VousnâĂȘtes pas bien. Du coup, vous allez avoir des blocages, vous allez vous sentir mal. Vous avez besoin de faire vautre cette phrase « tout ce qui ne sâexprime pas sâimprime »et dâoser
Pixabay Philippe Broux Philippe Broux Contract Business Manager chez Orange Business Services Published Oct 6, 2018 A force de refouler ses Ă©motions, de se contenir, d'empĂȘcher de se lĂącher, d'Ă©viter d'exprimer ce qui nous gĂšne, nous agace, nous empĂȘche d'ĂȘtre alignĂ© avec soi mĂȘme, nous ne faisons qu'alimenter notre inconscient et renforcer, ce que Jung appelle, notre ombre. Dit autrement, cette ombre est composĂ©e de tout ce qu'on a refoulĂ© au fil du temps dans notre inconscient par peur d'ĂȘtre rejetĂ© par les personnes qui ont eu un rĂŽle crucial dans notre vie. A force de messages contraignants nos drivers comme "DĂ©pĂȘche toi, sois fort, pleure pas, attention Ă ne pas..." nous nous empĂȘchons d'agir et refoulons. On encaisse. Si on ne cesse de gonfler le ballon de baudruche sans laisser s'Ă©chapper l'air... Pour rĂ©pondre aux souhaits des personnes qui nous entourent, ĂȘtre conforme Ă ce qu'on attend de nous, nous portons souvent des masques qui dissimulent nos traits de caractĂšres plus profonds. Ces masques peuvent parfois se briser et agir comme rĂ©vĂ©lateur de nos ombres personnelles mais aussi d'un talent cachĂ©. Mettons la lumiĂšre sur nos ombres, ne serait-ce qu'en les reconnaissant. GĂ©nĂ©ralement notre ombre correspond Ă ce qui rĂ©agir, irrite ou fait envie chez les autres . Tout Ă©vĂ©nement gĂ©nĂšre une pensĂ©e qui entraĂźne une Ă©motion et au final un comportement. Notre action, ou devrais-je dire notre inaction dĂ©pend bel et bien de ce que nous ressentons Ă un instant T. Qu'est-ce ce qui fait que je n'ai pas envie de me rendre au boulot ce matin ? La rĂ©ponse n'est pas tant le fait de devoir se dire "allez je ne m'Ă©coute pas, j'y vais..." mais de comprendre ce qui fait que je n'ai pas envie de me lever pour m'y rendre...Qu'est-ce que cela signifie? Qu'est-ce qui m'angoisse, me perturbe, m'empĂȘche d'y aller ? Sachons accueillir nos Ă©motions. Prenons le temps de se rĂ©gler intĂ©rieurement pour mieux agir. Le musicien n'a t"il pas besoin d'accorder son instrument de musique pour jouer ? // L'estime de soi Jun 21, 2020 L'ombre sous les feux de la rampe May 23, 2020 L'Ă©motion. Transmetteur de message May 21, 2020 Osons l'audace May 11, 2020 Le fameux schĂ©ma du disque rayĂ©.. May 8, 2020 Savoir Ă©couter...pas si simple Feb 24, 2019 Coachez la bonne rĂ©ponse Feb 16, 2019 La PNL / Le coaching... Feb 3, 2019 "Prends le chemin qui sâappelle plus tard, tu arriveras sur la place qui sâappelle jamais." Jan 19, 2019 PrĂȘt ? Ah l'Ego Oct 18, 2018 Explore topics
Deschoses que les personnes qui manquent dâempathie ne font pas. Les personnes qui ne sâintĂ©ressent pas aux autres pourraient ne pas parvenir Ă dĂ©velopper certaines attitudes car elles sont incapables (ou ne sont pas intĂ©ressĂ©es par le fait) de comprendre et de percevoir les sentiments de lâautre.Il existe des cas de personnes dĂ©sintĂ©ressĂ©es qui Romancier, auteur touche-Ă -tout, propagandiste des idĂ©es libĂ©rales pour le grand public, Edmond About 1828-1885 jouit aujourdâhui dâune cĂ©lĂ©britĂ© en demi-teinte. Ses romans, lus surtout par un jeune public, sont frĂ©quemment rééditĂ©s ; mais la partie doctrinale de son Ćuvre, faite de livres comme Le ProgrĂšs 1864 ou lâABC du travailleur 1868, est tombĂ©e dans lâoubli, malgrĂ© la force des idĂ©es libĂ©rales quâils contiennent et leur style entraĂźnant. Dans lâĂ©tude qui suit, la contribution dâAbout au libĂ©ralisme français est Ă©tudiĂ©e pour la premiĂšre fois avec profondeur et sur la base de documents inĂ©dits. [Avertissement prĂ©alable sur son nom et ses origines] Il y a des clairiĂšres ou des forĂȘts oĂč vous nâavez pas risquĂ© un demi-pas quâun Ă©criteau vous annonce un danger ; ne peut-on pas marcher en paix ? Cependant ici je dois moi-mĂȘme procĂ©der ainsi pour Ă©viter quâon ne prononce Ă la maniĂšre anglo-saxonne le nom de lâhomme dont je vais parler, et pour toute raison je citerai la convenance, la douceur française, lâamĂ©nitĂ©, quoique jâaie derriĂšre moi aussi la force des faits car en vieux français about, habout, a signifiĂ© limite dâun champ, borne, ou encore hypothĂšque, en droite ligne du latin abbotum, abdoutamentum, et le nom a pu ĂȘtre donnĂ© Ă un arpenteur ; ou alors il honorait un simple pĂȘcheur, en le dĂ©corant du nom donnĂ© Ă un filet de pĂȘche que lâon plaçait au bout dâun Ă©tang ou dâune Ă©cluse pour retenir le poisson. Johannes Baumgarten, Glossaire des idiomes populaires du nord et du centre de la France, 1870, p. 62. Quoi quâil en soit Edmond About Ă©tait dâorigine modeste ; il ne lâignorait pas, et en tirait mĂȘme une certaine fiertĂ©, rappelant par exemple dans une dĂ©dicace Ă sa fille Valentine, en ouverture de lâun de ses romans, quâils nâont ensemble pour ancĂȘtre que des pauvres, des humbles et des petits. » Le roman dâun brave homme, 1880, p. vi. Par la gaietĂ© de son tempĂ©rament et son Ă©criture lĂ©gĂšre, par son engagement pour la libertĂ© et ses convictions anti-clĂ©ricales, About a plus tard mĂ©ritĂ© le titre passablement flatteur de petit-fils de Voltaire. Lui-mĂȘme, dans sa modestie, nâambitionnait pas dâĂȘtre mis au rang de si brillants prĂ©dĂ©cesseurs. Je nâai reçu de la nature », disait-il, quâun atome de bon sens, une miette balayĂ©e sous la table oĂč Rabelais et Voltaire, les Français par excellence, ont pris leurs franches lippĂ©es. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 3 Un gĂ©nĂ©alogiste dirait quâil Ă©tait surtout lâenfant de son siĂšcle. [Premier tir dans son abondante littĂ©rature] Auteur dâune Ćuvre immense, et ayant travaillĂ© tous les genres, Edmond About sâoffre Ă nous dans toute son abondance et sa dĂ©mesure. Il appelle, par cet excĂšs mĂȘme, Ă une classification prĂ©alable. Lâironie veut que cet auteur infatigable ait dâabord formĂ© le vĆu de la concision. La veille de ses dix-huit ans câĂ©tait en fĂ©vrier 1846, il affirmait en effet devant lâun de ses amis du collĂšge Charlemagne une rĂ©solution ferme et passablement courageuse, dont il a pris plus tard le contre-pied. Si jamais jâĂ©cris », affirmait-il alors, je ne ferai pas comme tous ces gens stupides qui, incessamment, entassent volume sur volume ; je publierai peu, je soignerai beaucoup, je reviendrai Ă la langue des seiziĂšme et dix-septiĂšme siĂšcle. » Journal de jeunesse de Francisque Sarcey, 1903, p. 15. Sa vie durant, About nâa rien soignĂ© ; sa verve naturelle lâemportait Ă tous les diables, et il se laissait mener. LâĂ©tude de ses manuscrits lâindique dâailleurs passablement son Ă©criture est claire, sans rature aucune, comme sâil composait sous la dictĂ©e dâun autoritĂ© supĂ©rieure, qui lui inspirĂąt ses phrases. Ayant choisi, de bonne heure, de nâavoir Ă proprement aucune spĂ©cialitĂ©, il empruntait aux meilleurs maĂźtres et Ćuvrait en propagateur ; il se comparait lui-mĂȘme au vagabond, dont le destin est de traĂźner sa destinĂ©e prĂ©caire sur le terrain de tout le monde, glanant aprĂšs les moissonneurs, hallebotant aprĂšs les vendangeurs, braconnant aprĂšs le plus spirituel et le plus aimable des chasseurs. » Causeries, vol. II, 1866, p. 221 TrĂšs fermement convaincu du sens du progrĂšs et de la supĂ©rioritĂ© de la libertĂ© sur le contrainte, il en propageait les arguments dans toutes les petites batailles de la presse, dans ses Ćuvres littĂ©raires et dans ses Ă©crits plus sĂ©rieux. Au sein de lâarmĂ©e du progrĂšs, il prenait ainsi tous les rĂŽles tantĂŽt Ă lâavant-garde, tantĂŽt Ă lâarriĂšre-garde, tirailleur, Ă©claireur, enfant perdu, clairon, toujours simple soldat et content de porter lâĂ©paulette de laine, mais fermement rĂ©solu Ă ne jamais me perdre dans la foule honteuse des traĂźnards » Idem, p. 245. Si la presse occupa une si grande place dans sa vie, câest pour cette raison prĂ©cise que le journaliste nâĂ©labore pas de lui-mĂȘme des idĂ©es, mais les colporte dans le monde ; quâil fournit ainsi une nourriture facile et aisĂ©ment ingurgitable ; enfin quâil effleure chaque sujet et Ă©claire un peu le chemin que le lecteur accomplira seul ou guidĂ© par dâautres Idem,p. 340, 89, 260. Le dĂ©chaĂźnement des passions dans la presse quotidienne le mĂ©contentait sans le dĂ©goĂ»ter, car il gardait une vue claire de lâavenir, et il ne doutait pas que la postĂ©ritĂ©, dĂ©gagĂ©e des querelles et des scandales, montrerait de la reconnaissance pour les vrais artisans du progrĂšs, et que pareille Ă la divinitĂ© elle aurait le jugement sĂ»r et reconnaĂźtrait les siens. Cette vision sereine de lâavenir tranchait, naturellement, avec le combat quotidien des journaux et lâanimositĂ© rĂ©currente de la critique et du public, envers nombreuses de ses productions. LâĂ©chec terrible de sa piĂšce GaĂ«tana est restĂ© cĂ©lĂšbre dans lâhistoire, et lui-mĂȘme joua de cette dĂ©faveur monumentale, aprĂšs avoir ruminĂ© patiemment sa colĂšre il ajouta des notes Ă son texte, pour indiquer les moments oĂč le public avait commencĂ© Ă siffler, ou ceux pendant lesquels il avait fait savoir quâil savait imiter les cris des animaux les plus divers ». GaĂ«tana, drame en cinq actes, 5eĂ©dition, 1862, p. 76. CâĂ©tait, pour un homme du siĂšcle, si intĂ©grĂ© dans le dĂ©bat des idĂ©es, la consĂ©quence naturelle de son engagement, et About savait rendre