui traversaient le passage, ThérÚse se plaçait à cÎté de lui, pour voir s'il ne parlait à personne. Le jeudi soir, quand les invités étaient là , les meurtriers s'adressaient des regards suppliants, ils s'écoutaient avec terreur, s'attendant chacun à quelque aveu de son complice, donnant, aux phrases commencées des sens Un tel état de guerre ne pouvait durer davantage. ThérÚse et Laurent en arrivÚrent, chacun de son cÎté, à rÃÂȘver d'échapper par un nouveau crime aux conséquences de leur premier crime. Il fallait absolument que l'un d'eux disparût pour que l'autre goûtùt quelque repos. Cette réflexion leur vint en mÃÂȘme temps; tous deux sentirent la nécessité pressante d'une séparation, tous deux voulurent une séparation éternelle. Le meurtre, qui se présenta à leur pensée, leur sembla fatal, naturel, forcément amené par le meurtre de Camille. Ils ne le discutÚrent mÃÂȘme pas, ils en acceptÚrent le projet comme le seul moyen de salut. Laurent décida qu'il tuerait ThérÚse, parce que ThérÚse le gÃÂȘnait, qu'elle pouvait le perdre d'un mot et qu'elle lui causait des souffrances insupportables; ThérÚse décida qu'elle tuerait Laurent, pour les mÃÂȘmes raisons. La résolution bien arrÃÂȘtée d'un assassinat les calma un peu. Ils prirent leurs dispositions. D'ailleurs, ils agissaient dans la fiÚvre, sans trop de prudence; ils ne pensaient que vaguement aux conséquences probables d'un meurtre commis, sans que la fuite et l'impunité fussent assurées. Ils sentaient invinciblement le besoin de se tuer, ils obéissaient à ce besoin en brutes furieuses. Ils ne se seraient pas livrés pour leur premier crime, qu'ils avaient dissimulé avec tant d'habileté, et ils risquaient la guillotine, en en commettant un second, qu'ils ne songeaient seulement pas à cacher. Il y avait là une contradiction de conduite qu'ils ne voyaient mÃÂȘme point. Ils se disaient simplement que s'ils parvenaient à fuir, ils iraient vivre à l'étranger, aprÚs avoir pris tout l'argent. ThérÚse, depuis quinze à vingt jours, avait retiré les quelques milliers de francs qui restaient de sa dot, et les tenait enfermés dans un tiroir que Laurent connaissait. Ils ne se demandÚrent pas un instant ce que deviendrait Mme Raquin. Laurent avait rencontré, quelques semaines auparavant, un de ses anciens camarades de collÚge, alors préparateur chez un chimiste célÚbre qui s'occupait beaucoup de toxicologie. Ce camarade lui avait fait visiter le laboratoire oÃÂč il travaillait, lui montrant les appareils, lui nommant les drogues. Un soir, lorsqu'il se fut décidé au meurtre, Laurent, comme ThérÚse buvait devant lui un verre d'eau sucrée, se souvint d'avoir vu dans ce laboratoire un petit flacon de grÚs, contenant de l'acide prussique. En se rappelant ce que lui avait dit le jeune préparateur sur les effets terribles de ce poison qui foudroie et laisse peu de traces, il songea que c'était là le poison qu'il lui fallait. Le lendemain, il réussit à s'échapper, il rendit visite à son ami, et, pendant que celui-ci avait le dos tourné, il vola le petit flacon de grÚs. Le mÃÂȘme jour, ThérÚse profita de l'absence de Laurent pour faire repasser un grand couteau de cuisine, avec lequel on cassait le sucre, et qui était fort ébréché. Elle cacha le couteau dans un coin du XXXII Le jeudi qui suivit, la soirée chez les Raquin, comme les invités continuaient à appeler le ménage de leurs hÎtes, fut d'une gaieté toute particuliÚre. Elle se prolongea jusqu'à onze heures et demie. Grivet, en se retirant, déclara ne jamais avoir passé des heures plus agréables. Suzanne, qui était enceinte, parla tout le temps à ThérÚse de ses douleurs et de ses joies. ThérÚse semblait l'écouter avec un grand intérÃÂȘt; les yeux fixes, les lÚvres serrées, elle penchait la tÃÂȘte par moments ses paupiÚres, qui se baissaient, couvraient d'ombre tout son visage. Laurent, de son cÎté, prÃÂȘtait une attention soutenue aux récits du vieux Michaud et d'Olivier. Ces messieurs ne tarissaient pas, et Grivet ne parvenait qu'avec peine à placer un mot entre deux phrases du pÚre et du fils. D'ailleurs, il avait pour eux un certain respect; il trouvait qu'ils parlaient bien. Ce soir-là , la causerie ayant remplacé le jeu, il s'écria naïvement que la conversation de l'ancien commissaire de police l'amusait presque autant qu'une partie de dominos. Depuis prÚs de quatre ans que les Michaud et Grivet passaient les jeudis soir chez les Raquin, ils ne s'étaient pas fatigués une seule fois de ces soirées monotones qui revenaient avec une régularité énervante. Jamais ils n'avaient soupçonné un instant le drame qui se jouait dans cette maison, si paisible et si douce, lorsqu'ils y entraient. Olivier prétendait d'ordinaire, par une plaisanterie d'homme de police, que la salle à manger sentait l'honnÃÂȘte homme. Grivet, pour ne pas rester en arriÚre, l'avait appelée le Temple de la Paix. A deux ou trois reprises, dans les derniers temps, ThérÚse expliqua les meurtrissures qui lui marbraient le visage, en disant aux invités qu'elle était tombée. Aucun d'eux, d'ailleurs, n'aurait reconnu les marques du poing de Laurent; ils étaient convaincus que le ménage de leurs hÎtes était un ménage modÚle, tout de douceur et d'amour. La paralytique n'avait plus essayé de leur révéler les infamies qui se cachaient derriÚre la morne tranquillité des soirées du jeudi. En face des déchirements des meurtriers, devinant la crise qui devait éclater un jour ou l'autre, amenée par la succession fatale des événements, elle finit par comprendre que les faits n'avaient pas besoin d'elle. DÚs lors, elle s'effaça, elle laissa agir les conséquences de l'assassinat de Camille qui devaient tuer les assassins à leur tour. Elle pria seulement le ciel de lui donner assez de vie pour assister au dénoûment violent qu'elle prévoyait; son dernier désir était de repaÃtre ses regards du spectacle des souffrances suprÃÂȘmes qui briseraient ThérÚse et Laurent. Ce soir-là , Grivet vint se placer à cÎté d'elle et causa longtemps, faisant comme d'habitude les demandes et les réponses. Mais il ne put en tirer mÃÂȘme un regard. Lorsque onze heures et demie sonnÚrent, les invités se levÚrent vivement. -On est si bien chez vous, déclara Grivet, qu'on ne songe jamais à s'en aller. -Le fait est, appuya Michaud, que je n'ai jamais sommeil ici, moi qui me couche à neuf heures d'habitude. Olivier crut devoir placer sa plaisanterie. -Voyez-vous, dit-il, en montrant ses dents jaunes, ça sent les honnÃÂȘtes gens dans cette piÚce c'est pourquoi l'on y est si bien. Grivet, fùché d'avoir été devancé, se mit à déclamer, en faisant un geste emphatique -Cette piÚce est le Temple de la Paix. Pendant ce temps, Suzanne nouait les brides de son chapeau et disait à ThérÚse -Je viendrai demain matin à neuf heures. -Non, se hùta de répondre la jeune femme, ne venez que l'aprÚs-midi.... Je sortirai sans doute pendant la matinée. Elle parlait d'une voix étrange, troublée. Elle accompagna les invités jusque dans le passage, Laurent descendit aussi une lampe à la main. Quand ils furent seuls, les époux poussÚrent chacun un soupir de soulagement; une impatience sourde avait dû les dévorer pendant toute la soirée. Depuis la veille, ils étaient plus sombres, plus inquiets en face l'un de l'autre. Ils évitÚrent de se regarder, ils remontÚrent silencieusement. Leurs mains avaient de légers tremblements convulsifs, et Laurent fut obligé de poser la lampe sur la table, pour ne pas la laisser tomber. Avant de coucher Mme Raquin, ils avaient l'habitude de mettre en ordre la salle à manger, de préparer un verre d'eau sucrée pour la nuit, d'aller et de venir ainsi autour de la paralytique, jusqu'à ce que tout fût prÃÂȘt. Lorsqu'ils furent remontés, ce soir-là , ils s'assirent un instant, les yeux vagues, les lÚvres pùles. Au bout d'un silence -Eh bien! nous ne nous couchons pas? demanda Laurent qui semblait sortir en sursaut d'un rÃÂȘve. -Si, si, nous nous couchons, répondit ThérÚse en frissonnant, comme si elle avait eu grand froid. Elle se leva et prit la carafe. -Laisse, s'écria son mari d'une voix qu'il s'efforçait de rendre naturelle, je préparerai le verre d'eau sucrée.... occupe-toi de ta Il enleva la carafe des mains de sa femme et remplit un verre d'eau. Puis, se tournant à demi, il y vida le petit flacon de grÚs, en y mettant un morceau de sucre. Pendant ce temps, ThérÚse s'était accroupie devant le buffet; elle avait pris le couteau de cuisine et cherchait à le glisser dans une des grandes poches qui pendaient à sa A ce moment, cette sensation étrange qui prévient de l'approche d'un danger fit tourner la tÃÂȘte aux époux, d'un mouvement instinctif. Ils se regardÚrent. ThérÚse vit le flacon dans les mains de Laurent, et Laurent aperçut l'éclair blanc du couteau qui luisait entre les plis de la jupe de ThérÚse. Ils s'examinÚrent ainsi pendant quelques secondes, muets et froids, le mari prÚs de la table, la femme pliée devant le buffet. Ils comprenaient. Chacun d'eux resta glacé en retrouvant sa propre pensée chez son complice. En lisant mutuellement leur secret dessein sur leur visage bouleversé, ils se firent pitié et Mme Raquin, sentant que le dénouement était proche, les regardait avec des yeux fixes et aigus. Et brusquement ThérÚse et Laurent éclatÚrent en sanglots. Une crise suprÃÂȘme les brisa, les jeta dans les bras l'un de l'autre, faibles comme des enfants. Il leur sembla que quelque chose de doux et d'attendri s'éveillait dans leur poitrine. Ils pleurÚrent, sans parler, songeante la vie de boue qu'ils avaient menée et qu'ils mÚneraient encore, s'ils étaient assez lùches pour vivre. Alors, au souvenir du passé, ils se sentirent tellement las et écoeurés d'eux-mÃÂȘmes, qu'ils éprouvÚrent un besoin immense de repos, de néant. Ils échangÚrent un dernier regard, un regard de remerciement, en face du couteau et du verre de poison. ThérÚse prit le verre, le vida à moitié et le tendit à Laurent qui l'acheva d'un trait. Ce fut un éclair, Ils tombÚrent l'un sur l'autre, foudroyés, trouvant enfin une consolation dans la mort. La bouche de la jeune femme alla heurter, sur le cou de son mari, la cicatrice qu'avaient laissée les dents de Les cadavres restÚrent toute la nuit sur le carreau de la salle et manger, tordus, vautrés, éclairés de lueurs jaunùtres par les clartés de la lampe que l'abat-jour jetait sur eux. Et, pendant prÚs de douze heures, jusqu'au lendemain vers midi, Mme Raquin, roide et muette, les contempla à ses pieds, ne pouvant se rassasier les yeux, les écrasant de regards lourds. FIN
Coulerune dalle de bĂ©ton. Poser le sol. Comment faire une terrasse avec un petit budget ? Pour rĂ©nover une terrasse en pierre Ă  moindre coĂ»t, il est recommandĂ© de choisir des pierres reconstituĂ©es, Ă  partir de 20 € par mois (hors pose). Les pierres naturelles, comme le granit ou le grĂšs, sont plus chĂšres, 50 € HT par mois. Vous avez entamĂ© la construction de votre terrasse ? Il est vrai qu’à La RĂ©union, il est trĂšs agrĂ©able de passer du temps sur sa terrasse Ă©tĂ© comme hiver. C’est un lieu de vie chaleureux ! Cette terrasse, vous ĂȘtes en train de la bĂątir vous-mĂȘme et vous en ĂȘtes trĂšs fier ! Votre prochaine Ă©tape est le coulage de votre dalle de bĂ©ton? Alors cet article est fait pour vous. Nous vous expliquons comment couler une dalle en bĂ©ton pour votre terrasse Ă  La RĂ©union. 1. Le calcul de votre besoin en bĂ©ton Dans un premier temps, il est essentiel de connaĂźtre la quantitĂ© de bĂ©ton dont vous aurez besoin. Votre terrasse mesure 8 m de long et 4 m de large. Pour ĂȘtre construite de façon impeccable, l’épaisseur de votre dalle en bĂ©ton doit se situer entre 10 et 12 cm. Votre dalle est armĂ©e d’un treillis soudĂ©. Afin de calculer votre besoin en bĂ©ton, nous mettons Ă  votre disposition un calculateur bĂ©ton. D’aprĂšs notre calculateur La surface de votre dalle est de 40 m2 Le volume de bĂ©ton nĂ©cessaire est de 4 m3 Ayant pris connaissance du volume de bĂ©ton dont vous avez besoin, vous avez deux options soit fabriquer vous-mĂȘme votre bĂ©ton avec une bĂ©tonniĂšre, soit vous faire livrer du bĂ©ton prĂȘt-Ă -l’emploi 2. Le fabriquer vous-mĂȘme ou vous le faire livrer ? A. Le dosage du bĂ©ton Ă  prĂ©parer vous-mĂȘme Si vous choisissez de prĂ©parer vous-mĂȘme votre bĂ©ton, il est important de respecter les dosages et de choisir des matĂ©riaux adaptĂ©s. Pour une dalle armĂ©e d’une surface de 40 m2, vous aurez besoin de 1 400 kg de ciment 3 000 kg de sable fin 4 000 kg de gravillons 650 litres d’eau Pour de plus petits dosages vous pouvez prendre un sceau comme repĂšre et vous baser sur les quantitĂ©s suivantes 1 volume de ciment 2 volumes de sable 3 volumes de gravillons 1 demi seau d’eau. Si vous ne possĂ©dez pas de bĂ©tonniĂšre, vous pouvez toujours en emprunter ou en louer une ! Dans la bĂ©tonniĂšre en marche, mĂ©langez les matĂ©riaux suivants un Ă  un Versez une partie de l’eau Quelques pelles de graviers Le ciment Le sable Et l’eau restante Votre bĂ©ton est prĂȘt ! * Pour une telle quantitĂ© de bĂ©ton, nous vous conseillons de vous faire livrer du bĂ©ton prĂȘt-Ă -l’emploi B. Vous faire livrer du bĂ©ton prĂȘt-Ă -l’emploi Si prĂ©parer votre bĂ©ton vous-mĂȘme vous semble une tĂąche fastidieuse, vous pouvez toujours vous le faire livrer par des professionnels sous la forme de “bĂ©ton prĂȘt-Ă -l’emploi”. Vous gagnerez en temps et en Ă©nergie. D’autant plus que le bĂ©ton prĂȘt-Ă -l’emploi est un matĂ©riau de fabrication professionnelle livrĂ© dans un camion toupie. Pensez Ă  le demander Ă  votre fournisseur. 3. Couler votre bĂ©ton comment vous y prendre ? Sur votre treillis soudĂ©, versez le bĂ©ton au fur et Ă  mesure. Si vous avez commandĂ© du bĂ©ton prĂȘt-Ă -l’emploi, le bĂ©ton sera versĂ© de façon automatique. Au fur et Ă  mesure du coulage, rĂ©partissez-le Ă  l’aide d’un rĂąteau et Ă©galisez-le avec une rĂšgle de maçon sur toute la surface de la dalle. Vient ensuite l’étape du lissage Ă  l'aide d'une taloche. Pour un aspect plus lisse, privilĂ©giez une lisseuse. 4. Le temps de prise Ă  respecter avant le dĂ©coffrage de votre dalle de bĂ©ton. Une fois votre dalle coulĂ©e et lissĂ©e, selon son Ă©paisseur, il vous faut respecter un dĂ©lai avant de dĂ©coffrer votre dalle. Nous prĂ©conisons un dĂ©lai de 24 Ă  48 heures. Si vous souhaitez y poser un revĂȘtement, il est bon de patienter un Ă  deux mois. Couler une dalle bĂ©ton est un travail qui demande technique et dextĂ©ritĂ©. Lorsque vous travaillez, pensez Ă  porter des Ă©quipements de protection individuelle EPI gants, lunettes, vĂȘtements adaptĂ©s, chaussures de sĂ©curitĂ©, casque. Ils sont indispensables Ă  votre sĂ©curitĂ© ! Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter notre page dĂ©diĂ©e ou tĂ©lĂ©charger gratuitement notre guide indispensable pour rĂ©nover sa maison soi-mĂȘme Ă  La RĂ©union. Lapose d’une terrasse en bois n'a pas de contraintes spĂ©cifiques. Elle peut ĂȘtre installĂ©e sur tous types de terrains : gazon, gravier, remblais, terre, dalle bĂ©ton, etc. De la pose des lambourdes Ă  l’installation des lames de bois, nous vous dĂ©taillons les diffĂ©rentes Ă©tapes pour rĂ©aliser une terrasse en bois. 21/07/2021 Afin de rĂ©ussir le coulage d’une dalle extĂ©rieure, pour terrasse, abri de jardin ou piscine hors sol, plusieurs Ă©tapes sont Ă  respecter la prĂ©paration, l’approvisionnement en bĂ©ton, le coulage, et enfin la mise en oeuvre. Etape 1 la prĂ©paration 1. DĂ©limitation de la dalle Bien dĂ©finir l’implantation de la future dalle mesurer avec soin les dimensions, planter un piquet Ă  chaque angle, tendre ensuite un cordeau entre des piquets de maniĂšre Ă  dĂ©limiter l’emplacement. 2. DĂ©caissement Pour le dĂ©caissement, il faut avoir Ă  l’esprit qu’une surface infĂ©rieure Ă  10m2 se creuse aisĂ©ment Ă  la main pelle et pioche. Au delĂ , il est plus pratique de s’équiper d’un engin de terrassement. La hauteur Ă  dĂ©caisser dĂ©pend de l’épaisseur de la dalle. L’épaisseur recommandĂ©e pour la sous-couche est de 20cm, et l’épaisseur recommandĂ©e pour la dalle en bĂ©ton proprement dite est de 12cm minimum. Une fois le dĂ©caissement rĂ©alisĂ©, assurez vous de la planĂ©itĂ© du fond de fouille Ă  l’aide d’une rĂšgle de maçon et d’un niveau Ă  bulle. 3. PrĂ©paration de la sous-couche La sous-couche doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e Ă  partir de matĂ©riaux compactables graves, gravillons, sable, concassĂ© sableux
. Les matĂ©riaux doivent ĂȘtre dĂ©posĂ©s sur une Ă©paisseur de 20cm, rĂ©partis de façon homogĂšne, et compactĂ©s Ă  l’aide d’une plaque vibrante. Une fois cette sous-couche rĂ©alisĂ©e, assurez vous Ă  nouveau de la planĂ©itĂ© de la surface. Pour Ă©viter les risques de fissuration, il est idĂ©al d’enfouir les gaines et canalisations Ă©ventuelles dans la sous-couche, et non dans le bĂ©ton. 4. Coffrage DĂ©limiter ensuite le pĂ©rimĂštre de la dalle avec de bonnes planches en bois il s’agit du coffrage. Pour savoir comment mettre en place un coffrage en bois, vous pouvez consulter l’article suivant Faire un coffrage en bois pour une dalle bĂ©ton ». Le coffrage doit servir de guide pour la mise Ă  niveau de la surface de la dalle lors du tirage du bĂ©ton Ă  la rĂšgle. La hauteur finale du coffrage doit donc correspondre exactement Ă  la hauteur souhaitĂ©e de la dalle bĂ©ton. Enfin, n’oubliez pas de fixez les planches du coffrage Ă  l’aide de piquets afin d’éviter leur dĂ©formation lors du coulage. PrĂ©voyez dĂšs cette Ă©tape la pente de votre dalle, pour favoriser l’écoulement des eaux pluviales, de l’ordre de 2cm/m. 5. Mise en place du polyane Placer ensuite un film polyane sur l’intĂ©gralitĂ© de la surface de la dalle, en le faisant remonter sur les coffrages. En cas de recouvrement, prĂ©voir une largeur de 20cm. La prĂ©sence du film polyane permet d’éviter d’éventuelles remontĂ©es d’humiditĂ©, et de dĂ©solidariser la dalle de son support. 6. Joints de dĂ©solidarisation Si la dalle est en contact avec d’autres Ă©lĂ©ments, alors, il est important de la dĂ©solidariser Ă  l’aide de bandes de rives. Elles permettront d’éviter l’apparition de contraintes dans la dalle en cas de mouvement ou de dilatation importante. Les joints, ou bandes de rive, sont Ă  positionner sur toute l’épaisseur de la dalle. 7. Ferraillage Mettez enfin en place des armatures, afin de confĂ©rer plus de rĂ©sistance Ă  la structure. Nous recommandons d’utiliser un treillis structurel de type ST25C maille carrĂ©e de 150mm, fil de 7mm de diamĂštre. Les armatures sont Ă  poser sur des cales d’au moins 3cm d’épaisseur. Les extrĂ©mitĂ©s du treillis ne doivent par ĂȘtre en contact avec les coffrages il convient de laisser un espace d’environ 5cm. Si plusieurs panneaux de treillis sont nĂ©cessaires Ă  la couverture de la superficie de la dalle, les recouvrir sur une maille et les lier avec du fil Ă  ligaturer. Une fois ces Ă©tapes rĂ©alisĂ©es, votre terrain est prĂȘt pour le coulage. Etape 2 l’approvisionnement en bĂ©ton Pour calculer la quantitĂ© de bĂ©ton nĂ©cessaire pour votre dalle, il suffit de multiplier la superficie totale de votre dalle Longueur x largeur en mĂštres pour une surface carrĂ©e ou rectangle par l’épaisseur de bĂ©ton souhaitĂ©e, Ă©galement en mĂštres. Pour information, l’épaisseur minimale recommandĂ©e est de 12cm pour ces ouvrages 0,12 m. Par exemple, pour une dalle de 10m par 4m Superficie = 10m*4m = 40m2 ; Volume nĂ©cessaire = 40m2 * 0,12 = 4,8m3. Si votre dalle a une forme plus complexe, vous pouvez consulter l’article Calcul du volume de bĂ©ton » pour vous aider Ă  calculer le volume de bĂ©ton nĂ©cessaire pour rĂ©aliser votre ouvrage. Pour l’approvisionnement du bĂ©ton, plusieurs solutions s’offrent Ă  vous RĂ©aliser votre bĂ©ton Ă  la bĂ©tonniĂšre dans ce cas, il faut se procurer les matiĂšres premiĂšres ciment, granulats, sable, ainsi que la bĂ©tonniĂšre. La fabrication du bĂ©ton est alors assez chronophage, surtout si le volume est important. Se faire livrer du bĂ©ton prĂȘt Ă  l’emploi vous pouvez demander des devis auprĂšs des centrales Ă  bĂ©ton, ou faire une demande de devis directement sur ce site pour obtenir un devis sous 48h maximum. Etape 3 le coulage Que vous fassiez votre bĂ©ton Ă  la bĂ©tonniĂšre ou que vous attendiez la livraison de votre bĂ©ton prĂȘt Ă  l’emploi, il convient de s’équiper de tous les Ă©lĂ©ments de protection recommandĂ©s Si vous avez commandĂ© du bĂ©ton prĂȘt Ă  l’emploi, il est important de vĂ©rifier que le bon de livraison correspond bien Ă  votre commande. Pendant ce temps, demander au chauffeur de faire tourner la toupie afin de s’assurer d’avoir un bĂ©ton bien homogĂšne. Si la dalle est accolĂ©e Ă  la maison, alors il est judicieux de commencer Ă  couler cĂŽtĂ© façade, en progressant vers le jardin. Etape 4 mise en oeuvre et finition 1. Nivelage Au fur et Ă  mesure du coulage, il est important de bien rĂ©partir le bĂ©ton de façon homogĂšne sur toute la surface de la dalle. Cette opĂ©ration peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e Ă  l’aide d’un rĂąteau ou d’un Ă©pandeur Ă  bĂ©ton. Tirer ensuite le bĂ©ton Ă  l’aide d’une rĂšgle de maçon en prenant appui sur les coffrages. L’objectif est de crĂ©er une petite vague devant la rĂšgle qui va permettre de mettre le matĂ©riau Ă  niveau et d’amorcer le lissage. 