les coups. Dans sa longue carriĂšre de critique dâart, par exemple, il a multipliĂ© les morsures, et disposant dâun vocabulaire trĂšs souple il a laissĂ© quelques saillies mĂ©morables, comme cette accusation de crime de lĂšse-dessin » Ă lâencontre de Mme Doux et de son Portrait de femme. Nos artistes au salon de 1857, 1858, p. 206. La liste de ses piĂšces de théùtres, nouvelles et romans, est dĂ©routante, et ses articles de journaux sont proprement innombrables. La contribution Ă la pensĂ©e libĂ©rale française Ă©tant le seul point de vue par lequel jâaie Ă considĂ©rer About, une vaste partie de son Ćuvre nâa pas vocation Ă ĂȘtre Ă©tudiĂ©e ici. Cependant un grand nombre de ses romans reprennent en arriĂšre-plan des questions dâadministration ou dâĂ©conomie politique, deux domaines qui le passionnaient. Lâagriculture et le dĂ©frichement, lâindustrie et ses mĂ©tiers, forment le fond du Fellah 1869, du Roman dâun brave homme 1880, de MaĂźtre Pierre 1862, de Madelon 1863 ou de lâInfĂąme 1867. Des considĂ©rations sur lâagriculture, les effets dâune fiscalitĂ© Ă©crasante, etc., se retrouvent aussi dans certains livres sĂ©rieux, consacrĂ©s Ă des questions dâactualitĂ©, Ă©trangĂšres au libĂ©ralisme Ă proprement parler, comme La question romaine 1859. Je ferai une exception pour sa GrĂšce contemporaine 1854, car ce livre a connu un rebond de cĂ©lĂ©britĂ© il y a quelques annĂ©es, Ă lâoccasion des dĂ©boires financiers de lâĂtat grec. Quant aux autres prĂ©occupations dâAbout associĂ©es Ă la libertĂ©, et qui se trouvent exposĂ©es dans ses romans â voir par exemple la Fille du chanoine, premiĂšre nouvelle du recueil les Mariages de province 1868, dans lequel About dĂ©crit les dĂ©boires causĂ©s par lâoppression parentale dans la question du mariage â je ne retiendrai que celles quâil a exposĂ©es patiemment dans ses quelques ouvrages de doctrine. Car en marge, dâun cĂŽtĂ©, de son engagement quotidien dans la presse, et de lâautre de son Ćuvre lĂ©gĂšre et mĂȘme parfois frivole de romancier ou dâhomme de théùtre, About a Ă©crit plusieurs livres et brochures consacrĂ©es directement aux grandes questions politiques, Ă©conomiques et sociales. Il y eut mĂȘme dans sa carriĂšre une dĂ©cennie spĂ©ciale durant laquelle il abandonna la littĂ©rature pour traiter, avec son style lĂ©ger et entraĂźnant, des grands thĂšmes habituellement couverts par les Ă©conomistes libĂ©raux tels que FrĂ©dĂ©ric Bastiat, Michel Chevalier ou Gustave de Molinari. Câest George Sand, semble-t-il, qui le poussa surtout Ă sâengager dans cette voie. Vous ĂȘtes un grand satirique et un grand avocat », lui Ă©crivit-elle en mai 1863 ; vous nâĂȘtes pas fait pour amuser seulement. Vous ĂȘtes fait pour redresser et pour instruire. » Correspondance de Georges Sand, vol. XVII, 1964, p. 633. Avant mĂȘme cette proposition, on peut citer dâAbout, dans le genre sĂ©rieux et libĂ©ral ici considĂ©rĂ©, sa courte lettre sur la libertĂ© de lâenseignement, publiĂ©e en 1860. Lâun de ses confrĂšres imprimait alors un projet de rĂ©forme aboutissant Ă confier Ă lâĂtat lâĂ©ducation nationale About repoussa ce projet, le qualifiant de vĂ©ritable dictature », et il se prononça pour la libertĂ© absolue » de lâenseignement. ConsidĂ©rations sur la libertĂ© dâenseignement par Marie-Henry de La Garde, suivies dâune lettre adressĂ©e Ă lâauteur par Edmond About, 1860, p. 46-47. En 1864 parut Le ProgrĂšs, qui est peut-ĂȘtre le chef-dâĆuvre dâAbout, et son ouvrage de doctrine le plus fĂ©cond et le plus abouti. Me proposant dâanalyser plus loin les idĂ©es libĂ©rales dâAbout, je ne ferai ici que mentionner son succĂšs remarquable, et ses rééditions en 1864, 1865, et 1867. La popularitĂ© et le succĂšs nâĂ©tant par dĂ©finition pas communs, je joindrai dans cette analyse bibliographique la liste des rééditions des textes libĂ©raux dâAbout, car peu dâauteurs, mis Ă part peut-ĂȘtre Jules Simon, ou Tocqueville mort en 1859, rencontrĂšrent Ă cette Ă©poque une si large diffusion. En 1865, About publia encore une petite brochure, reproduite plus tard dans la deuxiĂšme sĂ©rie des Causeries elle est consacrĂ©e Ă la libertĂ© du travail des femmes. Il avait saisi lâoccasion du rejet des femmes de lâindustrie typographique, rejet quâil qualifie de prĂ©tention injuste, illibĂ©rale, illogique au premier chef » La justice, etc., 1865, p. 7 ; Causeries, vol. II, 1866, p. 298, pour faire le procĂšs des inĂ©galitĂ©s lĂ©gales, existantes ou projetĂ©es, entre les hommes et les femmes. Son argument majeur Ă©tait quâil nây a pas deux logiques, lâune pour les hommes, lâautre pour les femmes, et que la libertĂ© du travail vaut pour tout le monde. La justice, etc., 1865, p. 22 ; Causeries, vol. II, 1866, p. 318 Aussi disait-il aux hommes qui cherchaient Ă exclure du marchĂ© leurs concurrentes fĂ©minines et Ă les renvoyer dans leur foyer, oĂč elles gagneraient leur pain comme elles pourraient Tout ĂȘtre intelligent choisit librement un travail, selon ses goĂ»ts et ses aptitudes. Vous trouveriez injuste et rĂ©voltant que lâon vous contraignĂźt Ă casser des pierres sur les routes. Homme ou femme, chacun peut vivre comme il lui plaĂźt, pourvu quâil ne nuise Ă personne. » La justice, etc., 1865, p. 17 ; Causeries, vol. II, 1866, p. 312 Mais je reviendrai plus tard sur la dĂ©fense de la cause fĂ©minine par Edmond About. Dans le domaine de lâĂ©conomie politique, il a encore consacrĂ© un livre pour prouver aux masses lâutilitĂ© des assurances sur les biens et sur les personnes Les questions dâargent. LâAssurance, 1865, rééditĂ© en 1866 et 1874 et une petite brochure sur le thĂšme plus prĂ©cis encore de lâĂ©pargne populaire et de lâassurance sur la vie Le capital pour tous. Plus de prolĂ©taires, 38 millions de bourgeois, 1868. Mais câest surtout son A B C du travailleur 1868 qui nous arrĂȘtera. Cette Ćuvre gĂ©nĂ©raliste qui connut un vrai succĂšs, et qui sera rééditĂ©e quatre fois 1869, 1879, 1882, 1888, Ă©tait conçue comme un traitĂ© dâĂ©conomie Ă lâusage des masses. Le CatĂ©chisme dâĂ©conomie politique de Jean-Baptiste Say Ă©tant jugĂ© trop austĂšre et trop abstrait, About en livra sa propre version, en lui donnant aussi un titre laĂŻcisĂ©. CâĂ©tait, sur le terrain des questions proprement Ă©conomiques, la continuation de son Ćuvre de propagandiste. [Nature de sa contribution au libĂ©ralisme] Les Ă©crits dâAbout sont remplis de passages succulents, de bons mots, de comparaisons habiles, propres Ă toucher les masses. Les contemporains qui lâont cĂŽtoyĂ© racontent que lorsquâun trait saillant traversait son esprit, il ne pouvait sâempĂȘcher ou de le dire ou de lâĂ©crire, et que dans les rĂ©unions privĂ©es quâil Ă©gayait de son esprit, sa femme mĂȘme ne pouvait le retenir, et gĂ©missait impuissante en disant Edmond ! » Marcel ThiĂ©baut, Edmond About, 1936, p. 129-130. Son humeur mordante, son esprit sans cesse railleur, le font distinguer de Bastiat, auquel il ressemble tant par ailleurs, mais dont la verve Ă©tait propre, presque douce, comme son caractĂšre. About au contraire, qui sait manier lâhumour, ne manque pas non plus de la capacitĂ© dâĂ©craser son adversaire sous une plaisanterie confondante. Sa contribution au libĂ©ralisme français se rapproche, par lâintention, de celle de FrĂ©dĂ©ric Bastiat mais About nâa pas de prĂ©tention scientifique, et sâil Ă©tudie les faits et les statistiques, ce nâest pas pour en faire usage, mais pour observer ou vĂ©rifier des tendances. LâĂ©conomie politique, il la saisit comme un Ă©colier, et ne songe pas Ă la rĂ©former. Ce quâil accomplit, ou du moins ce quâil ambitionne, câest de passer les vĂ©ritĂ©s de la science dans le fond commun du savoir, câest dâenseigner les principes de la libertĂ© aux prolĂ©taires, par exemple, en publiant des livres attrayants, des brochures Ă bon marchĂ©, qui parlent leur langue et soient dĂ©cidĂ©ment destinĂ©s Ă les instruire. Edmond About dispose pour cela du tempĂ©rament et des compĂ©tences techniques nĂ©cessaires. SĂ©duit, vers 1848, par les idĂ©es socialistes, desquelles il est revenu, il connaĂźt la force des prĂ©jugĂ©s populaires et ne mĂ©dit pas du pauvre ouvrier qui dĂ©raisonne. Lui aussi, Ă©tant lycĂ©en, sâimaginait que la communautĂ© des hommes devait se faire dans le partage des richesses de ce monde, que la terre Ă©tait Ă tous, ou que lâargent Ă©tait sale, et la richesse une flĂ©trissure A B C du travailleur, 1868, p. 11, 180. About sait en outre parler le langage des masses, en assaisonnant ses considĂ©rations thĂ©oriques de comparaisons et dâhistoriettes. [Appui donnĂ© par lâĂ©tude de ses papiers inĂ©dits] Mais avant dâen venir aux principes quâil a dĂ©fendus dans ses Ă©crits en renouvelant leur prĂ©sentation et leur argumentation, il me faut indiquer une ressource supplĂ©mentaire Ă la comprĂ©hension de sa pensĂ©e vraie. Son livre du ProgrĂšs rassemble, je lâai dit, ses conceptions libĂ©rales et les expose dâune maniĂšre didactique et assez complĂšte. Mais lâexamen des papiers dâAbout indique que ce texte nâĂ©tait quâune version adoucie, censurĂ©e, dâun premier travail plus audacieux. DĂ©jĂ Ludovic HalĂ©vy avait notĂ© dans ses carnets, en dĂ©cembre 1863, que le futur livre dâAbout serait sensiblement remaniĂ© par lâĂ©diteur, Louis Hachette. About est Ă Paris » marque-t-il. Il Ă©tait hier soir Ă lâOpĂ©ra. Il a terminĂ© un ouvrage politique et philosophique, le ProgrĂšs. Ouvrage absolument impie, dit-il, et qui distancera