2. Lissage Pour le lissage, utiliser une taloche pour gommer les aspĂ©ritĂ©s avec des mouvements circulaires, puis finaliser le lissage de la surface avec une lisseuse. 3. Curage Afin d’éviter une fissuration du bĂ©ton lors du sĂ©chage, appliquer au pulvĂ©risateur un produit de cure sur la dalle. Le temps de sĂ©chage recommandĂ© est d’au moins opĂ©ration ne doit pas ĂȘtre rĂ©alisĂ©e avec de l’eau, sous peine d’obtenir une surface poudreuse. Une alternative au produit de cure peut simplement ĂȘtre la mise en place d’un film polyane plaquĂ© sur la dalle pendant 5 jours. 4. Sciage des joints de retrait Le sciage des joints de retrait est nĂ©cessaire si votre dalle a au moins l’une de ses dimensions supĂ©rieure Ă  5 mĂštres. Les joints doivent diviser la dalle Ă  la maniĂšre d’un damier, en surfaces les plus carrĂ©es possibles. Cette opĂ©ration est Ă  effectuer environ 36h aprĂšs le coulage. Les joints sont Ă  dĂ©couper Ă  l’aide d’une disqueuse Ă  disque diamantĂ©. La profondeur de coupe doit ĂȘtre d’environ 5cm. Les joints de retraits ont pour but d’éviter les fissures, en les canalisant dans leurs tracĂ©s. Ils sont particuliĂšrement recommandĂ©s en cas d’angles rentrants dans votre dalle. Une alternative au sciage est la mise en place de rĂšgles-joints en plastique avant le coulage pouvant Ă©galement servir au guidage de la rĂšgle lors du lissage. Une fois cette opĂ©ration rĂ©alisĂ©e, il ne reste plus qu’à dĂ©coffrer votre ouvrage ! Installezles planches tout autour de la surface tout en respectant les angles et les courbures. Servez-vous des piques pour maintenir les planches bien droites. Entamez maintenant l’armature de la dalle. Celles porteuses doivent impĂ©rativement ĂȘtre renforcĂ©es d’une armature. Elle consiste en un treillis mĂ©tallique qui permet de couler ÉtagĂšres Ă  plantes, Ă©lĂ©ments suspendus ou palettes dĂ©tournĂ©es vont vous permettre sur une trĂšs petite profondeur, mais sur une gĂ©nĂ©reuse hauteur, d’installer vos plantations et d’ouvrir ainsi la perspective de votre balcon !. Comment agrandir son balcon en terrasse ? 12 astuces pour agrandir son balcon Astuce n°1 Poser des lattes de bois sur le sol de son balcon . Astuce n°2 Accumuler les plantes sur son balcon . Astuce n°3 Installer des miroirs sur les murs latĂ©raux de son balcon . Astuce n°4 Choisir un mobilier de jardin discret. Astuce n°5 Jardiner Ă  la verticale. Comment amĂ©nager une terrasse de 20m2 ? La bonne idĂ©e, pour une terrasse de 20 m2, qui invite Ă  la convivialitĂ©, est de crĂ©er des espaces modulables un coin repas avec des rallonges, quelques chaises pliantes en rab, des chiliennes peu encombrantes pour se prĂ©lasser quand il n’y a pas d’invitĂ©s. Comment transformer un balcon en terrasse ? Si vous trouvez votre balcon bien trop Ă©troit, et que vous souhaitez l’intĂ©grer Ă  votre vie quotidienne, rien de mieux que de le verdurer ! On aime poser du gazon synthĂ©tique qui constitueun sol confortable. Ce dernier instaure un style plus naturel qui transforme le mini balcon en petit jardin pratique et accueillant. Quelle autorisation pour agrandir un balcon ? À partir de 2 mĂštres de hauteur, une dĂ©claration prĂ©alable est obligatoire. Cette derniĂšre permet Ă  l’administration de vĂ©rifier que le projet de construction respecte les rĂšgles d’urbanisme en vigueur. La dĂ©claration prĂ©alable s’effectue avec un formulaire administratif spĂ©cifique Cerfa n° 13 703*06. Comment faire une vĂ©randa sur un balcon ? Comment transformer son balcon en vĂ©randa ? La transformation d’un balcon en vĂ©randa est soumise Ă  l’obtention d’une autorisation administrative. Ainsi, il est nĂ©cessaire d’effectuer une dĂ©claration prĂ©alable avant de dĂ©buter des travaux dans la mesure oĂč l’aspect extĂ©rieur de la maison ou de l’immeuble est modifiĂ©. Comment transformer un balcon ? 12 façons de transformer un balcon en petit jardin 1/12 Une pelouse synthĂ©tique. 2/12 De la vĂ©gĂ©tation. 3/12 Roseaux brise vue. 4/12 Suspendre des plantes. 5/12 Garnir les bordures. 6/12 Plantes grimpantes. 7/12 Cercles de verdure sur le sol. 8/12 Arbustes et arbres. Comment transformer un balcon en une chambre ? En effet, si vous n’avez pas forcĂ©ment un balcon assez grand pour ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une grande piĂšce supplĂ©mentaire, la meilleure solution consiste Ă  utiliser le mĂȘme sol que la piĂšce attenante au balcon en question pour en faire une extension de celle-ci, plutĂŽt que de crĂ©er un nouvel espace. Comment agrandir une terrasse en hauteur ? AGRANDIR UNE TERRASSE SURÉLEVÉE Vous pouvez placer des poutres de rive Ă  la hauteur dĂ©sirĂ©e, pour confectionner le cadre support de la terrasse. Pour tous les types de terrasse, il est nĂ©cessaire de refaire entiĂšrement le support de la terrasse pour l’agrandir, surtout si elle est surĂ©levĂ©e. Comment amenager une terrasse longue et Ă©troite ? On retient l’angle créé sur un cĂŽtĂ©, façon canapĂ© d’angle d’extĂ©rieur, qui casse l’effet linĂ©aire. Pour rendre l’espace plus chaleureux, optez pour des coussins colorĂ©s ou Ă  motifs tropicaux. Vous pourrez aussi crĂ©er un coin repas en installant simplement une petite table non loin de la banquette. Comment allonger son balcon ? L’extension prend appui sur le balcon en bĂ©ton existant qui dĂ©termine sa forme et ses dimensions. Au-dessus du soubassement, conservĂ© Ă  l’identique, le nouveau volume s’élĂšve en ossature bois, solution constructive choisie pour sa lĂ©gĂšretĂ©. Comment habiller le tour d’une terrasse ? Pour cela, misez sur de l’ardoise pour amĂ©nager et dĂ©limiter une nouvelle zone. Il est avisĂ© de choisir un matĂ©riau plus clair que les lames de terrasse. Optez pour du mobilier en liĂšge, ou assimilĂ©. AgrĂ©mentez le tout avec quelques accessoires flashy, mais veillez Ă  ne pas casser l’unicitĂ© de l’ensemble. Comment faire une terrasse zen ? Pour une terrasse zen, les matĂ©riaux naturels sont de rigueur. Le mobilier en bois, en bambou et en rotin est Ă  privilĂ©gier pour faire le plein de douceur et assurer un rendu chaleureux. Moins strict que l’acier ou le fer et Ă©galement moins angulaire, leurs lignes imparfaites feront tout le charme d’une terrasse zen. Comment construire un balcon suspendu ? La terrasse suspendue doit reposer, au minimum, sur deux poutres porteuses ancrĂ©es au sol. Elle doit ĂȘtre renforcĂ©e par des IPN pour assurer son maintien. GĂ©nĂ©ralement, elle se trouve Ă  hauteur du premier Ă©tage de la maison, c’est-Ă -dire Ă  3 mĂštres du sol. Comment faire une vĂ©randa sur un balcon ? Comment transformer son balcon en vĂ©randa ? La transformation d’un balcon en vĂ©randa est soumise Ă  l’obtention d’une autorisation administrative. Ainsi, il est nĂ©cessaire d’effectuer une dĂ©claration prĂ©alable avant de dĂ©buter des travaux dans la mesure oĂč l’aspect extĂ©rieur de la maison ou de l’immeuble est modifiĂ©. Comment ajouter un balcon ? Faut-il un permis de construire pour Ă©riger une terrasse ou un balcon ? De 5 Ă  20 mÂČ ou 40 mÂČ si PLU, une dĂ©claration prĂ©alable de travaux est nĂ©cessaire. De 20 mÂČ/40 mÂČ Ă  150 mÂČ, il vous faudra un permis de construire. Au-delĂ  de 150 mÂČ, vous devrez faire appel aux services d’un architecte. Comment faire un balcon suspendu en bĂ©ton ? Utiliser un bĂ©ton d’une rĂ©sistance de 30 Mpa, Ă©tendre le bĂ©ton sur une Ă©paisseur de 6″. Attendre que le bĂ©ton durcisse entre 1 heure et 3 heures selon le temps de l’annĂ©e et le taux d’humiditĂ©, puis flatter Ă  la truelle pour que la finition soit rugueuse. Comment amenager une terrasse Ă  moindre coĂ»t ? 10 idĂ©es simples pour relooker sa terrasse Ă  petit prix Repeindre son mobilier de jardin. VĂ©gĂ©taliser sa terrasse pour en faire un petit coin de verdure. Installer une voile d’ombrage sur sa terrasse . Oser le mobilier de jardin colorĂ© Recouvrir sa terrasse de caillebotis. Comment faire une belle terrasse ? Pour amĂ©nager sa terrasse , on s’occupe aussi des murs ! peindre un mur ou l’enduire amener de la couleur sur un mur est un moyen simple d’insuffler une ambiance sur la terasse. l’habiller de textile on le voile de grands carrĂ©s de tissus pour une ambiance bohĂšme. Quel est le revĂȘtement de sol extĂ©rieur le moins cher ? Le carrelage ce revĂȘtement de sol pas cher est trĂšs facile Ă  entretenir. Les dalles clipsables en bois, ce revĂȘtement de sol apportera une touche de modernitĂ© et d’exotisme Ă  votre extĂ©rieur. De plus, il est facile Ă  poser. Les dalles de bĂ©ton rĂ©sistants, les dalles en bĂ©ton sont, en outre, pas chers ! Comment recouvrir une terrasse moche ? Installer des lames de bois, des dalles de pierre ou encore un tapis sont autant de maniĂšres de cacher un sol de terrasse moche. Ces solutions se posent par-dessus le revĂȘtement existant, de façon plus ou moins simple, Ă  installer soi-mĂȘme ou en sollicitant l’aide d’un expert. Comment refaire une terrasse sur une ancienne ? Ces deux types de revĂȘtements peuvent ĂȘtre coulĂ©s sur une ancienne terrasse en bĂ©ton, en pierre ou dalles, Ă  condition que celle-ci soit stable et plane. Si nĂ©cessaire, on peut d’abord poncer ou ragrĂ©er la surface, puis Ă©ventuellement appliquer un primaire d’accrochage pour assurer la bonne adhĂ©rence du revĂȘtement. Comment structurer une grande terrasse ? 1/12 SĂ©parer les espaces Sur votre grande terrasse, venez crĂ©er des coins. L’espace barbecue loin de la baie vitrĂ©e sera parfait, quant Ă  la zone repas et convivialitĂ©, elle pourra s’installer sur une moitiĂ© de votre extĂ©rieur. Vous pouvez Ă©galement garder un espace spĂ©cial dĂ©tente et bronzage. Comment amĂ©nager une terrasse de 10m2 ? Comme on a peu d’espace, il faut tout optimiser. Ici, la partie siĂšge du banc sert de coffre de rangement. On peut y mettre Ă  l’abri des coussins, des plaids indispensables pour profiter de l’extĂ©rieur en soirĂ©e, mais aussi des petits outils de jardinage, un sac de terreau, etc
 Fait-il un permis de construire pour une terrasse ? RĂ©aliser une terrasse Vous n’avez pas de dĂ©claration Ă  faire en mairie si vous amĂ©nagez une terrasse extĂ©rieure de plain-pied, c’est-Ă -dire non surĂ©levĂ©e ou trĂšs faiblement surĂ©levĂ©e. En revanche, les terrasses nĂ©cessitant une surĂ©lĂ©vation sont soumises Ă  permis de construire. N’oubliez pas de partager l’article ! Coulerune dalle bĂ©ton Pour rĂ©aliser une terrasse, une dalle pour abri de jardin, le sol de votre garage ou une extension, vous devez couler une dalle en bĂ©ton de 10 Ă  15 cm d’épaisseur. La technique de mise en oeuvre est simple, mais il faut apporter le plus grand soin Ă  la prĂ©paration de l’assise, au rĂ©glage du coffrage, au ferraillage et au respect des rĂšgles de construction.
Le jacuzzi, lors de son utilisation, va dĂ©gager beaucoup d’humiditĂ©. Il convient donc de l’installer dans une piĂšce trĂšs bien ventilĂ©e et aĂ©rer la piĂšce aprĂšs chaque utilisation. Vous pouvez installer une VMC, un dĂ©shumidificateur ou un appareil extracteur d’humiditĂ©.. Comment dĂ©corer un jacuzzi ? Pensez au sol, vous pouvez parfaitement opter pour un sol en lamelles de bois exotique ou pas. Vous ajoutez quelques Ă©lĂ©ments dĂ©co que vous aimez comme de grosses lanternes, une fontaine, un bouddha
 et de jolies fleurs. Vous aurez ainsi l’impression de vous Ă©vader et d’ĂȘtre dĂ©jĂ  en vacances. Comment cacher un spa gonflable ? L’entourage consiste en un habillage pour spa gonflable il se prĂ©sente comme une sorte de contour, composĂ© essentiellement de vinyle laminĂ© et prend la forme d’une banquette ou d’un marchepied. Vous en trouvez de plusieurs tailles et de plusieurs couleurs, ils peuvent s’installer en quelques instants seulement. Comment habiller un spa ? Il existe en effet plusieurs types d’habillages de spa , du plus simple au plus luxueux. Le PVC Les habillages en PVC sont rĂ©sistants et peuvent prendre des styles et des coloris variĂ©s. Le bois Les habillages en bois isolent parfaitement le spa et lui permettent de garder sa chaleur plus longtemps. Comment intĂ©grer un jacuzzi dans une terrasse ? L’emplacement doit ĂȘtre prĂ©alablement Ă©tudiĂ© avant de crĂ©er son propre spa dans son jardin. En effet, il faut s’assurer que la surface accueillant l’installation soit plane et stable. Cet espace devra Ă©galement disposer d’une arrivĂ©e d’eau et d’une arrivĂ©e d’électricitĂ© Ă  proximitĂ©. Quel poids peut supporter une terrasse ? une dalle moyenne » est faite pour supporter 250 kg/m2 sur toute la surface MAIS vous devez faire valider votre dalle » pour ĂȘtre sĂ»r. Il s’agit de rĂ©sistance des matĂ©riaux et de dimensionnement bĂ©ton, c’est une affaire de spĂ©cialiste! Quel poids peut supporter une terrasse en bois ? On considĂšre que chaque quadrilatĂšre aura Ă  supporter au maximum une charge rĂ©partie Cr de 250 kg/mÂČ. C’est-Ă -dire que vous pouvez imaginer un poids de 250 kg tous les mÂČ sur votre terrasse. Bien sĂ»r, cette valeur ne sera jamais atteinte dans la majoritĂ© des cas de figure. Comment protĂ©ger un spa de la pluie ? Solution la plus simple pour protĂ©ger votre spa gonflable de la pluie Le mettre sous une tonnelle rapide Ă  installer comme celle ci-dessus. MĂȘme si vous pouvez laisser votre spa gonflable sous la pluie, il est toujours prĂ©fĂ©rable de pouvoir le protĂ©ger. Comment installer un spa sur une pelouse ? La premiĂšre Ă©tape consiste Ă  bien dĂ©sherber la parcelle destinĂ©e Ă  recevoir la structure. N’oubliez pas de retirer soigneusement les cailloux et les petites branches qui risqueraient de causer des dommages, surtout si c’est un spa gonflable ! La deuxiĂšme Ă©tape consiste Ă  niveler le terrain. Comment amĂ©nager un coin spa dans le jardin ? PremiĂšrement, donnez Ă  votre espace suffisamment d’intimitĂ©. Pour cela, un mur cloisonnant, de la vĂ©gĂ©tation dense ou un coin de terrasse isolĂ© seront parfaits. L’abris sera Ă©galement un moyen de crĂ©er un cocon chaleureux et vous permettra d’en profiter indĂ©pendamment de la mĂ©tĂ©o. Comment installer un spa dans le jardin ? Le sol oĂč sera placĂ© le spa ne devra ici prĂ©senter aucune aspĂ©ritĂ© afin d’éviter d’abĂźmer votre spa . Evitez de poser votre spa directement sur l’herbe. PrĂ©voyez d’installer un lit de sable recouvert d’une bĂąche ou de couler une dalle en bĂ©ton lisse et installez-y votre spa . Comment faire une base pour un spa ? La base du spa S’équiper d’une dalle de bĂ©ton armĂ© d’environ 10 centimĂštres d’épaisseur. Reliez le conducteur de mise Ă  la terre au treillis mĂ©tallique. Lorsque l’on dĂ©sire installer notre spa sur une surface existante telle qu’un patio ou une terrasse, il faut d’abord s’assurer que le spa est au niveau. Quelle est la meilleure base pour un spa ? Votre Spa doit ĂȘtre situĂ©e sur une base solide, plane, de niveau qui est de la mĂȘme taille ou plus grande que le Spa. La base peut ĂȘtre soit une dalle de bĂ©ton de 100mm ou une terrasse de bois convenablement renforcĂ©e ou une zone de patio existante en supposant qu’elle a des fondations appropriĂ©es de hardcore. Comment intĂ©grer un spa dans une terrasse ? Le spa peut ĂȘtre totalement hors-sol, donc posĂ© sur la terrasse, un petit escalier peut ĂȘtre nĂ©cessaire afin d’y accĂ©der. Il peut aussi ĂȘtre semi-encastrĂ©, c’est Ă  dire qu’il est enterrĂ© Ă  la hauteur de votre choix. De cette façon, il est plus facile d’accĂšs et s’intĂšgre plus facilement dans son environnement. Comment se branche un spa ? Pour rĂ©aliser le raccordement Ă©lectrique de votre spa dans les rĂšgles de l’art, il vous faudra donc vous Ă©quiper D’un cĂąble rigide U1000-R2V de section 3×6 mmÂČ si la longueur du cĂąble n’excĂšde pas 28 m, sinon il faudra passer sur du 3x10mmÂČ jusqu’à 48 m pour rĂ©aliser la ligne Ă©lectrique. Comment faire base de spa en poussiĂšre de roche ? C’est trĂšs simple, tu mesures ton spa et tu ajoutes environ 6 pouces de chaque cotĂ©. Une fois la dimension du carrĂ© Ă©tabli, tu te trouves 4 planches en bois traitĂ© de 1 pouce en Ă©paisseur et 12 pouces de largeur. La longueur dĂ©pendra de ton carrĂ©. Comment faire une base en bois pour un spa ? La meilleure façon de construire cette plateforme est d’utiliser un cadre en bois de 2×4 ou 2×6 et qui est environ 6″ Ă  12″ plus grand que la taille du spa. Cependant, vous voudrez peut-ĂȘtre crĂ©er une plateforme encore plus grande pour tenir compte de l’ajout de marches ou encore, d’une passerelle autour de votre spa. Quel sol autour d’un spa ? Le sol autour du spa doit ĂȘtre fait d’un matĂ©riau supportant les projections d’eau et antidĂ©rapant une fois mouillĂ©. Quel que soit l’endroit oĂč l’on installe son Ă©quipement, il faut une arrivĂ©e Ă©lectrique Ă  proximitĂ©, conforme et adaptĂ©e. Quel sol pour un spa intĂ©rieur ? Spa d’intĂ©rieur attention Ă  l’humiditĂ© Si la piĂšce n’est pas reliĂ©e Ă  un systĂšme VMC, alors il vous faudra impĂ©rativement installer un dĂ©shumidificateur. De la mĂȘme maniĂšre, mieux vaut privilĂ©gier faĂŻence, carrelage et tout autre matĂ©riau imputrescible Ă  la peinture ou le papier peint. Comment entourer un spa avec du bois ? CrĂ©er les cadres en bois Ă  l’aide des chevrons et des Ă©querres autour du jacuzzi aux dimensions de celui-ci. les cadres doivent ĂȘtre pile Ă  hauteur du jacuzzi de façon Ă  ce que lorsque nous poserons la derniĂšre planche pour fermer le coffrage, celle-ci repose sur le bord du jacuzzi. Comment couvrir un spa ? Il est possible d’installer une bĂąche de protection pour couverture environ 30 cm de haut ou dans une housse intĂ©grale qui recouvrira votre spa de haut en bas. Cette seconde option permettra de protĂ©ger votre Spa de haut en bas. Cette housse sera particuliĂšrement efficace contre les UV’s le vent, la neige. Comment protĂ©ger un spa des griffes de chat ? Astuce n°2 Fabriquer votre coffrage en bois vous mĂȘme La rĂšgle d’or si vous rĂ©alisez l’habillage en bois de votre spa intex par vous-mĂȘme, c’est de ne rien laisser dĂ©passer de tranchant ou de pointu, surtout pas un clou ! Cette structure en bois permettra d’éviter d’avoir une griffe de chat sur le spa gonflable. Comment cacher un jacuzzi ? Pour cela, un mur cloisonnant, de la vĂ©gĂ©tation dense ou un coin de terrasse isolĂ© seront parfaits. L’abris sera Ă©galement un moyen de crĂ©er un cocon chaleureux et vous permettra d’en profiter indĂ©pendamment de la mĂ©tĂ©o. Comment couvrir un jacuzzi ? Les types de bĂąches pour couvrir son spa La bĂąche de protection il s’agit d’un produit d’entrĂ©e de gamme, confectionnĂ© en toile souple. La protection isotherme tout comme la premiĂšre, elle empĂȘche l’accumulation de saletĂ©s, mais prĂ©sente aussi l’avantage de conserver la chaleur Ă  l’intĂ©rieur du bassin. Comment savoir si on peut mettre un jacuzzi sur terrasse ? et Comment savoir si ma terrasse supporte un spa ? Nous vous prĂ©conisons une piĂšce plutĂŽt au rez-de-chaussĂ© qu’en Ă©tage car il faut que le sol supporte le poids de l’eau et des personnes qu’il accueillera il faut compter au minimum 1 tonne au total puisque le poids du volume d’eau pour un spa 4 places est de 795 kg. N’oubliez pas de partager l’article !