la Vie de JĂ©sus[dâErnest Renan 1863]. LâathĂ©isme est indiquĂ© comme la base nĂ©cessaire des sociĂ©tĂ©s futures. Quant Ă JĂ©sus-Christ, Aboutlâappelait Un IsraĂ©litedistinguĂ© dont M. Renan a fait un portrait trop flattĂ©. Mais le prudent Hachette a reculĂ© devant cette phrase originale About a dĂ» la supprimer. » Carnets, 1862-1869, 1935, p. 28 Aujourdâhui nous nâavons pas la trace du premier Ă©tat du texte ; mais les archives personnelles dâEdmond About, conservĂ©es Ă lâInstitut Ms. 3984, nous donnent Ă lire un autre document important, Ă savoir les placards corrigĂ©s, oĂč Hachette a portĂ© des commentaires, barrĂ© des passages, demandĂ© des adoucissements, sur une version du texte qui Ă©tait dĂ©jĂ amendĂ©e. En comparant les placards avec le texte imprimĂ©, il est clair que le message dâEdmond About a Ă©tĂ© adouci. Ă titre dâexemple, lâesprit le plus faux et le plus arrogant du dix-septiĂšme siĂšcle, lâĂ©vĂȘque Bossuet », devient lâimmortel Bossuet » dans le texte imprimĂ©. De mĂȘme, un passage qui critique lâadministration aprĂšs lâaccident sur le chemin de fer des dunes de lâOuest, entre Carnac et Quiberon, se trouve tout Ă coup transportĂ© en Chine, entre Ning-Po et Ky-Tcheou, pour ne pas heurter les sensibilitĂ©s. Non seulement About a dĂ» faire des concessions dans le style, pour Ă©viter les attaques trop violentes contre la religion notamment, mais il a transformĂ© aussi Ă certains endroits sa pensĂ©e, quand elle Ă©tait jugĂ©e trop audacieuse. Jâen donnerai ici un exemple frappant. Le dixiĂšme chapitre du placard, intitulĂ© Le droit et lâassociation » â et qui est devenu le cinquiĂšme dans lâimprimĂ©, sous le titre Le droit » â, se prĂ©sente comme un grand exposĂ© sur les droits individuels. Une modification de quelques mots, entre le placard et lâouvrage imprimĂ©, a produit dans cette discussion une altĂ©ration majeure. Dans la version originale, plus ou moins remaniĂ©e dĂ©jĂ , quâon lit dans le placard, le chapitre sâouvre par ces mots Qui que tu sois, lecteur, mĂąle ou femelle, fort ou faible, savant ou ignorant, noble ou roturier, Bourbon ou Durand, je te dĂ©clare, au risque dâĂ©tonner ta sottise et dâĂ©pouvanter ta couardise, que tu nâas ni maĂźtre, ni chef, ni supĂ©rieur naturel, et que ta personne et tes biens ne relĂšvent que de toi. » BibliothĂšque de lâInstitut, Ms. 3984 Or lâimprimĂ© fait une brĂšve modification, trĂšs lourde de sens, et on lit dĂ©sormais Homme grand ou petit, riche ou pauvre, fort ou faible, savant ou ignorant, noble ou roturier, Bourbon ou Durand, je te dĂ©clare, au risque dâĂ©tonner ta sottise et dâĂ©pouvanter ta couardise, que tu nâas ni maĂźtre, ni chef, ni supĂ©rieur naturel, et que ta personne et tes biens ne relĂšvent que de toi. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 59 Toute la puissance de la pensĂ©e dâAbout sur le droit Ă©gal des femmes Ă la libertĂ© individuelle et Ă lâauto-dĂ©termination est perdu. Certes, on peut encore lire dans le chapitre imprimĂ© quelques affirmations courageuses, mais dĂ©sormais vagues et sans force, comme celle qui professe quâ il nây a point de degrĂ©s dans la dignitĂ© humaine » Le ProgrĂšs, 1864, p. 59, mais lâagencement original du chapitre et la formulation trĂšs claire de son ouverture rendait davantage compte des intentions prĂ©cises de lâauteur. LâĂ©tude de ce document permet du moins cette observation prĂ©cieuse, quâau sein dâune gĂ©nĂ©ration de libĂ©raux dont la conversion aux principes du fĂ©minisme libĂ©ral Ă©tait encore Ă faire, Edmond About a cherchĂ© avec fermetĂ© Ă placer la libertĂ© individuelle des femmes sur le plan de lâĂ©galitĂ©. En consultant ses romans ou ses autres ouvrages sĂ©rieux ou rĂ©putĂ©s tels, cette connotation nâest certes pas une surprise. On sait quâil disait de la question des femmes, que câĂ©tait un sujet sur lequel on ne saurait trop sâĂ©tendre » Causeries, vol. II, 1866, p. 14 Et non content dâavoir livrĂ© bataille pour leur garantir lâaccĂšs libre aux diffĂ©rents mĂ©tiers â et non seulement aux activitĂ©s du foyer, ou aux professions dites fĂ©minines â About avait aussi condamnĂ© la pauvretĂ© de lâĂ©ducation morale et intellectuelle apportĂ©e aux jeunes filles. Toute une moitiĂ© de la nation, le sexe fĂ©minin », Ă©crivait-il, appartient Ă la catĂ©gorie des non-valeurs relatives. AssurĂ©ment, la nature nâa rien fait de meilleur ni de plus intelligent que la femme ; elle est propre Ă tous les travaux de lâesprit ; elle est capable de tous les actes de dĂ©vouement et dâhĂ©roĂŻsme. Elle est plus courageuse que lâhomme et sans cela, la terre serait dĂ©peuplĂ©e depuis longtemps ; elle est plus sobre ; elle a toujours plus de finesse et souvent plus dâĂ©lĂ©vation dans les idĂ©es. Elle aborde avec succĂšs le commerce, lâindustrie, lâart, les lettres, les sciences, la politique mĂȘme, lorsquâun heureux hasard la met hors de page et Ă©mancipe ses talents. Mais lâhomme, qui sâapplique si bravement Ă perfectionner ses bĆufs, ses chevaux et ses chiens ; lâhomme qui a su dresser les Ă©lĂ©phants Ă danser la polka, les barbets Ă faire lâexercice et les petits oiseaux Ă dire la bonne aventure, met presque autant de zĂšle Ă rabaisser sa compagne et son Ă©gale par la plus odieuse et la plus sotte Ă©ducation. Jâai lu je ne sais oĂč, mais assurĂ©ment dans des livres Ă©crits en style noble, que le christianisme et la chevalerie avaient mis la femme sur le trĂŽne comment se fait-il donc quâelle soit encore gouvernĂ©e comme une ilote en jupons ? Pourquoi lâinstruction quâon lui donne est-elle entiĂšrement tournĂ©e Ă lâignorance ou Ă la niaiserie ? Dans quel intĂ©rĂȘt traitons-nous son cerveau comme le mandarin traite les pieds de sa chinoise ? Pourquoi poursuivons-nous dâune sorte de rĂ©probation toute femme qui cultive un autre art que la musique ? Pourquoi le travail est-il organisĂ© de telle façon quâune femme ne puisse honnĂȘtement gagner sa vie ? Pourquoi les industries fĂ©minines par excellence sont-elles envahies par MM. les lingers, corsetiers et couturiers, tandis quâune femme est gĂ©nĂ©ralement reçue Ă coups de fourche lorsquâelle se prĂ©sente comme compositeur dans une imprimerie ? » Le ProgrĂšs, 1865, p. 129-130. Ailleurs, il demandait sâil Ă©tait si prĂ©cieux et utile de bander les yeux des jeunes filles sur les pratiques de la vie maritale, et si un savoir honnĂȘte aurait Ă©tĂ© vraiment un vain bagage Causeries, vol. II, 1866, p. 22. [Les principes du libĂ©ralisme popularisĂ©s par About] About a poursuivi sa carriĂšre de propagandiste des idĂ©es libĂ©rales avec lâambition premiĂšre dâĂȘtre clair, instructif et convaincant. Il Ă©crivait pour les masses, et cela impliquait dâadapter lâexposition et lâexpression des idĂ©es au lecteur, fĂ»t-il un simple paysan, un manouvrier ou un domestique. La gloire des grandes productions de lâesprit, About la laissait Ă ses amis, collĂšgues, et frĂ©quentations, Michel Chevalier, Ădouard de Laboulaye ou Hippolyte Taine. Sa tĂąche Ă lui Ă©tait plus sommaire. La plupart des savants Ă©crivent pour se faire admirer », notait-il une fois ; je ne suis quâun ignorant de bonne volontĂ©, et je nâai dâautre ambition que dâĂȘtre compris. » LâAssurance, 1865, p. 23 MĂȘme renfermĂ© dans ces bornes modestes, About frappait par son enthousiasme et son ardeur communicative. Dâun coup dâĆil, il saisissait la grande valeur dâune question dâĂ©conomie politique, et lâexposait sans broncher en termes simples Ă un public enragĂ© par les prĂ©jugĂ©s contraires. Pour ceux qui, Ă ses cĂŽtĂ©s, ne partageaient pas son goĂ»t pour les questions Ă©conomiques, il paraissait un illuminĂ©, touchĂ© par la grĂące. Quâil sâagit du libre-Ă©change ou des sociĂ©tĂ©s de coopĂ©ration », dit Joseph Reinach, de la question monĂ©taire ou des grĂšves, des non-valeurs de la terre ou de lâassurance, des transports ou de la mutualitĂ©, ilsâassimilait les principes gĂ©nĂ©raux avec une prodigieuse facilitĂ© et il en parlait avec une telle abondance dâarguments et de renseignements, avec une telle prĂ©cision et une telle sĂ»retĂ©, quâon eĂ»t jurĂ© quâil ne sâĂ©tait jamais occupĂ© dâautre chose. » Le dix-neuviĂšme siĂšcle, 1892, prĂ©face, p. xxxv Cette terre dâadoption nâĂ©tait pas, on le sait, sa spĂ©cialitĂ©, car Ă vrai dire About nâen eut jamais aucune ; aussi on nâespĂšre pas quâil fĂ»t, dans la dĂ©fense des idĂ©es libĂ©rales, aussi neuf et brillant que les grands maĂźtres Ă penser qui lui donnĂšrent la matiĂšre de ses ouvrages. Son mĂ©rite est Ă trouver ailleurs. Ăcrivant pour les ouvriers, il leur parle un langage de sagesse, et donne le change aux Ă©crivains socialistes qui enveniment les dĂ©bats. About, lui, nâoffre ni sĂ©duction factice ni promesse illusoire. Aux ouvriers qui rĂ©pĂštent les mots qui les ont flattĂ©, et se disent des dĂ©shĂ©ritĂ©s, il rĂ©pond que non rien nâest plus faux. DĂ©shĂ©ritĂ©s par qui ? DĂ©shĂ©ritĂ©s de quoi ? Leurs pĂšres nâont rien laissĂ© pour eux. Ont-ils la prĂ©tention dâhĂ©riter dâun inconnu, au dĂ©triment des successeurs lĂ©gitimes ? » A B C du travailleur, 1868, p. 261. De mĂȘme, About Ă©crit que câest presque toujours par une mĂ©prise que lâouvrier se croit volĂ© par le capital ou le capitaliste il sâexagĂšre la valeur de son travail et dĂ©prĂ©cie le travail de son collaborateur, ce travailleur massif en fonte, qui a pour nom capital. A B C du travailleur, 1868, p. 266 Par ricochet les profits et ce que lâĂ©conomie marxiste