3 Le bĂ©ton. Une terrasse suspendue en bĂ©ton revient entre 200 et 350 €/m2. Elle se dĂ©marque par sa robustesse et sa longĂ©vitĂ©. NĂ©anmoins, elle sĂ©duit moins pour ce
Faites les fondations de votre terrasse sur pilotis Tracez l’emplacement de la terrasse au sol Ă  l’aide d’un cordeau Ă  poudre. RepĂ©rez sur le sol les emplacements des poteaux de soutien. Creusez un trou Ă  chaque emplacement de 40 cm de profondeur. PrĂ©parez du bĂ©ton.. Quelle profondeur de fondation pour une terrasse ? La profondeur des fondations va varier de 30 Ă  40 cm en fonction du type de terrasse que vous voulez construire et du matĂ©riau que vous allez employer. Quel artisan pour faire une terrasse sur pilotis ? Menuisier ou charpentier Ces artisans interviennent gĂ©nĂ©ralement pour des terrasses en bois, bois composite ou kit. Ils peuvent rĂ©aliser la planification et la construction de votre terrasse sur pilotis, ou tout simplement la pose du platelage sur une structure en bĂ©ton. Quelle largeur pour une terrasse extĂ©rieure ? Pour circuler agrĂ©ablement autour d’une table, il faut une largeur minimale de 2,5-3 m 90 cm de large pour la table + 80 cm de chaque cĂŽtĂ© pour une chaise et l’espace de circulation. La forme. Le carrĂ© et le rectangle sont les plus rĂ©pandues. Quelle Ă©paisseur de bĂ©ton pour une terrasse ? Etape 1 – DĂ©terminer l’utilitĂ© de votre dalle Usage de la dalle Epaisseur de la dalle Garage 1 Ă  1 voitures 10 Ă  15 cm Abri de jardin 7 Ă  10 cm Terrasse 10 Ă  12 cm AllĂ©e de parking 12 Ă  15 cm Quelle est la taille idĂ©ale pour une terrasse ? Pour une terrasse accueillant une table et 4 chaises, une surface de 5 Ă  10 mÂČ est requise; Pour bĂ©nĂ©ficier d’un espace de vie supplĂ©mentaire, prĂ©voyez une surface d’au moins 10 Ă  15 mÂČ ; Une terrasse en deux parties avec un coin repas et un coin salon de jardin requiert une surface de 20 Ă  30 mÂČ. Fait-il un permis de construire pour une terrasse ? RĂ©aliser une terrasse Vous n’avez pas de dĂ©claration Ă  faire en mairie si vous amĂ©nagez une terrasse extĂ©rieure de plain-pied, c’est-Ă -dire non surĂ©levĂ©e ou trĂšs faiblement surĂ©levĂ©e. En revanche, les terrasses nĂ©cessitant une surĂ©lĂ©vation sont soumises Ă  permis de construire. Comment calculer les dimensions d’une terrasse ? Comment calculer les m2 d’une terrasse ? La superficie de la terrasse Un mĂštre carrĂ© de terrasse varie gĂ©nĂ©ralement entre 30 Ă  50% du mĂštre carrĂ© habitable. A voir aussi Terrasse bois noircie. Par exemple, une terrasse de 10 m2 correspond Ă  3 Ă  5 m2 de surface habitable. Quelle est l’épaisseur minimum d’une dalle bĂ©ton ? Une dalle en bĂ©ton armĂ©, c’est-Ă -dire incluant un ferraillage et demandant un dosage de bĂ©ton de 350 kg/m3 aura une Ă©paisseur minimale de 15 cm. Les dalles bĂ©ton classiques peuvent varier de 5 Ă  20 cm. Les 5 Ă©tapes de la construction de terrasse sur pilotis 1 Ăšre Ă©tape Dessiner les plans de votre terrasse sur pilotis . 2 Ăšme Ă©tape PrĂ©paration des fondations. 3 Ăšme Ă©tape PrĂ©parez et placez les poteaux de soutien. 4 Ăšme Ă©tape Installer la structure de la terrasse . 5 Ăšme Ă©tape Poser les lames de bois. Comment creuser pour faire une terrasse ? Pour les petites surfaces moins de 10m2, vous pouvez facilement creuser la fouille Ă  la pelle et Ă  la bĂȘche. Sinon utilisez une mini pelle. N’oubliez pas l’inclinaison ! Si votre terrasse n’est pas couverte, vous devez creuser un sol inclinĂ© vers le jardin d’un centimĂštre par mĂštre au maximum. Comment crĂ©er une terrasse surĂ©levĂ©e ? Élaborez le plan de votre terrasse surĂ©levĂ©e . PrĂ©parez les ancrages de la terrasse surĂ©levĂ©e . Fixez les poteaux dans les platines de fixation. Installez les bastaings. Placez les lambourdes de la terrasse surĂ©levĂ©e . Fixez les lames de terrasse . ProcĂ©dez aux finitions de votre terrasse surĂ©levĂ©e . Comment rĂ©aliser une terrasse en bois surĂ©levĂ©e ? Pour une terrasse en bois d’une hauteur de quelques dizaines de centimĂštres, la mĂ©thode de construction sur plots rĂ©glables sera la meilleure solution pour surĂ©lever la structure. Sa mise en Ɠuvre est rĂ©alisĂ©e sans joint ni colle, et les plots peuvent ĂȘtre simplement posĂ©s sur le sol Ă  des intervalles rĂ©guliers. Quel type de bĂ©ton pour une terrasse ? Le liant habituel est un ciment Portland de classe CPJ-CEM II R, dosĂ© Ă  300 kg/m3 pour les surfaces peu sollicitĂ©es et Ă  350 kg/m3 pour les ouvrages plus rĂ©sistants ou recevant une armature mĂ©tallique. Comment couler une dalle en bĂ©ton sur de la terre ? PrĂ©parer le fond de la dalle versez une couche de cailloux en vrac pour obtenir une Ă©paisseur de 10-14 cm environ avant de couler du bĂ©ton. Il faut ensuite verser du sable ou du gravier de maniĂšre Ă  caler les pierres. AprĂšs avoir tassĂ© le tout, on verse de l’eau sur toute la surface pour solidifier le fond. Comment construire une terrasse sur de la terre ? La pose d’une terrasse en bois sur parpaing ou sur pelouse Le principe reste identique, il est nĂ©cessaire de poser un film gĂ©otextile au sol aprĂšs l’avoir mis Ă  niveau. Posez ensuite les parpaings sur le film et fixez les lambourdes Ă  ceux-ci. Les lames de terrasse bois seront ensuite posĂ©es sur les lambourdes. Comment dĂ©caisser pour faire une terrasse ? DĂ©capez votre sol sur 20 Ă  30 cm ; Placez un film de protection type gĂ©otextile pour Ă©viter la repousse de mauvaises herbes ; Couvrez de gravier ou de sable tassĂ©. Dans ce cas, l’utilisation d’un rouleau est fortement conseillĂ©e pour bien aplanir et stabiliser. Quel section de poteau pour terrasse sur pilotis ? Les poteaux tout comme la structure Ă  venir sont traitĂ©s classe III, c’est Ă  dire bois d’extĂ©rieur, sans contact avec le sol, et avec possibilitĂ© d’une humiditĂ© frĂ©quemment supĂ©rieure Ă  20%. La section de ces poteaux est de 15 x 15 cm. Comment faire une terrasse sur de la pelouse ? La pose d’une terrasse en bois sur parpaing ou sur pelouse Le principe reste identique, il est nĂ©cessaire de poser un film gĂ©otextile au sol aprĂšs l’avoir mis Ă  niveau. Posez ensuite les parpaings sur le film et fixez les lambourdes Ă  ceux-ci. Les lames de terrasse bois seront ensuite posĂ©es sur les lambourdes. Quelle section de bois pour une terrasse ? Vous avez le choix entre 3 types de bois pour votre structure du pin classe 4, du bois exotique ou du bois composite. Il est prĂ©conisĂ© d’utiliser des lambourdes de section deux fois supĂ©rieure Ă  l’épaisseur des lames de terrasse, soit 40 Ă  45 mm. Quelle section lambourde pour terrasse ? La section habituelle des lambourdes est de 38-42 X 60-70 mm l’épaisseur de la lambourde est au minium 1,5 fois celle de la lame. Si vous installez des lames en bois composite sur des plots, il faut utiliser des lambourdes en bois. Quelle section de poteau pour pergola ? Leur Ă©paisseur dĂ©pendra de la hauteur de la pergola, mais comptez au minimum des poteaux de 10 cm x 10 cm pour les piliers de soutien. Plus la surface de votre pergola sera grande, plus il faudra des poteaux larges, de 20 x 20 cm. Plus la pergola est longue, plus il vous faudra mettre de poteaux. Quel artisan fait une terrasse ? L’artisan terrassier il se spĂ©cialise dans les travaux de terrassement et de pose des revĂȘtements de sol de la terrasse bois, composite, carrelage, etc.. La plupart du temps, le terrassier est en capacitĂ© d’intervenir seul sur un chantier sous rĂ©serve de disposer des engins nĂ©cessaires aux travaux de terrassement. Quel budget pour une terrasse sur pilotis ? Le prix d’une terrasse sur pilotis mĂ©tallique dĂ©bute Ă  100 € TTC le mÂČ mais peut atteindre 500 € et plus, pose non comprise, Le prix d’une terrasse sur pilotis en bĂ©ton est estimĂ© entre 230 et 350 € TTC le mÂČ, pose non comprise, Le coĂ»t d’une terrasse sur pilotis en bĂ©ton cirĂ© peut ĂȘtre plus Ă©levĂ© encore. Quel corps de mĂ©tier pour faire une terrasse ? Le maçon peut avoir une compĂ©tence additionnelle en matiĂšre de pose de revĂȘtement de sol et de matĂ©riaux d’isolation. Noter que certaines entreprises de maçonnerie gĂšrent tout le cycle constructif d’une maison, en intĂ©grant l’ensemble des corps de mĂ©tier. Comment dĂ©caisser facilement ? Pour ce faire, de tĂ©lĂ©mĂštre ou de mĂštre, de bĂąton en guise de poteau, de rĂšgle Ă  niveau et de ficelle. AprĂšs cette opĂ©ration, vous devriez ameublir le sol. Pour ce faire, Ă  l’aide d’une bĂȘche, d’un rĂąteau et d’une pioche, il faut ramener le sol se situant sur le niveau en dessus sur le bas niveau. N’oubliez pas de partager l’article ! Ladalle en bĂ©ton est un dispositif nĂ©cessaire pour poser des fondations, construire une terrasse ou installer une piscine ou un spa. Cependant, sa rĂ©alisation est loin d’ĂȘtre une opĂ©ration facile. Si la dalle est en effet trop fine, elle se fissurera rapidement et des morceaux Ă©clateront. Si elle est trop Ă©paisse, elle ajoutera trop Lors de la rĂ©alisation des fondations d’une construction, les ouvriers utilisent souvent la technique de la dalle sur terre plein. C’est un dallage qui se met en Ɠuvre assez facilement. La dalle en bĂ©ton sur terre plein est surtout indispensable pour les constructions sans vide sanitaire ou pour des rĂ©novations. Son Ă©paisseur varie selon la charge Ă  supporter, selon qu’il s’agit d’une habitation ou d’un garage par exemple. Pour rĂ©ussir le coulage d’une dalle de bĂ©ton sur terre plein, il faut viser trois points essentiels. Ce sont la facilitĂ© de pose, le budget et la mise en Ɠuvre. Cependant, il faut surtout utiliser la bonne mĂ©thode pour un dallage sur terre plein durable et rĂ©sistant. Si vous souhaitez voir un exemple, nous avons intĂ©grĂ© la vidĂ©o ci-dessous. Source > Quelle est la meilleure mĂ©thode Ă  employer ?Faire une Ă©tude prĂ©alable du sol pour une dalle de bĂ©ton sur terre pleinQuels sont les avantages de la dalle de bĂ©ton sur terre plein ?Les Ă©tapes Ă  suivre pour rĂ©ussir ce travailQuels sont les matĂ©riels nĂ©cessaires au dallage de bĂ©ton sur terre plein ?Quelques conseils pour un dallage de bĂ©ton sur terre plein Quelle est la meilleure mĂ©thode Ă  employer ? Tous les travaux de maçonnerie exigent de la mĂ©thode. Bien que le dallage sur terre plein soit simple Ă  mettre en Ɠuvre, on peut rencontrer diverses difficultĂ©s lors du coulage. La pose d’une dalle en bĂ©ton sur terre plein demande des compĂ©tences. Lorsqu’on n’a aucune expĂ©rience dans la maçonnerie, il vaut mieux demander un devis Ă  un professionnel. Mais, pour s’y lancer, il faut s’assurer de la qualitĂ© du sol. Faire une Ă©tude prĂ©alable du sol pour une dalle de bĂ©ton sur terre plein La qualitĂ© du sol compte beaucoup dans la qualitĂ© et la rĂ©ussite d’une dalle de bĂ©ton sur terre plein. Pour cet ouvrage, il faut Un sol dur ;Un sol stable ;Un sol homogĂšne ;Un sol bien drainĂ©. Il n’est pas du tout conseillĂ© de faire une dalle de bĂ©ton sur terre plein sur un sol sablonneux ou argileux. De mĂȘme, il faut Ă©viter les terrains qui sont un condensĂ© de plusieurs types de sols. Choisir un sol drainĂ© est aussi indispensable, car cela Ă©vite les remontĂ©es d’eau. Il ne faut cependant pas s’arrĂȘter Ă  l’étude de la qualitĂ© du sol. Il faut dĂ©cider s’il faut lier la dalle aux fondations ou pas. Les experts conseillent de procĂ©der Ă  une dĂ©solidarisation de la dalle sur terre plein lorsque la future construction est de plus de deux niveaux. Qu’elle soit liĂ©e ou dĂ©solidarisĂ©e des fondations, la dalle sur terre plein offre de nombreux avantages! Quels sont les avantages de la dalle de bĂ©ton sur terre plein ? Un dallage sur terre plein a de nombreux avantages Une mise en Ɠuvre simple ;Un budget Ă  la portĂ©e de tous ;Un savoir-faire moyen est largement suffisant ;Un besoin nĂ©gligeable d’équipements pointus. La dalle de bĂ©ton sur terre plein exige cependant une grande rigueur pendant les travaux. De petites erreurs peuvent conduire Ă  long terme Ă  Des problĂšmes de tassement ;Des difficultĂ©s dans l’entretien des rĂ©seaux ;Des remontĂ©es de froid ;Des remontĂ©es d’humiditĂ©. En principe, un dallage de bĂ©ton sur terre plein ne conduit pas aux difficultĂ©s suscitĂ©es. Il faut simplement respecter les diffĂ©rentes Ă©tapes de la mise en Ɠuvre. Suivre rigoureusement les Ă©tapes pour la pose d’une dalle de bĂ©ton sur terre plein permet d’avoir un rendu de trĂšs grande qualitĂ©. Les Ă©tapes Ă  suivre pour rĂ©ussir ce travail AprĂšs l’étude du sol, il faut passer Ă  l’étape de la mise en Ɠuvre. Elle n’est pas du tout difficile. Les Ă©tapes de la mise en Ɠuvre peuvent varier d’un professionnel Ă  un autre. Mais, suivre les douze Ă©tapes ci-dessous vous permettra de faire une dalle de bĂ©ton sur terre plein remarquable ProcĂ©der au dĂ©capage et creuser toute la surface ;Damer le fond de fouille ;Mettre un hĂ©risson ;Utiliser un film en polyane pour l’étanchĂ©itĂ© de la construction ;Poser un isolant dense comme des fibres de bois sur la surface ;ProcĂ©der au coffrage en bois ;Poser des armatures ;DĂ©terminer la quantitĂ© de bĂ©ton Ă  utiliser ;PrĂ©parer le bĂ©ton en utilisant une bĂ©tonniĂšre ;ProcĂ©der au coulage du bĂ©ton en prenant le soin de vibrer et de lisser ;Laisser sĂ©cher pendant au moins 7 jours pour marcher dessus ;Appliquer les charges 4 semaines aprĂšs. Le coulage d’une dalle de bĂ©ton sur terre plein est un travail Ă©prouvant. C’est une tĂąche qui demande de la patience, du temps et qui surtout entraĂźne des maux de dos. Pour aller vite, il est possible de Utiliser un bĂ©ton fluide autoplaçant ;Couler ce bĂ©ton simplement ;Mettre en place une chape de ragrĂ©age sur le dallage ;Lisser avec cette chape ;Poser son revĂȘtement. Aller vite implique aussi l’usage de certains matĂ©riels spĂ©cifiques. Quels sont les matĂ©riels nĂ©cessaires au dallage de bĂ©ton sur terre plein ? Tous travaux de maçonnerie exigent qu’on utilise des outils. Pour une dalle de bĂ©ton sur terre plein, il faut Un kit de bĂ©ton prĂȘt Ă  l’emploi ;Une bĂ©tonniĂšre ;Une brouette ;Un crayon de maçon ;Un cutter ;Un ensemble de fils de fer ;Un kit de gravier ;Un niveau Ă  bulle ;Une pelle, un rĂąteau, une rĂšgle de maçon ;Un volume suffisant de sable ;Un treillis mĂ©tallique ;Une taloche. MĂȘme quand on maĂźtrise Ă  la perfection toutes les Ă©tapes et qu’on dispose des outils nĂ©cessaires, il faut connaĂźtre les bonnes pratiques. Dans le cadre d’un travail de maçonnerie, il faut toujours prendre des prĂ©cautions. Avoir quelques conseils peut donc aider Ă  mieux rĂ©ussir son dallage de bĂ©ton sur terre plein. Quelques conseils pour un dallage de bĂ©ton sur terre plein Utiliser la bonne mĂ©thode de coulage d’une dalle de bĂ©ton sur terre plein est bien. ConnaĂźtre en plus les bonnes pratiques de ce travail de maçonnerie est encore mieux. Le bĂ©ton n’est pas un matĂ©riaux comme l’on veut. Pour poser la dalle de bĂ©ton sur terre plein dans de bonnes conditions, il faut Couvrir la surface de dallage en cas de risque de pluie ;ProtĂ©ger la dalle en pĂ©riode de sĂšche ;CrĂ©er une pente pour Ă©viter les eaux de pluie ;Penser aux rĂ©seaux Ă©lectriques et de plomberie Ă  installer pendant le coulage ;Prendre conseil chez un professionnel en cas de doutes. Comment rĂ©ussir sa dalle de bĂ©ton sur terre plein ? Somme toute, il faut retenir que la dalle de bĂ©ton sur terre plein est un travail Ă  la portĂ©e de tous. Toutefois, il nĂ©cessite que l’on respecte scrupuleusement diverses Ă©tapes. La pose d’une dalle de bĂ©ton sur terre plein a de nombreux avantages. C’est surtout un ouvrage qui n’est pas coĂ»teux et qui permet de se lancer dans la construction de divers ouvrages. Pour rĂ©ussir sa dalle de bĂ©ton sur terre plein, il faut avoir les bons matĂ©riaux et utiliser la bonne mĂ©thode Ă©tayĂ©e dans cet article. Dallede bĂ©ton dĂ©sactivĂ©. Entre 70 et 130 € par mÂČ. Dalle de bĂ©ton imprimĂ©. Entre 20 et 100 € par mÂČ (Demandez gratuitement des devis pour l’amĂ©nagement de dalles en bĂ©ton!) Il est important de prĂ©ciser que le prix d’une dalle de bĂ©ton amĂ©liorĂ© est de 20 Ă  30% plus Ă©levĂ© que celui d’une dalle de bĂ©ton standard. Le hĂ©rissonLe lit isolantLe coffrageL’armature mĂ©talliqueLa dalle de bĂ©ton Une dalle sur terre-plein est indispensable pour la rĂ©alisation d’une terrasse. Vous en aurez aussi besoin pour procĂ©der aux fondations d’une maison. Vous devrez de ce fait faire attention Ă  ne rien laisser au hasard pendant la rĂ©alisation des travaux. Il faut alors prendre note des Ă©tapes suivantes avant de commencer l’opĂ©ration. Le hĂ©risson La rĂ©alisation du hĂ©risson est la premiĂšre Ă©tape Ă  respecter pour rĂ©aliser le support. Cette couche de graviers permet en principe de mettre le sol Ă  niveau. Il vous sera ainsi plus facile de rĂ©aliser la construction comme il se doit. Ce type de rĂ©alisation est normalement composĂ© de cailloux et de pierres concassĂ©es, mais aussi du gravier. Vous devriez obtenir une base solide pour votre dalle sur terre-pleine. N’oubliez pas que vous pouvez solliciter une Ă©quipe de professionnels comme cette entreprise de maçonnerie dans les PyrĂ©nĂ©es Orientales sur ce site pour assurer la qualitĂ© des travaux. En effet, ce spĂ©cialiste ne laissera rien au hasard que ce soit pour l’épaisseur ou la rĂ©partition de votre mĂ©lange. Le lit isolant Cette Ă©tape est incontournable pour rĂ©aliser des travaux conformes aux conditions imposĂ©es par la RT RĂ©glementation thermique. Notez que vous avez deux options pour rĂ©aliser l’opĂ©ration comme il se doit. Vous pouvez en premier lieu poser directement le matĂ©riau isolant solide sur le support. Vous avez par exemple le choix entre des plaques de polystyrĂšne extrudĂ© ou expansĂ©. Vous