nommait la plus-value sont de toute justice, et aucune expression nâest plus vide de sens que celle qui parle dâexploitation de lâhomme par le capital. Les agitateurs socialistes, dont les pĂ©roraisons raisonnent dans les usines, se trompent donc sur les motifs ; et lâon sâaperçoit rapidement que leurs conclusions ne valent guĂšre mieux. Redistribuer les revenus serait une pratique honteuse et illĂ©gale, dit About, car lâĂtat a pour mission de protĂ©ger les propriĂ©tĂ©s, non de les violer. Le capital pour tous, 1868, p. 4 DĂ©cerner des droits nouveaux par excĂšs de philanthropie irait de mĂȘme Ă contre-sens du progrĂšs. Le droit Ă lâĂ©ducation, notamment, est une prĂ©tention abusive, qui renverse les droits et corrompt le principe de la propriĂ©tĂ©. Le ProgrĂšs, 1864, p. 70 Et si les ressources de lâassociation sont estimables, ce nâest pas, dit-il, dans de grandes sociĂ©tĂ©s coopĂ©ratives de consommation quâil faut placer ses espoirs, lâessai ayant donnĂ©, en Angleterre, des rĂ©sultats piteux, hĂ©las conformes aux principes. A B C du travailleur, 1868, p. 283 De mĂȘme, la grĂšve a pour vice rĂ©dhibitoire de nuire Ă©galement aux deux parties et de produire des privations et des ruines, quand il serait plus sensĂ© de sâentendre dâemblĂ©e. Causeries, vol. II, 1866, p. 143 Quelle solution reste-t-il, alors ? Il reste pour lâouvrier pauvre la ressource dâune organisation sociale et Ă©conomique qui facilitera son Ă©lĂ©vation, câest-Ă -dire la libertĂ© de produire et dâĂ©pargner paisiblement. A B C du travailleur, 1868, p. 156 Il lui reste aussi Ă comprendre que les intĂ©rĂȘts du capital et du travail sont harmoniques, et quâau lieu de maugrĂ©er contre la fortune dâautrui, il vaut mieux quâil souhaite Ă son prochain lâopulence et la fortune, et cela dans son propre intĂ©rĂȘt. Idem, p. 138-139 et p. 140 Dans une dĂ©marche dâhonnĂȘtetĂ© intellectuelle, et avec un vrai sens de lâintĂ©rĂȘt des travailleurs, About expose aussi les grands principes de lâĂ©conomie libre, par lesquels chacun consomme, travaille ou Ă©change, portĂ© par le courant continuel du progrĂšs. Dans lâA B C du travailleur, notamment, il revient sur le motif structurant de lâintĂ©rĂȘt personnel, qui est Ă la base de lâĂ©change et des autres faits Ă©conomiques. Tous les producteurs produisent en vertu du mĂȘme principe » explique-t-il, qui est lâintĂ©rĂȘt personnel bien compris. Le boulanger ne pĂ©trit pas le pain pour nourrir les autres hommes, mais pour gagner son pain lui-mĂȘme et manger Ă son appĂ©tit. Le maçon ne bĂątit pas pour loger le prochain, mais pour payer son terme. » A B C du travailleur, 1868, p. 63-64 Et si chacun obtient par son travail spĂ©cial les moyens de mener sa vie et de la soutenir, câest que lâĂ©change leur permet dâobtenir ce quâils dĂ©sirent. Ce mĂ©canisme de lâĂ©change, central dans lâĂ©conomie des sociĂ©tĂ©s, About en fait un vibrant Ă©loge, et il dit Ă ses modestes lecteurs que si les hommes raisonnaient un peu, ils seraient tous en admiration et en reconnaissance devant le mĂ©canisme bienfaisant de lâĂ©change. Il nous permet dâobtenir tous les biens qui nous manquent, tous les services que nous ne pourrions nous rendre Ă nous-mĂȘmes. Et Ă quel prix ? Moyennant un travail utile, nâimporte lequel, qui est toujours laissĂ© Ă notre choix. » Idem, p. 121-122 Le mĂ©rite du fonctionnement libre du marchĂ© se prĂ©sente aussi par contraste, lorsque lâon considĂšre les opĂ©rations auxquelles donne lieu lâintervention de lâĂtat dans lâĂ©conomie primes, subventions, services publics. On se demande par quelle notion de la justice les amateurs de spectacles, du théùtre et de lâopĂ©ra, par exemple, voient leur places subventionnĂ©es par ceux qui prĂ©fĂšrent passer leur soirĂ©e au cafĂ©, oĂč aucun concitoyen ne paie leur addition. Le ProgrĂšs, 1864, p. 319 Câest pourtant ce qui survient dans toute opĂ©ration qui dĂ©pend du domaine administratif, rappelle About lâhomme qui reste chez lui paie lâentretien des routes impĂ©riales, et celui qui ne va pas Ă la messe nâen contribue pas moins Ă la rĂ©paration des Ă©glises. Idem, p. 235 Ă lâinverse, le marchĂ© â ou lâassociation libre », comme dit About â coordonne directement les besoins individuels et Ă©tablit leur balance dans la justice et la proportionnalitĂ©. Ainsi, en achetant un billet lâutilisateur dâune ligne de chemin de fer pait le prix du service quâon lui rend, et celui qui ne voyage pas conserve son argent pour assouvir ses propres besoins. Idem, p. 235 Le mĂ©canisme de lâĂ©change a encore pour vertu dâharmoniser les intĂ©rĂȘts et dâintroduire un Ă©lĂ©ment structurant de solidaritĂ© entre les peuples des diffĂ©rentes nations. Dans lâA B C du travailleur, About revient sur cette prĂ©tention courante chez les masses, de ne guĂšre se prĂ©occuper ou sâĂ©mouvoir des malheurs Ă©conomiques ou sociaux survenus dans une autre partie du monde, et que les journaux français leur rapportent. Que mâimporte le cholĂ©ra, sâil est aux Indes ? » tel est le langage du commun. Quâai-je Ă craindre de la guerre civile, si elle se dĂ©bat entre AmĂ©ricains ? Les TaĂŻpings ont Ă©gorgĂ© toute la population dâune province, mais je mâen moque bien câest en Chine ! » A B C du travailleur, 1868, p. 129 Pour lutter contre cette erreur Ă©conomique, About explique comment la destruction dâun bien, lâincendie dâun quartier, le saccage dâune rĂ©colte, produisent par ricochet les plus terribles consĂ©quences jusquâĂ lâautre bout de la planĂšte. Car les hommes et les femmes du monde entier sont les clients et les fournisseurs les uns des autres ; et celui qui sâest ruinĂ© nâachĂšte plus et ne vend plus. Aussi, la conclusion est celle dâun humanisme Ă lâĂ©chelle du monde, credo quâAbout a plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ© dans ses Ćuvres dans LâAssurance, il parle de ces hommes blancs, jaunes, rouges et noirs, tous solidaires les uns des autres comme les doigts de la mĂȘme main » LâAssurance, 1865, p. 29, et dans lâA B C du travailleur, oĂč cette idĂ©e apparaĂźt dans tout son dĂ©veloppement, il donne encore cette mĂȘme leçon, que ni les distances qui nous sĂ©parent, ni les diversitĂ©s dâorigine, de couleur et de civilisation qui nous distinguent, ni mĂȘme les malentendus qui nous arment parfois les uns contre les autres nâempĂȘchent lâhumanitĂ© de former un grand corps. » A B C du travailleur, 1868, p. 130. Le mĂ©canisme de lâĂ©change pourvoyant avec justice aux besoins Ă©conomiques des populations, le rĂŽle de lâĂtat apparaĂźt Ă About comme devant ĂȘtre essentiellement nĂ©gatif il sâagit uniquement de protĂ©ger les individus des ennemis du dehors et des malfaiteurs du dedans. A B C du travailleur, 1868, p. 166. Ă ce titre, lâĂtat peut ĂȘtre comparĂ© Ă une grande sociĂ©tĂ© dâassurances mutuelles. Le capital pour tous, 1868, p. 3 Toute intervention positive, contrevenant aux motifs des Ă©changes libres, amĂšnerait des dĂ©ceptions. Dâabord les rĂ©sultats ne seraient pas Ă lâauteur des ambitions, comme pour la fixation des salaires, oĂč lâintervention de lâautoritĂ© force les entrepreneurs Ă se passer des ouvriers dont le tarif excĂšde la vraie valeur. A B C du travailleur, 1868, p. 268. Ensuite, lâopĂ©ration, mĂȘme vaine, aurait encore eu pour mĂ©fait de violer la libertĂ© individuelle, qui est chose prĂ©cieuse. Elle lâĂ©tait, du moins, suffisamment pour About, pour quâil combatte chaque fois pour elle, et pour quâil cherche Ă convaincre ses concitoyens de sa valeur suprĂȘme. Quant Ă ceux qui se promettaient une existence plus douce dans les fers de lâĂ©tatisme ou du collectivisme, il les laissait se dĂ©battre dans leur folie, et se contentait de les avertir Bonnes gens, vous ĂȘtes libres dâabdiquer tous vos droits, puisque vous y trouverez quelque mĂ©rite ; mais nâabdiquez pas les miens, par un excĂšs de zĂšle ! Si le besoin dâobĂ©ir vous tourmente si fort, entrez dans une de ces associations particuliĂšres oĂč lâon fait vĆu dâobĂ©issance jâen serai quitte pour ne pas mâenfroquer avec vous. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 214 Quoiquâil ait toujours affichĂ© une prĂ©fĂ©rence marquĂ©e pour les questions relevant de lâĂ©conomie politique â dans le sens assez Ă©tendu quâavait alors ce terme â, Edmond About a aussi dĂ©fendu la libertĂ© et les solutions libres dans des aspects les plus divers. Il nâest pas jusquâaux questions de dĂ©forestation et de survie de la faune, qui ne lâaient vu proposer des solutions conformes Ă lâinitiative individuelle. Il voulait quâavec quelques prĂ©cautions de rigueur toutes les forĂȘts de lâĂtat et des communes soient vendues et exploitĂ©es enfin fructueusement par des individus ou des associations privĂ©es. Le ProgrĂšs, 1864, p. 123 De mĂȘme, il fournit des explications sur les moyens quâemploie en Allemagne lâinitiative individuelle, et quâelle emploierait de mĂȘme en France si on nây mettait des bornes, pour repeupler les Ă©tangs et les forĂȘts des espĂšces animales que la gestion laxiste et maladroite des autoritĂ©s voit diminuer et parfois disparaĂźtre Idem, p. 93-94. Dans le domaine de la politique, il a dĂ©fendu avec beaucoup de ferveur lâautonomie locale et il appelait ses compatriotes Ă dĂ©centraliser, mot qui Ă©tait encore un barbarisme, et quâil a participĂ© Ă imposer, une quinzaine dâannĂ©es avant son entrĂ©e dans le dictionnaire de lâAcadĂ©mie. Le ProgrĂšs, 1864, p. 232 Converti, avec quelques rĂ©ticences, Ă la dĂ©mocratie complĂšte et au suffrage universel, il entrevoyait des pĂ©rils possibles dans la tendance des candidats Ă flatter ce quâil appelait les illusions plĂ©bĂ©iennes ». A B C du travailleur, 1868, p. 278 Dans un article de son journal Le dix-neuviĂšme siĂšcle, il arguait mĂȘme que les codes, qui sont comme les bases de la sociĂ©tĂ© et de la civilisation, devraient ĂȘtre Ă lâabri des actions lĂ©gislatives. Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 2 septembre 1872 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 22. [La question de la religion] La plupart de ces idĂ©es et propositions libĂ©rales sont en phase avec lâorthodoxie des autres grands penseurs du siĂšcle. Lâune des dimensions de lâĆuvre dâEdmond About, au contraire, a donnĂ© lieu Ă des divisons trĂšs fortes parmi les diffĂ©rents reprĂ©sentants du libĂ©ralisme français, et mĂ©rite donc un traitement Ă part il sâagit de la religion. Edmond About a participĂ© au front anti-clĂ©rical, anti-religieux, prĂ©sent dans le libĂ©ralisme français, menant sa vie durant un combat Ăąpre et remarquĂ© contre toutes les croyances mystiques. Ă lâinstar de Voltaire, de Bayle ou plus tard dâYves Guyot, il se rattachait Ă lâĂ©cole des libre penseurs, ces esprits positifs, rebelles Ă toutes les sĂ©ductions de lâhypothĂšse, rĂ©solus Ă ne tenir compte que des faits dĂ©montrĂ©s. » Nous ne contestons pas lâexistence du monde surnaturel », disait-il encore ; nous attendons quâelle soit prouvĂ©e et nous nous renfermons jusquâĂ nouvel ordre dans les bornes du rĂ©el. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 9 De mĂȘme quâYves Guyot, dans sa prĂ©face Ă la réédition de la Religieuse, expliquera en 1886 la nĂ©cessitĂ© de continuer le combat engagĂ© par Diderot contre les couvents oĂč lâon enferme les jeunes filles nubiles La Religieuse, 1886, p. xxxvi, de mĂȘme Edmond About affirmera que les fabricants de miracles sĂ©vissent toujours, que les vellĂ©itĂ©s autoritaires de lâĂglise ne sont pas de lâhistoire, et que de nouvelles superstitions, plus sottes peut-ĂȘtre et plus rĂ©pugnantes, ont succĂ©dĂ© Ă celles dont Voltaire avait fait justice. Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 18 juillet 1876 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 109 Dans cette entreprise, About jeta tout le sel, toute lâamertume et toute lâironie quâil puisait en lui, et il se rendit dĂ©testable Ă quiconque conservait un souffle de conviction religieuse. Aujourdâhui encore, un honnĂȘte chrĂ©tien ne pourrait lire certaines de ses tirades sans grimace. Quand il Ă©voque les haras, il souligne par un Ă©loge feint les soins que donnaient Ă cette Ćuvre les moines de lâancien temps, grands reproducteurs eux-mĂȘmes » Le ProgrĂšs, 1864, p. 167 ; et quand il Ă©voque les Papes, dans son traitement de la question romaine, il ne peut sâempĂȘcher dâappeler cette institution une dictature sempiternelle, oisive, taquine, ruineuse, que des vieillards hors dâĂąge se transmettent de main en main » La question romaine, 1859, p. 123. Ă lâĂ©vidence, cette aigreur a participĂ© Ă la cĂ©lĂ©britĂ© du personnage. Elle nâĂ©tait dâailleurs pas feinte, ni forcĂ©ment outrĂ©e. DĂšs ses jeunes annĂ©es Ă lâĂcole normale, raconte son ami Francisque Sarcey, About Ă©tait si fixĂ© dans son opposition Ă la religion, quâil ne pouvait plus voir un catholique. Quand Barnave [Charles Barnave, Ă©lĂšve comme eux et futur prĂȘtre] parle, son visage se contracte et, sâil lui rĂ©pond, les mots amers et blessants lui coulent de la bouche. » Il faut avouer aussi que Barnave le lui rend bien », continue Sarcey. Il y a un mot de lui qui est authentique Quand je vois passer About, disait-il, il me prend des envies soudaines de sauter sur lui, de lâĂ©trangler de mes mains ; il me semble que je rendrais service Ă la religion. » Journal de jeunesse de Francisque Sarcey, 1903, p. 141. Au-delĂ de la violence du langage, il y a cependant, dans le combat anti-clĂ©rical dâEdmond About, quelques faits saillants qui mĂ©ritent dâĂȘtre rappelĂ©s. Dâabord, en exposant les principes du libĂ©ralisme Ă©conomique Ă destination des ouvriers, il Ă©tait naturel quâil blĂąmĂąt les prĂ©ceptes Ă©culĂ©s de lâĂglise catholique sur lâimpuretĂ© de la richesse ou lâillĂ©galitĂ© du prĂȘt Ă intĂ©rĂȘt. LâAssurance, 1865, p. xvii. De mĂȘme, quand il dĂ©fendait le mariage exclusivement civil ou les enterrements civils, en soutenant que personne ne doit ĂȘtre obligĂ© de payer les priĂšres quâil ne consomme pas, il ne sombrait pas dans lâextravagance, mais promouvait une rĂ©forme de justice. Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 29 octobre 1878 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 251-252. Enfin, il ne sera pas dĂ©savouĂ©, malgrĂ© ses motifs, quand on le verra plaider pour le financement privĂ© des cultes, et quand on lira lâargument selon lequel lâĂtat, Ă©tant une association gĂ©nĂ©rale pour la rĂ©pression du crime et la dĂ©fense du sol, ne doit pas se mĂȘler de sauver les Ăąmes. Le ProgrĂšs, 1864, p. 221 Peut-ĂȘtre certains des plus obstinĂ©s contre lui porteront-ils eux-mĂȘmes Ă son crĂ©dit la longue lutte quâil a menĂ©e dans les journaux contre certaines aberrations de lâesprit, qui se propageaient Ă lâĂ©poque en dehors de la religion. MĂ©diums, somnambules, devins, cartomanciens, interprĂštes de songes toutes ces Ă©lucubrations se propageaient alors et disposaient de leurs propres journaux ; About en compte jusquâĂ dix, et, dans le nombre, dit-il, pas un qui sâimprime Ă Charenton », le cĂ©lĂšbre asile pour les aliĂ©nĂ©s Causeries, vol. II, 1866, p. 233. Ici se prĂ©sentent les faiseurs de miracles, comme les frĂšres Davenport, qui mĂ©ritent dâĂȘtre dĂ©masquĂ©s, parce quâils sâenrichissent de la bĂȘtise humaine la plus crasse ; lĂ se tiennent les mĂ©diums, les spiritistes, qui invoquent les spectres, font parler les morts, et forcent Socrate, CicĂ©ron ou Lamennais, Ă Ă©crire en français mĂ©diocre un supplĂ©ment Ă leurs Ćuvres posthumes. Idem Ce mysticisme pour les esprits faibles, les vieillards et les femmes, serait peut-ĂȘtre Ă laisser en paix, sâil ne menaçait pas le fonctionnement normal de la sociĂ©tĂ©, en renversant les promesses donnĂ©es, en dĂ©pouillant des hĂ©ritiers lĂ©gitimes ou en jetant sans direction dans les opĂ©rations de la Bourse des fortunes patiemment acquise et qui sây dissipent. Idem, p. 247-248 Mais lorsque ses ravages sont connus, les hommes de bonne volontĂ© ont bien le droit dâavertir les esprits niais quâon les trompe. Tout au long de sa croisade anti-religieuse, Edmond About a Ă©tĂ© accusĂ© de fouler aux pieds la libertĂ© de conscience. Il sâen est dĂ©fendu Ă plusieurs reprises. En discrĂ©ditant les aberrations du mysticisme, dâabord, il ne condamnait pas ses adeptes Ă la pĂ©nitence ou au mĂ©pris ; au contraire il demandait la bienveillance, et se contentait de donner des avertissements, semblable Ă celui qui a observĂ© la force de la houle et conseille aux baigneurs de prendre garde. Ce nâest pas attenter Ă la libertĂ© des moutons que de crier au loup ! » Ă©crivait-il au cours de sa controverse contre le spiritisme. Causeries, vol. II, 1866, p. 266 Il ne mobilisait pas un autre argumentaire lorsque, ayant acceptĂ© la concurrence des Ă©coles religieuses pour lâenfance, oĂč il sâagissait surtout de lecture et dâĂ©criture, il refusait absolument que lâĂglise puisse se mĂȘler de lâenseignement secondaire. Quoique sa prĂ©fĂ©rence fĂ»t toute accordĂ©e Ă lâenseignement libre, il reconnaissait Ă lâĂtat lui-mĂȘme une supĂ©rioritĂ©, Ă cet Ă©gard, sur lâenseignement religieux. Tout est perfectible dans lâĂtat », expliquait-il, tout est immuable dans lâĂglise. Lâenseignement laĂŻque fĂ»t-il organisĂ© le plus sottement du monde, subordonne tous ses programmes Ă lâautoritĂ© du progrĂšs. Il peut ĂȘtre myope, maladroit, traĂźnard, musard et occupĂ© de cent niaiseries ; il conserve malgrĂ© tout le vague instinct de la route Ă suivre il marche en trĂ©buchant vers le but de lâhumanitĂ© qui est lĂ -bas, en avant. Lâenseignement clĂ©rical place le but en arriĂšre. Donc, plus il est habile, insinuant et caressant, mieux il Ă©gare la jeunesse. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 402 Aussi, la libertĂ© ne pouvait ĂȘtre attribuĂ©e Ă une institution qui avait pour vocation et pour rĂ©sultat de tromper son jeune public et dâĂ©garer leur esprit, et pour se servir dâune expression populaire, la libertĂ© ne pouvait ĂȘtre donnĂ©e aux ennemis de la libertĂ©. AssurĂ©ment », Ă©crivait-il pour sâexpliquer, la libertĂ© est la plus noble chose du monde. Toutes les libertĂ©s me sont Ă©galement chĂšres, sauf une cependant la libertĂ© de ceux qui me guettent la nuit, au coin de la rue, pour me tordre le cou. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 7 dĂ©cembre 1879 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 288-289. Et il visait lâĂglise catholique dans cette dĂ©nonciation. [La face sombre dâAbout. Ses compromissions] Edmond About est comme tout homme qui pense un auteur chez qui les qualitĂ©s et les dĂ©fauts sâentremĂȘlent. Lecteur averti, observateur perspicace, il paraĂźt parfois soutenir machinalement les bons principes ; câest toutefois une sĂ©curitĂ© de façade, une force de conviction qui cache le dĂ©faut de lâenthousiasme et de la prĂ©cipitation. Ses capacitĂ©s de prĂ©diction, de mĂȘme, Ă©taient mĂ©diocres. Il a passĂ© sa vie Ă prĂ©dire des Ă©vĂ©nements qui se sont dĂ©roulĂ©s selon une sĂ©quence prĂ©cisĂ©ment contraire. La destruction du monopole de la boucherie, de la charcuterie, et quelques autres, sous lâimpulsion de NapolĂ©on III, lui fit croire par exemple que la tendance naturelle du progrĂšs ne connaĂźtrait plus de revirement, et il promettait Ă la gĂ©nĂ©ration qui le lisait quâelle verrait tomber tous les privilĂšges. Le ProgrĂšs, 1864, p. 288 En 1868, il Ă©crivait pareillement que le socialisme a livrĂ© son dernier combat sous nos yeux, en juin 1848. Il est non seulement vaincu, mais dĂ©sarmĂ© par le progrĂšs des lumiĂšres et le redressement des esprits. » A B C du travailleur, 1868, p. 155 Enfin, dans son analyse de la politique europĂ©enne, il appela de ses vĆux pendant des annĂ©es des rapports dâouverture et de confiance avec lâAllemagne cette fois la rĂ©futation par les faits se passerait sous ses yeux, et elle serait amĂšre. Dans le domaine de la thĂ©orie, About a tant Ă©crit que les contradictions ne sauraient nous Ă©tonner ce qui marque davantage, câest la persistance de certaines convictions quâau regard des principes ordinairement dĂ©fendus par les libĂ©raux français, on peut appeler proprement hĂ©tĂ©rodoxes. Ainsi, lorsquâil refuse Ă lâĂglise catholique la libertĂ© de participer au marchĂ© concurrentiel de lâenseignement secondaire, il paraĂźt compromettre ses principes au profit de ses convictions. Il nâen est pas autrement, lorsquâil sâenthousiasme pour le mĂ©canisme de lâassurance sur la vie, et que, regrettant le retard des compagnies privĂ©es Ă cet Ă©gard, il se tourne du cĂŽtĂ© de lâĂtat pour un rĂŽle de facilitateur. Le capital pour tous, 1868, p. 22 On peut classer les compromissions dâEdmond About dans deux grandes catĂ©gories, qui correspondent aussi Ă deux pĂ©riodes distinctes de sa vie. Dans la premiĂšre, jeune Ă©crivain ambitieux, il se lie au pouvoir en place et produit des Ćuvres de circonstance, dans lesquelles il loue servilement la personnalitĂ©, les accomplissements et les projets de lâempereur, comme le ferait non un intellectuel, mais un fidĂšle et un protĂ©gĂ©. Dans la seconde, son patriotisme enflammĂ© par les Ă©vĂšnements le conduit Ă des propositions peu consensuelles. [About le courtisan] About affirme lui-mĂȘme, dans lâun des passages de ses Ćuvres, quâil nâest pas homme Ă se compromettre ou Ă flatter servilement je ne suis pas de ceux qui usent leurs pantalons aux genoux », Ă©crit-il exactement Causeries, vol. II, 1866, p. 148. Ce type de formule ne doit pas nous en imposer, pas plus que la grande et cĂ©lĂšbre profession de foi de Benjamin Constant, sur ses quarante annĂ©es de mĂȘme constance dans la dĂ©fense dâun libĂ©ralisme rigoureux, ne doit convaincre dâemblĂ©e lâhistorien scrupuleux. MĂ©langes de littĂ©rature et de politique, 1829, p. vi Edmond About, qui dâabord publia des articles de journaux critiques envers NapolĂ©on III, en devint plus tard un sympathisant, et Ă©crivit plusieurs ouvrages sous son influence et son patronage, sinon tout Ă fait sous sa dictĂ©e. Câest le cas de La question romaine 1859, de La nouvelle carte de lâEurope1860 ou de La Prusse en 1860 1860. Sa conversion avait Ă©tĂ© facilitĂ©e par son opposition de jeune homme aux exaltations rĂ©volutionnaires, et au fait que sâil pensait que la rĂ©publique Ă©tait un joli gouvernement, il croyait aussi quâon doit prendre le temps comme il vient et tirer le meilleur parti possible du gouvernement que lâon a. » Lettres dâun bon jeune homme Ă sa cousine Madeleine, 2e Ă©dition, 1861, p. iii Pour un temps, ce grand artisan du progrĂšs et des libertĂ©s humaines sâabaissait Ă vanter la grandeur et la force, semblable Ă cette Ă©glise catholique dont il avait mĂ©dit en notant, dans les placards du ProgrĂšs, que qui dit clergĂ©, dit prudence et respect du pouvoir tant quâil est fort ». BibliothĂšque de lâInstitut, Ms. 3984Lui-mĂȘme trouvait alors Ă justifier le pouvoir autoritaire de lâempereur. Il est vrai que lâempereur NapolĂ©on travaille Ă la grande et Ă la prospĂ©ritĂ© de la France avec un pouvoir trĂšs Ă©tendu », Ă©crivait-il. Mais ce pouvoir, câest la nation qui le lui a confiĂ©. Y a-t-il dans toute lâAllemagne un seul prince qui soit le dĂ©putĂ© de la nation, Ă©lu comme NapolĂ©on III par le suffrage universel ? Il est vrai que la majoritĂ© des Français obĂ©it, et mĂȘme avec un certain empressement, Ă lâempereur NapolĂ©on. Mais cette obĂ©issance est Ă©gale pour tous, comme lâobĂ©issance aux lois, comme le paiement des impĂŽts. Câest une obĂ©issance dĂ©mocratique, parce quâelle a Ă©tĂ© votĂ©e dâavance par tout le monde, et parce que nul Français nâa le droit de sây soustraire. » La Prusse en 1860, 1860, p. 18 Cette obĂ©issance dĂ©mocratique », et autres bassesses indignes de lui, valurent Ă About des mĂ©disances et des reproches. LâĂ©chec retentissant de GaĂ«tana 1862, dont il a Ă©tĂ© parlĂ© prĂ©cĂ©demment, nâeut dâailleurs par dâautre cause. Si la jeunesse parisienne a refusĂ© de voir cette piĂšce se jouer paisiblement, racontera un Ă©tudiant, ce nâest pas pour des dĂ©fauts de style ou dâintrigue. Nous nous bornons Ă ne pas aimer votre caractĂšre politique ; et voilĂ pourquoi GaĂ«tana a Ă©tĂ© sifflĂ©e. » Ă Monsieur E. About. Lettre dâun Ă©tudiant, 1862, p. 12 Revenu, peu Ă peu, de cet enthousiasme mal placĂ©, About fit amende honorable, avouant beaucoup de sottises ». Jâen ai fait par paroles, par actions et par Ă©crit. Il y a lĂ , dans la bibliothĂšque, vingt-cinq volumes dont les trois quarts auraient pu se dispenser de naĂźtre. Que dâerreurs, de contradictions, de malices inutiles et de violences dangereuses ! Combien dâengouements dont on est revenu, et de sĂ©vĂ©ritĂ©s sur lesquelles on voudrait pouvoir revenir ! Baste ! ce qui est fait est fait ; tous nos actes se tiennent par un enchaĂźnement nĂ©cessaire. Le plus clair de tout ceci est que jâai rudement travaillĂ© ; que je nâai jamais exprimĂ© une pensĂ©e qui ne me parĂ»t vraie dans le moment ; que mes sottises les moins vĂ©nielles nâont guĂšre nui quâĂ moi-mĂȘme, et que je puis me les pardonner, car elles ne mâempĂȘchent pas dâĂȘtre heureux. Quand je passerais une autre douzaine dâannĂ©es Ă corriger ce que jâai fait, le monde nâen irait pas mieux. Le parti le plus sage est de tourner le dos au passĂ©, de voir le bien qui reste Ă faire, les vĂ©ritĂ©s qui restent Ă dire, et de choisir son lot dans cet Ă©norme travail. » Causeries, vol. II, 1866, p. 338-339. Il nâen continua pas moins de louer certaines actions de NapolĂ©on III, et de sâassocier Ă nombre de ses projets de rĂ©formes ; mais il le fit avec discernement, en symbiose avec les principes de libertĂ© quâil chĂ©rissait et dont il sâĂ©tait fait le populaire dĂ©fenseur. Ainsi, il pouvait lĂ©gitimement fĂ©liciter lâempereur dâavoir Ă©crit ce crĂ©do remarquable, selon lequel il faut Ă©viter cette tendance funeste qui entraĂźne lâĂtat Ă exĂ©cuter lui-mĂȘme ce que les particuliers peuvent faire aussi bien et mieux que lui. » Le ProgrĂšs, 1866, p. 177 De mĂȘme, il pouvait vanter dans lâA B C du travailleur la suppression des passeports, la libertĂ© de la boulangerie, de la boucherie, de lâimprimerie, de la librairie et des entreprises dramatiques ; lâabolition du monopole qui avait accaparĂ© les voitures de Paris ; le droit de coalition qui permet aux ouvriers de lutter Ă armes courtoises, mais Ă©gales, avec leurs patrons ; la libertĂ© du courtage ; la fin du maximum qui rĂ©gissait la vente du pain ; et enfin une rĂ©volution radicale dans le systĂšme douanier. A B C du travailleur, 1868, p. 162 Et quant au pouvoir personnel de lâempereur et Ă son autoritĂ© sans bornes, About la plaçait dĂ©sormais sous la responsabilitĂ© du bon peuple de France, qui fut assez bĂȘte pour signer par deux fois un bail indĂ©fini et sans conditions avec le premier homme qui fĂ»t venu lui offrir un peu de sĂ©curitĂ©. Causeries, vol. II, p. 186-187. [Bellicisme] Venons-en dĂ©sormais Ă la deuxiĂšme Ă©poque des compromissions dâEdmond About. En 1860, celui-ci promouvait une politique dâamitiĂ© avec lâAllemagne ; câest un errement dont il revint. Mais lorsque la menace dâune absorption de lâAllemagne par la Prusse se dessina, son nationalisme et sa ferveur ne connurent plus de bornes, et il sâengagea par la plume pour la dĂ©fense de lâidĂ©e dâune guerre protectrice. Certes, le conflit franco-prussien allait Ă©craser les dissentiments doctrinaux, et les pacifistes eux-mĂȘmes se trouveraient impuissants. Mais sans doute y a-t-il plus dâhonneur Ă sâĂȘtre trouvĂ© aux cĂŽtĂ©s de FrĂ©dĂ©ric Passy ou de Joseph Garnier, Ă©crivant au Roi de Prusse en octobre 1870 pour quâil cesse les hostilitĂ©s et Ă©coute leurs raisons FrĂ©dĂ©ric Passy, Historique du mouvement de la paix, 1904, p. 35, plutĂŽt quâĂ avoir, comme About, pestĂ© contre le parti des doux », qui refusent la guerre ou font dâimmenses efforts pour lâĂ©viter. La guerre est une triste nĂ©cessitĂ©, dâaccord », Ă©crivait-il dans sa ferveur. Il est Ă souhaiter que les nations rĂšglent leurs intĂ©rĂȘts Ă lâamiable ; mais tant quâil y aura des ambitieux et des violents sur les trĂŽnes, il faudra bien opposer le chassepot au fusil Ă aiguille, et prĂȘter main forte au bon droit⊠Le paysan, lâouvrier, le marchand ont cent raisons pour une dâaimer la paix, mais lorsquâils sentent que lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral est en danger, ils ne se dĂ©pensent pas en pleurnicheries humanitaires, ils nâĂ©piloguent pas sur les prĂ©textes, ils ne demandent pas si le gouvernement a besoin de se refaire une popularitĂ© ; ils disent tout simplement va pour la guerre ! Faisons-la bonne, puisquâil nây a pas moyen de lâĂ©viter, et plaise Ă Dieu que celle-ci soit la derniĂšre ! » Le Soir, 17 juillet 1870. Lorrain de naissance, devenu parisien par nĂ©cessitĂ©, About fut surtout un Alsacien dâadoption, et câest dans sa demeure de la Schlittenbach commune de Saverne quâil Ă©crivit la plupart des ouvrages qui forment le fond de cet article. La dĂ©faite de la France entraĂźnait donc Ă sa suite, non seulement un dĂ©menti formel Ă ses Ă©lucubrations diplomatiques du dĂ©but des annĂ©es 1860, mais aussi la fin de sa vie paisible en Alsace. Câest ce qui explique, sans toutefois la justifier, la grande ardeur quâil dĂ©montra durant la douzaine dâannĂ©es qui lui restait Ă vivre, contre tout projet de rapprochement avec lâAllemagne ou dâaccord, dâaccommodement avec ce pays ennemi. CâĂ©tait, de son point de vue, une question dâhonneur national. Quel que soit lâintĂ©rĂȘt qui puisse nous conseiller un jour de rechercher ou dâaccepter lâalliance des Allemands, nous ne le pouvons pas ; lâhistoire nous flĂ©trirait comme une nation de pleutres. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 18 novembre 1884 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 390 [Colonialisme] Ce mĂȘme motif de lâhonneur national fit prendre Ă lâengagement dâAbout un nouveau tour curieux une fois la guerre franco-prussienne terminĂ©e. Dans le ProgrĂšs, il avait dĂ©fendu le droit populaire et lâindĂ©pendance des nationalitĂ©s, soutenant mĂȘme que rĂ©volutionner les gens malgrĂ© eux, câest encore les opprimer. Chaque association dâhommes est maĂźtresse de ses destinĂ©es. Si quelquâun se complaĂźt dans lâobĂ©issance ou dans la dĂ©pendance, personne nâa le droit de lâaffranchir contre son grĂ©. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 461, 435. Sur un autre plan, il avait, ainsi quâil a Ă©tĂ© expliquĂ©, affirmĂ© la solidaritĂ© des peuples de toutes les couleurs et de toutes la nationalitĂ©s, et il se disait opposĂ© Ă lâidĂ©e de lâinĂ©galitĂ© des races LâAssurance, 1865, p. 29 ; Causeries, vol. II, 1866, p. 345. Ă cette Ă©poque, il remarquait quâau centre de lâAfrique ou sur quelques Ăźles de lâOcĂ©anie se trouvaient des peuplades que lâangle facial, le volume du cerveau et les facultĂ©s intellectuelles plaçaient encore, disait-il, au niveau du gorille, ou peu sâen faut, et il les appelait les traĂźnards de lâarmĂ©e » Le ProgrĂšs, 1864, p. 17-18. Mais câest surtout la dĂ©faite de 1870 qui crĂ©a chez lui ce besoin vital du rebond ; et comme une grande partie de sa gĂ©nĂ©ration, câest dans la colonisation quâil trouva lâopportunitĂ© de ce sursaut dâhonneur national. Ses biographes sâaccordent pour dire que dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie, Edmond About a Ă©tĂ© un dĂ©fenseur passionnĂ© de la colonisation, et que ce thĂšme devint alors lâun de ses favoris. Albert ThiĂ©baut, Edmond About, 1936, p. 172 ; Rey, EdmondAbout ou les tribulations dâun petit-fils de Voltaire au XIXe siĂšcle, 2003, p. 301. Il devint mĂȘme prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© française de colonisation, fondĂ©e primitivement Ă Brest en juillet 1883 par M. Froger, professeur Ă lâĂcole navale. Ă cette Ă©poque, ses convictions sâĂ©taient raidies, et les vieilles apprĂ©hensions quâil avait manifestĂ©es dans certains de ses ouvrages, notamment sur la mĂ©diocre et incertaine » compensation que la Cochinchine offrait Ă la perte de Madagascar, oĂč les Français sâĂ©taient ruĂ©s en masse au profit des jĂ©suites qui nous taillent des croupiĂšres Ă Paris », Ă©taient abandonnĂ©es au profit dâune conviction plus sereine Le ProgrĂšs, 1864, p. 322 et 476. La dĂ©chĂ©ance nationale, symbolisĂ©e par la dĂ©faite, avait blessĂ© sont cĆur patriotique ; or il fallait offrir autre chose Ă la France, cette grande et malheureuse nation dĂ©membrĂ©e, ruinĂ©e, humiliĂ©e, relĂ©guĂ©e au second ou au troisiĂšme rang des puissances europĂ©ennes », et Ă son peuple, privĂ© de destin, et jouissant alors du triste avantage de nâĂȘtre rien. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 21 septembre 1877 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 183 ; Idem, Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 30 mai 1876 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 106 Son programme colonial sâĂ©tablissait ainsi dans la certitude, quoique dans les modalitĂ©s About accorda une large place aux circonstances politiques. Ses articles, dans les journaux auxquels il a contribuĂ© ou quâil a dirigĂ© Ă cette Ă©poque, professent la nĂ©cessitĂ© de tirer parti des occasions, afin dâaccomplir un projet conçu comme vital pour le pays. SerrĂ©s, contraints, presque Ă©touffĂ©s dans nos nouvelles et dĂ©plorables frontiĂšres », Ă©crit-il par exemple, les Français de 1883ne peuvent respirer librement que loin dâici. Nosvieilles colonies sont mortes, ou bien malades. Il nous faut Ă tout prix en crĂ©er de nouvelles, sous peine de glisser au rang des peuples dĂ©chus. Le dernier ministre Ferry nous a donnĂ© la Tunisie que nous tenons et que nous garderons, quoi quâil en coĂ»te. LâexpĂ©dition de M. de Brazza nous promet une France africaine au Congo il faut la prendre. Nous avons des droits incontestĂ©s sur lâĂźle de Madagascar il faut les maintenir. Le protectorat du Tonkin sâimpose aux maĂźtres de la Cochinchine il faut nous Ă©tablir au Tonkin. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 9 avril 1883 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 349 About nâen avait pourtant pas perdu sa clairvoyance. Quoiquâil ait pu ĂȘtre lĂ©gitiment tenu pour lâun des responsables, il sâattristait de lâexpansion fĂ©roce et maladroite du territoire colonial français, et il soutenait quâen matiĂšre de colonisation, les gouvernements successifs sâĂ©taient comportĂ©s comme ces enfants Ă qui lâon dit quâils ont eu les yeux plus gros que le ventre. Mieux vaudrait possĂ©der moitiĂ© moins de sujets exotiques, jaunes ou noirs, et quâils fussent plus positivement Ă nous » Ă©crivait-il. Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 18 novembre 1884 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 389 About savait en outre que dans beaucoup de territoires la prĂ©sence française faisait naĂźtre des oppositions dangereuses, et quâen derniĂšre analyse elle absorbait et absorberait encore pendant longtemps des masses de capitaux immenses et un nombre dâhommes considĂ©rable. Mais ces considĂ©rations, qui par le passĂ© nâavaient pas arrĂȘtĂ© Beaumont, Tocqueville et de nombreux autres, ne devait pas non plus renverser sa conviction, fermement ancrĂ©e dans les commandements de lâhonneur national. Aussi, lorsquâil soulignait des errements, des travers ou des fautes, il nâen maintenait pas moins la cause de la colonisation. Câest vrai, le plus clair du profit quâon peut empocher au Tonkin est dans les coups », reconnaĂźt-il ainsi Ă la veille de sa mort. Mais jâaime Ă supposer que la France nâa pas encore abjurĂ© les sentiments chevaleresques qui lâont fait appeler si longtemps la grande nation. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 8 janvier 1885 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 394 Ces paroles furent prononcĂ©es quelques mois avant que ne sâouvre au Parlement, tout juste renouvelĂ©, un grand dĂ©bat sur la colonisation, oĂč sâillustrĂšrent Georges Clemenceau, Jules Ferry, et, parmi les libĂ©raux, FrĂ©dĂ©ric Passy. About, mort le 16 janvier 1885, nâassista pas Ă cette furieuse passe dâarmes. [RĂ©cente popularitĂ© de son livre sur la GrĂšce] Avant dâen finir tout Ă fait avec Edmond About, je dois un mot dâexplication sur le rĂ©cent regain de popularitĂ© de son ouvrage sur la GrĂšce. Au dĂ©but des annĂ©es 2010, tandis que ce pays se dĂ©battait au milieu des difficultĂ©s financiĂšres les plus graves, et que les accusations de malversations fusaient en sa direction, lâattention se porta Ă nouveau sur le livre pĂ©tillant dâAbout, publiĂ© pour la premiĂšre fois en 1854, et qui connut ensuite une dizaine de rééditions. Les journalistes et les Ă©ditorialistes se passĂšrent le mot pour dĂ©lecter leurs lecteurs avec des morceaux choisis de cette Ćuvre venue dâoutre-tombe pour les Ă©difier. Les parallĂšles, en effet, Ă©taient frappants. About Ă©voquait dans ce livre un pays vivant dans un Ă©tat de banqueroute permanent, et qui, incapable de lever proprement ses impĂŽts, accumulait des dĂ©ficits depuis plus de vingt ans. La GrĂšce contemporaine, 1854, p. 308-309. Son administration, incapable ou corrompue, prouvait chaque jour quelque quâelle ne savait pas se faire respecter et semblait douter dâelle-mĂȘme. Idem, p. 66 Celui qui a pour seule ambition de flatter les passions de son lectorat et de vendre du papier Ă moindre effort, peut Ă la rigueur sâen tenir Ă ces phrases. Mais pour nous qui analysons les origines et les manifestations de la pensĂ©e libĂ©rale française, nous demandons autre chose que les grands effets du théùtre. La GrĂšce contemporaine fut le premier ouvrage dâAbout. Il lâĂ©crivit entre 25 et 26 ans, aprĂšs un sĂ©jour en GrĂšce qui le lançait dans le monde, ses annĂ©es dâĂ©tude Ă lâĂcole normale tout juste terminĂ©es. Son esprit