pourrez ensuite ajouter un revĂȘtement sur le sol ou une chape mince au niveau du radier. Ce dernier accueillera directement l’isolant pour la seconde option. Ce procĂ©dĂ© permet en principe de rĂ©duire les risques de ponts thermiques. Le coffrage La rĂ©alisation d’un coffrage est indispensable pour bien dĂ©limiter la dalle que vous allez rĂ©aliser. Celui-ci sert en mĂȘme temps Ă  bien contenir le bĂ©ton que vous devrez couler pour la construction. Notez que vous avez diffĂ©rentes options pour la forme de la rĂ©alisation. Vous pouvez en effet faire un choix entre des planelles simples ou isolĂ©es. Un choix classique en bois peut aussi vous offrir des avantages considĂ©rables. Vous ne devrez avoir aucun mal Ă  prendre une dĂ©cision si vous contactez un maçon professionnel. Vous obtiendrez ainsi une rĂ©alisation rĂ©pondant Ă  vos besoins et vos attentes. L’armature mĂ©tallique Certes, le bĂ©ton rĂ©siste efficacement Ă  la compression. Vous devrez en outre vous attendre Ă  ce qu’il ne supporte pas la traction qui peut l’affaiblir rapidement. Cela implique que vous devrez rĂ©aliser une armature mĂ©tallique solide et efficace. Vous arriverez de cette maniĂšre Ă  renforcer les propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques de votre construction. En effet, vous n’aurez aucun souci Ă  vous faire sur les problĂšmes structurels qui peuvent se manifester Ă  l’avenir. Notez en tout cas que vous aurez besoin de treillis parfaitement soudĂ©s. Il faut aussi bien calculer le diamĂštre des fers ainsi que leur espacement. La dalle de bĂ©ton Cette derniĂšre Ă©tape commence par le calcul prĂ©cis de la quantitĂ© de bĂ©ton dont vous aurez besoin. Le matĂ©riau doit ĂȘtre coulĂ© efficacement au centre de la dalle. Il est aussi important de bien Ă©taler le mĂ©lange en vous servant d’un rĂąteau. Vous devrez aussi vous procurer une rĂšgle assez grande pour Ă©galiser le niveau de la rĂ©alisation. Il ne faut pas non plus nĂ©gliger le lissage Ă  l’aide d’une taloche avant de laisser le tout sĂ©cher. La pose du revĂȘtement de votre sol sera plus facile aprĂšs le dĂ©coffrage. 56 Aplanissezla chape au fur et Ă  mesure que le bĂ©ton est coulĂ©. Au besoin, vous pouvez fixer le plancher de l'abri dans la dalle de bĂ©ton, Ă  l'aide de chevilles. Autres solutions : vous pouvez Ă©galement poser un plancher d'abri sur une
Le 22/01/2010 Ă  11h16 Super bloggeur Env. 100 message Carpentras 84 Bonjour, Nous avons une terrasse de par 4 mĂštres, sur 4 rangs d'agglos. Les murs sont montĂ©s, il faut maintenant la combler. Nous avons mis au fond tous les gravats rĂ©coltĂ©s pendant la construction tuiles cassĂ©es, morceaux de parpins, des vieilles dalles retrouvĂ©es au fond du jardin.... Nous souhaitons maintenant faire rentrer du gravier, avant de ferrailler et de couler la dalle. Mais quel calibre de gravier choisir? J'ai fait faire 2 devis dans des sociĂ©tĂ©s diffĂ©rentes, l'un me propose du 15*25 Ă  29€ TTC la tonne et l'autre du 6*16 Ă  35€ TTC la tonne. Qu'est ce qui est prĂ©fĂ©rable ? Merci d'avance. 0 Super bloggeur Messages Env. 100 De Carpentras 84 AnciennetĂ© + de 13 ans Par message Ne vous prenez pas la tĂȘte pour la crĂ©ation d'une terrasse...Allez dans la section devis terrasses du site, remplissez le formulaire et vous recevrez jusqu'Ă  5 devis comparatifs de professionnels de votre rĂ©gion. Comme ça vous ne courrez plus aprĂšs les professionnels, c'est eux qui viennent Ă  vous C'est ici Le 22/01/2010 Ă  11h55 Membre utile Env. 4000 message Inzinzac 56 bah , y'a pas d'autres chantiers alentours avec d'autres gravas a mettre? "tout est possible.... aprĂšs Ă©tudes" 0 Membre utile Messages Env. 4000 De Inzinzac 56 AnciennetĂ© + de 13 ans Le 22/01/2010 Ă  12h01 Super bloggeur Env. 100 message Carpentras 84 nous avons fait le tour, mais la seule maison ayant des gravats, compte bien s'en servir pour faire sa terrasse. Il nous faut donc combler le reste avec du gravier. 0 Super bloggeur Messages Env. 100 De Carpentras 84 AnciennetĂ© + de 13 ans Le 22/01/2010 Ă  12h03 Nouvel Aviseur Env. 900 message Saint Laurent Des Arbres 30 Je suis prophane en la matiĂšre mais si c'est juste pour mettre sous une dalle il n'y Ă  pas de prĂ©fĂ©rence Ă  avoir je pense que mĂȘme du 0/30 c'est trĂšs bien.... Prend le moins cher. Si tu es passĂ© par un terrassier tĂ©lĂ©phone directement Ă  une carriĂšre pour voir le prix de la tonne livrĂ©e ... Le don du sang ça rend heureux 0 Nouvel Aviseur Messages Env. 900 De Saint Laurent Des Arbres 30 AnciennetĂ© + de 15 ans Le 22/01/2010 Ă  13h17 Env. 60 message MontĂ©gut Lauragais 31 coyott a Ă©critJe suis prophane en la matiĂšre mais si c'est juste pour mettre sous une dalle il n'y Ă  pas de prĂ©fĂ©rence Ă  avoir je pense que mĂȘme du 0/30 c'est trĂšs bien.... Prend le moins cher. Si tu es passĂ© par un terrassier tĂ©lĂ©phone directement Ă  une carriĂšre pour voir le prix de la tonne livrĂ©e ... + 1 . TĂ©lĂ©phone Ă  la carriĂšre la plus proche pour leurs demander directement le calibre qu'il te faut. Ils ont l'habitude de ce genre de demande. 0 Messages Env. 60 De MontĂ©gut Lauragais 31 AnciennetĂ© + de 16 ans Le 22/01/2010 Ă  22h19 Env. 70 message Le Lion D'angers 49 moi je mettrai du ou du Personellement j'ai payĂ© le dans les 9 € ttc 0 Messages Env. 70 De Le Lion D'angers 49 AnciennetĂ© + de 13 ans Le 23/01/2010 Ă  13h57 Env. 40 message Ain bonjour , moi perso j'ai appelĂ© la carriere du coin , j'ai fais livrĂ© du tout venant a prix dĂ©risoire 4 euros la tonne !!! 0 Messages Env. 40 Dept Ain AnciennetĂ© + de 13 ans Le 25/01/2010 Ă  09h15 Super bloggeur Env. 100 message Carpentras 84 Bonjour, et merci Ă  tous pour vos rĂ©ponses. AprĂšs des dizainnes de coup de tĂ©l, ce sont les prix les moins chers que j'ai eu. Ils me dĂ©conseillent tous les gros gravats qui peuvent bouger avec le temps. Tous me disent de prendre de la gravette, car les cailloux sont plus petits, donc se tasseront mieux et ne bougeront plus sous la dalle. Mais forcĂ©ment c'est beaucoup, beaucoup plus cher 0 Super bloggeur Messages Env. 100 De Carpentras 84 AnciennetĂ© + de 13 ans Le 25/01/2010 Ă  10h07 Nouvel Aviseur Env. 900 message Saint Laurent Des Arbres 30 Je viens de m'apercevoir que tu es de Carpentras pas loin de chez moi.... ps j'edite ma rĂ©ponse et t'envoie en mp le nom de la carriĂšre oĂč je suis allez pour Ă©viter la pub... Le don du sang ça rend heureux 0 Nouvel Aviseur Messages Env. 900 De Saint Laurent Des Arbres 30 AnciennetĂ© + de 15 ans Le 25/01/2010 Ă  10h27 Super bloggeur Env. 100 message Carpentras 84 Ok, c'est gentil merci 0 Super bloggeur Messages Env. 100 De Carpentras 84 AnciennetĂ© + de 13 ans En cache depuis le samedi 13 aout 2022 Ă  15h38 C'est intĂ©ressant aussi ! Devis terrasse Demandez, en 5 minutes, 3 devis comparatifs aux professionnels de votre rĂ©gion. Gratuit et sans engagement. 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unefeuille de plastique en dessous, et le tout posé sur un plan de niveau (sol du garage, de la terrasse). vous coulez votre béton avec un treillis soudé, ne sortant pas des extrémités et noyé à mi coulage --> vous coulez la premiÚre mi- hauteur, vous lissez bien votre béton en le hachant à la truelle, puis tout de suite aprÚs vous posez le treillis, et vous finissez
Couler une dalle béton sur une dalle béton Publié le 08/08/2011 - Modifié le 15/04/2019 Je voudrais couler une dalle de terrasse sur une dalle de terrasse déjà existante mais avec une pente inversé vers la maison. Comment dois-je procéder afin que les deux dalles soient solidaires ? je voudrais éviter de devoir casser la dalle existante. Pour que les deux dalles soient solidaires, aprÚs nettoyage complet, vous devrez effectuer des scarifications rayurage sur la premiÚre dalle afin de permettre une meilleure accroche. Vous pouvez aussi appliquer un primaire d'accrochage spécial béton ou incorporer un adjuvant spécifique dans le béton que vous aller couler. Vous pouvez aussi répandre du ciment pur en poudre directement sur la dalle astuce de maçon. Vous pourrez ensuite procéder normalement et créer votre seconde dalle sans souci. Texte Christian Pessey

Quelleque soit la mĂ©thode de rĂ©alisation du bĂ©ton (industrielle ou traditionnelle), la pose se fait de la mĂȘme maniĂšre que celle qui consiste Ă  couler une dalle en bĂ©ton (voyez le prix d’une terrasse en bĂ©ton de 30m2). Il est Ă©talĂ© sur la surface dĂ©jĂ  prĂ©parĂ©e. Cette tĂąche dĂ©licate se fait au moyen de raquettes. Un claquage est fait pour donner au bĂ©ton sa permĂ©abilitĂ©

Le hĂ©rissonLe lit isolantLe coffrageL’armature mĂ©talliqueLa dalle de bĂ©ton Une dalle sur terre-plein est indispensable pour la rĂ©alisation d’une terrasse. Vous en aurez aussi besoin pour procĂ©der aux fondations d’une maison. Vous devrez de ce fait faire attention Ă  ne rien laisser au hasard pendant la rĂ©alisation des travaux. Il faut alors prendre note des Ă©tapes suivantes avant de commencer l’opĂ©ration. Le hĂ©risson La rĂ©alisation du hĂ©risson est la premiĂšre Ă©tape Ă  respecter pour rĂ©aliser le support. Cette couche de graviers permet en principe de mettre le sol Ă  niveau. Il vous sera ainsi plus facile de rĂ©aliser la construction comme il se doit. Ce type de rĂ©alisation est normalement composĂ© de cailloux et de pierres concassĂ©es, mais aussi du gravier. Vous devriez obtenir une base solide pour votre dalle sur terre-pleine. N’oubliez pas que vous pouvez solliciter une Ă©quipe de professionnels comme cette entreprise de maçonnerie dans les PyrĂ©nĂ©es Orientales sur ce site pour assurer la qualitĂ© des travaux. En effet, ce spĂ©cialiste ne laissera rien au hasard que ce soit pour l’épaisseur ou la rĂ©partition de votre mĂ©lange. Le lit isolant Cette Ă©tape est incontournable pour rĂ©aliser des travaux conformes aux conditions imposĂ©es par la RT RĂ©glementation thermique. Notez que vous avez deux options pour rĂ©aliser l’opĂ©ration comme il se doit. Vous pouvez en premier lieu poser directement le matĂ©riau isolant solide sur le support. Vous avez par exemple le choix entre des plaques de polystyrĂšne extrudĂ© ou expansĂ©. Vous pourrez ensuite ajouter un revĂȘtement sur le sol ou une chape mince au niveau du radier. Ce dernier accueillera directement l’isolant pour la seconde option. Ce procĂ©dĂ© permet en principe de rĂ©duire les risques de ponts thermiques. Le coffrage La rĂ©alisation d’un coffrage est indispensable pour bien dĂ©limiter la dalle que vous allez rĂ©aliser. Celui-ci sert en mĂȘme temps Ă  bien contenir le bĂ©ton que vous devrez couler pour la construction. Notez que vous avez diffĂ©rentes options pour la forme de la rĂ©alisation. Vous pouvez en effet faire un choix entre des planelles simples ou isolĂ©es. Un choix classique en bois peut aussi vous offrir des avantages considĂ©rables. Vous ne devrez avoir aucun mal Ă  prendre une dĂ©cision si vous contactez un maçon professionnel. Vous obtiendrez ainsi une rĂ©alisation rĂ©pondant Ă  vos besoins et vos attentes. L’armature mĂ©tallique Certes, le bĂ©ton rĂ©siste efficacement Ă  la compression. Vous devrez en outre vous attendre Ă  ce qu’il ne supporte pas la traction qui peut l’affaiblir rapidement. Cela implique que vous devrez rĂ©aliser une armature mĂ©tallique solide et efficace. Vous arriverez de cette maniĂšre Ă  renforcer les propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques de votre construction. En effet, vous n’aurez aucun souci Ă  vous faire sur les problĂšmes structurels qui peuvent se manifester Ă  l’avenir. Notez en tout cas que vous aurez besoin de treillis parfaitement soudĂ©s. Il faut aussi bien calculer le diamĂštre des fers ainsi que leur espacement. La dalle de bĂ©ton Cette derniĂšre Ă©tape commence par le calcul prĂ©cis de la quantitĂ© de bĂ©ton dont vous aurez besoin. Le matĂ©riau doit ĂȘtre coulĂ© efficacement au centre de la dalle. Il est aussi important de bien Ă©taler le mĂ©lange en vous servant d’un rĂąteau. Vous devrez aussi vous procurer une rĂšgle assez grande pour Ă©galiser le niveau de la rĂ©alisation. Il ne faut pas non plus nĂ©gliger le lissage Ă  l’aide d’une taloche avant de laisser le tout sĂ©cher. La pose du revĂȘtement de votre sol sera plus facile aprĂšs le dĂ©coffrage. 58
Iln’est pas nĂ©cessaire de couler du bĂ©ton fibrĂ© sur une dalle existante pour rattraper une diffĂ©rence de niveau de quelques centimĂštres. Vous pouvez vous contenter de rĂ©aliser une chape de mortier, dont la raison d’ĂȘtre est Ă  la fois de planĂ©ifier un sol existant et de corriger d’éventuels diffĂ©rences de niveau. Poser un trottoir autour de sa maison n’est pas Ă  la portĂ©e de tous. En effet, cette opĂ©ration requiert des connaissances poussĂ©es en maçonnerie. Il est donc recommandĂ© de faire appel Ă  un professionnel. Si vous souhaitez nĂ©anmoins vous lancer dans ce type de travaux, voici les Ă©tapes Ă  suivre pour poser un trottoir autour de votre habitation. Jolies maisons Pose trottoir autour de la maison Les 6 Ă©tapes de rĂ©alisation Les Ă©tapes de pose d’un trottoir autour d’une maison ne diffĂšrent pas de celles de l’installation d’une dalle classique. 1 Stabiliser et compacter l’emplacement de la dalle Si on veut poser un trottoir autour de sa maison, il faut dĂ©caisser la zone. Utilisez une pelle pour enlever la terre et les au sol les mesures du trottoir et balisez avec des Ă  dĂ©caisser le dĂ©caissement a gĂ©nĂ©ralement une profondeur situĂ©e entre 20 et 25 un mĂ©lange de pierres concassĂ©es et de sable dans le dĂ©caissement sur une hauteur de 15 la zone Ă  l’aide d’un compacteur. L’épaisseur de la dalle se choisit selon la charge qu’elle doit supporter. Pour un trottoir, une Ă©paisseur de 10 cm suffit. Ainsi, si vous comptez couler 10 cm de bĂ©ton, par exemple, la profondeur du dĂ©caissement doit ĂȘtre de 20 cm 15 cm de pierres/sable, 5 cm de dalle mis en terre pour laisser apparaĂźtre 5 cm de dalle. 2 RĂ©aliser un coffrage Le coffrage sert Ă  accueillir le bĂ©ton durant sa prise et son durcissement. Voici les Ă©tapes pour le mettre en place Servez-vous de planches de bois que vous dĂ©couperez aux bonnes les planches pour les les planches de coffrage en prenant soin de bien vĂ©rifier le les dimensions du trottoir sont considĂ©rables, pensez Ă  soutenir le coffrage en plaçant des piquets Ă  l’extĂ©rieur tous les 1 mĂštre. Pour une surface parfaitement lisse, vous pouvez utiliser des planches en mĂ©tal. 3 Placer le treillis soudĂ© Une fois le coffrage installĂ©, on peut disposer le treillis soudĂ©. Aussi appelĂ© ferraillage, ce dernier est une armature mĂ©tallique constituĂ©e de cĂąbles d’acier croisĂ©s, soudĂ©s entre eux. Le plus couramment utilisĂ© dans les dalles de maisons individuelles est le treillis soudĂ© ST25 C. Installez le treillis dans le coffrage. Laissez un Ă©cartement de 3 cm entre le treillis mĂ©tal et les planches de coffrage. Au besoin, vous coupez avec un le treillis afin qu’il ne puisse pas ĂȘtre en contact direct avec le sol entre 4 et 6 cm selon la hauteur du trottoir. Pour ce faire, placez des cales Ă  bĂ©ton Ă  intervalles rĂ©guliers. Bon Ă  savoir Pour Ă©viter les remontĂ©es d’humiditĂ©, vous pouvez recouvrir Ă  l’intĂ©rieur du coffrage un film plastique d’étanchĂ©itĂ© ou un polyane. 4 Couler le bĂ©ton du trottoir Maintenant que le ferraillage du bĂ©ton est terminĂ©, vous pouvez passer au coulage du bĂ©ton. Dosage de bĂ©ton pour 1 m3 CimentSableGravierEauDallage non armĂ©300 kg830 kg1100 kg155 lDallage armĂ©400 kg720 kg980 kg195 l PrĂ©parez le bĂ©ton dans une bĂ©tonniĂšre. Vous pouvez facilement en trouver Ă  la de façon uniforme le bĂ©ton dans le le bĂ©ton aura atteint le niveau final, servez-vous d’une barre Ă  dĂ©buller pour supprimer les poches d’ une lĂ©gĂšre pente pour Ă©vacuer les eaux pluviales. 5 Attendre le sĂ©chage du bĂ©ton Demandez un devis prĂšs de chez vous et choisissez nos meilleurs artisans Pour un trottoir d’une faible Ă©paisseur, vous pouvez retirer le coffrage au bout de 2 jours. Si tel n’est pas le cas, il vaut mieux attendre 1 semaine. Vous pouvez arroser lĂ©gĂšrement le ciment pour l’empĂȘcher de sĂ©cher trop vite et de crĂ©er des fissures. 6 Enlever le coffrage du trottoir Une fois le bĂ©ton sĂ©chĂ©, procĂ©dez Ă  la dĂ©pose du coffrage en le tapotant lĂ©gĂšrement Ă  l’aide d’un petit marteau. IMPORTANT N’oubliez pas les joints de dilatation ! La pose de joints de dilatation est nĂ©cessaire pour Ă©viter la fissuration du ciment. Il s’agit de petits espaces permettant au bĂ©ton de se dilater, sous l’effet des variations de tempĂ©rature. Le trottoir fait partie des ouvrages en bĂ©ton ayant besoin de joints de dilatation. Certes, il n’est pas large, mais il s’étend en longueur, ce qui peut accroĂźtre les risques de fissures. Vous avez 2 options Coupez le bĂ©ton avec une scie Ă  sols ou une disqueuse tous les 5 mĂštresPlacer une bande de polystyrĂšne tous les 5 mĂštres La largeur de chaque joint devra faire 20 mm. Quel budget prĂ©voir pour la pose d’un trottoir en bĂ©ton autour de la maison ? Concernant le budget, le prix d’un trottoir en bĂ©ton ne diffĂšre pas de celui d’une dalle classique qui exigera les mĂȘmes Ă©tapes de rĂ©alisation. Les tarifs varient gĂ©nĂ©ralement entre 30 € et 100 € du m2 en fonction de 2 critĂšres L’épaisseur du bĂ©tonLe type de bĂ©ton classique ou dĂ©coratif Vous connaissez dĂ©sormais toutes les Ă©tapes pour poser un trottoir autour de votre maison. Il ne vous reste plus qu’à rĂ©aliser la finition. Pour ce faire, vous avez un large choix de matĂ©riaux BoisCompositeCarrelageBĂ©ton dĂ©coratifRĂ©sine qC58.
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