railleur, sa pĂ©tulance de jeune homme devaient sây reprĂ©senter pleinement. Ayant rĂ©ussi lâagrĂ©gation, mais ne se sentant aucune vocation pour lâenseignement, surtout sous un rĂ©gime tel que celui inaugurĂ© par le coup dâĂtat de Louis-NapolĂ©on Bonaparte, About avait trouvĂ© une Ă©chappatoire dans lâĂcole dâAthĂšnes. Cependant le jeune homme qui dĂ©barqua sur le quai du PirĂ©e le 3 novembre 1852 nâapprĂ©ciait que mĂ©diocrement les antiquitĂ©s et lâarchĂ©ologie, et dans tous ses dĂ©placements il manifestera son allergie aux vieilles pierres. Lorsque six mois plus tĂŽt, il avait visitĂ© lâExposition universelle de Londres, au milieu de ses examens de lâagrĂ©gation, About avait suivi ses penchants ; en montant sur le navire qui lâemmenait en GrĂšce, il ne faisait que saisir une occasion. Dâune nation Ă lâautre, le contraste Ă©tait saisissant, et câest ce qui marqua dâabord About, Ă©pris du progrĂšs, admirateur des beautĂ©s de la civilisation. En Angleterre, il racontait avoir surtout admirĂ© les machines impressionnantes prĂ©sentĂ©es Ă lâExposition. Paul Bonnefon, Edmond About Ă lâĂcole normale et Ă lâĂcole dâAthĂšnes », Revue des deux-mondes, 1915, p. 196 Un tout autre spectacle se prĂ©sentait Ă lui en GrĂšce, comme il le raconte Ă Arthur Bary, son compagnon de voyage Ă Londres. Jâai bien des fois regrettĂ© que vous ne fussiez pas avec moi », lui Ă©crit-il. AprĂšs le spectacle de lâactivitĂ© anglaise et des beaux rĂ©sultats quâelle a produits, vous auriez vu ici le triste tableau des effets de la paresse. AthĂšnes est un horrible village, en comparaison de la plus petite ville dâAngleterre. Point de pavĂ©, point dâĂ©clairage ; des maisons bĂąties Ă la hĂąte avec de la terre, ou, ce qui est pis, avec des chefs-dâĆuvre en dĂ©bris ; une campagne ou inculte ou mal cultivĂ©e les paysans croient avoir assez fait quand ils ont grattĂ© lâĂ©piderme de la terre, et les AthĂ©niens de la ville se croiraient dĂ©shonorĂ©s de porter un fardeau. Ils vont faire les beaux dans la ville et sâĂ©taler au soleil dans leur brillant costume voilĂ la seule occupation qui leur semble digne dâeux. Il y a plus dâhonorabilitĂ© barbarisme anglais dans un ouvrier de Liverpool, noir de charbon, que dans cinquante de ces gens dâopĂ©ra-comique qui pavent les rues ici. Mais je ne veux pas en dire trop de mal avant dâavoir fait plus ample connaissance je ne suis ici que de ce matin. Et sâil faut se garder de juger un homme Ă premiĂšre vue, Ă plus forte raison quand il sâagit dâun peuple. Cependant, quand vous voyez un homme qui sort en savates, vous avez quelque droit de penser mal de lui ; de mĂȘme pour une nation et ici, la ville et la campagne sont en savates. » Idem, p. 199-200. La suite de son sĂ©jour fut pĂ©nible. Dâabord, il fallait accomplir les devoirs de son Ă©tat, et justifier son voyage par lâĂ©criture de quelque mĂ©moire acadĂ©mique, comme celui quâil donna Ă lâAcadĂ©mie des Inscriptions sur Ăgine au point de vue gĂ©ographique, historique et artistique. Allergique aux vieilles pierres, About Ă©tait lâhomme du monde le plus inapte Ă ces travaux, et il avançait dans cette carriĂšre avec la plus grande rĂ©pulsion, voyant son talent frappĂ© dâinertie et se mouvant avec peine, comme une machine sans ressort. Le travail ingrat et stupide auquel je me livre depuis quelques jours mâa fait pousser des pommes de terre dans mon cerveau », Ă©crit-il Ă sa mĂšre en mai 1853, au milieu de lâun de ces travaux. BibliothĂšque de lâInstitut, Ms. 3983, f° 289, lettre du 15 mai 1853. Les travaux officiels lui Ă©taient dâailleurs dâautant plus dĂ©plaisants, quâil sâĂ©tait attirĂ© assez tĂŽt les rages de ses directeurs, pour avoir fait preuve dâune trop grande autonomie. En aoĂ»t 1852, il raconte ainsi avoir reçu des copies de son article sur le buste de David dâAngers. Jâen ai reçu deux exemplaires », Ă©crit-il Ă sa mĂšre, dont jâai portĂ© lâun Ă M. Daveluy qui mâa lavĂ© proprement la tĂȘte. Il mâa remontrĂ© trĂšs vertement quâun fonctionnaire ne doit rien Ă©crire si ce nâest sous la dictĂ©e de son chef immĂ©diat. » Idem, f°80, 16 aoĂ»t 1852. Tout semblait fait pour le dĂ©goĂ»ter. La fin de son sĂ©jour ne pouvait arriver trop tĂŽt. En juin 1853, il lâentrevoyait, et lâamertume dont son cĆur Ă©tait plein, trouvait alors son exutoire. La GrĂšce physique elle-mĂȘme, avec son soleil brĂ»lant et ses paysages superbes, nâĂ©tait pas en cause. Ce nâest pas que jâaime Ă calomnier le pays oĂč je me suis tant ennuyĂ© », disait About, ce pauvre pays, je ne lui en veux pas, il fait de son mieux pour ĂȘtre beau. » Idem, Ă sa mĂšre, f°266, 7 juin 1853. Mais de Paris ou de Londres, il lui manquait les grandeurs de la civilisation matĂ©rielle et la conversation des esprits avancĂ©s. Il y a des moments oĂč je donnerais tout, soleil, olives, ravins, chevaux, pour une petite place au coin dâune cheminĂ©e, entre trois hommes dâesprit et quatre jolies femmes », disait-il alors. Idem. Ă son retour, About fait la rencontre de Louis Hachette, qui lui suggĂšre dâĂ©crire un livre. Il a dĂ©jĂ des notes abondantes et un premier projet dâĂ©criture non continuĂ©. Les choses se passent vite et lâouvrage paraĂźt en 1854. On trouve, dans la GrĂšce contemporaine, un constant besoin de faire de lâesprit, qui emporte parfois lâauteur au-delĂ du vĂ©ridique et mĂȘme du vraisemblable, et on peut le prendre plusieurs fois la main dans le sac, coupable dâavoir raillĂ© pour le seul plaisir de faire un bon mot. Quand il Ă©voque ce Quimper-Corentin glorieux que nous vĂ©nĂ©rons sous le nom dâAthĂšnes » La GrĂšce contemporaine, 1854, p. 95, ou quand il fustige Corinthe, cette seconde AthĂšnes, qui a produit tant de chefs-dâĆuvre et qui ne produit plus que des raisins » Idem, p. 26, il nous dresse plus que la gĂ©ographie de son ennui en GrĂšce il raille, en homme qui aime Ă railler. De façon similaire, quand il marque quâĂ la tĂȘte de lâĂtat, le roi examine les lois sans les signer, la reine les signe sans les examiner » Idem, p. 350, il a cĂ©dĂ© au plaisir de lancer un bon mot. Par consĂ©quent, sâil est capable parfois dâĂȘtre lucide, et si le contre-pied quâil prend des Ă©loges outrĂ©s de la GrĂšce sâavĂšre postĂ©rieurement une position justifiĂ©e, son livre nâest pas celui dâun adversaire dĂ©terminĂ© de la GrĂšce. Câest bien plutĂŽt un sceptique, dĂ©terminĂ© Ă se gausser de tout et quelquefois par consĂ©quent de rien », qui fait le pendant, presque malgrĂ© lui, entre le philhellĂšnisme finissant et le mishellĂšnisme bientĂŽt vainqueur Sophie Basch, Le mirage grec la GrĂšce moderne devant lâopinion française, 1995, p. 115. Au milieu ces deux tendances, About avançait par ses propres forces et en suivant la pente de ses sentiments. Aux Grecs, il reconnaissait de nombreuses vertus, et notamment, dans le domaine politique, lâamour de la libertĂ©, le sentiment de lâĂ©galitĂ©, et le patriotisme. La GrĂšce contemporaine, 1854, p. 61 Il faisait aussi, avec beaucoup de clairvoyance, de ce pays une terre naturelle dâindividualisme, analysant trĂšs bien comment le dĂ©coupage du pays en fractions par les montagnes et la mer, avait dĂ» donner naissance Ă une multitude dâĂtats indĂ©pendants qui favorisĂšrent le dĂ©veloppement des droits humains. Dans chacun de ces Ătats », Ă©crit-il, le citoyen, au lieu de se laisser absorber par lâĂȘtre collectif ou la citĂ©, dĂ©fendait avec un soin jaloux ses droits personnels et son individualitĂ© propre. Sâil se sentait menacĂ© par la communautĂ©, il trouvait refuge sur la mer, sur la montagne, ou dans un Ătat voisin qui lâadoptait. » Idem, p. 55 On peut aussi saluer la comprĂ©hension assez fine quâil manifesta du problĂšme Ă©conomique grec. About parle dâune terre riche, qui ne manque que de capitaux et de routes pour ĂȘtre proprement mise en valeur. Les capitaux ne manqueraient pas, si les affaires offraient quelque sĂ©curitĂ©, si les prĂȘteurs pouvaient compter ou sur la probitĂ© des emprunteurs, ou sur lâintĂ©gritĂ© de la justice, ou sur la fermetĂ© du pouvoir. Les routes ne manqueraient pas, si les revenus de lâĂtat, quâon gaspille pour entretenir une flotte et une armĂ©e, Ă©taient employĂ©s Ă des travaux dâutilitĂ© publique. » Idem, p. 140 Il appelait ainsi le gouvernement grec Ă faire son devoir », en fournissant les services quâun libĂ©ral honnĂȘte, mais non tout Ă fait radical, comme About, devait lui demander construire les infrastructures, et fournir la justice. BenoĂźt Malbranque ElenaTablada et Javier UngrĂa ont rompu leur relation aprĂšs six ans ensemble, quatre dâentre eux se sont mariĂ©s, en plus dâavoir une fille en communCamila, nĂ©e en avril 2020.AprĂšs des rumeurs incessantes, câest la crĂ©atrice qui sâest chargĂ©e de le confirmer via son compte Instagram, affirmant quâaucune relation nâest un lit de roses et disant quâelle avait Citationsfrançaises tout ce qui ne s'exprime pas s'imprime auteur - Page 7 : Je ne me dis pas tout. Cherchez ici une citation ou un auteur Proverbes; Dictons; Auteurs; ThĂšmes; ThĂšmes RT@CCalmier: On ne dit pas que Macron sâexprime mal, on dit juste quâaprĂšs chaque expression prĂ©sidentielle, on a toute la Macronie qui dĂ©file dans les mĂ©dias pour nous expliquer quâon a rien compris. 25 Aug 2022 09:54:11VousnâĂȘtes pas bien. Du coup, vous allez avoir des blocages, vous allez vous sentir mal. Vous avez besoin de faire vautre cette phrase « tout ce qui ne sâexprime pas sâimprime »et dâoser